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quarta-feira, 23 de fevereiro de 2011

Recherche sur la Médiumnité-2-Gabriel Delanne

 

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La nuit, il rêva qu'il allait à une des maisons où il avait porté un mot et, traversant la route devant cette maison, il marchait dans un tas de boue où son pied rencontrait le papier contenant l'argent; le demi-souverain sortait et roulait, et les cinq shellings restaient sous son pied. Il raconta son rêve à sa femme, et, se rendormant, il fit le même rêve une seconde fois. De bonne heure, le matin, il se rendit à l'endroit, et son rêve se réalisa à la lettre, même la pièce d'or roulant et l'argent restant à sa place.
C'est un homme très intelligent et très véridique.
      Miss Ada, de Pen Villa-Yéovil

Ici, comme dans le cas du prêtre Berthelay, la clairvoyance se complique de prémonition, puisque le rêve montre d'avance ce qui se réalisera le lendemain, c'est-à-dire l'incident de la pièce d'or qui roule seule en dehors du paquet. Répétons encore que si ces évènements étaient annoncés par l'écriture automatique, quatre-vingt-dix pour cent des expérimentateurs seraient très probablement tentés d'y voir l'intervention d'une entité bienfaisante qui veille sur eux et cherche à les protéger. C'est encore ainsi qu'ils interpréteraient l'annonce par l'écriture d'une maladie prochaine, qui se déclare en effet, tandis que, souvent, la cause doit en être cherchée dans un songe oublié par le dormeur en se réveillant, mais qui est resté gravé dans la mémoire latente.

Songes clairvoyants et prémonitoires

Indépendamment des travaux intellectuels effectués pendant la nuit, le sommeil naturel peut être l'occasion de rêves qui renseignent le dormeur sur un état morbide de l'organisme, non encore parvenu à la connaissance de la conscience ordinaire.
Avant qu'une maladie soit déclarée, elle est précédée souvent d'une période d'incubation qui, inconnue pendant la veille, devient quelquefois l'occasion de sensations internes qui prennent la forme du songe. Les docteurs Macario , Charpignon , Padioleau , etc. en citent des exemples. Rapportons quelques-uns de ceux-ci :

« C'est une femme qui voit en songe des objets confus et brouillés, comme à travers un épais brouillard, et qui, à la suite, reste atteinte d'amblyopie.
Une autre, à laquelle Macario donnait des soins, rêve qu'elle adressait la parole à un homme qui ne pouvait pas lui répondre;  à son réveil, elle était aphone.
Teste, ministre de Louis-Philippe, accusé de concussion, rêva à la Conciergerie qu'il avait eu une attaque d'apoplexie; trois jours après son rêve, il mourut de cette affection.
Arnauld de Villeneuve se vit, en songe, mordu à la jambe par un chien;  quelques jours après, il se déclara un ulcère dangereux au même point.
Galien parle d'une malade qui se vit une jambe de pierre en rêvant; les jours suivants, il y eut paralysie.
Le savant Conrad Gessner rêva qu'il était mordu au côté gauche par un serpent;  peu de temps après, il se déclara au même endroit un anthrax qui le fit mourir.
Cornélius Ruffus rêva qu'il avait perdu la vue, à son réveil il était amaurotique.
Macario raconte, de lui-même, qu’il rêva avoir un violent mal de gorge. Quoique bien portant à son réveil, il n’en fut pas moins, quelques heures plus tard, atteint d’amygdalite. »

Quelques auteurs ont prétendu que ces désordres étaient consécutifs à des phénomènes d’auto-suggestion; mais que cette théorie soit exacte ou non, il nous suffit de constater que des rêves précurseurs annoncent parfois une maladie, pour assurer que si l’écriture nous avertit d’un de ces songes oubliés, le besoin d’une intervention spirituelle ne doit pas être indispensable pour l’explication.
Des préoccupations causées par un très vif sentiment du devoir à remplir peuvent aussi amener la clairvoyance, comme en témoignent les deux récits que nous reproduisons :

« Le révérend A.J. Macdonald, qui met beaucoup de soin dans le choix des preuves, a obtenu pour nous le récit suivant, avec les vrais noms que nous devons supprimer ici. « Ce qui suit, dit-il, je l’ai écrit hier, sous la dictée du sous-secrétaire d’une Compagnie d’assurances contre l’incendie. »

1er avril 1884
L'année dernière, je rêvai qu'un certain moulin à coton, assuré à notre Compagnie, était brûlé. C'était un moulin que je n'avais jamais vu, et je ne connaissais pas un seul des membres de cette Société; depuis des années je n'avais rien vu ni entendu qui se rapportât à cette assurance. En arrivant au bureau le matin suivant, je cherchai le rapport de l'inspecteur et le trouvai un peu maigre; j'en regardai aussi un autre qui avait été fait déjà depuis quelques années. En conséquence, je donnai des ordres pour que la place fût à nouveau inspectée, et lorsque cela fut fait, on trouva que le moulin était en mauvais état. Ne pouvant dans le courant de l'année nous alléger d'aucune partie de la somme pour laquelle le moulin était  assuré, nous fimes une contre-assurance pour une partie de cet argent avec une autre compagnie. Quelques mois plus tard le moulin fut en partie détruit et, grâce à la précaution que me fit prendre mon rêve, notre compagnie sauva un millier de livres. »

Le cas suivant vient du colonel Reynolds, à Cheltenham, que M. Myers qui le connaît personnellement, déclare être un excellent témoin :

« Vers l'année 1870, j'étais chargé d'une étude de chaussée, ainsi que des ponts grands et petits que ce travail entraînait. Quelquefois il y avait des inondations qui compromettaient la solidité des ponts.  J'étais donc toujours sur le qui-vive pour prévenir de sérieux dommages qui auraient entravé le trafic; et en même temps, j'étais si bien habitué à cet état de choses, qui faisait partie de ma vie journalière depuis si longtemps, qu'aucune anxiété ne pesait plus sur mon esprit. Je considérais mes devoirs comme un simple exercice de routine. J’étais donc dans un parfait état de santé.
Une nuit, je rêvai de la façon la plus claire que je voyais un tableau représentant un certain pont. Tout le paysage environnant était si complet, si exact qu'il ne laissait aucun doute sur le pont dont il s'agissait. Au même moment, une voix me disait: « va, et regarde ce pont. » Ce fut dit distinctement trois fois. Le matin suivant, le rêve persistant encore dans mon esprit et m'impressionait tellement que je montai à cheval et que je franchis au galop les six milles environ qui me séparaient du pont. Rien ne s'y voyait extraordinaire. Le petit torrent descendait cependant avec une crue bien marquée. Entrant dans l'eau, je découvris, à mon grand étonnement, que les fondations du pont avaient été entièrement minées et emportées par le courant. C'était un miracle qu'il fût encore debout. Il va sans dire que le travail nécessaire fut fait pour conserver le pont. Il est hors de doute que, sans ce rêve, le pont serait tombé, car il n'y avait aucune raison pour attirer spécialement mon attention sur lui, Quoique petit, le pont était important à cause de sa situation. Le tableau que je rêvai était si vrai, si vivant que, même aujourd'hui, il est fixé dans mon esprit presque aussi clairement qu'il l'était alors. Je suis fermement convaincu qu'un avertissement spécial me fut donné par une intelligence plus haute. Dans aucun autre moment jamais je n'en ai eu rien de semblable. »

Ce dernier cas est juste à la limite de ceux où l'on est obligé de reconnaître une intelligence extérieure. Il sert de transition entre la clairvoyance naturelle et celle qui est provoquée par une intervention étrangère, soit humaine, comme cela arrive parfois télépathiquement soit supra-terrestre.
L'extériorisation, sous forme d'écriture automatique, de la vision clairvoyante du rêve, peut n'avoir pas toujours la netteté, la précision de la double vue elle-même. Il serait curieux d'étudier comment se produisent certaines déformations de l'image interne quand elle se traduit objectivement. Actuellement il nous faut examiner des exemples de clairvoyance provoquée pendant le sommeil magnétique, puisque nous savons que fort souvent l'automatiste présente de l'auto-hypnotisation, et en même temps nous constaterons, expérimentalement, l'existence de cette faculté supra-normale, que nous avons vue s'exercer naturellement dans les cas précédemment rapportés.

La Clairvoyance pendant le sommeil somnambulique

Avant que les faits de lucidité aient été étudiés comme de nos jours, peu de questions avaient soulevé autant de poléminiques que ce que l'on appelait la double vue. Les sceptiques se refusaient à croire qu'un tel phénomène fût possible et l'échec du Dr Berna devant l'Académie, semblait avoir enterré la question. Nous savons maintenant que ces expériences délicates ne réussissent pas à date fixe et qu'il faut une longue pratique pour en constater quelques-unes; nous croyons bon, par conséquent, de ne pas rejeter les résultats constatés par les anciens magnétiseurs, dont nous avons déjà signalé un certain nombre : dans un précédent volume, et d'en signaler quelques autres plus modernes.
Le sage et prudent Deleuze  raconte qu'une jeune malade qu'il soignait lut couramment sept ou huit lignes d'un livre, bien que ses yeux fussent fermés. Le Dr Rostand  entendit un sujet endormi indiquer exactement l'heure d'une montre placée derrière sa tête, quand les aiguilles en avaient été tournées sans que personne sût la place qu'elles occupaient.
Le Dr Despine (le père)  rapporte que sa malade lut une page entière d'un roman à la mode, sans le toucher, alors qu'un écran de carton épais lui en cachait la vue. Le Dr Husson , dans son rapport lu à l'Académie de médecine en 1831, dit que M. Petit, le somnambule, avait les paupières exactement fermées et que cependant il lut diverses phrases ou mots dans des imprimés apportés par des membres de la commission. Il annonça même qu'une lettre qu'on lui présentait était écrite en anglais. Chardel  affirme que sa voyante endormie vit les actions compliquées qu'il faisait pour déboucher un robinet, bien qu'elle fût séparée de lui par un salon et deux murs. Le Dr Bertrand, en rendant compte du livre de Petetin  écrit :

« Si Petetin n'a pas menti, il faut franchement reconnaître que les malades dont il a consigné l'histoire, avaient la faculté d'acquérir, sans le secours des yeux, la connaissance de la forme et de la couleur des corps, et, si les faits qu'il atteste ne sont pas vrais, non seulement il faut qu'il ait menti, lui en particulier, mais on est obligé de faire la même supposition relativement aux parents de ses malades, à leurs amis, et aux médecins, d'abord incrédules et qui ont fini par être convaincus. Or, je ne crains pas de le dire, le concours d'un aussi grand nombre de témoins choisis parmi des personnes graves, éclairées et qui n'avaient aucun intérêt à tromper: ce concours, dis-je, pour attester des faits qui ne seraient que d'insipides mensonges, offrirait le plus singulier phénomène moral: car l'ouvrage de Petetin renferme l'histoire de sept somnambules qui toutes ont présenté les mêmes phénomènes, et par conséquent il aurait fallu que ce merveilleux concours, pour une imposture inutile et pleine d'effronterie, se fût sept fois renouvelé, et cela est impossible à supposer. »

Le Dr Charpignon  raconte également un cas de vision à distance qui montre que l'âme se déplace pour aller voir ce qui se passe au loin. C'est une jeune fille endormie dont l'esprit se transportant de Blois à Orléans, signale sur la route la présence d'une personne connue du Docteur Charpignon. Après enquête, on reconnut que cette personne se trouvait ce jour-là, à l'heure indiquée, précisément à l'endroit désigné par la voyante. Voici d'autres exemples plus récents, mais qui ne diffèrent pas beaucoup des précédents.

Le cas de Sébastopol

M. le professeur Ch. Richet, a publié dans les Annales psychiques le cas suivant, qui lui a éte raconté par un de ses amis, ancien magistrat dans la sincérité duquel il a toute confiance :

« En 1885, pendant la guerre de Crimée, j'avais vingt ans; j'étais lié avec deux jeunes gens: MM. G... et P... X..., dont le frère aîné A..., lieutenant du génie, servait devant Sébastopol; G..., mon contemporain, terminait en même temps que moi ses études de droit. P… plus jeune, se préparait aux examens de l'école Polytechnique; en même temps il suivait avec une grande assiduité les séances de magnétisme du baron Du Potet, se faisait magnétiser, magnétisait lui-même une vieille bonne qui avait élevé lui et ses frères.
Un soir, nous fumions après diner, dans le petit appartement de garçon que G..., occupait au-dessus de son père. P..., disparut pendant quelques instants, puis rentra tout pâle et en proie à une grande émotion. Il venait de magnétiser sa vieille bonne, et celle-ci lui avait dit, dans son sommeil, qu'elle voyait A..., l'officier du génie, blessé grièvement: son bras était pendant, sa tunique, ouverte par devant, laissait voir sa chemise ensanglantée.
Quelques jours après, le père de mes amis recevait la nouvelle qu'à la date où la vieille bonne avait eu sa triste vision, un dimanche soir, si je ne me trompe, son fils étant de service dans les tranchées, avait dû repousser une sortie des Russes qui avaient culbuté nos ouvrages d'attaque; en excitant ses sapeurs à les rétablir, A... avait eu un bras emporté par la mitraille qui avait, en même temps, effleuré l'épiderme de son ventre et brûlé sa chemise. »

Lucidité d'une somnambule vérifiée par le  téléphone

Un de nos amis, M. Marius Decrespe, décrit le contrôle, exercé au moment même où se produisait la vision, de la réalité des phénomènes racontés par le sujet endormi. Nous allons reproduire sa narration en l'abrégeant .

« M. Decrespe se trouvait en 1893, au commencement de l'hiver, dans le bureau d'un industriel M. A..., habitant à Paris, quai de la Tournelle. Deux jeunes gens, accompagnés d'une femme, vinrent le voir pour lui faire constater le phénomène de la vue à distance.
Après s'être débarrassée de son manteau, elle s'assit et demanda un verre d'eau qu'eIle but d'un trait; puis, fixant la lampe à gaz qui brûlait devant elle, sur ta table, elle s'endormit en quelques instants. Elle demanda alors, et sa parole était assez embarrassée pour commencer, qu'on lui mit entre les mains un objet ayant appartenu à la personne qu'on désirait suivre. M. A..., lui donna une lettre écrite par un M. L...; la somnambule la palpa avec attention, la flaira à plusieurs reprises et dit: « Oui; c'est un monsieur qui vient ici; il a un bureau dans le quartier, mais il n'y demeure pas. Je ne sais pas où il habite... Il n'est pas très grand; il se tient très bien, très soigné et, quand on ne le regarde pas, il s'arrange la barbe avec un petit peigne qu'il a toujours dans sa poche... Et puis, il se teint les cheveux et la barbe... Il parait à peu près quarante ans, mais il en a cinquante au moins ».
La première partie de cette vision correspondait à ce que nous savions tous de M. L...; mais la révélation de ces détails de coquetterie nous semblèrent si peu conformes au caractère grave du personnage, que nous ne pûmes retenir des gestes énergiques de dénégation, auxquels M. A..., qui, bien mieux que nous, connaissait M. L..., répondit en nous faisant signe que la somnambule avait raison. Il lui demanda ensuite ce que M. L... avait fait dans la journée; elle le suivit dans ses courses chez les entrepreneurs, dans les ministères, etc., et il fut possible, le lendemain, de contrôler une partie de ces assertions qui furent reconnues exactes, malgré le mutisme de M. L.., qui se montra très froissé de « cette sotte plaisanterie ».
Après quelques minutes de repos, pendant lesquelles la somnambule dormait toujours, M. A… lui présenta une lettre d’un de ses correspondants, M. Mousson, dont la somnambule fit très exactement le portrait.
—    Où demeure ce monsieur? dit M. A...
–  C'est bien difficile... Je vois bien que c'est à Paris, dans un endroit où il y a beaucoup de monde et beaucoup de voitures... mais il faudrait m'aider un peu.
—    Cherchez donc dans le quartier de la Bourse.
—    Ah! j'y suis! C'est place de la Bourse, à tel numéro, à tel étage.
C'était vrai.
–  Que fait  ce Monsieur en ce moment ?
—    Il écrit une lettre... Je crois bien que c'est de l'anglais, puisque c'est pour Londres.
—    Que dit-il dans cette lettre? Lisez.
—    Il explique qu'il y a eu un retard pour une commission qu'on lui avait donnée, mais ce n'est pas sa faute et il enverra après-demain la réponse qu'on lui demande. La-dessus, M. A... sortit de son cabinet, passa dans une pièce voisine où se trouvait son téléphone et demanda communication avec M. Mousson;  il était impossible d'entendre d'une pièce ce que l'on disait dans l'autre.
Pendant ce temps, la somnambule continuait :
« Maintenant il relit sa lettre; il se lève et va prendre un livre qu'il mouille (le copie de lettres) en parlant à un petit garçon qui vient de rentrer... Ah! Il s'arrête !... Tiens? Il cause dans une petite boite qui est sur la table (le microphone)... Oh! Mais qu'a-t-il donc ?
Il a l'air tout étonné, le pauvre homme! On dirait qu'il vient de lui arriver malheur...
(A ce moment M. A... téléphonait à M. Mousson: « vous venez d'écrire à Londres une lettre en anglais pour vous excuser d'un retard involontaire. Est-ce vrai ?
—     Oui, mais comment le savez-vous ?
—     C'est une expérience de somnambulisme; je vous expliquerai. Maintenant faites-moi l'amitié d'accomplir exactement ce que je vais vous dire...)
« Ah! reprit la visionnaire, à présent, il a l'air un peu plus rassuré... Il écoute dans une petite chose ronde qu'il tient à son oreille (le récepteur)... Mais qu'est-ce qu'il fait donc là? En voilà une drôle de machine !... Maintenant il a fini de causer; il accroche son petit chose rond à la boite... Mais il a encore l'air tout chose. »
(A ce moment, M. A... rentrait dans son cabinet).
« Il prend son chapeau;  il va pour sortir;  il revient et prend des papiers sur sa table; il sort en fermant la porte à clef; il descend l'escalier; il s'arrête au palier; il a l'air préoccupé; il continue à descendre; il est dehors; il s'arrête encore en regardant ses papiers... On dirait qu'il ne sait pas quoi faire... Il tourne à gauche; non, il revient à droite; il prend la rue qui est à droite (la rue Vivienne); il va jusqu'au bord du trottoir (au coin de la rue Feydeau); il s'arrête encore; il regarde tout autour de lui; il revient; il monte et rentre chez lui. »
Tout ce que venait de dire la somnambule était la description exacte des actions accomplies par M. Mousson d'après les indications assez compliquées, on le voit, que M. A. venait de lui transmettre par téléphone.
A partir de ce moment, la séance fut à peu près nulle ou, tout au moins, sans intérêt, la somnambule étant fatiguée et les assistants l'accablant de questions sans méthode, ni patience. »

Une attestation de M. Côte, ingénieur, un des assistants, confirme que les faits ont été exactement rapportés par M. Decrespe.
La première partie de cette expérience est irréprochable; mais les gens pointilleux pourraient objecter polir la seconde qu'une transmission de pensée a pu se produire entre la somnambule et M. A., bien que cela soit très improbable, puisque le sujet n'a fait que continuer de voir le même individu. Voici un cas semblable dans lequel n'intervient aucune suggestion, consciente ou non. Nous l'empruntons aux Annales des Sciences psychiques qui en ont publié un grand nombre .

Les recherches du Docteur Backman

Le Dr Alfred Backman, de Kalmar, a étudié très sérieusement le phénomène de la clairvoyance, et MM. Myers et Ch. Richet qui le connaissent affirment sa parfaite probité scientifique. En réponse à une lettre demandant à M. Suhr, photographe à Ystad, en Suède, s'il pouvait se rappeler quelque chose d'une expérience hypnotique faite par M. Hansen, il y a plusieurs années, en présence des frères Suhr, le Dr Backman reçut le récit suivant :

« C'est en 1867 que nous, les frères soussignés, nous sommes établis à Odensa (au Danemark), où nous voyons très souvent notre ami commun, M. Karl Hansen, l'hypnotiseur, qui habitait près de nous. Nous rencontrions journellement un homme de loi, M. Balle, maintenant avocat à Copenhague, sur lequel Hansen avait une grande influence hypnotique, et qui désira, un soir, être endormi d'un sommeil assez profond pour être clairvoyant.
Notre mère habitait à cette époque Roeskilde en Seeland. Nous demandâmes à Hansen d'envoyer Balle la visiter. Il était tard dans la soirée, et après avoir un peu hésité, M. Balle fit le voyage en quelques minutes. Il trouva notre mère souffrante et au lit; mais elle n'avait qu'un léger rhume qui devait passer au bout de peu de temps. Nous ne croyions pas que ce récit fût vrai, et comme contrôle, Hansen demanda à Balle de lire au coin de la maison le nom de la rue. Balle disait qu'il faisait trop sombre pour pouvoir lire; mais Hansen insista, et il lut: «  Skomagerstraede. » Nous pensions qu'il se trompait complètement, car nous savions que notre mère habitait dans une autre rue. Au bout de quelques jours, elle nous écrivit une lettre dans laquelle elle nous disait qu'elle avait été souffrante et s'était transportée dans Skomagerstraede.
Ont signé: ANTON TILHEM SUHR, photographe.
VALDEMAR BLOCK SUHR, artiste dramatique et peintre.

M. Carle Hansen confirme également l'absolue véracité des faits.
Voici le récit d'une expérience du Dr Backman qui démontre la lucidité d'une jeune fille d'une manière irrécusable  :

« La première fois que j'essayai une expérience pour constater la réalité de la clairvoyance, ce fut avec une petite fille de 14 ans, Anna Samuelsson, fille d'un ouvrier. Je l'avais traitée pour une grave maladie organique du cœur et j'avais obtenu un très heureux résultat, qui dure encore depuis deux ans et demi...
Une fois, elle et d'autres malades ayant été hypnotisés au camp du régiment de Kalmar, à environ 3 milles de la ville de Kalmar, où j'habite, je lui demandai d'aller à Kalmar. A ma question: « Y êtes-vous? », elle répondit: « oui », et peu à peu elle décrivit une grande ville où il y avait deux grands bâtiments dont l'un avait plusieurs clochers (tours), l'église et le château. La maison que j'habitais était une maison jaune à deux étages, et j'habitais le premier étage. Elle entra alors dans l'appartement, traversa l'antichambre et une chambre et arriva à une autre pièce où elle admira « tant de belles peintures, surtout une qui était si grande. » Elle entra ensuite dans une troisième chambre et fut bien étonnée en voyant les choses qui étaient pendues au mur: elles devaient être en bois. (Il y avait sur les murs une grande quantité d'assiettes de porcelaine ancienne). Dans cette chambre elle vit une dame que je reconnus, par sa description, pour ma femme, et un petit garçon; mais il y avait quelque chose de singulier pour ce dernier, elle le voyait double (un couple de jumeaux, de garçons se ressemblant extrêmement).
Jusque-là je n'étais pas surpris, parce que, pour donner ces renseignements, elle n'avait qu'à se servir de sa faculté de lire les pensées, mais ensuite mes pensées et ses constatations commencèrent à différer. Il y avait chez moi une vieille dame, et, m'attendant à ce que le sujet la verrait aussi, je lui demandai si elle pourrait voir une autre dame; à quoi elle me répondit qu'elle en voyait bien une autre, une jeune fille, et elle me la décrivit si exactement, que je reconnus miss H. W... Après quoi elle me dit que ma femme s'était habillée, était sortie, était entrée dans une boutique et avait acheté quelque chose. L'expérience s'arrête là.
J'écrivis aussitôt à ma femme et je lui demandai si miss H. W... avait été chez nous ce jour-là (en juin 1883) et si, après sa visite, ma femme était allée dans une boutique acheter quelque chose. Quelques officiers du régiment qui connaissait le cas, attendaient anxieusement, comme moi, la réponse qui arriva par retour du courrier, et je la leur communiquai. Ma femme y exprimait sa grande surprise (je n'avais pas ait le moyen par lequel j'avais appris Ies faits) et elle me disait qu'il était parfaitement vrai qu'elle avait vu miss H. W... ce jour-là et a cette heure, et qu'elle était allée ensuite dans une boutique de la même rue, pour acheter quelque chose; seulement miss H. W... n'était pas allée chez nous, mais à Repsby, à 20 kilomètres de Kalmar, et avait parlé à ma femme par le téléphone. »

Dans cet exemple, il semble que la clairvoyance du sujet dirigée d'abord par le Docteur, a été ensuite orientée vers Miss W, par la pensée de sa femme, puisque, la description de cette personne a été faite de manière à la faire reconnaître par M. Backman malgré qu'elle ne fût pas à ce moment dans son appartement, mais seulement en rapport avec Mme Backman par téléphone. Même dans ce cas, il faut encore à la voyante une correspondance, un lien sympathique pour que sa faculté s'exerce vis-à-vis d'une étrangère.

Une expérience de Karl du Prel

M. de Rochas, dans un article publié par la Revue des Annales Psychiques , emprunte au livre intitulé: Psychologie expérimentale du savant allemand Karl du Prel, le récit de l'expérience suivante, qui est intéressante à plus d'un titre :

« Je priai M. Natzing, à Munich, notre hypnotiseur dans les expériences faites avec Mlle Una , de tenter cet essai: donner à Mlle Lina, pendant l'hypnose, l'ordre posthypnotique de rêver la nuit suivante d'une personne déterminée, de se mettre en rapport avec elle, de ne pas oublier le rêve, et de le raconter le lendemain.
« Cet ordre posthypnotique impliquait donc une fonction transcendante psychologique du domaine de l'imagination, dont l'accomplissement était remis au temps normal du sommeil. J'avais quelque raison de croire à la réussite de l'expérience, parce qu'on peut produire des hallucinations à l'état même de veille par des ordres posthypnotiques. Le rêve n'étant foncièrement pas autre chose qu'une suite d'hallucinations, il est évident qu'une hallucination posthypnotique peut être reportée aussi au temps du sommeil normal, et se produire même plus facilement en cet état. »
« Mais, comme la confiance personnelle ne doit jouer aucun rôle dans des expériences scientifiques, et que le développement seul de l'expérience doit imposer la conviction, je laissai le choix de la personne dont il serait rêvé aux expérimentateurs, car des sceptiques malveillants auraient objecté que j'avais concerté la chose avec Lina. »
« Ceux donc qui firent cet essai donnèrent à Lina l'ordre de rêver la nuit suivante de M. F. L Lina ne l'avait jamais vu, ne savait rien de l'endroit où il demeurait; cet ordre posthypnotique impliquait donc une hallucination nécessitant pour la produire une faculté transcendante, la clairvoyance. »
« Cette expérience réussit pleinement. Lina était invitée pour l'après-midi suivant chez un des expérimentateurs; elle vint, et raconta comme une chose étonnante et inexplicable qu'elle avait rêvée toute la nuit de M. F. L. Elle décrivit exactement sa personnalité, donna divers détails sur sa manière de parler, son costume, etc. Elle l'avait vu se reposer dans un fauteuil devant une villa; elle parla de la vue qu'on avait du toit de la maison sur un lac, du voisinage d'un bois, de la présence d'un chien de Saint-Bernard, noir, etc. Tout cela pouvait, il est vrai, avoir été dans l'imagination des expérimentateurs; et, si l'on y tient absolument, j'admets que l'hypothèse de la transmission de pensée etait possible. Mais Lina dit aussi – ce qu'aucun des assistants ne savait – qu'il y avait de jeunes chiens dans la villa, ce que l'on constata plus tard. Elle raconta encore que M. F. L. avait soigné une dame qu'elle dépeignit; cette description ne se rapportait point du tout à la femme de M. F. L., mais bien à une amie de la famille, que l'on reconnut au portrait qu'elle en fit. »
« Le rêve de Lina ne correspondait évidemment pas à la situation du moment de M. F. L., car il ne restait pas dehors pendant la nuit et les habitants de la villa dormaient; il a fallu, pour la production de ce rêve, qu'une vue à distance ait lieu, soit dans le passé, soit dans l'avenir. Cette vue à distance de Lina a été d'ailleurs constatée plusieurs fois, et il existe quelques notes rédigées et signées, ante eventum naturellement. »

Nous retrouvons encore ici la clairvoyance s'exerçant non seulement pour des actes présents, mais aussi dans le passé, et non plus celui du sujet, mais celui de la personne qui est l'objet de la lucidité. Les faits de cette nature sont très nombreux, et nous regrettons que l'abondance des matières que nous avons à traiter ne nous permette pas de faire des citations plus multipliées. Mais déjà nous pouvons tirer quelques déductions des exemples cités, et elles sont d'une importance capitale pour la démonstration de l'existence de l'âme.

Démonstration de l'existence de l'âme par la clairvoyance

Il faut être affecté d'une cécité intellectuelle bien prononcée, pour ne pas se rendre compte que les phénomènes si variés de clairvoyance démontrent, avec évidence, l'existence en nous d'un principe spirituel différent de la matière. Examinons impartialement les faits, et nous constaterons que les hypothèses matérialistes ne peuvent plus se soutenir à la lumière de ces connaissances nouvelles.
La théorie matérialiste enseigne que l'âme n'a pas d'existence réelle; que ce que l'on désigne par ce mot n'est que la résultante des fonctions cérébrales, et que son existence et son fonctionnement sont étroitement liés à l'intégrité du système nerveux central, lequel n'entre en relation avec le monde extérieur que par les sens. Si un choc traumatique survient à l'oeil par exemple, la vision s'en trouve diminuée, et même anéantie, si la lésion atteint un organe essentiel de cet appareil compliqué. Nous connaissons suffisamment aujourd'hui les conditions physiologiques qui régissent cette fonction. Lorsque les paupières sont closes, les rayons lumineux ne pénètrent plus distinctement jusqu'à la rétine, celle-ci ne transmet au cerveau qu'une sensation vague de luminosité pendant le jour, et la nuit, c'est l'obscurité complète qui se fait pour l'individu qui ferme les yeux. Le sommeil supprime la perception visuelle des objets environnants; il est donc certain que dans cet état, le cerveau ne reçoit plus l'excitation nécessaire pour produire le phénomène de la vision. Cependant les faits que nous avons cités, et d'autres infiniment plus nombreux, démontrent que le dormeur voit et décrit avec exactitude des évènements qui se passent au loin et que, même étant éveillé, il ne verrait pas normalement, à cause des obstacles matériels qui s'opposeraient à sa vision. Il faut donc conclure nécessairement de ces observations que la faculté de voir n'est pas attachée indissolublement au mécanisme physiologique de l'oeil, et que le principe pensant, c'est-à-dire l'être intérieur qui sent et qui perçoit, est capable parfois d'acquérir des connaissances par des voies extra-sensorielles; autrement dit, qu'il est, en ce moment, indépendant des organes par lesquels il entre, d'habitude, en rapport avec le monde extérieur.
Cette démonstration si probante de l'existence de l'âme a été indiquée par Allan Kardec en 1857, comme en témoignent les lignes suivantes  :

« Par les phénomènes du somnambulisme soit naturel, soit magnétique, la providence nous donne la preuve irrécusable de l'existence et de l'indépendance de l'âme, et nous fait assister au spectacle sublime de son émancipation; par là  elle nous ouvre le livre de notre destinée.
Lorsque le somnambule décrit ce qui se passe à distance, il est évident qu'il le voit, et cela non par les yeux du corps; il s'y voit lui-même et s'y sent transporté; il y a donc là-bas quelque chose de lui, et ce quelque chose n'étant pas son corps, ne peut être que son âme ou son esprit. Tandis que l'homme s'égare dans les subtibilités d'une métaphysique abstraite et inintelligible pour courir à la recherche des causes de notre existence morale, Dieu met journellement sous ses yeux et sous sa main les moyens les plus simples et les plus patents pour l'étude de la psychologie expérimentale. »

Ici, il est possible de se demander si nous sommes autorisés par les faits, à croire que l'âme sort de son corps pour se rendre à l'endroit où elle voit l'évènement, car on pourrait imaginer plus simplement que c'est seulement sa faculté visuelle qui a été douée d'une acuité considérable, d'une hyperesthésie anormale. Nous avons étudié ailleurs cette question  et montré que le dégagement de l’âme a lieu très fréquemment pendant le sommeil; nous ne citerons ici qu'un nouveau fait qui confirme une fois de plus l'extériorisation de l'esprit pendant que se produit la clairvoyance .

Le cas Wilmot

« Le 3 octobre 1863, dit M. Wilmot, je quittai Liverpool pour me rendre à New-York sur le steamer City ol Limerik de la ligne Imman, capitaine Jones. Le soir du second jour, peu après avoir quitté Kinsale Heade, une grande tempête commença qui dura neuf jours. Pendant tout ce temps nous ne vîmes ni le soleil ni les étoiles, ni aucun vaisseau; les garde-corps furent emportés sous l'effort de la tempête, une des ancres fut arrachée de ses amarres et fit beaucoup de dégats avant qu'on pût la rattacher. Plusieurs voiles fortes, bien qu'étroitement carguées, furent emportées et les boute-hors brisés.
Pendant la nuit qui suivit le huitième jour de la tempête, il y eut un peu d'apaisement, et pour la première fois depuis que j'avais quitté le port, je pus jouir d'un sommeil  bienfaisant. Vers le matin je rêvai que je revoyais ma femme que j'avais laissée aux Etats-Unis. Elle venait à la porte de ma chambre dans son costume de nuit. Sur le seuil, elle sembla découvrir que je n'étais pas seul dans ma chambre, hésita un peu, puis s'avança à côté de moi, s'arrêta et m'embrassa, et après m'avoir doucement caressé pendant quelques instants, elle se retira tranquillement,
Me réveillant, je fus surpris de voir mon compagnon dont la couchette était au dessus de moi, mais pas directement – parce que notre chambre était à l'arrière du bâtiment – s'appuyant sur son coude et me regardant fixement. « Vous êtes un heureux gaillard, me dit-il enfin, d'avoir une dame qui vient vous voir comme ça. » Je le pressai de m'expliquer ce qu'il voulait dire, il refusa d'abord, mais me raconta enfin ce qu'il avait vu étant tout à fait éveillé et accoudé sur sa couchette. Cela correspondait absolument avec mon rêve.
Le nom de ce monsieur était William J. Tait, et il avait été mon compagnon de chambre au mois de juillet précédent sur le steamer Olympu; il était né en Angleterre et fils d'un clergyman de l'église établie. II avait vécu plusieurs années à Cleveland dans l'Ohio, où il avait une place comme libraire de I'association des libraires. Il avait alors environ 50 ans. Il n'avait pas un caractère à plaisanter habituellement, c'était au contraire un homme posé et très religieux et dont le témoignage peut être cru sans hésiter.
L'incident me sembla si étrange que je le questionnais, et en trois occasions différentes, la dernière fois  un peu avant d'arriver au port, M. Tait me repéta le même récit. En arrivant à New-York, nous nous séparâmes, et je ne l'ai jamais revu; mais j'ai appris qu'il est mort, il y a quelques années, à Cleveland.
Le lendemain du débarquement, je pris le train pour Water-Town, Conn, où mes enfants et ma femme avaient été quelque temps chez ses parents. Lorsque nous fûmes, seuls, sa première question fut :
« Avez-vous reçu ma visite il y a une semaine, mardi? – Une visite de vous, dis-je, nous étions à plus de 1000 milles sur la mer. – Je le sais, répliqua-t-elle, mais il m'a semblé vous avoir visité. – C'est impossible, dites-moi ce qui vous a fait croire cela. »
Ma femme me dit alors qu'en voyant la tempête et apprenant la perte de l'Africa qui partait pour Boston le jour où nous quittions Liverpool pour New-York, et qui avait échoué au cap Race, elle avait été extrêmement inquiète sur mon sort. La nuit précédente, la même nuit où comme je l'ai dit, la tempête avait commencé à diminuer, elle était restée éveillée longtemps en pensant à moi, et environ vers quatre heures du matin, il lui sembla qu'elle venait me trouver. Traversant la vaste mer en fureur, elle rencontra enfin un navire bas et noir, monta à bord et descendant sous le pont, traversant les cabines jusqu'à l'arrière arriva à ma chambre.   « Dites-moi, ajouta-t-elle, a-t-on toujours des chambres comme celle que j'ai vue, où la couchette supérieure est plus en arrière que celle d'en dessous? Il y avait un homme dans celle du dessus qui me regardait directement et pendant un instant j'eus peur d’entrer, mais enfin, je m'avançai à côté de vous, me penchai, vous embrassai, et vous serrai dans mes bras, et je m'en allai. »
La description donnée par ma femme du bateau était correcte dans tous ses détails bien qu'elle ne l’eût jamais vu. Je trouve dans le journal de ma soeur que nous partimes le 4 octobre, nous arrivâmes à New-York le 22, et à la maison le 23.
S.R. Wilmot.

Si vous désirez recopier cela et avoir ma signature à l'encre, je vous la donnerai volontiers et ma femme ajoutera la sienne pour certifier l'exactitude de son rêve.
La soeur de M. Wilmot qui était en même temps que lui sur le bateau, certifie que M. Tait a parfaitement vu la dame en blanc et qu'il crut un instant que c'était elle qui venait prendre des nouvelles de son frère, malade du mal de mer. »

Il y aurait d'intéressantes observations à faire sur ce cas et sur d'autres, au sujet du remarquable pouvoir d'orientation qui permet à l'esprit du clairvoyant de retrouver, au milieu de l'immensité de la mer, l'être qu'il désire voir. Sans nous arrêter sur ce point, nous voulions signaler la réalité du dédoublement de Mme Wilmot qui a vu nettement le navire dans lequel était son mari, ainsi que la cabine qu'il occupait, et en même temps l'étranger qui s'y trouvait. Elle-même a été aperçue au même instant par M. Tait, bien éveillé et par son mari encore endormi, ce qui nous prouve que réellement son âme avait quitté son corps et qu'elle était assez matérialisée, pour frapper les yeux d'un individu étranger avec lequel elle n'avait aucun rapport.
Cette indépendance momentanée de l'âme vis-à-vis de son enveloppe physique établit qu'elle n'en est pas l'émanation, parce qu'elle voit, pense, raisonne, se souvient sans que le cerveau matériel soit mis en jeu pour produire ces actes intellectuels. Si l'on ajoute à ces remarques que la clairvoyance s'étend sur les faits du passé, qu'elle s'élance dans l'avenir pour prévoir des actes qui se réalisent exactement tels qu'elle les a vus par anticipation, alors s'impose la certitude que ce principe qui peut s'affranchir temporairement des lois de l'espace et du temps n'est pas matériel, dans le sens que les physiciens attachent à ce mot, et qu'il n'est pas engendré par le corps physique, puisqu'il en diffère si entièrement par ses facultés.

Rapports de la clairvoyance avec l'automatisme

Maintenant que nous avons constaté l'existence de ce pouvoir transcendant de l'âme humaine, il est utile de chercher dans quelle mesure il peut servir pour l'explication des faits inconnus révélés par l'écriture automatique. Il faut d'abord éviter de tomber dans le travers de ces critiques qui prétendent attribuer tous les résultats à la même cause. L'expérience nous apprend que la clairvoyance naturelle se produit rarement, et lorsque l'on désire l'étudier expérimentalement pendant le somnambulisme provoqué, on s'aperçoit vite qu'elle n'est ni fixe, ni persistante, ni illimitée, ni exempte d'erreurs.
On ne saurait donc l'employer comme un Deus ex machina propre à dénouer toutes les difficultés. Mais alors, quand doit-on la faire intervenir et quels sont les cas où elle est impuissante à expliquer les faits? C'est ce que nous allons essayer d'indiquer, sans avoir la prétention de résoudre entièrement la question. Examinons d'abord le cas où l'automatiste est éveillé.
D'une manière générale, et jusqu'a plus ample informé, parmi les faits inconnus révélés par l'écriture automatique, il faut attribuer à la clairvoyance :
1° - Ceux contenus d'une manière épisodique dans les messages incohérents, puérils et mensongers, comme ceux rapportés par le professeur Patrick. C'est un éclair d'intuition, noyé au milieu des divagations subconscientes.
2° -  Ceux qui se rapportent à la divination de cartes que personne n'a regardées; à l'indication des mots ou de devises renfermés dans des enveloppes cachetées; à la désignation d'objets qui se trouvent dans l'appartement, hors de la vue de l'écrivain, etc. parce que nous avons constaté avec les expériences de Mme Sidgwick, de M. Roux, du Dr Grégory, que pendant le léger état hypnoïde qui n'interrompt pas la vie normale, la double vue peut s'exercer sans que le sujet se rende compte de la manière dont elle s'est produite. Les expériences de M. Wilkins paraissent confirmer cette interprétation.
3° -  Ceux qui se rapportent directement à l'automatiste, car nous trouvons dans son intérêt personnel une raison suffisante pour déterminer la mise en action de ses facultés transcendantes. Dans les exemples que nous avons reproduits, la lucidité se déclare à la suite d'une vive excitation causée par des préoccupations professionnelles, comme celle du sous-directeur de la compagnie d'assurances; sous l'impulsion de sentiments affectifs surexcités, comme c'est le cas, pour la femme de M. Texier, pour Mme R. et pour Mme Wilmot; enfin lorsqu'une vive contrariété causée par la perte d'un objet auquel on tient beaucoup pousse l'esprit à faire des recherches pendant la nuit, ainsi que nous l'avons constaté avec cette dame qui a retrouvé son bouton de manchette et le jardinier son argent perdu la veille. N'oublions pas dans cette revue l'annonce de maladies non déclarées, dont l'esprit du sujet peut avoir l'intuition clairvoyante et prémonitoire pendant son sommeil.
Nous avons admis que le souvenir des visions clairvoyantes du sommeil n'est pas toujours conservé dans la conscience ordinaire, mais que ces connaissances ne sont pas perdues, qu'elles séjournent dans la mémoire latente et que si elles s'extériorisent par l'écriture mécanique, c'est alors que le message revêt tout à fait les allures d'une communication spirituelle, bien qu'il soit simplement le résultat d'une manifestation animique. On voit que ce qui est perdu par le Spiritisme proprement dit est gagné par le Spiritualisme, et que le matérialisme n'a rien à gagner à l'étude approfondie de ces phénomènes.
Nous tenons à faire remarquer que les observations précédentes ne s'appliquent qu'aux écrits automatiques, c'est-à-dire à ceux qui sont formulés d'une façon vague, incolore, sans précision, bien aux messages qui ne renferment pas dans leur construction grammaticale, dans leur style ou dans leur calligraphie, la marque évidente d'une personnalité que l'on a connue sur la terre.
Occupons-nous maintenant des écrits automatiques obtenus pendant la transe de l'écrivain.

L'automatisme pendant la transe

Nous savons qu'on appelle transe, le sommeil spécial qui s'empare spontanément de certaines personnes pendant les séances spirites. Nous ferons remarquer qu'il est semblable au sommeil provoqué parce qu'il est dû soit à l'autosuggestion, soit à l'action du magnétiseur spirituel, qui agit très probablement au moyen de procédés semblables à ceux que nous employons.
L'écriture mécanique est souvent, dans cet état, le moyen dont les Esprits se servent pour se manifester, comme nous l'avons vu en citant le rapport de M. Hodgson sur Mme Piper . Dans ce cas, la distinction entre ce qui vient d'eux et ce qui est produit par le médium lui-même, nécessite une étude attentive.
Si vraiment la lucidité s'accompagne d'un dégagement de l'âme, nous devons nous attendre à ce qu'elle soit plus fréquente pendant le sommeil magnétique qu'à l'état ordinaire, pendant lequel l'âme est le plus fortement attachée à son corps. Si donc un sujet en sommeil révèle par écrit l'endroit où se trouve un objet perdu, signale un danger à éviter ou annonce que tel parent qu'il aime est malade en ce moment, tout cela peut être attribué à sa lucidité et ne nécessite pas le concours d'une intelligence étrangère. Il en est de même pour la description de ses maladies personnelles ou même de celles des personnes présentes avec lesquelles il est en rapport. Le somnambule sent, avec plus de précision que lorsqu'il est éveillé, son organe malade, il le voit et souvent il ordonne le remède nécessaire. A un degré plus élevé il se rend compte de toute l'anatomie de son corps et il étend cette faculté aux étrangers qu'on met en rapport avec lui. C'est un caractère très fréquent qui a été utilisé par beaucoup de magnétiseurs pour le traitement des malades . Ajoutons, en passant, que l'on doit se montrer très réservé au sujet du mode de traitement ainsi indiqué, car la vue d'une maladie ne suffit pas, évidemment, pour faire connaître le moyen de la guérir, de sorte que les prétendues communications qui prescrivent des remèdes sont fort sujettes à caution.
La lecture de la pensée des personnes présentes peut aussi avoir lieu dans cet état, ainsi que le signalent différents auteurs ; on doit donc se tenir en garde contre cette cause possible d'erreur; mais il faut avouer que celle-ci est très rare, car le plus souvent, c'est par la suggestion mentale et non par la lecture directe de la pensée de l'expérimentateur, que le sujet est renseigné. Voici néanmoins un exemple très net de clairvoyance qui a été souvent reproduit  :

« Un prestidigitateur, physicien bien connu, M. Robert Houdin, s'intéressait à ces questions de clairvoyance. Il imitait la double vue et la transmission de pensée à l'aide d'un truc ingénieux. II a commencé par être fort incrédule en fait de somnambulisme. Bien plus, habitué à faire des prodiges, il faisait très peu de cas du merveilleux, et croyait en posséder le secret;  il regardait, lui aussi, tous les hauts faits attribués à la lucidité, comme des tours d'adresse de même nature que ceux dont il amusait le public. Dans plusieurs villes où les somnambules avaient quelques succès,  il se faisait un jeu de contrefaire leurs expériences et même de les surpasser. M. de Mirville, le célèbre démonologue qui, dans son système, a besoin de somnambulisme pour en faire honneur aux esprits infernaux, eut l'ambition de convertir un adversaire aussi redoutable; il pensait avec raison que s'il parvenait à lui démontrer que la lucidité appartient à un ordre de choses entièrement étranger à ses études et à sa pratique, le témoignage d'un juge aussi expert serait d'un très grand poids pour servir la cause du somnambulisme. Il le conduisit chez le somnambule Alexis. M. de Mirville rend compte, dans son livre des Esprits, de la scène qui eut lieu.
« J'étais abîmé,  confondu, dit le magicien, il n'y avait plus là, ni adresse, ni escamotage, j'étais témoin de l'exercice d'une faculté supérieure inconcevable, dont je n'avais pas la moindre idée et à laquelle j'aurais refusé de croire si les faits ne se fussent pas passés sous mes yeux. J'étais tellement ému que la sueur me ruisselait sur le visage. »
Citons seulement les deux expériences suivantes :
Alexis, prenant les mains de ma femme, qui m'avait accompagné, lui parla d'évènements passés, et notamment de la perte bien douloureuse d'un de nos enfants; toutes les circonstances étaient parfaitement exactes. (Dans ce cas, le somnambule puisait probablement dans la mémoire latente de Mme Houdin, les renseignements qu'il lui fournissait).
« Il y avait avec nous, continue le prestidigitateur, un médecin fort incrédule, le Dr Chomel, qui, voulant aussi s'éclairer par lui-même, présenta une petite boite à Alexis. Celui-ci la palpa sans l'ouvrir, et dit: « C'est une médaille; elle vous a été donnée dans des circonstances bien singulières. Vous étiez alors un jeune étudiant, vous demeuriez à Lyon, dans une mansarde. Un ouvrier auquel vous aviez rendu des services, trouva cette médaille dans des décombres, pensa qu'elle pourrait vous être agréable, et grimpa vos six étages pour vous l'offrir. » Tout cela était vrai. Certes, ce sont là de ces choses que l'on ne peut ni deviner, ni rencontrer par hasard. Le Docteur partagea notre admiration. Je donnai à M. de Mirville le certificat qu'il me demandait, constatant que les faits dont j'avais été témoin dépassaient tout ce que l'on peut obtenir par des  tours d'adresse. »

Pour en revenir à notre sujet, il est plus que probable que si ces récits avaient été écrits par Alexis et signés du nom du défunt, ils auraient pu passer pour une manifestation spirite. Il faut donc étudier attentivement les facultés du sujet endormi et savoir qu'il possède la clairvoyance naturelle, qui est bien loin de se présenter chez tous les sujets somnambuliques. Ce n'est que lorsque l'on possédera des preuves de cette faculté, qu'il faudra soumettre les faits qu'il rapporte à une discussion approfondie.
Signalons encore une observation très importante: c'est l'action élective exercée par l'observateur lui-même pour produire l'état nécessaire où se manifeste la double vue. Bertrand signale cette propriété chez Petetin. Dans les cas cités par le Dr Grégory, c'est le major Buckley, et lui seul, qui développait la clairvoyance. Voici la citation de M. Boirac .

« En ce qui regarde cette forme particulière de la clairvoyance (lectures de devises enfermées dans des noix), je ferai observer, d'abord, qu'une certaine proportion de sujets possède seulement ce pouvoir de sorte qu'un sujet pris au hasard ne l'aura probablement pas. Secondement: que le même clairvoyant peut réussir une fois et échouer une autre. Troisièmement: que ce phénomène se présente plus fréquemment dans l'expérience de certains magnétiseurs que dans celles d'autres. Le major Bukley, par exemple, le réussit très souvent, tandis qu'il y a d'autres magnétiseurs qui ne le produisent jamais, mais qui provoquent peut-être d’autres phénomènes aussi merveilleux. Personne, par conséquent, n’est autorisé à nier le fait, parce qu'il n'a pas rencontré le fait dans ses propres expériences ou dans une expérience donnée. »

M. Goupil, en rendant compte des faits de clairvoyance provoqués par le Dr Ferroul, sur son sujet Anna B... dit :

« Le tempérament de celui qui actionne le sujet entre pour beaucoup dans l'obtention des phénomènes; aussi M. Ferroul, seul obtient avec Anna les résultats qui vont être indiqués; les autres médecins qui ont endormi Anna n'ont rien obtenu avec elle que les phénomènes ordinaires de l'hypnose et n'arrivaient qu'à déranger pour quelque temps les facultés de la lucide. »

Un sujet possédant la double vue, ne sera donc pas clairvoyant avec tout le monde; il ne le deviendra qu'après avoir subi l'action de son magnétiseur habituel. Un vrai médium, au con-traire, est lucide pour tous ceux qui utilisent ses facultés.
Ces remarques ne s'appliquent qu'aux personnes qu'on endort expérimentalement, car pendant le phénomène de la transe, c'est-à-dire du sommeil spontané produit par les Esprits, le sujet est soustrait momentanément au pouvoir de son magnétiseur, n'obéit plus à ses suggestions, en un mot, est sous la domination d'une intelligence étrangère. Ce point très important a été très bien décrit par un observateur de grande valeur, M. le Dr Ermacora, en ces termes .

Les expériences du Docteur Ermacora

« Le 10 novembre 1893, entre 20H15 et 20H45, Mademoiselle Marie Manzini était en somnambulisme. M. Gustave Maluta et moi nous étions présents. Elle avait été mise en cet état par une personnalité médiumnique , que j'appellerai B..., qui se servait couramment de ce moyen pour entrer en rapport avec elle par voie hallucinatoire. Ce somnambulisme n'est pas le même que celui que je peux produire par suggestion et que j'appellerai somnambulisme normal; il en diffère pour deux raisons: la première raison est que, dans le somnambulisme provoqué par B..., ou par un autre agent de même nature, le sujet est « en rapport » avec l'agent seulement, tandis que, dans le somnambulisme normal, il est en rapport avec tout le monde. La seconde raison, qui n'est peut-être qu'une conséquence de la première, consiste en ce que lorsque la manifestation de la première cesse, il se produit d'abord une courte léthargie, puis le somnambulisme normal avec amnésie de la période précédente.
Si aussitôt après ce changement d'état et avant le réveil, on demande à ce sujet en somnambulisme ce qu'il vient de faire il y a un instant, il répond invariablement qu'il a dormi ou rêvé, ou pensé à quelque chose. Ce rêve ou cette pensée n'a aucun rapport avec ce qui est, en réalité, arrivé dans la période précédente, ou du moins avec ce qu'on a pu constater. J'ai donc cherché à comprendre si réellement, pendant que se manifeste par le sujet la personnalité de l'agent B..., et que Mlle Marie en somnambulisme lui sert d'interprète, il reste en elle une autre personnalité disponible pouvant rêver ou penser à toute autre chose ou bien si ce rêve ou cette pensée supposée n'est qu'une hallucination de la mémoire, projetant dans le passé ce que l'imagination invente au moment même où elle le raconte. »

Autrement dit, en langage spirite débarrassé de la phraséologie psychologique, il s'agit de savoir si pendant qu'un Esprit indépendant se manifeste par les organes de Mlle Maria, l'âme de celle-ci peut sortir de son corps ou voir à distance, par clairvoyance, ce qui se passe au loin. Voici donc le rêve prémonitoire fait le 10 novembre par l'âme de Mlle Maria, pendant que l'esprit B.., – se servant de son corps – causait avec le docteur. M. Ermacora a pris note de ce songe sur  son  journal, le lendemain matin, le 18 novembre, en ces termes.

« Elle rêve que le mari d'une dame P... est venu vers 11 heures ou 11h30, et qu'elle est allée chez lui le soir même. Elle a trouvé là deux femmes inconnues, l'une âgée, l'autre jeune. La femme âgée voulait avoir un vêtement complet pour l'hiver, la jeune, un trousseau complet de mariée parce qu'ellle allait se marier. Mme P..., proposait à Mlle Maria de fournir certains articles, elle ajoutait qu'il s'agissait de personnes qui paieraient, et elle lui montrait ses registres prouvant la ponctualité des paiements de ce qu'elle leur fournissait, mais Mlle Maria, malgré cela, ne croyait pas pouvoir accepter, non parce qu'elle doutait de la solvabilité, ni parce qu'elle craignait qu'on voulût dépenser trop peu, mais parce qu'elle savait n'avoir pas les moyens d'avancer la somme pour les dépenses nécessaires. Elle pensa à l'étoffe qu'elle avait achetée à N..., mais comprit aussitôt que c'était trop peu de chose. Aussi, malgré tous les discours de Mme P..., elle ne conclut rien et partit. En descendant l'escalier, elle pensa qu'elle aurait pu peut-être se faire prêter la somme, mais elle se dit que cela non plus ne lui aurait pas convenu. En retournant chez elle, elle passa par la rue Pozzo dipinto et, à peine passée la cassa, di Risparmio, près du tailleur et de la fontaine de l'Aqueduc, elle fut rejointe par Mme P…, qui l'appela: «Siora Maria, Siora Maria  » et se remit à essayer de la convaincre de conclure l'affaire. A ce moment Maria s'éveilla. »

C'est-à-dire que B... étant parti, elle se retrouva en état de somnambulisme ordinaire, causant avec le Dr Ermacora. Or, ce rêve du 10 au soir, qu'elle ignorait à l'état de veille, se réalisa ponctuellement, et jusque dans ses plus petits détails pendant la journée du 11 novembre. M. P... vint vers 11H30, demander à Mlle Maria d'aller voir sa femme. Le Dr conseilla au sujet de faire cette visite avec sa mère et le soir, en présence de M. Maluta, elles racontèrent toutes deux, identiquement les mêmes choses que Mlle Maria avait vues en rêve le jour précédent. De l'enquête qui fut faite auprès des deux dames qui étaient chez Madame P..., et dont on a le témoignage, et après les affirmations du Dr Ermacora et de M. Maluta, il n'est pas possible de douter un seul instant de la réalité complète et de l'exactitude de cette clairvoyance prémonitoire.
Discutons maintenant les faits. Faut-il voir dans l'être connu sous le nom de B..., un état somnambulique de Mlle Maria, analogue à une des personnalités successives dont           M.P... Janet a constaté l'existence chez ses sujets Lucie ou Léonie? Nous ne le pensons pas, parce que dans aucun sommeil de Mlle Maria, il n'est possible de réveiller les souvenirs qui se rapportent à la personnalité qui se nomme B... Celle-ci est autonome, car elle ne connaît pas non plus toutes les pensées et les actions de Maria.
C'est une individualité à part, puisque pendant qu'elle cause, l'esprit de Maria fait preuve d'activité indépendante pour percevoir toutes les scènes qui sont devenues le lendemain des réalités.

« Il est extrêmement curieux, dit le Dr Ermacora, de voir que tandis que la personnalité de B... nous priait de lui indiquer la demeure des deux dames, pour pouvoir m'aider plus facilement à atteindre mon but (qui était de savoir l'adresse exacte de ces deux dames) la subconscience de Mlle Maria s'est mise en rapport avec cette demeure (ceci a rapport à un second phénomène de clairvoyance postérieur au premier) et avec un incident futur se rattachant avec la recherche exécutée sous l'empire de la conscience ordinaire. Et cela sans que B..., en ait eu aucune connaissance, puisque le lendemain soir, 13 novembre, quand tout était fini, elle nous demanda si nous avions cette adresse qui lui était nécessaire pour faire ce dont nous l'avions chargé. »

Nous savons que dans les états successifs du somnambulisme, la personnalité qui correspond au sommeil le plus profond connaît toutes les autres, sans en être connue elle-même. Or ici B…, ne connaît pas les pensées de Maria éveillée ou en somnambulisme ordinaire. Maria endormie ou à l'état normal ne connaît pas davantage celle de B..., cette personnalité est donc bien indépendante de l'esprit du sujet. C'est la conclusion à laquelle arrive aussi le                  Dr  Ermacora, bien que pour des raisons différentes, il dit en note :

« Il n'est pas tout à fait exact de dire que pendant que B. causait, au même moment la personnalité subconsciente de Maria s'est mise en rapport avec cette demeure, parce que, en tenant compte de l'ambiguïté que j'ai signalée dès le principe, le rêve pouvait avoir lieu quelques moments après, c'est-à-dire pendant que Mlle M... me le racontait. Pourtant, comme les phénomènes psychiques supernormaux semblent se produire d'autant plus facilement que les conditions psychiques du sujet sont anormales, je suis tenté de croire que plus probablement la perception eut lieu pendant l'état de rapport avec la personnalité de B..., plutôt que pendant le somnambulisme normal subséquent, puisque le premier état est plus anormal que le second. »

Nous pouvons tirer de ces observations, il nous semble, une règle pratique pour savoir si les faits inconnus révélés par l'écrivain en état de transe sont dus à sa clairvoyance propre, ou à l'intervention d'une intelligence étrangère. Il suffira d'endormir le sujet et de le pousser jusqu'à l'état le plus profond auquel il puisse arriver. Alors si le souvenir des faits révélés par l'écriture ne peut pas être rénové, il faudra en conclure qu ils ne lui sont pas attribuables et qu'ils dénotent l'action d'un esprit dont il faudra chercher à connaître l'identité.

Les expériences du Dr  Moroni et de M. Rossi Pagnoni

Les études comparatives entre les facultés somnambuliques et médianimiques étant encore rares, nous croyons bon de reproduire les appréciations de deux auteurs qui ont étudié cette question . Donnons d'abord quelques renseignements sur le médium :

« Le sujet s'appelle Cazetti; c'est une femme d'une parfaite moralité, franche et compatissante. Pendant les premières années qu'elle fut hypnotisée par le Dr Moroni, elle fut très développée du côté de la lucidité et présenta souvent le phénomène de la vue à distance de choses réelles, indépendamment de toute suggestion. Elle percevait aussi la pensée. Mais lorsque les manifestations spirites se produisirent, la vision clairvoyante terrestre s'affaiblit de plus en plus. Dans les dernières années, elle ne pouvait plus lire la pensée ni voir les choses terrestres à distance. Une expérience tentée pour lui faire lire un mot caché dans un tube, échoua complètement, bien que le magnétiseur connût ce nom .
En revanche, la vision spirituelle se développa considérablement. Un jour elle décrivit un esprit qui lui était inconnu et lorsqu’on lui présenta un grand nombre de photographies parmi lesquelles se trouvait celle de l'apparition, elle la désigna sans hésiter, alors que la seule personne pour laquelle cette manifestation était donnée se tenait à l'écart.
M. Rossi Pagnoni explique cette différence de la manière suivante: « la clairvoyance terrestre est, selon moi, le plus haut résultat des facultés actives psychiques; la médiumnité spirite est le plus grand résultat des facultés passives. Or,  plus nous élevons et exerçons les premières chez les hypnotisés, plus nous amoindrissons les secondes et vice versa. Si en particulier et comme expérimentateurs, nous exerçons notre médium à employer toujours plus la médiumnité hypnotique, il n'est pas étonnant que chez elle la clairvoyance terrestre soit amoindrie et qu'elle l'ait presque perdue après l'avoir possédée à un haut degré. Donc, de ces observations, il découle à mon avis, cette conséquence très importante: que celui qui veut obtenir de bons résultats doit exercer les personnes hypnotisées d'une manière différente, selon le but qu'il veut atteindre, les uns pour les effets de la suggestion terrestre, d'autres de la clairvoyance terrestre, et enfin d'autres pour la médiumnité spirite. »

Voici encore quelques conseils qui sont bons à méditer pour ceux qui veulent expérimenter consciencieusement et savoir discerner les différentes causes en action :

« En général, nous devons recueillir et étudier ce que les sujets nous donnent volontairement, ou ce que, par la suite, ils accordent à nos questions discrètes et affectueuses, sans vouloir extorquer des réponses ou des preuves malgré eux. Si les résultats d'un exercice suivi sont insuffisants, il est raisonnable de tenir la chose comme non démontrée; mais essayer de leur imposer ou de leur arracher des preuves décisives, est une erreur grossière qui trouble tout. Cent fois nous avons eu spontanément, par la bouche de la somnambule (ou, dirons-nous par l'écriture, pour d'autres médiums) des noms, des dates, des circonstances biographiques, des portraits moraux, des choses que certainement elle et nous ignorions, et qu'ensuite nous vérifiions et trouvions très vraies; au contraire, quand par méfiance ou pour contrôler nous avons demandé des renseignements, nous n'avons rien obtenu, même quand nous connaissions déjà la chose demandée et que nous n'avions fait la question que pour l'entendre répéter et quoique nous y eussions fixé notre pensée, de sorte que l'obtenir au moyen de la suggestion terrestre semblait être la chose la plus facile du monde. Le fait de révolte contre notre volonté et contre la suggestion, constitue la plus grande délimitation entre le champ de la médiumnité spirite et celui de la suggestion hypnotique ordinaire. »

En voici un exemple rapporté par M. de Rochas :

« Marie est un sujet très suggestible qui présente cette résistance d'une manière très nette :
J'ai suggéré à Marie, également pendant le sommeil, de me donner, cinq minutes après le réveil, une communication écrite de M. V. sur un sujet déterminé. (Marie est somnambule lucide, médium écrivain;  M. V. est son interlocuteur habituel dans le monde des Esprits !)
Rien ne s'étant produit, j'ai rendormi Marie et lui ai demandé si elle n'avait pas compris mon ordre. – Réponse: Si. – Alors pourquoi ne l'avez-vous pas exécuté? – Réponse: Il m'en a empêché. – Qui? –  Réponse: M. V. »

Cette indépendance de la personnalité médianimique, vis-à-vis du magnétiseur, implique bien une individualité différente de celle du sujet, puisque, normalement, celui-ci exécute tous les ordres qui lui sont donnés, sans opposer aucune résistance.


Résumé

Pour se convaincre de la réalité de cette clairvoyance que l'âme possède à certains moments, il faut prendre connaissance des cas nombreux publiés par la Société anglaise de Recherches psychiques, par les Annales du Dr Dariex et dans le livre de Flammarion, l'Inconnu et les problèmes psychiques. Nous ne sommes plus, comme jadis, en présence de récits plus ou moins vagues, mal observés pour la plupart, amplifiés ou dénaturés par l’imagination du narrateur. Tous les faits cités dans les périodiques anglais et français sont entourés des garanties morales nécessaires pour que l’on croie à leur authenticité. Dans les enquêtes minutieuses auxquelles ils ont donné lieu, on a discuté sèvérement la valeur des témoignages, recherché les documents contemporains dans lesquels ils ont été consignés et lorsque c’était possible, vérifié l’exactitude de la vision. Nous devons donc admettre ces témoignages parce qu’ils émanent de gens honorables dont l’affirmation serait acceptée sans hésitation devant un tribunal, car ils n’ont aucun intérêt à mentir, ne se connaissent pas et ne peuvent par conséquent s’entendre pour affirmer des impostures dénuées d’intérêt. La clairvoyance existe donc et son pouvoir s’étend aussi bien à la perception des évènements présents, qu’à celle du passé ou de l’avenir. Cette faculté de l’être pensant est un des plus sérieux arguments que l’on puisse invoquer en faveur de l’indépendance de l’âme vis-à-vis de son corps, puisqu’elle se révèle à nous comme en partie affranchie, momentanément, des conditions d’espace et de temps qui régissent strictement la matière.
Nous sommes donc obligés, logiquement, de tenir compte de cette lucidité dans l'examen scientifique des écrits automatiques lorsque ceux-ci révèlent des faits inconnus. Mais cette faculté de clairvoyance ne peut pas servir d'explication générale pour tous les cas; elle ne s'exerce à l'état de veille ou pendant le sommeil ordinaire – nous l'avons vu, – que relativement à des événements qui intéressent le sujet lui-même ou des parents, des amis, auxquels il est lié par des sentiments affectifs. La lucidité se manifeste également pendant le sommeil magnétique; mais cette fois, sous l'influence de la volonté du magnétiseur, elle peut s'étendre à des personnes étrangères qui se trouvent au loin. Le plus souvent, il est indispensable d'avoir un objet ayant appartenu à l'absent pour établir le rapport, – telle la médaille du Dr Chomel dans le cas d'Alexis, – sans quoi, manquant pour ainsi dire de fil conducteur, l'esprit du dormeur s'égare et l'on n'obtient aucun résultat. Il ne faut pas perdre de vue que la lucidité naturelle ou provoquée n'est pas infaillible; fort souvent elle est fantaisiste, inexacte, ou remplie de lacunes. Ce serait une étrange illusion que de s'imaginer qu'il suffit de posséder un sujet clairvoyant pour pénétrer dans l'intimité de nos concitoyens, connaître leurs actes et leurs pensées, déchiffrer les énigmes du passé, prévoir l'avenir à coup sûr, ou jeter un coup d'oeil sur ces régions inconnues du globe que l'homme n'a pu encore aborder. L'expérience montre ce que de tels désirs ont de chimérique.
Nous avons fait les réserves nécessaires sur les faits inconnus révélés par l'écriture, lorsqu'ils se produisent dans l'automatisme à l'état rudimentaire. Nous avons montré ensuite qu'il est plus sage de croire à la double vue dans les cas de divination de cartes, de lectures de devises ou de messages, ou dans l'annonce de maladies futures du sujet, qu'à l'intervention des Esprits. Mais en dehors de ces circonstances, nous savons que la lucidité n'a pas de raison pour se produire – et qu'en fait elle ne se produit jamais –  vis-à-vis de personnes ou d'événements absolument étrangers au sujet et aux assistants.   
Ces remarques nous permettent déjà de croire qu'un facteur autre que la clairvoyance est en cause lorsque, spontanément, l'écriture automatique, révèle des faits qui concernent une personne inconnue de l'écrivain et des expérimentateurs. Pour s'en assurer plus complètement il faudra, si c'est possible, avant que l'écrivain ait connaissance du message, l'endormir et pousser le sommeil jusqu'à son degré le plus profond; alors on verra si les souvenirs de l'écriture sont conservés dans la mémoire somnambulique; si oui, la clairvoyance du sujet suffit à l'explication, sinon, il faut admettre qu'une intelligence étrangère s'est manifestée, et dans ce cas, il faut chercher si c'est celle d'un vivant agissant télépathiquement, ou celle d'un mort.
Nous verrons, dans la troisième partie, des exemples de ces phénomènes que les adversaires du spiritisme feignent d'ignorer, bien qu'ils soient publiés depuis longtemps dans les ouvrages consacrés à la propagation de cette doctrine. Nous discuterons avec soin la valeur des témoignages nous serons sévères et indépendants dans notre examen; nous donnerons à toutes les facultés extra sensorielles qui peuvent intervenir leur maximum d'extension, mais si nous constatons cependant qu'aucune d'elles ne peut expliquer ces faits, il faudra reconnaître hautement l'existence des esprits se manifestant par l'écriture, comme ils l'ont fait aussi de tant d'autres manières différentes.
 
CHAPITRE III

Automatisme et suggestion mentale

Sommaire: La transmission de la pensée permet de comprendre le genre d'action exercée par les esprits sur les médiums. – Admission des faits. – Remarques sur les circonstances extérieures qui peuvent simuler la suggestion mentale. – La mémoire latente, le milieu psychique. – Véritable transmission mentale. – Transmission des sensations pendant l'état magnétique. – Transmission des idées d’un sujet dans l'état magnétique. – Les travaux de la Société de Recherches psychiques. – Transmission de la volonté pendant l'état magnétique. – Ces faits se reproduisent pendant la veille. – Mesmer, Froissac, du Potet, Lafontaine, les docteurs Dusart, Ch. Richet, Héricourt, Gibert, P. Janet, etc. – Conditions nécessaires pour que la suggestion mentale puisse se produire entre magnétiseur et sujet. – Exemples de suggestions mentales agissant sur l'automatisme de l'écriture. – Le cas de miss Summerbell. – Les expériences du Révérend P. H. Newnham, avec sa femme comme sujet. – Résumé.


La transmission de la pensée

Dès l'origine du Spiritisme, les incrédules de bonne foi, – ceux qui ne voyaient pas seulement dans ces faits de grossières supercheries, – les expliquèrent en faisant intervenir la transmission de la pensée, que l'on appelle aujourd'hui la suggestion mentale. Cette hypothèse n'était guère de nature à satisfaire l'école positiviste, car si l'on admet avec elle que la pensée est une résultante de l'organisme, on ne peut guère imaginer comment cette pensée, qui ne serait, en dernière analyse, qu'un mouvement moléculaire du système nerveux, pourrait sortir du corps pour agir, à distance, sur un autre cerveau.

« Je n'ai jamais compris, dit M. Brown Séquard, comment un homme intelligent et connaissant les principes fondamentaux de la physiologie peut admettre une telle transmission, (une transmission de force nerveuse d'un individu à un autre) alors que l'étudiant le moins instruit sait combien sont vains, après la section d'un nerf moteur, les efforts, les désirs, la volonté de mouvoir la partie paralysée . » Feu M. Ponchet, professeur au Muséum d'histoire naturelle, disait plus emphatiquement : « Démontrer qu'un cerveau, par une sorte de gravitation, agit à distance sur un autre cerveau, comme l'aimant sur le fer, le soleil sur les planètes, le terre sur le corps qui tombe. Arriver à la découverte d'une influence, d'une vibration nerveuse se propageant sans conducteur matériel! Le prodige c'est que tous ceux qui croient peu ou prou à quelque chose de la sorte, ne semblent même pas, les ignorants! Se douter de l'importance, de l'intérêt, de la nouveauté qu'il y aurait là-dedans et de la révolution sociale que ce serait pour le monde de demain. Mais trouvez donc cela, bonnes gens, démontrez-nous donc cela, et votre nom ira plus haut que celui de Newton dans l'immortalité, et je vous réponds que les Berthelot et les Pasteur vous tireront leur chapeau bien bas. »

Comme le dit M. de Rochas, auquel nous empruntons cette tirade ampoulée: « Nous n'en demandons point tant! »  La transmission d'une dépêche par la télégraphie sans fil est aussi extraordinaire que celle de la pensée, et cependant ce prodige est devenu banal; toute la question est de savoir d'abord si le phénomène de la transmission de la pensée est réel, l'explication viendra ensuite.
Il est évident que les spirites ont le plus grand intérêt à démontrer que la transmission de la pensée est un phénomène réel, car une fois ce point admis, il deviendra plus facile de comprendre comment les esprits entrent en rapport avec les médiums.
Si déjà, durant la vie, il est possible que deux intelligences communiquent sans aucune intervention des organes physiques, la disparition de l'enveloppe matérielle de l'agent ne peut, évidemment, que favoriser la manifestation de l'activité psychique qui agit sur l'âme d'un médium. Il y aurait ainsi une continuité entre les phénomènes animiques et les phénomènes spirites qui enlèverait à ces études les caractères de merveilleux et de surnaturel qu'on s'est plu, bien gratuitement, à leur attribuer. Nous allons donc d'abord passer en revue les faits précis qui démontrent cette communication mentale, en déplorant que le cadre restreint de notre ouvrage ne nous permette guère que d'effleurer la question. Mais en se reportant aux documents originaux que nous signalons, le lecteur pourra se faire une opinion motivée, basée sur des matériaux scientifiques de premier ordre.
Il n'entre pas non plus dans notre plan de rechercher le procédé par lequel s'opère le transfert de la pensée d'un individu à un autre. Cependant, afin de prévenir des confusions fâcheuses, nous ferons observer que ce n'est pas la pensée elle-même qui se transporte dans l'espace, parce que la pensée est un phénomène interne, subjectif, qui n'a d'existence qu'au moment où il se produit chez l'être pensant. Mais la physiologie nous apprend que lorsque la pensée est engendrée, il existe toujours un mouvement corrélatif du cerveau, qui est la traduction matérielle, externe, du fait psychique. Le Spiritisme nous fait connaître aussi le mouvement vibratoire du périsprit. C'est donc seulement ce dernier mouvement ou d'autres auxquels il peut donner naissance, qui se propage dans l'espace et qui, en pénétrant dans un ou plusieurs cerveaux propres à le percevoir, y déterminera une pensée.
La répugnance du monde savant pour ces faits commence à disparaître, grâce aux recherches vraiment scientifiques entreprises en Angleterre par la Société de Recherches psychiques. Même en France, nous assistons à cette évolution.

Admission des faits

Parlant de la suggestion inconsciente, M. Beaunis, professeur de physiologie à la faculté de Nancy, dit :

« Quelque répugnance qu'éprouve l'esprit humain à reconnaître la réalité de phénomènes qui choquent complètement les idées reçues, il est bon cependant d'enregistrer ces phénomènes, et, tout en réservant l'avenir, de les vérifier sévèrement et d'en essayer une explication. » Ailleurs  le même auteur dit encore en parlant de la suggestion mentale; « Nous avons affaire ici, à n'en pas douter, à un fait qui bouleverse toutes nos idées sur la fonction du cerveau. Pour ma part, jusqu'à ces derniers temps, je ne pouvais ajouter foi à ces choses. Aujourd'hui, je suis forcément convaincu qu'on ne peut pas les rejeter. Les réussites, rares à la vérité, sont trop nombreuses pour qu'on puisse songer à un hasard, et surtout à un moment où la question de la transmission de la pensée est portée devant le forum de la Société de psychologie physiologique, je me suis cru obligé d'apporter mon tribut, si étranges que ces phénomènes me paraissent. »

Dans son livre consacré à l'étude de la suggestion mentale, le Dr Ochorowicz, professeur de psychologie à l'Université de Lemberg, après avoir écarté par une savante analyse toutes les causes qui simulent la transmission de la pensée, conclut en affirmant qu'il a l'absolue certitude expérimentale, que toutes les modalités de la pensée peuvent se transmettre à un sujet, dans certaines conditions que nous aurons précisément à étudier tout à l'heure.            M. Ch. Richet, membre de l'Académie de médecine, jadis tout à fait incrédule, admet aujourd'hui cette forme de suggestion mentale à laquelle on a donné le nom de télépathie. Pour expliquer les apparitions de vivants, il reconnaît que le hasard ne peut, seul, rendre compte de tous les faits, et que les exemples avec coïncidence d'événements réels sont trop nombreux pour qu'on puisse les expliquer par de simples hallucinations :

« Je regarde comme impossible, dit-il, cette immense illusion se prolongeant sans quelque parcelle de vérité. On n'a pas le droit d'exiger pour les phénomènes psychiques une plus forte probabilité que pour les autres sciences.... On trouve une telle quantité de faits impossibles à expliquer autrement que par la télépathie, qu'il faut admettre une action à distance. Peu importe la théorie, le fait me semble prouvé et absolument prouvé. »

Dans son dernier livre sur l'Inconnu et les problèmes psychiques, Camille Flammarion écrit: « L'action d'un être sur un autre à distance est un fait scientifique aussi certain que l'existence de Paris, de Napoléon, de l'oxygène ou de Sirius. » Nous n'avons pas l'intention d'entreprendre la démonstration complète du fait de la transmission de la pensée, car il nous faudrait pour ce seul travail, écrire un volume. Il suffira pour notre sujet de citer quelques-unes des expériences les plus démonstratives, et de rechercher dans quelle mesure elles s'appliquent aux phénomènes de l'écriture automatique.
Peut-être est-il bon de signaler d'abord quelques causes d'erreurs qui peuvent faire croire à une intervention occulte, alors qu'il n'y a en jeu ni transmission de pensée des assistants, ni action des Esprits. Voici quelques-unes de ces observations dont nous empruntons la description à M. Ochorowicz, qui les a fort bien résumées, et qui sont de nature à mettre les Spirites en garde contre les illusions qui peuvent si facilement se produire dans les réunions intimes, composées généralement des mêmes personnes.

Rôle de la mémoire latente

Nous avons insisté déjà sur l'importance de ce facteur si négligé jusqu'alors. Rapportons encore un exemple de son action :

« Voici une expérience faite sur un sujet endormi, laquelle simule la vision sans le secours des yeux, et qui pourrait aussi bien être répétée avec l'écriture automatique que par l’énonciation verbale .
Je prends un livre, dit M. Ochorowicz, en dehors de la vue du sujet, je l'ouvre au hasard et je lui ordonne de lire.
Je ne vois pas bien, dit-il. Je lui suggère les deux ou trois premiers mots de la page et je l'engage à continuer. C'est au milieu du second volume, dit-il, chapitre tel et tel; c'est le volume de Krasewski: Le monde et le poète !
Parfaitement. Continuez alors! Et, à notre grand étonnement, il se mit à lire une page entière, presque sans faute. Si je déposais le livre, il s'arrêtait; il « lisait » couramment quand j'avais les yeux sur le texte. Je changeais de page: il lisait toujours bien. Quelques-unes des personnes qui ont assisté à cette expérience ent cru pouvoir constater « la double vue », malgré les explications que je vais donner tout à l’heure.
Mais si ce n'était pas une double vue, faut-il une preuve meilleure de la suggestion mentale ?
Malheureusement oui. D'abord, il « lisait », quoique moins bien, le livre fermé; il fallait seulement lui communiquer la première phrase du passage. Ce n'était donc pas la transmission de la pensée; ce n'était pas non plus de la double vue, puisque sans cette suggestion verbale il ne pouvait même pas lire les numéros des pages ni reconnaître un objet quelconque.
Voici l'explication du mystère.
Le jeune homme en question a lu dernièrement deux fois de suite, le roman mentionné de Krasewski; il l'avait lu, comme on lisait dans le temps en Pologne, surtout à l'âge de 17 ans. Il le savait presque par coeur. Evidemment, il ne saurait pas réciter à l'état de veille des pages entières textuellement, mais, en somme, notre expérience n'a prouvé qu'une seule chose: une vivacité étonnante des souvenirs en somnambulisme. Et quant à influence de ma pensée, la cause en était bien simple: il « voyait » mieux quand je regardais dans le livre, parce que, machinalement, je corrigeais ses petites erreurs. Ce sont même ces erreurs-là qui m'ont suggéré l'explication vraie de l'expérience; car, au lieu de lire mal un mot écrit, il le remplaçait par un autre, analogue comme sens, mais tout à fait différent comme forme. Ayant été entraîné en dehors des associations exactes par une erreur semblable, il s'arrêtait si je fermais le livre, parce que je ne pouvais plus lui venir en aide. »

Le milieu psychique

Lorsqu'on expérimente souvent dans les mêmes milieux, avec les mêmes personnes, il arrive très fréquemment qu'il se produit des coïncidences inattendues entre les idées des sujets et celles des expérimentateurs. Il n'y a pas suggestion de ceux-ci à ceux-là, mais simplement un même processus mental, amenant des résultats identiques. Voici comment M. Ochorowicz signale ce mécanisme inconscient :

« Toutes les fois que plusieurs personnes s'entretiennent pendant un certain temps, il s'établit entre leurs intelligences un enchaînement réciproque. Il suffit alors à un observateur habile de s'isoler par la pensée du mécanisme involontaire, de l'embrasser mentalement par un aperçu général, pour prévoir quelquefois l'objet qui, dans quelques instants, va occuper l'attention des assistants. C'est le même mécanisme qui fait que, souvent, dans une société, deux personnes émettent simultanément une même pensée ou posent une même question. Mieux on connaît son monde, et mieux en réussit dans cette « clairvoyance » psychologique. Je me rappelle qu'étant secrétaire d'une société qui avait pour but la publication d'une Encyclopédie des sciences, j'avais préparé à l'avance le protocole d'une de nos réunions. On avait à discuter la question de savoir s'il fallait ou non, parmi les sciences à traiter, réserver une place à la Théologie. J'ajoute que deux prêtres faisaient partie de la commission. Mais, connaissant les personnes et les opinions, j'ai risqué l'expérience. Le protocole fut préparé; il rendait compte de la discussion générale terminée par le vote suivant: « La théologie ne doit être traitée que comme faisant partie de l'histoire des religions ». – Je n'ai eu que quelques mots à changer pour soumettre ce protocole à la signature des membres.
Evidemment, on n'est pas si bon prophète sans être un peu complice, mais, on est toujours complice dès qu'on commande l'exécution d'une idée qui vous vient  machinalement à l'esprit. En voici un exemple: vous êtes un habitué de la maison. Vous ne vous rappelez pas que, la dernière fois, on causa de la politique coloniale, et qu'aussitôt après une dame s'est mise au piano. On cause de nouveau de la politique coloniale, tandis que l'idée vous vient d'essayer la suggestion mentale: vous ordonnez à la dame d'aller au piano, et elle y va. Vous êtes tout étonné du succès, d'autant mieux que vous ne voyez absolument aucun rapport entre la politique coloniale et un morceau de piano, et que votre compère, lui aussi, vous assure, de la meilleure foi du monde, qu'il ne comprend pas du tout comment l'idée de se mettre au piano lui est venue subitement. »

Ces remarques sont absolument justes et nous permettent de nous prémunir contre des illusions possibles, dues à l'état psychique ambiant. Voici trois expériences, faites à l'improviste, qui montrent l'influence du milieu psychique sur une personne non    hypnotisable :

SUGGESTION        REPONSES
Rouge    UNE COULEUR    Rose
Le lilas    UNE FLEUR    Le lilas
M. J…    UNE PERSONNE PRESENTE    Mme D…
       
« L'aspect général de ces trois expériences parait assez favorable à la transmission; mais examinons les circonstances: on prévient le sujet qu'il s'agit d'une couleur, il ne la devine qu'approximativement: c'était rouge, il devine rose. « Rose » qui est en même temps le nom d'une fleur, nous suggère, à tous, l'idée d'une fleur.
On prévient le sujet qu'il s'agit d'une fleur. Le lilas se trouve au milieu de la table. C'est une primeur, tout le monde l'avait remarqué, il se présente le premier à l'esprit de tout le monde. Puis, dès qu'il s'agit d'une idée un peu plus éloignée et où la probabilité reste toujours assez forte (il n'y avait qu'une dizaine de personnes) il y a échec. Non seulement il ne devine pas la personne, mais il prend une femme pour un homme. Par conséquent, ces trois expériences à l'aspect séduisant quand on les considère in abstracto, sont presque sans valeur; et si je dis presque c'est uniquement à cause d'un certain rapprochement entre le rouge et le rose, qui peut être occasionné par une cause tout à fait fortuite, c'est-à-dire étrangère à la suggestion. »

On devra également examiner attentivement les circonstances dans lesquelles les messages automatiques font allusion à certaines maladies des personnes présentes, car nous savons que beaucoup de somnambules éprouvent, par sympatisme organique, des sensations qui les instruisent sur les maladies des personnes avec lesquelles elles sont en rapport. Ces notions utilisées par la subconscience et exprimées par l'écriture sous la forme personnalisée que nous connaissons, pourraient induire en erreur l'observateur qui ne tiendrait pas compte de cette source possible de renseignements. D'autres causes encore, telles que les sensations olfactives  – la plupart des maladies ont leurs odeurs spéciales – ou les jeux de physionomie agissent parfois sur l'écrivain. Il ne faut pas attribuer à ces facteurs une importance démesurée; l'on ne doit les retenir qu'à titre d'indications qui peuvent servir dans certains cas obscurs.
Après avoir mis les expérimentateurs en garde contre ces causes d'erreurs, assez directement applicables aux expériences d'écriture automatique, nous allons montrer que la suggestion mentale existe très réellement entre un magnétiseur et son sujet, sans parole, sans contact, et sans gestes.

La transmission des sensations pendant l'état magnétique

La pensée se transmet généralement par la parole ou par l'écriture. Dans le premier cas, c'est l'air qui est l'intermédiaire obligatoire pour transporter les ondes sonores;  dans le second cas, c'est la lumière qui nous fait connaître les caractères qui reproduisent la pensée. Il arrive aussi que l'on devine la pensée d'une personne à ses gestes, puisque les pantomines sont basées sur le rapport qui existe entre les idées et les mouvements du corps qui les expriment. Certains sujets magnétiques jouissent d'une hyperesthésie des sens assez développée pour percevoir, les yeux fermés, les gestes de leur magnétiseur et leur attribuer un sens précis. C'est de cette manière qu'opèrent beaucoup de prestidigitateurs pour simuler la transmission de la pensée, et il est possible que quelque chose de semblable se produise parfois dans les expériences les plus sérieuses, où un sensitif peut deviner la pensée d'un assistant à des indices inappréciables pour toute autre personne.
Tous les phénomènes de la vie mentale peuvent se ranger sous trois titres généraux: sensibilité, intelligence et volonté. Les sensations s'accompagnent toujours d'un état émotif. Nous commencerons donc par cette catégorie de phénomènes. On  a souvent observé qu'un sujet endormi ressent d'une manière très vive les émotions du magnétiseur.
Baragnon  rapporte le fait suivant, qui est caractéristique :

« Sortant d'un repas dans lequel je m'étais un peu échauffé, je fus invité à magnétiser une jeune personne qui passait la soirée dans la même réunion. Je produisis le sommeil avec une énergie d'action singulière. J'attribuai ce fait à mon excitation, bien qu'elle me parût fort légère. Je fus encore plus étonné d'apercevoir chez la magnétisée, plongée en somnambulisme, les effets les plus manifestes de l'ivresse. Personne n'en présuma la cause, vu que j'avais l'air de sang-froid  mais j'expliquai tout surpris moi-même, ce merveilleux effet de transmission, produisant l'ivresse chez une femme délicate, éminemment plus sensible qu'un homme à l'effet des spiritueux. »

Lafontaine raconte qu'il produisit un effet analogue sur un peintre de ses amis, parce qu'il avait pris plusieurs verres de vin en le magnétisant .

« Il m'est arrivé souvent, dit le comte de Maricourt , d'être confus et gêné par la clairvoyance des somnambules ressentant  les impressions ou devinant les sentiments que j'eusse voulu leur cacher. »

Baragnon dit encore :

« Quelle est cette communication intime de deux natures (magnétiseur et magnétisée) au point que les plus légères douleurs, les impressions physiques les plus diverses perçues par l'une soient répercutées par l'autre, dont les sens sont abolis, dont les moyens de perception sont anéantis? Il faut écraser sa plume plutôt que de chercher l'explication de pareils faits; on les constate, voilà tout. Si le magnétiseur ressent une impression, à l'instant même le somnambule éprouve une commotion identique. Si vous piquez par exemple le bras de l'opérateur, de façon à ce qu'il en souffre, le sujet manifestera de la douleur, dira toujours, sans erreur, l'endroit qui a été lésé, si c'est une brûlure, une piqûre, un coup. »

Alfred Russel Wallace  étudia le magnétisme en 1844 et fit des expériences sur quelques-uns de ses élèves. Voici comment il parle des transmissions de sensations.

« La sympathie de sensation entre mon sujet et moi-même fut alors pour moi le phénomène le plus mystérieux que j'aie constaté. Je trouvais que lorsque je tenais la main de mon sujet, il éprouvait exactement les mêmes sensations du goût, du toucher et de l'odorat que j'éprouvais moi-même.
Je formais une chaîne de plusieurs personnes; à l'une des extrémités je plaçais le sujet, à l'autre moi-même. Lorsque dans un silence parfait, j'étais pincé ou piqué, le sujet, immédiatement, portait sa main à la partie correspondante de son corps, et se plaignait d'être piqué ou pincé aussi. Si je mettais dans ma bouche un morceau de sucre ou de sel, le sujet s'acquittait immédiatement de l'action de sucer, et bientôt montrait par gestes et paroles de la manière la plus excessive, qu'il éprouvait la même sensation de goût que moi. Je n'ai jamais, jusqu'à présent, été satisfait par aucune des explications de ce fait, données par nos physiologistes. Ceux-ci s'arrêtent à la supposition que le garçon n'éprouvait aucune sensation du toucher ni du goût, mais acquérait par une extra naturelle acuité d'ouie connaissance de ce que je ressentais à la peau ou au palais! Or il est contraire au résultat de toutes nos recherches que mon sujet ait joui de quelque extra naturelle acuité de cette espèce, et l'expérience était précisément conduite de manière à empêcher le garçon de recevoir par le moyen des sens ordinaires, aucune notion de ce que je ressentais ou touchais. »

La Société Anglaise de Recherches psychiques a étudié ces phénomènes pendant plusieurs années, et elle affirme que la transmission de sensations est absolument démontrée. Voici un exemple de la manière de procéder qui fut employée .

« Fred Wells, jeune homme de vingt ans, endormi, était assis sur une chaise, les yeux bandés, et M. Smith, l'opérateur, se tenait derrière lui. Le sujet fut endormi par M. Smith à l'aide des passes. L'opérateur fut alors piqué ou pincé dans différents endroits assez fortement, et cette opération durait généralement une ou deux minutes. Un silence absolu fut observé, à l'exclusion d'une question nécessaire: « Sentez-vous quelque chose? » Cette question était prononcée par M. Smith, puisque le sujet paraissait ne pas entendre les autres personnes. Dans la première série d'expériences, M. Smith tenait l'une des mains du sujet, mais cette précaution ayant été trouvée ensuite inutile, tout contact entre l'opérateur et son sujet a été rompu dans les expériences ultérieures. »

PREMIERE SERIE  – 4 janvier 1883.
1.   La partie supérieure du bras droit de M. Smith a été pincée plusieurs fois. – Environ deux minutes après, M. Wells se mit à frotter la partie correspondante de son corps.
2.   La nuque pincée. – Même résultat.
3.   Le mollet de la jambe gauche frappé. – Même résultat.
4.   L'aile de l'oreille gauche pincée. – Même résultat.
5.   Le dos de la main gauche pincé. – Même résultat.
6.   La partie du dos frappée. – Même résultat.
7.   Les cheveux tirés. – Wells localise la douleur dans son bras gauche.
8.   L'épaule droite frappée. – La partie correspondante du sujet est déterminée exactement.
9.   Le dos de la main gauche piqué. – Même résultat.
10. La nuque piquée. – Même résultat.
11. Le doigt du pied de la jambe gauche foulé. – Action nulle.
12.    L'oreille gauche piquée. – La partie correspondante est indiquée exactement.
13.    L'omoplate gauche frappée. – Même résultat.
14.    Le mollet de la jambe droite pincé. – Wells touche son bras.
15.    Le creux de la main gauche piqué. – La partie correspondante est indiquée exactement.
16.    Le cou, au-dessous de l'oreille droite, piqué. – Même résultat.

Par conséquent nous avons ici :
Sur 16 expériences: 13 succès, 3 échecs.
Dans la seconde série d'expériences, Wells avait les yeux bandés comme précédemment, mais en outre un paravent séparait Wells de M. Smith. Durant une partie des expériences M. Smith se trouvait dans une chambre voisine, séparé de son sujet par un rideau épais.

DEUXIEME SERIE –  10 avril 1883.
17.  La partie supérieure de l'oreille gauche de M. Smith pincée. – Au bout de deux minutes environ, Wells s'écria: « Qui est-ce qui me pince! » et il se mit à frotter la partie correspondante.
18. La partie supérieure du bras gauche pincée. – Wells indique le point presque instantanément.
19. L'oreille droite pincée. – Au bout d'environ une minute, Wells tapa sur sa propre oreille droite, comme s'il eût voulu attraper une mouche importune, en criant: « Veux-tu me laisser tranquille! »
20. Le menton pincé. – Wells indique la place presque immédiatement.
21. Les cheveux sont tirés. – Action nulle.
22. La nuque pincée. – Wells pince assez promptement, la partie correspondante.
23. L'oreille gauche pincée. – Même résultat.
24. On a mis du sel dans la bouche de M. Smith. – Wells s'écria: je n'aime pas manger les bougies. » (Une idée suggérée sans doute par le mot bougie qui était prononcé devant lui, 5 minutes auparavant.)
25. La poudre de gingembre très brûlante. – « Je n'aime pas les choses qui brûlent, pourquoi me donner du poivre comme cela? »
26. Du sel. – Qu'est-ce que cette confiture dégoutante? »
27. L'absinthe de Judée. – Vous me faites mal aux yeux. Je n'aime pas la moutarde. »
Il faut mentionner que dans ces deux dernières expériences, le goût de gingembre persiste et se confond avec les sensations nouvelles.
28. Le mollet droit pincé. – Wells se fâche et refuse de parler. Enfin il étend violemment la jambe droite et se frotte le mollet.

Après cette expérience, Wells devient tout à fait irrité et ne veut plus répondre aux questions, en disant que s'il continue à le faire,  on va continuer à le pincer. (Pendant ce temps, le mollet gauche de M. Smith a été continuellement pincé.)
Donc, dit M. Ochorowicz, sur vingt-quatre expériences concernant le tact, il y a en somme vint succès. Parmi les quatre échecs, deux seulement pouvaient être prévus, car en tirant les cheveux on réussit rarement à produire un transfert. Une fois la réponse n'a pas été donnée, et une fois seulement elle a été fausse. Ces procès-verbaux ont été signés par MM. W. F. Barrett, Edmond Gurney, F. W. H. Myers, Henry N. Ridley, W. H. Stone, Georges Wyld et                F. Podmore.
La transmission des émotions et des sensations est donc très nette. Elle s'accomplit à distance, comme l'avaient signalé les anciens magnétiseurs  et comme l'a vérifié plus tard                M. P. Janet. Voici son témoignage .

« Mme B    semble éprouver la plupart des sensations ressenties par la personne qui l'a endormie. Elle croyait boire elle-même quand cette personne buvait. Elle reconnaissait toujours exactement la substance que je mettais dans ma bouche et distinguait parfaitement si je goûtais du sel, du poivre ou du sucre.
Nous avons remarqué que le phénomène se passe encore de même si je suis dans une autre chambre. Si même dans une autre chambre je me pince fortement la jambe, elle pousse des cris et s'indigne qu'on la pince au bras ou au mollet. Enfin mon frère qui assistait à ces expériences et qui avait sur elle une singulière influence, car elle le confondait avec moi, essaya quelque chose de plus curieux. En se tenant dans une autre chambre, il se brûla fortement le bras, pendant que Mme B... était dans cette phase de somnambulisme léthargique  où elle ressent les suggestions mentales. Mme B... poussa des cris terribles et j'eus de la peine à la maintenir. Elle tenait son bras droit au-dessus du poignet et se plaignait d'y souffrir beaucoup. Or, je ne savais pas moi-même exactement l'endroit où mon frère avait voulu se brûler. C'était bien à cette place-là. Quand Mme B… fut réveillée, je vis avec étonnement qu'elle serrait encore son poignet droit et se plaignait d'y souffrir beaucoup sans savoir pourquoi. Le lendemain elle soignait encore son bras avec des compresses d'eau fraîche, et le soir, je constatai un gonflement et une grosseur très apparents à l'endroit exact où mon frère s'était brûlé; mais il faut remarquer qu'elle s'était touché et gratté le bras pendant la journée. Ce phénomène de la communication des sensations ne se produisit qu'après une longue suite de séances et à la fin d'une séance qui a duré elle-même plusieurs heures: aussi ne l'ai-je pas revu une autre fois avec la même netteté. »

Transmission des idées pendant l'état magnétique

Nous savons aujourd'hui que dans certaines maladies nerveuses, les sujets en crise présentent des états analogues au sommeil magnétique , il n'est donc pas surprenant que l'on ait pu constater parfois, la transmission de pensée entre les exorcistes et les malades que l'on croyait possédés du démon. Les Ursulines de Loudun ; les camisards ; les convulsionnaires de Saint-Médard offrent des exemples indéniables de cette transmission de pensée qui était prise pour une preuve certaine de la possession diabolique. Citons un exemple peu connu, emprunté au Dr Dupouy  :

« Les religieuses du couvent d'Auxonne, au commandement ou même sur l'ordre mental des exorcistes, tombaient en extase, et dans cet état, elles devenaient insensibles à la douleur, comme on le constata en enfonçant des aiguilles sous les ongles de la soeur Denise. L'évêque de Chalone rapporte que « toutes les dites filles, tant séculières que régulières, au nombre de dix-huit, avaient le don des langues et répondaient en latin aux exorcistes faisant parfois des discours entiers en cette langue. Presque toutes ont témoigné avoir connaissance de l'intérieur et du secret de la pensée, ce qui a paru particulièrement dans les commandements intérieurs qui leur ont été faits par les exorcistes en diverses occasions, auxquels elles ont obéi très exactement pour l'ordinaire, sans que les commandements fussent exprimés ni par des paroles ni par aucun signe extérieur. Ce dont ledit évêque a fait plusieurs expériences, entre autres sur la personne de Denise Pariset, à laquelle ayant fait commandement dans le fond, de sa pensée, de le venir trouver pour être exorcisée, elle y est venue incontinent, quoique demeurant dans un quartier de la ville assez éloigné, disant au seigneur évêque qu'elle avait été commandée par lui de venir: ce qu'elle a fait plusieurs fois. (Nous verrons tout à l'heure des expériences analogues faites de nos jours). Et encore en la personne de la soeur Jamin, novice, qui en sortant de l'exorcisme lui dit le commandement intérieur qu'il avait fait au démon pendant l'exorcisme. Et en la personne de la soeur Borthon, à laquelle ayant commandé mentalement, au plus fort de ses agitations, de venir se prosterner devant le Saint-Sacrement, le ventre contre terre et les bras étendus, elle exécuta le commandement au même instant qu'il eût été formé, avec une promptitude et une précipitation tout extraordinaires. » Voilà des démons bien sages et bien complaisants.

Puységur, après sa découverte du somnambulisme, fut surpris de voir que son sujet répétait tout haut un air que lui fredonnait intérieurement .

« Quand il est dans l'état magnétique, dit encore le marquis, ce n'est plus un niais paysan sachant à peine répondre une phrase: c'est un être que je ne sais pas nommer. Je n'ai pas besoin de lui parler, je pense devant lui, il m'entend, il me répond. Vient-il quelqu'un dans sa chambre, il le voit si je veux. Il parle bien, il dit les choses que je veux qu'il lui dise, non pas toujours telles que je les lui dicte, mais telles que la vérité l'exige. Quand il veut dire plus que je ne crois prudent qu'on en entende, alors j'arrête ses idées, ses phrases au milieu d'un mot, et je change son idée totalement. »

Le Dr Petetin , d'abord adversaire du magnétisme, remarque sur une malade:

« Que non seulement elle prévoyait ce qui devait lui arriver, mais formait-on une pensée sans la manifester  par la parole, elle en était instruite aussitôt et exécutait ce qu'on avait l'intention de lui commander, comme si la détermination fut venue d'elle-même; quelquefois cependant elle priait de suspendre l'ordre mental ou de le révoquer, lorsque ce qu'on lui prescrivait était au dessus de ses forces ou qu'elle était fatiguée. »

Deleuze dit  :

« Lorsqu'on veut demander quelque chose aux somnambules, il faut exprimer sa volonté par des paroles. Les bons somnambules entendent sans qu’on leur parle. Mais pourquoi employer ce moyen sans nécessité? »

Charpignon  affirme en ces termes sa certitude sur la communication de pensée :

« Nous avons maintes fois formé dans notre pensée des images fictives et les somnambules que nous questionnions voyaient ces images comme des réalités. Nous avons souvent obtenu une parole, un signe, une action d'après une demande mentale. D'autres adressant aux somnambules des questions en langues étrangères inconnues des magnétisés, ont obtenu des réponses indiquant non pas l'intelligence de l'idiome, mais de la pensée de celui qui parlait, car si l'expérimentateur parlait sans comprendre, le somnambule restait impuissant à saisir le sens de la question. »

Nous pourrions multiplier ces témoignages en citant des extraits empruntés aux ouvrages des Docteurs Teste, Puel, Barrier, Cornet, Perronet, etc. Nous préférons renvoyer le lecteur à l'ouvrage du Docteur Ochorowicz: la suggestion mentale, auquel nous avons emprunté quelques-unes des citations précédentes. Nous préférons signaler les recherches contemporaines, et principalement celles de la Société de Recherches psychiques, qui ont démontré rigoureusement l'existence d'un rapport entre le magnétiseur et son sujet, par des expériences très complètes et très minutieuses.

La Société anglaise de Recherches psychiques

Dans les Proceedings, nous trouvons des essais de toutes sortes de transmissions de pensée, faites sur des personnes différentes, dans des conditions excessivement variées, et par des comités d'investigateurs qui étudiaient d'une manière indépendante.
Les résultats de ces enquêtes sont concordants et affirment l'action d'un esprit sur un autre.
Une classe importante, et particulièrement intéressante de phénomènes, est celle où toute correspondance par les organes sensoriels étant écartée, le sujet cherche à reproduire un dessin exécuté par l'expérimentateur ou par un assistant; dans ce dernier cas, il faut que la personne qui veut faire la transmission fixe le dessin avec la plus vive attention.
Parmi les membres qui prirent part à ces expériences, il faut citer: M. Gurney, psychologue; M. F. W. H. Myers, professeur à Cambridge; Barrett, professeur de physique à Dublin; Balfour Stewart, professeur de physique à Manchester, membre de la Société Royale;           le Dr Oliver Lodge, professeur de physique à Liverpool, membre de la Société royale;          le Dr Herdman, professeur de Biologie à Liverpool;  Guthrie professeur de physique à South-Kensington. Citons encore les Docteurs Shears, Hyla Greves, le professeur Sidgwick et sa femme, et MM. Mabire et Schmoll.
Voici des exemples de transmissions d'images mentales qui ont eu lieu en présence de         M. Malcom Guthrie et du professeur Herdman. Le sujet, Mlle Relp, reste assis, et les objets choisis sont cachés par un rideau tendu derrière son dos. Les expériences ont lieu sans contact. L'agent fixe fortement les objets.


Objet  pensé    Objet  deviné
Papier rouge découpé en forme de coquetier, avec un oeuf blanc dedans.    1. Quelque chose de rouge, plus long que large.
2.  Papier bleu en forme de cruche.    2.    C'est bleu. C'est plus large au sommet qu'au milieu, puis de nouveau plus large. C'est comme une cruche. Elle dessine une cruche.
3.Papier rouge découpé en forme de vase    3.    C'est rouge, je ne puis voir que la couleur.
4. Une râpe neuve.    Quelque chose qui luit... Argent ou acier... long et incisif.
5.  Une rondelle en bois sur un fond noir.    4.    Je ne peux pas distinguer cela.
6.  Une rondelle rouge.    5.    C'est rouge.
7. Même objet que dans la cinquième expérience.    6.    Y-a-t-il quelque chose de rouge tout autour? De jaune rougeâtre, quelque chose de léger.
8. Papier argenté, découpé en forme de théière.    7.    C'est de l'argent luisant, comme une chaudière? C'est une théière.
9.  Un rectangle allongé jaune.    8.    Est-ce jaune? C'est plus long que large.
10. Un louis d'or.    10.Est-ce jaune brillant ?... De l'or. Est-ce rond ?
11. Trois de coeur.
    11. Est-ce une carte avec des points  rouges ?... Un trois, ou quelque chose comme cela.
12.  Cinq de trèfle.
    12.    C'est une autre carte avec cinq points noirs ?
13.   Huit de carreau.
    13.    Est-ce une autre carte avec beaucoup de points... rouge... un dix ?
14.   Une carte avec deux croix rouges.    14.    Est-ce quelque chose de jaune et clair... je ne vois pas bien... Est-ce une carte avec des points rouges... Je ne vois pas.
15. Sans objet. On imagine une croix blanche sur un fond noir.    15.    Je vois quelque chose de blanc et noir... Je vois deux lignes.

Nous avons noté déjà que les sensations du magnétiseur sont bien exactement éprouvées par le sujet. Le mode de reproduction des dessins présente parfois des variations. Souvent ce n'est qu'une partie de l'objet qui est reproduite;  quelquefois il y a renversement de droite à gauche ou de haut en bas. Mais on retrouve fréquemment quelques traits caractéristiques, ou des analogies qui témoignent qu'il y a eu action sur le cerveau du percipient. Par exemple, un 8 est reproduit sous forme d'une haltère. Des ciseaux sont représentés par deux grands cercles  avec une barre au milieu. Au lieu d'un X, une croix. Une tête de chat, tandis que le dessin représente l'animal vu de dos . Ou bien encore une seule lettre, un C. au lieu d'un A. et d'un B, entrelacés. Il arrive encore que la reproduction soit enjolivée de dessins fantaisistes qui n'existent pas dans l'original; une simple flèche, par exemple, sera dessinée avec des enroulements et des attributs héraldiques.
Suivant le professeur Barrett, des transmissions de ce genre se produisent même quand les opérateurs sont séparés par une cloison. On fit une fois l'expérience suivante: on boucha les oreilles du sujet avec du mastic; une taie d'oreiller fut tirée sur sa tête, et cependant la transmission de pensée réussit. On porta l'intervalle entre l'agent et le percipient à 30 pieds, de manière qu'ils fussent séparés par deux portes closes. Même dans ces conditions, qui furent très sérieusement surveillées, l'action psychique à distance se produisit.

Transmission de la Volonté pendant l'état magnétique

Le marquis de Puységur raconte que son sujet Magdeleine, en somnambulisme et mise en rapport avec un M. Mitouard, chimiste, obéissait aux ordres mentaux que celui-ci avait fait connaître préalablement aux assistants. Voici ce récit :

« Ayant donc mis Magdeleine en communication avec M. Mitouard, je la laissai à son entière disposition et me retirai dans un coin de la chambre. M. Mitouard, après l'avoir fait marcher et s'asseoir, lui avoir fait prendre différents objets, tant sur la cheminée que sur les tables, ce qui, d'après la promptitude avec laquelle elle obéissait à ses intentions, me faisait juger de la fermeté de leur direction, s'arrêta; et debout devant elle, sans faire aucun mouvement, il demeura profondément recueilli. Dans l'instant, la somnambule porte la main vers une poche de son habit, y pénètre jusqu'au fond, et en rapporte trois petits clous à vis qu'il y avait mis et qu'il avait eu, en effet, l'intention qu'elle allât y prendre. »

Dans une séance, dit Lafontaine, on écrivait sur un morceau de papier le nom d'une dame; on me communiquait le papier et un instant après on voyait la somnambule se lever, prendre un bouquet et le porter à la dame indiquée . Signalons un phénomène observé par M. Beaunis, dont nous avons rapporté plus haut le témoignage . Le professeur Beaunis était chez le       Dr Liébault.

« Le sujet est un jeune homme, très bon somnambule, bien portant, un peu timide. Il accompagnait chez M. Liébault sa cousine, très bonne somnambule aussi, et qui est traitée par l'hypnotisme pour des accidents nerveux. M. Liébault endort le sujet et lui dit pendant son sommeil: « A votre réveil, vous exécuterez l'ordre qui vous sera donné mentalement par les personnes présentes. » J'écris alors au crayon sur un papier ces mots: « Embrasser ma cousine. » Ces mots écrits, je montre le papier au Dr Liébault et aux quelques personnes présentes, en leur recommandant de le lire des yeux seulement et sans prononcer, même des lèvres, une seule des paroles qui s'y trouvent, et j'ajoute: « A son réveil, vous penserez fortement à l'acte qu'il doit exécuter, sans rien dire et sans faire aucun signe qui puisse le mettre sur la voie. » On réveille le sujet et nous attendons tous les résultats de l'expérience.
Peu après son réveil, nous le voyons rire et se cacher la figure dans les mains, et ce manège continue quelque temps sans autre résultat. Je lui demande alors: Qu'avez-vous? – Rien. – A quoi pensez-vous? – Pas de réponse. – Vous savez, lui dis-je que vous devez faire quelque chose à quoi nous pensons. Si vous ne voulez pas le faire, dites-nous au moins à quoi vous pensez. – Non. – Alors je lui dis: Si vous ne voulez pas le dire tout haut, dites-le moi tout bas à l'oreille et je m'approche de lui. – « A embrasser ma cousine », me dit-il. Ma foi le premier pas fait, le reste de la suggestion s'accomplit de bonne grâce. »

M. Ochorowicz, fort incrédule pendant longtemps, fut à même d'observer un sujet sensible sur lequel il fit une certaine quantité d'expériences qui le convainquirent. En voici une .

24 janvier

Le sujet est endormi sur le fauteuil.
ORDRE SUGGÉRÉ MENTALEMENT.
39. Souffler une bougie sur le piano.
    EXÉCUTION.
Elle se lève. Se dirige vers moi, puis vers le piano. Elle se tient si près de la bougie que je la souffle moi-même, de peur que sa robe prenne feu.
Donne la bougie !
    Touche la musique en tâtant. Retire la bobèche.
40. Donne la main gauche !
(je la tiens par la main droite).    Elle lève la main gauche et me la donne.
41. Viens à moi.
(Cette expérience a été faite avec beaucoup de précautions; la somnambule ne savait pas que j'étais parti et j'agissais à la distance, de plusieurs mètres, du fond du couloir).    Froncement de sourcils.
Elle se lève.
Etend le bras droit, s'avance, ouvre la porte et va directement dans le couloir, où je me précipite à sa rencontre.

Nous assistons ici à une action se produisant d'une chambre à l'autre, mais l'ordre mental peut être donné à une bien plus grande distance, comme l'a montré le Dr Dusart . Il fit avec un plein succès plus de cent suggestions mentales pures, à distances qui variaient entre            200 mètres et 7 kilomètres. Dans un cas entre autres, le réveil fut produit à cette distance, et le sujet annonça à ses parents que c'était la volonté du Docteur qui l'avait tiré du sommeil. Une autre fois, l'action magnétique du père fut entravée par la volonté du Docteur, qui parvint au sujet d'un endroit éloigné de 10 kilomètres. Le Dr Dufay agit d'une manière semblable sur trois personnes; et dans un cas sa pensée se fit sentir à 112 kilomètres de distance. Nous allons voir de suite, en étudiant la transmission de pensée sur des personnes éveillées, que l'éloignement entre les deux opérateurs ne paraît entraver en rien l'action psychique.

La transmission de pensée pendant la veille

On se rappelle peut-être le bruit fait en France, il y a une vingtaine années, par « Les liseurs de pensée » dont M. Cumberland fut un des plus habiles. On sait que l'espérience consiste à trouver un objet caché par une personne de l'assitance, à laquelle le sujet donne la main. Il est dirigé involontairement par l'opérateur, dont la main exécute, inconsciemment, une série de petits mouvements, d'après lesquels le sujet devine l'endroit où il doit se rendre et l'objet qu'il doit prendre. Mais on s'aperçut bientôt que le contact n'était pas nécessaire pour la transmission d'une impression, et que l'on pouvait non seulement, sans l'intervention d'aucun signe, commander des actes, mais aussi faire indiquer un objet pensé par un expérimentateur.
M. C. Richet  eut l'heureuse idée d'appliquer à la transmission de pensée le calcul des probabilités. Si un observateur regarde successivement des cartes que le sujet doit nommer, il est facile de savoir si le nombre de résultats exacts dépasse celui que le calcul indique, comme dû au hasard. Sur une série, de 2.997 expériences, il obtint 789 succès, tandis que le nombre probable était de 732. La possibilité que ce résultat ne soit pas attribuable au hasard, mais soit produit par une connexion causale, est exprimée par le rapport de 999 999 999 à 1; ce qui équivaut à la certitude qu'il y a eu transmission de pensée. Depuis, les Proceedings de la        S. P. R. ont publié les résultats de 17 séries d'expériences. Le nombre total des expériences est de 7.653; le nombre total des succès est de 4.760, et ce nombre surpasse de 347 celui indiqué par le calcul.
Le professeur Lombroso  s'est convaincu, avec un nommé Pickman, que la transmission de la pensée est possible, alors que toutes les précautions sont prises pour éviter tout contact. Sans rien toucher, les yeux bandés et les oreilles bouchées, Pickman devina juste, 9 fois sur 10, des cartes désignées d'avance par Lombroso. Les mêmes expériences faites par le célèbre criminaliste sur un jeune médecin donnent encore 6 résultats justes sur 12 essais.
On peut également transmettre des nombres. Dans une série d'expériences instituées par Mesdemoiselles Wingfield, le sujet devait deviner un nombre de 2 chiffres (de 10 à 99). Sur 2.614 essais, on obtint 275 succès tandis que le nombre probable était de 29. Plus tard, en juin 1886, MMlles  Wingfield sur 400 expériences obtinrent 27 succès complets, tandis que le nombre probable était 4 .
Des mots inventés, simulant des noms propres, furent suggérés par concentration mentale aux enfants de la famille Creery, par MM. Myers et Gurney. Voici un tableau qui résume ces expériences véritablement convaincantes .

Essai de transmission de pensée, le 17 avril 1882

Agents: MM. Myers et Gurney
Sujets: Enfants de la famille Creery, à l'état normal

PENSER    DEVINER   
    1ère réponse                                   2ème réponse
William Stubbs    William Stubbs.   
Elisa Holmes    Elisa H.   
Isaak Harding    Isaak Harding.   
Sophia Shaw    Sophia Shaw.   
Hester Willis    Cassandra    Hester  Wilson.
John Jones         John Jones.   
Timothy Taylor     Tom    Timothy Taylor.
Esther Ogle    Esther Ogle.   
Arthur Higgins    Arthur Higgins.   
Alfred Henderson    Alfred Henderson.   
Amy Frogmore         Amy Frogmore.    Amy Frogmore.
Albert Sinelgrove                    Albert Grover.    Albert Sinelgrove.
                                

On doit attribuer ces succès à une sensibilité exquise des sujets, et probablement à des qualités spéciales des expérimentateurs, car dans d'autres expériences les résultats parfaits furent moins nombreux. Voici les essais faits à Brighton, le 3 décembre 1882. L'agent (l'opérateur) était Douglas Blackburn et le percipient (le sujet) G. A. Smith. Edmond Gurney et                  F. W. H. Myers établirent les conditions d'essai, la suite et le mode d'expérience, et garantissent, grâce à la surveillance attentive qu'ils ont exercée, qu'aucune communication ou indication inconsciente n'a pu se produire entre l'agent et le percipient.

PENSER    DEVINER       
Noms désignés auparavant par les expérimentateurs.    1ère réponse    2ème réponse                        3ème réponse
Barnard    Harland    Barnard   
Bellairs    Hamphreys    Ben Nevis.                         Benaris.
Johnson    Jobson    Johnson.   
Regent Street    Rembrandt Street    Regent Street.   
Hobhouse    Hanter       
Black    Drack    Blake.   
Queen Anne    Queechy    Queen.   
Wissenchaft    Wissie    Wisenaft.   
       
(Blackburn ne sait pas l'allemand)

Toutes les expériences que nous avons relatées ont eu lieu pendant que l'opérateur et le sujet étaient dans la même salle ou séparés seulement par un paravent, enfin dans deux chambres voisines dont la porte était fermée. Les précautions les plus minutieuses ont été prises pour éliminer des chances d'erreur telles que: transmission de sensations odorantes, concordance d'association d'idées, fraude, mouvements inconscients, suggestion verbale, etc. Il paraît donc certain que la pensée s'extériorise, indépendamment de toute médiation sensorielle. Afin qu'il ne reste pas l'ombre d'un doute à cet égard, nous allons signaler l'action à grande distance d'un opérateur sur son sujet.

Action à distance sur un sujet éveillé

On a beaucoup plaisanté les magnétiseurs au sujet de leur croyance au « fluide magnétique », mais si l'on ne peut admettre aujourd'hui un dégagement fluidique dans le sens d'une substance sortant du corps, d'une émanation physique, il faut nécessairement imaginer un rayonnement dynamique pour expliquer comment un magnétiseur agit sur un sujet à travers des cloisons ou des murailles, alors que l'imagination ne peut jouer aucun rôle, puisque c'est à l'insu du sujet qu'on opère. Il n'est même pas démontré que ces ondulations qui se propagent dans l'espace n'entraînent pas avec elles des particules matérielles infiniment petites, car les travaux de Reichenbach sur l'od, montrent que les lueurs qui s'échappent incessamment du corps de tous les êtres vivants ondulent comme des flammes lorsque l'air est agité . Les récentes expériences du Dr Le Bon  et de M. de G. de Heen établissent que certaines réactions chimiques produisent des émanations qui ionisent Yak et déchargent l'électroscope. Il ne serait donc pas impossible que le corps humain, qui est un laboratoire toujours en activité, émît des corpuscules infiniment petits qui seraient entraînés par les vibrations dynamiques qui se propagent dans l'espace. Mais délaissons les hypothèses pour ne voir que les faits, ils sont assez nombreux et convaincants pour établir l'action à distance d'un homme sur un autre.
Mesmer est le premier qui ait donné une démonstration de ce phénomène. En 1775, au château de Rochow, en Hongrie, en présence du savant autrichien Scifert, il fit accomplir des actes variés à un sujet qui était dans une pièce voisine, et qui pouvait voir ou entendre les gestes du grand magnétiseur. L'action se produisait ou était suspendue suivant que Mesmer agissait ou s'arrêtait, et les sensations transmises étaient celles que Mesmer voulait provoquer .
Dès que le magnétisme fut pratiqué en France, on s'aperçut que la présence de l'opérateur dans la même chambre que celle où se trouvait le sujet n'était pas nécessaire pour produire le sommeil. Le marquis de Dampierre et Bruno en citent des cas  et  mais les faits les mieux constatés de cette époque sont sans contredit ceux que Du Potet a produits à l'Hôtel-Dieu en 1820 . Le 4 novembre, le Dr Husson, médecin de cet hospice proposa à Du Potet d'endormir un sujet, Melle Samson, en restant dans un cabinet fermé à clef et séparé par une forte cloison de la pièce où se tiendrait la malade. Il accepta. On convint d'un signal, et lorsque le sujet fut arrivé, on le fit asseoir, le dos tourné, à trois ou quatre pieds de cette cloison. Au signal convenu, Du Potet commença à magnétiser en observant le plus profond silence, et sans faire le moindre bruit qui pût decéler sa présence. Trois minutes après, Melle Samson dormait. Le 7 novembre suivant, la même expérience eut lieu devant le professeur Récamier, et le résultat fut le même que la première fois. Une troisième tentative fut couronnée de succès si qu'on opérât sur la malade dans la salle où elle était couchéee et à plus de vingt pieds de distance. On a essayé d'expliquer ces résultats par auto-suggestion du sujet, qui se serait douté qu'on voulait l'endormir, en voyant M. Husson à une heure inaccoutumée. Mais la contre-épreuve a été favorable à l'hypothèse de l'action à distance, puisque le sujet amené dans le cabinet de M. Husson, placé aux mêmes endroits que précédemment, et devant lequel on tint les mêmes propos et on fit les mêmes gestes que précédemment, ne s'endormit nullement, ce qui prouve que son imagination n'était pas intervenue la première fois pour la mettre en somnambuhsme; puis à peine Du Potet commence-t-il à magnétiser, à l'insu de Melle Samson, que celle-ci s'endort.
Cinq ans après, le Dr Froissac renouvelait ces expériences, sur Cazot, avec un plein succès et dans des conditions qui ne laissaient rien à désirer . Lafontaine  endormit à Rennes son sujet, sans que celui-ci fût prévenu, en agissant sur lui d'un étage à l'autre de l'hôtel où il était descendu. A Saint-Mars-la-pille, il put montrer la réalité de l'action dite magnétique en plongeant un sujet dans le sommeil, malgré qu'il en fût séparé par une distance d'un demi-kilomètre. Nous avons vu le Dr Dusart agir à 700 mètres de distance et dans un cas à            12 kilomètres.
Le professeur Ch. Richet a raconté que pendant son internat à l'hôpital Baujon; deux fois il endormit une malade en restant dans la salle de garde, pendant que le sujet était couché dans son lit. Le Dr Hérapporte qu'il eut l'occasion exerçant à Perpignan, de magnétiser une dame sur laquelle il acquit un grand pouvoir, il lui était possible d'agir sur elle à 300 mètres de distance, en choisissant des heures où le sommeil normal ne se produisait jamais.
M. le Dr Moutin a consigné des observations d'actions à distance dans sa thèse doctorale . MM. Gibert et P. Janet  ont étudié l'action à distance sur un sujet très sensible, nommé Léonie, et ils ont pu convaincre divers observateurs comme MM. Ochorowicz, Marillier, Myers, Paul Janet de leur pouvoir de mettre cette femme en somnambulisme, bien qu'elle demeurât à 500 mètres de distance du cabinet du Dr Gibert. Sur vingt deux expériences, il y eut six échecs: trois tout au début quand l'habitude somnambulique n'était pas assez bien établie; un peu plus tard, également après une interruption de quelques jours dans les séances; et deux quand le sujet a résisté plus d'une demi-heure avant de s'endormir. En somme seize succès « précis et complets ».

« Faut-il croire, ajoute M. P. Janet, qu'il y a eu seize fois une coincidence fortuite quoique exacte? La supposition est peut-être peu invraisemblable; y a t-il eu suggestion involontaire de notre part? Je ne puis répondre qu'une chose, c'est que très sincèrement nous avons pris toutes les précautions possibles pour l'éviter. »

M. Richet a fait à Paris 39 expériences avec Léonie et obtint cinq succès. En parlant des expériences réussies, il dit :

« Deux hypothèses seules se présentent: il y a eu simple hasard ou action à distance. Il est bien difficile d'admettre la première hypothèse: celle du hasard pur et simple. D'autre part, je me suis entouré des précautions les plus minutieuses pour éviter la supercherie, le soupçon, l'éveil de la perspicacité qui est si grande chez ces malades. Reste donc l'action à distance. Or, ma réussite dans des conditions aussi sévères que possible d'expérimentation, me force à reconnaître son existence. »

Ceci est catégorique. La science la plus méfiante est obligée d'admettre l'action à distance d'un magnétiseur sur son sujet. Nous disons magnétiseur, car il est évident que l'hypnotisme n'a rien à faire ici. On sent que les observateurs se servent de ce vocable pour ne pas trop effaroucher les sensibles oreilles de leurs confrères scientifiques, déjà suffisamment horrifiés par ces nouveautés, qui mettent en évidence la fausseté de leurs théories favorites.
Mais il nous faut aller plus loin encore, et constater que ce qui se produit entre magnétiseur et sujet, se réalise dans la vie ordinaire, c'est-à-dire que la transmission de pensée est un phénomène relativement fréquent, entre des personnes reliées par des liens de parenté, d'affection ou de sympathie. On a donné à cette action le nom de Télépathie. Nous l'étudierons au chapitre suivant.
Maintenant que nous avons la certitude de la possibilité de transmettre la pensée sans intermédiaire sensoriel, il devient urgent de préciser dans quelles conditions ce phénoméne peut se produire, et de nous demander dans quelle mesure il peut servir à l'explication des messages automatiques qui relatent des faits inconnus de l'écrivain, mais dont un assistant peut affirmer l'authenticité.

Conditions nécessaires pour que la suggestion mentale
puisse se produire entre magnétiseur et sujet

Jusqu'ici nous n'avons relaté que des résultats, sans nous occuper des circonstances qui favorisent ou entravent la suggestion mentale. Il est cependant fort important de remarquer qu'elle ne se produit pas régulièrement, même lorsqu'on a pu la constater quelquefois avec certitude entre un opérateur et son sujet. Nous avons mentionné, en même temps que les réussites, les échecs subis par MM. Gibert, Janet, Ochorowicz, Ch. Richet, de sorte que nous devons en conclure que cette transmission dépend d'un certain concours de circonstances qui ne se trouvent pas réunies lorsque l'expérience échoue. Il nous faut donc examiner séparément l'état du magnétiseur, celui du sujet, et la relation qui les lie lorsque la suggestion mentale se réalise.
L'opérateur – D'après les rapports faits par les commissions de la Société de Recherches psychiques, « il résulte qu'un état sceptique de l'agent est défavorable à la transmission, parce que cet état empêche la participation intensive de la volonté à l'activité de conception. »  Tous les assistants paraissent influencer le phénomène dans son résultat, et la tenue d'esprit de l'observateur lui-même, vis à vis de l'objet de l'épreuve, est dans le même cas. Pour que l'on puisse suggérer mentatement une pensée, il est indispensable que l'opérateur se recueille, s'isole et pense nettement. Dans les expériences qui eurent lieu au Havre, avec Léonie, le Dr Gibert et M. P. Janet avaient pour habitude de se retirer dans leur cabinet afin de pouvoir mieux être à l'abri des distractions. Dans un cas ,  M. Gibert, à force de concentrer sa pensée, a eu une forte syncope. M. P. Janet, dans une autre expérience, s'isole et emploie toute sa volonté pour ordonner à Léonie, éloignée d'un kilomètre environ, de tomber en somnambulisme , ce qui eut lieu.
A vrai dire, ce n'est peut-être pas encore tant l'intensité de la volonté qui est en jeu, c'est surtout la clarté de la vision intérieure et la fixité de l'image mentale que l'opérateur doit maintenir dans son cerveau. Tous les expérimentateurs ne sont pas également aptes à concentrer leur pensée, et par conséquent à se faire une idée exacte de ce qui doit être transmis. Nous avons assisté assez souvent à des essais de transmissions mentales qui réussissaient avec des personnes et échouaient avec d'autres, parce que ces dernières ne savaient pas, lorsqu'elles voulaient faire accomplir un acte, décomposer la série des mouvements que le sujet doit exécuter pour réaliser la pensée de l'agent.

« Un récit de M. Ochorowicz montre bien la nécessité d’énumération successive . La malade endormie doit se lever, aller au piano, prendre une boite d'allumettes, l'apporter au docteur, allumer l'une d'elles, puis retourner à sa place. Voici la série des injonctions mentales de l'opérateur actionnant le sujet :

Se lever    Elle se lève avec difficulté. S'approche de moi.
Va au piano !    Elle va au piano. Mais passe devant,
Retournes !    Elle revient.
Encore en arrière !    Elle s'avance vers la porte.
Je l’arrête par la main.        Elle revient au piano. Cherche trop haut.
Plus bas !    = o
Plus bas !    Sa main s'abaisse.
Prends la boite !    Elle touche la boite, puis recule.
Prends la boite !    Elle la touche de nouveau et la prend.
Viens à moi !    Elle vient à moi. Elle veut me passer la boite.
Allume !    Elle retire une allumette.
Allume !    Elle l'allume.
Retourne à ta place.    Elle retourne à sa place.

Indépendamment de cette nécessité de savoir diriger et concentrer nettement sa pensée, l'opérateur qui endort un sujet influe sur son genre de somnambulisme, par son action personnelle. L'individualité psycho-physiologique joue un rôle important, car, ainsi que nous allons le voir, il y a un état spécial dans lequel le sujet peut recevoir la pensée. Ceci nous amène à reparler du rapport magnétique, dont nous avons signalé déjà l'existence .
QU’EST-CE QUE LE RAPPORT? Un somnambule endormi par les procédés magnétiques reconnaît toujours parmi plusieurs autres l'attouchement de son magnétiseur, qui lui est agréable. C'est un des phénomènes qui différencie l'hypnotisme du magnétisme. Le sujet hypnotisé entend tout le monde, sent les contacts de toutes les personnes présentes et peut être réveillé par n'importe qui. Le sujet magnétique, au contraire, est généralement isolé du milieu ambiant; il est sourd et aveugle pour tout ce qui ne lui vient pas de son magnétiseur, mais, en revanche, les seules sensations qu'il perçoit ont une acuité remarquable. Il semble que les passes ont opéré une sorte de réglage, d'unisson vibratoire entre l'organisme de l'opérateur et celui du sujet, comme il en existe un entre deux diapasons qui donnent la même note. Lorsque cette sympathie est établie, le somnambule voit son magnétiseur les yeux fermés, ou, plus exactement, il traduit en images visuelles toutes les sensations qui en proviennent. Il le sent par ses gestes qui produisent des mouvements de l'air; par les émanations de la senteur cutanée; par la chaleur qui s'en dégage. Il juge ainsi s'il est à droite ou à gauche, devant ou derriere et toutes ces sensations, associées par l'habitude à des images mentales, font que le somnambule traduit ses impressions en langage des yeux . Cette explication convient parfaitement pour les expériences où l'agent et le percipient sont dans la même salle, mais ne s'applique plus au cas de suggestions lointaines.
Lorsqu'un sujet a été magnétisé souvent par le même opérateur, il se développe un rapport d'une autre nature, puisque la transmission de pensée a lieu à grande distance et que toute impression sensorielle est supprimée entre l'expérimentateur et son sujet. C'est là la véritable action magnétique;  elle peut être comparée aux ondes hertziennes qui, elles aussi, se propagent au loin, sans conducteur matériel, en traversant presque tous les obstacles non métalliques.
La transmission de pensée expérimentale exige donc impérieusement un rapport, et celui-ci ne s'établit qu'après un contact matériel ou des magnétisations prolongées. Dans les expériences du Havre, lorsque c'était le Dr Gibert qui endormait Léonie, M. Janet ne pouvait pas lui transmettre sa pensée, alors même qu'il l'avait souvent endormie auparavant et qu'il avait pu lui faire déjà des suggestions mentales. Le magnétiseur a une action qui lui est particulière; il crée une liaison invisible, mais bien réelle, entre lui et le sujet dont il règle l'organisme d'après sa constitution physiologique, suivant son rayonnement dynamique propre, de manière, probablement, à créer une sorte de synchronisme vibratoire entre les deux organismes.
Voici, d'après M. Ochorowicz , les faits incontestables qui appuient cette manière de voir.

« Il existe des cas où le magnétisé perçoit l'action de son magnétiseur sans que ses sens puissent l'avertir de sa présence, il distingue son attouchement entre plusieurs autres, même par l'intermédiaire d'un corps inerte (une tige en bois, par exemple) qui ne peut pas l'influencer différemment par elle-même. Par conséquent, si le sujet distingue aussi bien l'attouchement du magnétiseur à travers une tige que directement, il faut bien qu'il existe un courant moléculaire quelconque, propre à l'organisme du magnétiseur et qui dénote sa présence, à peu près comme un courant galvanique décèle la présence d'une pile par l'intermédiaire d'un fil qui nous touche. L'objection, que la majorité des sujets n'éprouve rien, est sans valeur, puisqu'on ne sent rien avec le courant d'une faible pile, quoique la boussole indiquera nettement sa présence, et que pour un courant encore plus faible, celui d'un téléphone ou d'une grenouille, on n'obtient rien du tout en employant la même boussole. Il faut un instrument plus sensible encore, un galvanomètre comme celui de M. Du Bois Raymond pour en indiquer l'existence.
En second lieu, on peut obtenir des effets marqués au point de vue thérapeutique en agissant sans contact et à l'insu des malades, par exemple chez des enfants endormis. Il y a donc une action inductive qui dépasse la surface du corps de l'opérateur. On constate également des différences très nettes dans l'action magnétique de différentes personnes sans que l'influence morale puisse les expliquer. Une main agit autrement qu'une autre main; il y a donc bien une action physique et cette action est spéciale pour chaque individu. »

Enfin puisque les faits nous obligent à constater l'action à distance, c'est que quelque chose sort de l'opérateur pour agir sur le sujet.

« Si ce rapport n'était pas établi par une magnétisation préalable, dit encore M. Ochorowicz , ou bien par des magnétisations précédentes, je crois que l'action mentale resterait sans résultat.
Il y a des faits qui semblent s'opposer à cette manière de voir. On a obtenu des transmissions de pensées avec des personnes qui n'ont jamais été magnétisées. Mais, en examinant ce fait de près, on voit que d'abord le sujet a toujours été prévenu, que toujours son attention expectante le mettait dans un état plus ou moins anormal, et que toujours avant d'obtenir un résultat quelconque, l'opérateur était obligé de concentrer bien sa pensée, avec l'idée d'influencer le sujet, ce qui équivaut, à peu de chose près, à une magnétisation. Donc, je crois qu'il n'y a pas de suggestion mentale sans rapport magnétique. »

C'est là une constatation très importante au point de vue spirite, car même en supposant que le médium soit un somnambule éveillé, il est nécessaire, pour que la transmission de la pensée soit possible entre lui et un assistant, qu'un rapport magnétique ait été préalablement établi, sans quoi la suggestion mentale n'a pas lieu. D'ailleurs celle-ci ne se produit pas toujours, même avec un sujet très entraîné. Il faut une certaine espèce de sommeil magnétique pour amener l'état psychique particulier, qui est seul favorable à la réception de l'onde mentale. Nous allons définir tout à l'heure cet état.
En résumé, le rapport magnétique résulte soit :
1° -  D’une concentration de l'attention du sujet dirigée uniquement vers le magnétiseur  (c'est le cas le plus fréquent).
2° -  D'un réglage particulier psychique obtenu en partie par cette concentration  même, mais principalement provoqué par les procédés de magnétisation et soutenu par des indications involontaires de l'attitude, de la voix, etc., du magnétiseur (c'est déjà un cas un peu moins fréquent).
3° -  D'une action physique individuelle.
4° -  D'une suggestion mentale.
Etudions maintenant quel est l'état du sujet lorsque la transmission mentale se produit.
Le sujet . – S'il est un fait aujourd'hui bien constaté, c'est qu'il n'y a pas de sommeil magnétique proprement dit, mais une série d'états somnambuliques, qui se succèdent ou se remplacent, en accompagnant toutes les modifications physiologiques du sujet. Suivant l'intensité de l'action magnétique, l'état psychique du sujet peut passer par tous les degrés, depuis l'aïdéie profonde, c'est-à-dire l'absence complète d'idée, le néant cérébral, jusqu'à un état d'excitation très grand que l'on nomme la polyïdéie. Quel est parmi tous ces états celui qui est le plus favorable à la transmission de la pensée? Pour le savoir, il faut bien se rendre compte de ce qu'est la suggestion mentale. On peut considérer ce phénomène comme une sorte d'audition mentale;  alors on va comprendre de suite dans quels cas elle peut le mieux se produire. On n'entend pas la parole ordinaire pour plusieurs raisons:
1° -  Lorsqu'on est sourd;
2° - Quand il y a trop de bruit;
3° - Quand on est distrait.
Appliquons ces observations au sommeil magnétique, elles vont nous renseigner .
On est sourd pour une transinitsion de pensée, lorsque l'on dort si bien que le cerveau ne fonctionne plus. Comment un sujet serait-il sensible à une action aussi délicate que celle de la pensée lorsqu'il n'entend même pas la voix de son magnétiseur? Il est sourd. Inutile de lui crier à l'oreille, et à plus forte raison de lui chuchoter à distance. La suggestion mentale sera donc plus difficile dans cet état d'aïdéie paralytique profonde que dans l'état de veille, et ceux qui s'imaginent qu'il suffit d'endormir profondément quelqu'un pour le rendre sensible à l'action mentale se trompent complètement.
En second lieu, en poursuivant notre comparaison, on n'entend pas une voix faible lorsqu'il y a trop de bruit dans l'appartement. Un sujet hypnotisé n'entendra pas une voix mentale, parce que n'étant pas isolé, il est à la merci de tout le monde parce qu'il a trop de sensations fortes et différentes; parce que son attention n'est pas dirigée exclusivement sur l'opérateur en un mot parce qu'il n'y a pas rapport magnétique.
Enfin on n'entend pas quand on est distrait ou pour mieux dire, quand on est occupé à autre chose, parce qu'une action exclut l'autre. Celui qui parle écoute mal. Les rêves du somnambulisme actif étant plus vifs qu'à l'état normal, étant presque toujours des rêves parlés, s'opposent davantage à une perception délicate, que l'état de veille lui-même, plus mobile et plus varié dans ses phénomènes. Par conséquent, inutile d'essayer la suggestion mentale directe sur un somnambule qui cause avec vivacité, il ne vous entendra pas. Son attention n'est pas nulle comme chez l'hypnotisé, mais ce qui est pis pour la transmission de la pensée, elle est dirigée ailleurs. Donc, malgré les apparences favorables (il peut vous entendre toujours, vous, son magnétiseur) l'état de polyïdéie fortement active ne convient pas plus aux expériences qu'une aïdéie paralytique.
Quand donc alors peut se produire la suggestion mentale? C'est pendant les états intermédiaires.
Généralement, les sujets ne passent pas brusquement de l'absence de pensée à une idéation active; ils s'arrêtent plus ou moins longtemps à une phase à laquelle on a donné le nom de monoïdéisme. Dans cet état on n'est plus en face d'une paralysie complète du cerveau, il commence à fonctionner et se concentre sur une seule idée, qui par ce fait devient très intense parce qu'elle est seule dominante. Ce monoïdéisme peut être actif ou passif. Lorsqu'il est actif, il s'approche de la polyïdéie et n'est pas favorable à la transmission de la pensée, tandis que lorsqu'il est passif, les idées ne peuvent naître d'elles-mêmes, elles ont besoin d'être suggérées, et bien qu'elles soient très vives, elles sont acceptées avec une facilité extrême. Dans cette phase, la transmission de pensée est toujours possible, mais elle peut être troublée par l'instabilité mentale du sujet. Il faut donc chercher encore un peu plus bas pour atteindre la limite entre l'état aïdéique et le monoïdéisme passif. Comment arriver à régler le sommeil somnambulique pour le fixer juste à ce degré? Voici les conseils que donne M. Ochorowicz a ce sujet  :

« Comment régler un somnambule? Ah! Voilà la grande question. Heureusement elle n'est pas beaucoup plus difficile en hypnologie qu'en téléphonie. Seulement, ici comme là, il faut que l'instrument soit réglable. Or, il y a des sujets qui ne se laissent pas manier sous ce rapport. On n'aura qu'à les employer pour autre chose, ou bien se contenter d'une action furtive comme on l'a fait jusqu'à présent. Mais aussi il faut éviter les sujets par trop obéissants et déjà éduqués, les sujets à manivelle. En revanche il faut apprendre à provoquer le degré de sommeil voulu. Les premières séances doivent être destinées uniquement à une observation purement passive de ce qu'a produit votre action primitive, pour bien se rendre compte de la nature du sujet. Attendre même plusieurs heures, s'il le faut pour que le sujet se réveille de lui-même, à moins qu'il ne demande à être réveillé plus tôt. Chez les sujets éminemment sensibles au sommeil (car il y en a avec lesquels vous pouvez faire toutes les expériences physiques, mais pas psychiques), vous obtiendrez toujours deux phases principales: le sommeil profond, qui se dissipe peu à peu, puis le sommeil lucide ou somnambulisme proprement dit. C'est un état intermédiaire qu'il vous faut. Ne pas laisser le sujet se réveiller de trop, en regagnant son activité spontanée et ne pas le rendre par trop assoupi, car alors il ne vous entendra pas. Le meilleur moyen pour obtenir cette gradation, ce sont les passes dites magnétiques, longitudinales et transversales, car la profondeur du sommeil augmente généralement avec le nombre de celles-là (longitudinales) et diminue avec le nombre de celles-ci (transversales). En faisant donc deux, trois, quatre passes devant le sujet (sans contact), vous obtenez un peu plus ou un peu moins de sommeil, et on arrive quelquefois jusqu'à pouvoir graduer à volonté les phases intermédiaires que je viens d'énumérer. Si cette gradation n'est pas possible par des passes, il vous sera difficile de l'obtenir par un autre moyen quel qu'il soit. Et il faut éviter surtout d'employer une méthode différente pour les phases différentes, car alors vous créez une association idéo-organique artificielle, une mauvaise habitude qui désorganise le sujet. »

En résumé, nous voyons que la transmission de la pensée entre un magnétiseur et la personne sur laquelle il agit, nécessite des conditions nombreuses, variées et délicates, qui dépendent à la fois de l'opérateur, du sujet et du rapport magnétique. Si l'un quelconque de ces éléments vient à faire défaut, la suggestion mentale n'est plus possible, et l'on assiste à ces insuccès qui ont permis de nier pendant si longtemps la réalité de ces phénomènes.
Mais en revanche, il est très possible que la transmission mentale ait lieu dans un certain nombre de cas, alors que les circonstances précédentes sont réunies. Lorsqu'on se livre à des expériences spirites en famille, ou dans un milieu où les assistants se connaissent bien et depuis longtemps, l'automatiste peut percevoir la pensée, grâce à cet état spécial d'hémi-somnambulisme que nous avons constaté, et faire des réponses qu'il oublie immédiatement. Dans ce cas, c'est son propre esprit qui répond, et il le fait le plus souvent en conjecturant, lorsqu'il s'agit d'un événement inconnu. On peut donner quelques exemples de ces faits .

Le Cas de miss Summerbell

Voici une expérience d'écriture automatique qui contient une apparence de prophétie; ce message montre comment une préoccupation de l'avenir peut être interprétée comme une prédiction.

« Je me suis souvent servie de la planchette, écrit miss Summerbell, mais je n'ai guère obtenu de résultats que dans les deux cas suivants, dans lesquels fut traduite la pensée de l'une des personnes présentes, dont les mains, cependant, ne touchaient pas la planchette. Il y a un an, nous demandions quels présents nous recevrions à Noël. Mes mains, et, je crois celles de miss Lay posaient sur la planchette; il est absolument certain qu'elle n'était touchée par aucune autre personne qui eût pu donner une réponse à la question que je posais et qui était celle-ci: « Combien miss T. recevra-t-elle à Noël? » Miss T... était bien dans le salon, mais à une certaine distance de la table. La planchette indiqua aussitôt une assez forte somme. Je demandai: « Qui la donnera? » Réponse: « B. et un autre. » Quelques semaines plus tard je rencontrai miss T..., qui me demanda si je me rappelais cette réponse et ajouta: « J'ai reçu encore davantage et je comptais bien, à cette époque, recevoir quelque chose; mais je ne savais pas combien. Il est possible qu'il y ait eu là un phénomène de communication de la pensée, car je suis certaine que dans l'assemblée aucune autre personne que moi ne connaissait quoi que ce fût de la question. » L'argent venait effectivement d'un de ses parents dont le nom commençait par un B. et d'une autre personne. »

Miss Summerbell paraît appartenir exclusivement à la classe des Automatistes simples, dépourvus même de clairvoyance, puisque malgré ses nombreuses expériences elle n'a jamais obtenu que ce fait et celui que nous allons citer. Nous ne voyons, malgré l'inconscience de l'écriture, aucune raison d'attribuer ce message à un Esprit, car la somme touchée était indiquée inexactement. La transmission de la pensée se manifeste par l'indication du nom de B., inconnu de l'écrivain, mais sur lequel la pensée de miss T. s'était arrêtée. Il n'y a donc ici qu'une apparence de communication; elle nous instruit sur le rôle que joue parfois la pensée d'un assistant dans ces expériences d'écriture automatique. Voici le second fait rapporté par miss Summerbell, où l'on pourra constater l'action du souvenir latent d'un des expérimentateurs :

« Dans une autre occasion, je priai une amie de poser une question à laquelle aucune personne présente ne pût répondre. Elle dit: « Qui viendra déjeuner demain? » Miss Lay et moi ayant les mains sur la planchette, celle-ci écrivit: « Lucas ». Notre amie reconnut que c'était exact. Ni miss Lay, ni moi, n'avions entendu parler de ce Monsieur. Notre amie dit: « Demandez son prénom. » Réponse: « William. » – « Est-ce exact? » – « Je ne sais dit notre amie, je n'ai jamais entendu prononcer son prénom. » Alors l'un des assistants qui ne touchaient pas la planchette, fit observer que l'on trouverait parmi les morceaux de musique une oeuvre signée Lucas. On regarda et l'on trouva le nom complet: William Lucas. Personne ne se rappelait avoir vu ce nom. »

Il nous paraît très probable que l'amie de M. Lucas, laquelle transmettait la pensée, avait connu le prénom de M. Lucas, puisqu'il était imprimé sur un morceau de musique qui se trouvait chez elle; il était sorti de sa mémoire consciente, mais il existait en elle, et elle l'a suggéré involontairement par suite d'une association formée dans sa pensée. Elle avait oublié le prénom, mais il restait dans sa mémoire latente en contiguïté avec le nom propre, et la question posée le fit surgir de l'inconscient, mais pas avec assez d'intensité cependant pour être connu par le moi normal.
Voici un autre exemple où la transmission expérimentale de la pensée s'est produite d'une manière remarquable et avec une précision et une continuité extraordinaires.

Les expériences du Révérend P. H. Newnham

Le Révérend P. H. Newnham était vicaire de Maker Devonport. Expérimentateur froid et méthodique, sans idées préconçues, sa parfaite bonne foi nous est affirmée par                      M. Myers, membre de la Société de Recherches psychiques. Ce pasteur s'est adonné pendant de longues années à l'étude des questions psychiques; il est probable qu'il dût la réussite de ses expériences à ce qu'il trouva dans sa femme un sujet exceptionnellement sensible en parfaite harmonie sympathique avec lui. Déjà, étant jeune homme, pendant son sommeil il s'était dégagé de son corps pour aller la voir chez ses parents, et celle-ci sentit sa présence  avec assez de netteté pour le reconnaître . Pendant longtempg M. Newnham fit un grand nombre de tentatives pour transmettre volontairement sa pensée à sa femme; il n'y parvint qu'en 1871, et seulement pendant une période de huit mois.
A cette époque, il tint un journal de ses expériences quotidiennes et recueillit ainsi              385 réponses écrites automatiquement. Il est très important de signaler tout de suite que     Mme Newnham ne pouvait avoir aucune connaissance, ni par l'ouïe, ni par la vue, des questions mentales écrites par M. Newnham. Comme les réponses correspondaient directement aux questions posées, pour rester fidèle à la méthode scientifique, nous devons supposer qu'il y a eu suggestion mentale du mari à sa femme. D'ailleurs, les réponses données ne semblent pas, pendant ces huit mois, témoigner de la présence d'une intelligence étrangère, et nous remarquerons que presque toujours la présence d'un tiers troublait complètement l'expérience.
Nous allons reproduire quelques extraits du Journal de M. Newnham, qui nous feront connaître le mode opératoire qu'il a employé pendant ses recherches, ainsi que les principaux résultats obtenus; ses observations nous permettront, d'abord, de vérifier l'exactitude de nos affirmations sur le rôle que joue l'esprit de l'Automatiste pendant que se produit l'écriture, et ensuite, ils nous mettront à même de l'apprécier sous les différents aspects qu’il revêt pendant cet état spécial d’hémi-somnambulisme.

« Conditions de l’expérience. – Ce fut en janvier 1871 que je songeai à étudier les phénomènes de l'écriture avec la planchette; j'arrêtai soigneusement avec ma femme les conditions de l'expérience, qui furent soigneusement suivies. Les voici :
1° - La question est toujours écrite avant que l'on mette la planchette en mouvement. Elle n'est jamais connue de l'opérateur (Mme  Newnham).
2° - Lorsqu'une première réponse est vague et nécessite d'autres questions pour arriver à une formule claire, I'opérateur n'est mis au courant d'aucune de ces questions, ni du sujet qui les provoque, avant que la réponse définitive n'ait été obtenue.
3° - Toutes les fois que l’opérateur n’est pas nommé, c’est de ma femme qu’il s’agit.
4° - Lorsque le questionneur n’est pas nommé, c’est moi qui remplis ce rôle.
Quoique notre mutuelle bonne foi ne puisse être mise en doute, je ferai remarquer que ma femme s'est toujours assise devant une table basse, sur une petite chaise. Quant à moi, j'étais assis à une distance de huit pieds, à une table beaucoup plus haute, et nous nous  tournions le dos pendant que j'écrivais. Il lui était absolument impossible de deviner ma pensée, soit à un geste, soit au moindre jeu de ma physionomie. En général, elle tenait les yeux fermés, mais jamais elle ne tomba, à aucun degré, dans le sommeil magnétique ou naturel .
Ces huit mois d'expérience épuisèrent à tel point le système nerveux de ma femme que nous décidâmes de suspendre les séances lorsque le fait de la transmission de la pensée nous parut suffisamment démontré.
Avec ma femme, la planchette se mit instantanément en mouvement, et souvent la réponse était déjà à moitié écrite avant que j'eusse achevé d'écrire la question. Je posai d'abord trois simples questions sur des sujets connus de l'opérateur, puis trois autres sur des sujets connus de moi seul: les six réponses furent exactes.
Voici quelques-unes des questions que je posai ensuite, avec les numéros qu'elles portent sur mon journal. »

Puisque Mme Newnham ne savait pas ce que la planchette écrivait sur le papier, quelle était l'intelligence qui dirigeait cette planchette? Ce fut la première préoccupation de                   M. Newnham. Voici les questions qu'il fit à ce sujet :

29 Janvier

13 – D – Est-ce le cerveau de l'opérateur ou quelque force externe qui remue la planchette? Répondez « cerveau » ou « force » – R – Volonté.
14 – D – Est-ce la volonté d'une personne vivante ou d'un esprit immatériel, distinct de cette personne? Répondez: « Personne » ou « Esprit » – R – Femme.
15 – D – Donnez-moi d'abord le prénom de cette femme et le nom familier que j'aime à lui donner. (Ceci fut fait très exactement).
27 – D – Quel est votre propre nom? – R – « Comme vous. »
28 – D – Nous ne sommes pas bien sûrs d'avoir compris. Expliquez-vous. – R – Femme.
Ne pouvant d'abord obtenir rien de plus, nous revînmes sur cette question après le n° 114. Ayant serré de près un autre sujet, nous reçûmes cette courte réponse: « Dis tout ce que je sais. »

18 Février

117 – D – Qui êtes-vous, vous qui écrivez, et avez-vous dit tout ce que vous savez? – R – Femme.
118 – D – Mais quelqu'un ne dit-il pas à ma femme ce qu'elle doit écrire? Et alors, qui est-ce? – R – Un Esprit.
119 – D – Quel Esprit? – R – Le cerveau de votre femme.

Remarquons, en passant, que l'intelligence qui agit ici ne se donne pas pour l'esprit d'un mort. Malgré les suggestions du pasteur, elle s'affirme comme celle de la femme de M. Newnham. Ceci est important à signaler, car nous en déduisons que dans l'état d'hemi-somnambulisme, lorsque le sujet n'est pas suggestionné par sa conviction ou des lectures sur le Spiritisme, il n'y a pas tendance, de la part de la conscience somnambulique, à se faire passer pour un esprit désincarné.
Mais alors, lorsque nous trouverons des sujets qui ignorent le Spiritisme et qui obtiennent cependant de l'écriture automatique signée du nom d'une personne décédée, il y aura de fortes présomptions pour que ce message soit réellement celui d'une intelligence de l'espace. Poursuivons. Mme Newnham, lorsqu'elle écrit, ne paraît pas avoir des facultés supérieures à celles de son état normal, aussi est-elle incapable d'expliquer comment la pensée de son mari lui parvient, comme en témoigne le dialogue suivant pendant lequel les demandes, il ne faut pas l'oublier, sont toujours mentales :

15 Mars

132 – D – Qui donc l'impressionne? (Mme Newnham) – R – Beaucoup de choses étranges.
133 – D – Quelle espèce de choses étranges? – R – Des choses qui sont au-dessus de notre connaissance.
134 – D – Des choses au-dessus de notre connaissance impressionnent donc l’esprit de ma femme? –  R – Des choses qu'aucun homme ne connaît ou ne comprend.
136 – D – Ces influences que nous ne pouvons comprendre sont-elles extérieures à ma femme? – R – Extérieures – Invisibles.
137 – D – Cette influence est-elle exercée par un esprit ou des esprits? – R – Non – Jamais. – (Ces mots écrits en grands caractères et avec solennité).

Notons que cette réponse s'applique strictement au cas de Mme Newnham et ne peut être invoquée comme un argument contre les communications des Esprits, puisque toutes les réponses se réfèrent exclusivement à la femme du pasteur, qui se rend bien compte qu'il n'y a, dans son cas, aucune intervention étrangère. Quelques jours plus tard, il semble qu'un travail s'est fait dans l'intelligence de l'écrivain, qu'il existe maintenant une sorte d'auto-suggestion, car elle va formuler une espèce de théorie, en utilisant les idées qui avaient cours à cette époque en Angleterre sur ce que l'on appelait « L'électro-biologie  ».
Voici :

19 Mars

142 – D – Par quels procédés, des secrets qui lui sont inconnus sont-ils transmis au cerveau de ma femme ? – R – Par des influences que vous appelez mesmériques.
144 – D – Pourquoi dites-vous: « que vous appelez. » Et vous comment appelez-vous cela? – R – Electro-Biologie.
145  – D – Par qui ou par quoi cette force électro-biologique est-elle mise en oeuvre? – R – Je vous ai dit que vous ne pouviez en savoir plus que vous ne savez.
146 – D – Ma femme pourrait-elle donner une réponse que je ne connaîtrais pas? – R – Pourquoi essayez-vous de me faire dire plus que je ne le veux ?
147 – D – Simplement parce que je désire m'instruire. Pourquoi ne le direz-vous pas? – R – Votre femme pourrait le dire si quelqu'un d'autre, doué d'une grande volonté et le sachant, se trouvait dans cette pièce.

Ici encore nous avons affirmation, par l'écrivain lui-même, qu'il ne sait des choses étrangères que ce qui peut lui en être communiqué par transmission de pensée. En voici de nouvelles preuves :

10 avril

190 – D – Pourquoi n'êtes-vous pas toujours influencée par ce que je pense? – R – Votre femme sait quelquefois ce que vous pensez.
191 – D – Comment ma femme le sait-elle? – R – Lorsque son cerveau est excité et n'a pas été trop tourmenté auparavant.
192 – D – Par quels moyens ma pensée est-elle transmise à son cerveau? – R – Par l'électro-biologie.
193 – D – Qu'est-ce que l'électro-biologie? – R – Personne ne le sait.
194 – D – Vous ne le savez donc pas? – R – Non, votre femme ne le sait pas.
195 – D – Pourquoi l'appelez-vous toujours femme? – R – Vous pensez toujours à votre femme.
196 – D – Mais je ne l'ai jamais appelée femme? Pourquoi le faites-vous? – R – Je ne suis rien sans la femme.
200 – D – Ceci n'est pas une réponse. Pourquoi l'appelez-vous ainsi? – R – Parce qu'elle est bien une femme.

L'intelligence de Mme Newnham, dans cet état spécial, ne possède aucune faculté transcendante ni par la clairvoyance, ni par la prémonition de l'avenir. De même que dans tout automatisme, il y a évidemment dans son cas rétrécissement temporaire du champ total de la conscience, car la planchette n'hésite pas à répondre mensongèrement lorsque l'on insiste pour lui faire dire des choses qu'elle ne sait pas. En voici un exemple:

7 mai

267 – D – Que fera X..., demain soir? - R – Je ne sais.
268 – D – Vous ne pouvez donc jamais prévoir l'avenir? – R – Non, je ne le puis.
269 – D – Alors comment savez-vous qu'il m'arrivera quelque chose à Noël? (Allusion à une prédiction faite antérieurement par la planchette). – R – Ceci est déjà décidé dès aujourd'hui, ce n’est plus une chose à décider.
270 – D – Qui donc l'a décidé, et à quel moment? – R – Qu'avez-vous besoin de le savoir ?
271 – D – Je voudrais contrôler votre attestation lorsque le moment sera venu. – R – X... l'a décidé depuis trois mois.
272 – D – Qui le lui a proposé? – R – M… et P...
(Noms complets des deux personnes qui devaient le plus probablement s'occuper de la question).
Toutes ces réponses, ajoute M. Newnham, faites aussi rapidement que les questions mentales, ne sont que d'audacieuses inventions, imaginées dans le but de maintenir le crédit acquis quelques mois auparavant par les premières réponses.

Ces affirmations tout à fait inexactes sont semblables à celles que l'on obtient souvent dans les séances spirites, et les expérimentateurs novices ne manquent pas de les attribuer à des « esprits trompeurs », quand ce ne sont que des produits de l'imagination violentée du sujet. Généralement les premières réponses sont sincères; mais si elles sont négatives et que l'on continue d'insister, on est trompé. C'est l'obstination du questionneur qui est la cause de ces racontages, car par son désir d'obtenir des renseignements que l'écrivain ne peut donner, il l'oblige en quelque sorte à se débarrasser de cette contrainte fatigante en inventant des fables. En voici encore un exemple :

18 – D – Qu'arrivera-t-il au vieux J...,? (C'était un de mes vieux paroissiens assez malade en ce moment). La réponse faite se rapporte à un sujet traité précédemment.
19  – D – Je vous prie de me répondre au sujet de J... –  R – Non.
20 – D – Ne pouvez-vous pas ou ne voulez-vous pas? – R – Je ne.... (Ici le crayon glisse hors du papier).
21 – D – Je répète la question. – R – Je ne puis.

L'expérience aurait dû se terminer là, mais le pasteur revient à la charge.

22 – D – Ira-t-il mieux? Le savez-vous? – R – Oui.
23 – D – Ce oui est-il pour la première ou pour la seconde question? Répondez par un ou deux. – R – Deux.
24 – D – Ai-je tort de vous poser cette question? – R – Non.
25 – D – Alors, J..., succombera-t-il oui ou non à la maladie actuelle? – R – Bientôt.
Il n'en fut cependant rien. J... vécut encore plusieurs années.

Il est utile de faire observer que pendant l'écriture automatique, la volonté consciente étant considérablement diminuée, l'esprit de l'écrivain a moins de pouvoir sur lui-même et cède comme un enfant à toutes ses impulsions, ce qui parfois l'amène à s'amuser, à plaisanter, et contribue dans les expériences spirites à fortifier l'hypothèse beaucoup trop généralisée des esprits farceurs. Le journal du pasteur anglais nous en offre un cas.

16 Avril

Nous avions tous été préoccupés de certaines questions, et lorsque nous posâmes, le soir, la première question, la planchette refusa d'écrire des mots. Après avoir fait un griffonnage illisible, elle traça le profil d'une figure hideuse. J'intervins alors :
201 – D – Votre réponse est inintelligible. – R – Je ne puis voir la question. (Elle reproduit ensuite le même profil grimaçant).
202 – D – Pourquoi tracez-vous cette figure à la fin? – R – Je m'amuse.
203 –     D – Est-ce le portrait de quelqu'un? – R – La femme veut vous amuser.
204 – D – Cette figure a-t-elle la prétention d'être un portrait? R – Certainement.
205 – D – De qui, alors? – R – Lorsque les gens sont légers; il faut les amuser.
206 – D – De qui faites-vous donc le portrait? – R –    Vous le savez fort bien.
207 – D – Je n'en sais rien, veuillez me répondre. – R – Peut-être que je le sais mieux.
208 – D – Je le pense: mais répondez-moi. – Ici un vrai griffonnage.
208 – D – La question est posée de nouveau. – R – Ce que vous voudrez.
Après avoir éludé encore quelques questions, je lui dis :
221 – D – Répondez à ma question et ne dites pas de sottises. – R – Ne vous fâchez pas.
Quelques minutes plus tard, en réponse à une question 230, la planchette trace une ligne plus ou moins ondulée et elle écrit: « Un joli petit homme. »
231 – D – Veuillez vous expliquer sans plaisanterie. – R – Elle reproduit le profil du n° 201.
232 – D – Je vous prie de répondre. – Elle dessine une espèce de muraille avec une tour crénelée.
233 – D – Ne soyez donc pas ridicule et répondez moi. – R – C'est le portrait de D… (la sœur de ma femme).
234 – D – Répondez à ma question ou déclarez que vous ne le voulez pas. – R – Vous ne comprenez pas la plaisanterie.
235 – D – Si, je l'entends, mais ce n'est pas le moment. Veuillez répondre. – R – Il vaut beaucoup mieux être quelquefois un peu fou, que d'être toujours sage.
236 – D – J'en conviens avec vous. Cependant, répondez à ma question. – R – Trop de travail sans distraction rend Jeannot stupide.
237 – D – Voulez-vous, ou non, répondre à ma question? – R – Vous êtes assommant.
238 – D – Répondez à ma question. – Ici des traits illisibles.
239 – D – Répétez de façon lisible.  – R – Il est temps de dormir. Bonsoir.

Pendant les huit mois que durèrent les expériences, les réponses furent toujours banales, et sauf deux cas que nous allons rapporter et qui ont des apparences spirites, tout l'intérêt du phénomène résida dans cette conversation mentale, qui est véritablement surprenante par sa régularité, et dans l'automatisme absolument inconscient du sujet. Voici les deux faits qui auraient pu faire croire que l'automatisme se compliquait  de clairvoyance. Le premier a trait à la divination exacte d'un  nom inconnu de M. et Mme Newnham.

« J'avais à cette époque, dit le pasteur, un jeune étudiant auque je donnais des leçons particulières. Le 12 février, en rentrant de vacances, il entend parler de nos expériences et manifeste l'incrédulité la plus déterminée. J'offre de lui donner telles preuves qu'il voudra, pourvu que je voie auparavant la question. Mme Newnham prend place dans mon cabinet de travail, sur sa chaise ordinaire, tandis que nous passons dans le vestibule, en fermant la porte derrière nous. Là, il écrit sur un morceau de papier :
87 – D – Quel est le nom de ma soeur aînée ?
Nous rentrons aussitôt et nous trouvons la réponse qui nous attendait déja. – Mina.
C'est l'abréviation de Wilhelmina et je fais remarquer que je ne connaissais pas ce nom. »

Comme ce cas est isolé et que nous avons constaté par les expériences faites à la S. P. R. qu'un sujet aussi sensible que Mme Newnham est capable de ressentir la suggestion mentale d'une chambre à une autre, nous pensons qu'on peut attribuer cette réponse à l'action télépathique du jeune homme, car nous en verrons d'autres exemples dans les chapitres suivants.
Voici le second cas :

« C'était pendant la guerre Franco-Allemande; deux jeunes français, mes élèves, avaient été rappelés au service militaire. Pour mettre l'intelligence à l'épreuve, je posai les questions suivantes :

29 Janvier

29 – D – Où est actuellement A. H.? – R – Il se porte bien. (Il fut prouvé plus tard que cette réponse était juste; mais mon jeune ami fut tué plus tard).
30 –  D – Et L. D.? – R – Il est hors de chez lui.
32 – D – Est-il encore en campagne? – R – Non.
32 – D – S'est-il battu? – R – Oui.
33 – D – Dans quel pays se trouve-t-il? – R – Prisonnier.
Il faut surtout remarquer cette curieuse façon d'éluder la question: du reste il a été prouvé que la réponse était juste.
Plus tard, le 19 mai, je demandai :
156 – D – Qui vous a dit que L. D. fût prisonnier? – R – Il aura encore seulement une légère punition.
157 – D – Répondez, je vous prie, à ma dernière question. – R – Ils aimaient beaucoup son sermon.
Il y a bien ici une volonté formelle d'éviter de répondre.
158 – D – Comment avez-vous appris que L. D. fût prisonnier? – R – Le cerveau de <la femme est surmené.
Plus tard, en ocobre, je demandai, l'opérateur connaissant cette fois la question.
313 – D – Où le cerveau de l'opérateur a-t-il puisé les réponses 29 et 30? – R – Le cerveau de la femme l'a connu, parce qu'elle connaissait leurs caractères.

En étudiant les réponses de la planchette, on constate que la première relative à A H, peut être purement fortuite, et ne répond pas tout à fait à la question posée. Pour la seconde, il faut observer que Mme Newnham savait que ce jeune homme partait pour faire son service militaire et comme elle n'indique ni quand, ni comment il fut fait prisonnier, pas plus que l'endroit où il se trouvait, nous pouvons accepter parfaitement l'explication qu'elle donne elle-même, c'est-à-dire que son affirmation n'était qu'une simple conjecture, qui s'est trouvée accidentellement exacte. D'ailleurs, à cette date, les journaux avaient annoncé les désastres de Sedan et de Metz; l'on savait donc en Angleterre que les armées françaises avaient été capturées tout entières, et la supposition que L D. fût prisonnier était la plus probable. Ce sont des cas comme ceux-ci qui simulent la clairvoyance ou la communication des Esprits; mais il est facile, par un simple examen, de se rendre compte que cette faculté n'y a aucune part et que l'intervention d'intelligences désincarnées est tout à fait inutile.

Remarques sur les conditions dans lesquelles la pensée était transmise

Une partie du journal de M. Newnham est consacrée à l'étude des réponses de la planchette sur des sujets complètement inconnus de l'opérateur; c'est une des plus instructives, car elle nous renseigne sur le rôle joué par chacun des expérimentateurs et sur les limites de cette faculté de transmettre la pensée.
Nous constatons d'abord que le rôle de Mme Newnham est tout à fait passif. Ce n'est pas elle qui pénètre dans la pensée de son mari;  elle reçoit l'influx cérébral, mais elle est incapable de lire dans le cerveau du questionneur. Nous l'avons déjà signalé, en voici une nouvelle preuve.

21 Mai

280 –  Pouvez-vous écrire ce soir le triple R. A. Mot ? – R – Abracadabra.
281 – Ce n'est pas cela. Essayez de nouveau. – R – La femme ne peut écrire des paroles secrètes.
282 – D – Pourquoi, l'autre jour, avez- vous prétendu l'écrire? – R – Je n'ai écrit que ce que la femme savait.
283 – D – Mais si elle le sait, pourquoi ne pas l’écrire ce soir? – R – Vous le lui avez dit.
284 – D – Que lui ai-je dit? – Un jour que votre influence sur elle était très grande.
(N.B. La réponse du n° 284 est une réponse retardée, c'est-à-dire que c'est la suite de la réponse au n° 283).
285 –     D – Mais pourquoi ne l'écrit-elle pas maintenant? – R – La femme ne peut comprendre.
286 – D – Est-ce ma question ou la réponse à celle-ci qu'elle ne peut comprendre? – R – Je ne sais.
287 – D – Qu'avez-vous donc ce soir? – R – Vous êtes fatigué ainsi que la femme.

Nous constatons que pendant l'état d'automatisme, Mme Newnham n'est pas clairvoyante, ce que nous avons déjà signalé. Elle ne comprend que les questions nettement posées par son mari, mais elle en ignore la réponse, alors même que M. Newnham la connaît.
Cette observation montre clairement qu'un sujet ne pénètre pas dans la pensée de celui qui l'interroge, même quand il perçoit la suggestion mentale. Si par hasard elle donne un renseignement vrai, c'est que son mari le connaît, mais il faut qu'il concentre sa pensée sur ce sujet spécial, sans quoi la transmission ne peut s'opérer. On voit combien l'hypothèse que la suggestion mentale peut expliquer tous les cas dans lesquels l'interrogateur connaît la réponse, est fausse dans sa généralité. Ce n'est que l'ardente volonté de l'opérateur et sa concentration mentale qui peut amener une réussite, et encore quand le rapport est longuement et fortement établi.
Même avec un excellent sujet, les circonstances ne sont pas toujours favorables. La fatigue est souvent une cause de non réussite. Il est encore d'autres facteurs qui entravent la manifestation, car le journal de M. Newnham relate des expériences manquées lorsque des incrédules assistaient aux séances. On doit penser que les influences délicates qui agissent sur l'automatisme peuvent être neutralisées par des influences de même nature, mais contraires. C'est ce que le Dr Paul Joire a signalé, en montrant qu'un sujet sur lequel il expérimentait a subi d'abord son action mentale, puis celle d'un autre assistant, qui s'est substituée à la    sienne . Ces échecs ne sont pas rares dans les séances où les incrédules dominent; mais ceux-ci ne sauraient rien en inférer, puisque, la plupart du temps, c'est leur scepticisme qui est la cause de ces insuccès.
Lorsque l'on veut opérer sincèrement, il est indispensable de soustraire le médium à ces causes perturbatrices qui agissent puissamment sur lui; il faut qu'il se sente dans une sécurité morale parfaite, soutenu et protégé par ceux qui savent qu'il existe une atmosphère psychique favorable, aussi réelle que l'atmosphère matérielle, et qu'elle peut être troublée et viciée par des éléments antagonistes.

Résumé

Nous savons aujourd'hui que les anciens magnétiseurs ne s'étaient pas trompés, et qu'il n'est plus possible de douter maintenant de la transmission de la pensée par d'autres procédés que la parole, l'écriture, la télégraphie, la téléphonie ou le geste. La pensée, ou plus exactement le corrélatif dynamique qui la représente, se propage dans l'air par un procédé encore inconnu, mais dont les ondes Hertziennes nous offrent une frappante analogie. Nous avons vu par l'observation et l'expérience que toutes les modalités de la pensée peuvent se transférer, d'une manière rudimentaire et incomplète dans la plupart cas, et souvent sous une forme hallucinatoire lorsqu'il s'agit de sensations visuelles, auditives ou tactiles. Quand la pensée est formulée en langage intérieur, c'est tout au plus un mot, un chiffre qui est transmis, et l'exemple du pasteur Newnham qui fait comprendre des phrases entières, reste unique dans son genre.
Ce mode anormal de transmission de la pensée est soumis à des conditions rigoureuses sans la réunion desquelles il ne peut  se produire.
C'est d'abord un état spécial de l'opérateur, une concentration de son activité mentale indispensable à la projection de pensée; ensuite il est nécessaire que le sujet soit d'une passivité absolue, qu'il réalise un état monoïdéique; enfin un rapport magnétique fortement établi entre les opérateurs. Si l'une quelconque de ces conditions vient à manquer, l'expérience ne réussit pas.
Ces observations nous permettent de préciser dans quels cas la transmission de la pensée pourra être invoquée pour l'explication des faits inconnus de l'écrivain, relatés par l'écriture. Si les expériences ont lieu dans un milieu familial, avec un médium bien connu des assistants, auquel il est lié peut-être par la parenté ou l'affection, nous devons prudemment tenir le plus grand compte de la suggestion mentale, qui a toutes les facilités pour se produire. Cependant, il ne faudra pas perdre de vue que la concentration mentale de l'interrogateur est un facteur important, et ne pas se presser de conclure que sa pensée seule a fourni le renseignement désiré, puisque nous avons vu que Mme Newnham, malgré le désir de son mari, ne pouvait pas lui donner une réponse sur des questions qu'il connaissait bien. Ici l'appréciation est délicate et demande une grande habitude de ces expériences.
Mais dans les cas où la séance a lieu avec des personnes complétement inconnues du médium, où nul rapport magnétique n'existe, nous devons conclure que si des renseignements exacts sont fournis et que la clairvoyance ne puisse être invoquée pour les expliquer, il faut absolument admettre l'intervention d'une intelligence étrangère et savoir si c'est celle d'un vivant ou d'un mort. Avec la transmission mentale de la pensée, nous avons fait encore un pas en avant dans notre enquête. Observons, en effet, que nous sommes ici en présence d'un phénomène de transition entre l'automatisme proprement dit et la médiumnité. L'automatisme simple ne nécessite pas d'autre facteur que l’auto-suggestion, tandis qu'avec la suggestion mentale, nous assistons à l'influence d'un esprit extérieur agissant sur celui du médium. Spontanément, Mme Newnham n'écrirait pas mécaniquement; il lui faut l'adjuvant de la suggestion mentale de son mari pour que l'automatisme se produise. En un certain sens,     Mme Newnham est déjà médium, puisqu'elle perçoit une pensée étrangère sans l'intermédiaire des sens, mais c'est elle qui y répond, et c'est en cela qu'elle rentre dans la classe des automatistes, dans celle signalée par Allan Kardec où l'esprit du médium intervient seul. Lorsque nous rencontrerons des sujets qui seront assez sensibles à la suggestion mentale pour la reproduire intégralement, sans y rien mélanger de leurs propres idées, nous serons en présence de véritables médiums, alors même que le suggestionneur serait un être vivant.
Notons encore que si les expériences de transfert des idées ne réussissent parfaitement bien qu'avec certains opérateurs, quand le rapport magnétique est bien établi, il ne sera pas étonnant qu'il en soit de même pour les Esprits; on peut donc admettre avec raison que certains d'entre eux sont plus aptes à transmettre leur pensée à un médium particulier, que beaucoup d'autres habitants de l'espace. Nous ne serons alors pas trop surpris de constater que Mme Piper ou Mme Thomson ont un guide, un être spécial qui sert d'intermédiaire aux autres désincarnés, puisque c'est lui qui peut le plus facilement transmettre sa pensée. Nous reviendrons sur cette question dans la troisième partie, lorsque les faits nous seront mieux connus, il nous suffisait ici de signaler cette analogie.
Voyons maintenant des cas de communications de vivants se manifestant pendant leur sommeil, par action télépathique, ils formeront un développement logique des cas simples de suggestion mentale, et une transition naturelle aux messages qui nous arrivent du monde spirituel.
 
CHAPITRE IV

L'automatisme dans ses rapports avec
la télépathie et l'extériorisation de l'âme humaine

Sommaire – Différence qui existe entre l'automatisme et la médiumnité. – La télépathie est l'action à distance d'une âme sur une autre, sans intermédiaire matériel. – Ses formes diverses. – Impression télépathique sous forme de pressentiment. – Impression télépathique qui détermine une impulsion irrésistible. – Impression télépathique auditive pendant le sommeil ordinaire. – Impression télépathique visuelle à l'état normal. – Contrôle des faits par la S. P. R.. – Annonce d'une mort par l'écriture automatique. – Télégramme psychique en Russie. – Signature de l'esprit d'un vivant, obtenue par un médium. – Rapports de la télépathie et de l'automatisme. – Télégraphie intellectuelle. – En Amérique. – Evocation de personnes vivantes. – Les enseignements d'Allan Kardec. – Sensations auditive et tactile produites par une apparition. – Esprit d'une jeune personne habitant Paris se manifestant à Saint-Malo. – Identité d'un esprit incarné. – Résumé de tous les faits vus jusqu'alors, qui ont conduit de l'automatisme à la médiumnité.


Automatisme et médiumnité

Dans toutes les variétés d'automatismes graphiques étudiées jusqu'alors, c'est toujours l'esprit du sujet qui est l'auteur des messages, même lorsque sa faculté n'est mise en oeuvre que sous l'influence d'une suggestion extérieure, orale ou mentale, (écritures post-hypnotiques de Lucie ou de Léonie, citées par M. Janet, ou celles de Mme Newnham.) Maintenant, il nous faut examiner les cas où l'esprit du sujet est neutre et dans lesquels l'écriture nous fait connaître des idées étrangères à l'écrivain, émanant d'une autre intelligence vivante agissant à distance.
La différence est profonde entre ces deux phénomènes, bien qu'ils se ressemblent beaucoup extérieurement, puisqu'ils se traduisent extérieurement d'une façon identique par l'écriture mécanique.
Dans l'automatisme pur, c'est l'âme elle-même du sujet qui est active, qui agit spontanément, comme nous le faisons nous-mêmes constamment, et c'est simplement la mémoire et le mode d'extériorisation de ces idées qui diffère; au contraire, dans l'automatisme qui ne reproduit que des idées suggérées, l'esprit du sujet est passif; il devient un véritable intermédiaire, un médium chargé de traduire par l'écriture des idées étrangères dont il n'est que le récepteur. Il importe peu, au point de vue du mécanisme, que l'onde psychique qui lui parvient émane d'un vivant ou d'un mort;  le fait essentiel est qu'il soit capable de la reproduire graphiquement. Si donc nous pouvons montrer que l'action extra-sensorielle d'un esprit sur un autre peut s'objectiver par l'écriture, l'existence de la médiumnité sera incontestable. C'est ici que les travaux des psychologues anglais nous sont d'un grand secours, car ils ont mis hors de doute l’influence extra-sensorielle qu'un être humain peut exercer sur un autre dans certaines conditions spéciales.

La télépathie

L'action à distance de l'esprit d'un vivant sur un autre, sans intermédiaire matériel, constitue ce que l'on nomme la télépathie. La suggestion mentale n'est qu'un cas particulier d'une loi très générale dont la démonstration nous a été faite par la Société anglaise de Recherches psychiques. Mais tandis que dans les expériences que nous avons relatées au chapitre précédent la pensée de l'opérateur, concentrée sur une idée spéciale, se transmet au sujet et éveille en lui une idée semblable, dans la télépathie, l'onde psychique qui émane de l'agent peut, en arrivant au percipient, subir des modifications assez variées et se présenter sous forme de pressentiment, d'impulsion irrésistible, de rêves, d'hallucinations visuelles, auditives ou tactiles. Nous n'avons pas à rechercher ici pourquoi de semblables modifications de la pensée étrangère sont produites, mais nous pouvons supposer que c'est au type sensoriel auquel appartient le percipient qu'elles sont dues. Nous savons  qu'il existe des types sensoriels bien différents les uns des autres, c'est-à-dire que certaines personnes utilisent plus volontiers, et presque exclusivement, une classe particulière de sensations, tantôt visuelles, tantôt auditives, tantôt motrices. Chez tous ceux qui n'appartiennent pas au type indifférent, c'est-à-dire qui n'usent pas indistinctement de toutes les sortes d'images, il se produit une spécification; l'intelligence n'utilise qu’une espèce de sensations et néglige les autres, de manière qu’un écrivain, par exemple, verra idéalement se mouvoir les personnages de son récit, tandis qu'un autre les entendra causer.

« Quand j'écris une scène, disait Legouvé à Scribe, j'entends, vous vous voyez; à chaque phrase que j'écris, la voix du personnage qui parle frappe mon oreille. Vous qui êtes le théâtre même, vos acteurs marchent, s'agitent sous vos yeux; je suis auditeur, vous, spectateur. Rien de plus juste, dit Scribe: savez-vous où je suis quand j'écris une pièce? Au milieu du parterre . »

D'autres sont des moteurs;  ils font usage, pour la mémoire, le raisonnement et toutes les autres opérations intellectuelles, d'images qui dérivent du mouvement. C'est très probablement chez ces personnes, que l'on trouve les bons médiums mécaniques, la pensée ayant tendance à se traduire par les images motrices de l'écriture. Quoi qu'il en soit de notre hypothèse, ce qui demeure acquis, c'est la très grande variété des manifestations télépathiques.
Il serait bien intéressant de placer sous les yeux du lecteur une collection complète de ces phénomènes; mais, ici encore, le cadre restreint de notre ouvrage ne nous permet que quelques maigres citations;  nous sommes donc obligés de renvoyer les personnes désireuses de pousser plus loin cette étude aux documents publiés par la Société Anglaise de Recherches psychiques, dont le livre français intitulé: Les Hallucinations télépathiques  donne 150 extraits, pris parmi les 700 cas relatés dans  l'édition anglaise: The fantasms of the livings, et les 2 000  observations enregistrées dans les Proceedings.
De tout temps on a observé des phénomènes analogues, comme en fait foi la lecture des auteurs anciens. Mais les récits qui les relataient manquaient de cette précision scientifique méticuleuse, sans laquelle aucune narration ne paraît digne de confiance. Cette lacune a été comblée par la Société de Recherches psychiques qui en a réuni un nombre considérable, qui les a vérifiés scrupuleusement, discuté la valeur des témoignages, éliminé ceux qui pouvaient s'expliquer par des causes naturelles ou qui n'étaient pas suffisamment appuyés par des témoignages et des documents contemporains de l'évènement relaté. C'est pour cela que ceux qui ont résisté à cet affinage sont absolument dignes de créance, et forment un recueil très riche d'observations scientifiques de la plus haute valeur. Nous sommes d'autant plus autorisés à leur attribuer ce caractère que d'autres enquêtes, faites récemment, comme celle de Flammarion, confirment sur tous les points les conclusions des auteurs Anglais. Les voici :

« 1° -  L'expérience prouve que la télépathie, c'est-à-dire la transmission des pensées et des sentiments d'un esprit à un autre sans l'intermédiaire des organes des sens, est un fait.
2° -  Le témoignage prouve que des personnes qui traversent quelque crise grave ou qui vont mourir apparaissent à leurs amis et à leurs parents, ou se font entendre par eux avec une fréquence telle que le hasard seul ne peut expliquer les faits.
3° -  Ces apparitions sont des exemples de l'action supra-sensible d'un esprit sur un autre. »

Voici un seul exemple de chaque genre de ces phénomènes télépathiques que le traducteur français du livre les Fantômes de vivants, appelle à tort des hallucinations télépathiques.

Impression télépathique sous forme de pressentiment

M le Dr Olivier médecin à Hulgoat (Finistère) écrit :

« Le 10 octobre 1881, je fus appelé pour service médical à la campagne à trois lieues de chez moi. C'était au milieu de la nuit, une nuit très sombre. Je m'engageai dans un chemin creux, dominé par des arbres venant former une voûte au dessus de la route. La nuit était si noire que je ne voyais pas pour  conduire mon cheval.
Je laissai l'animal se diriger suivant son instinct. Il était environ 9 heures; le sentier dans lequel je me trouvais était parsemé de grosses pierres rondes et présentait une pente très rapide. Le cheval allait au pas très lentement. Tout à coup les pieds de l'animal fléchissent et il tombe subitement, la bouche portant sur le sol. Je fus projeté naturellement par dessus sa tête, mon épaule porta à terre et je me fracturai une clavicule.
En ce moment même, ma femme qui se déshabillait chez elle et était prête à se mettre au lit, eut un pressentiment intime  qu’il venait de m'arriver un accident; un tremblement nerveux la saisit, elle se mit à pleurer et appela la bonne: « venez vite, j'ai peur, il est arrivé quelque malheur; mon mari est mort ou blessé. » Jusqu’à mon arrivée elle retint la domestique près d'elle et ne cessa de pleurer. Elle voulait envoyer un homme à ma recherche, mais elle ne savait pas dans quel village j'étais allé. Je rentrai chez moi vers une heure du matin. J'appelai le domestique pour desseller mon cheval. « Je suis blessé, lui dis-je, je ne puis bouger l'épaule. »
Le pressentiment de ma femme était confirmé. »

Notons que l'impression télépathique s'est fait sentir juste au  moment où se produisit l'accident.

Impression télépathique qui détermine une impulsion irrésistible

M Skirving, maître maçon de la cathédrale de Winchester,  rapporte ce qui suit :

« Un jour je travaillais à la porte de Régents Park, à l'est du jardin géologique. La distance de ma maison était trop grande pour rentrer pour les repas. J'emportais donc ma nourriture avec moi, et c'est pour cela que je n'avais pas besoin de quitter mon travail pendant la journée. Un certain jour, cependant, je sentis un besoin intense de rentrer chez moi. Comme je n'avais rien à faire chez moi, je tâchai de me débarrasser de ce désir, mais il m'était impossible d'y réussir. Le désir de rentrer chez moi augmenta de minute en minute. Il était dix heures du matin et il n'y avait rien qui pût me rappeler de mon travail à cette heure-là. Je devins inquiet et mal à mon aise. Je sentis que je devais m'en aller, même au risque d’être ridiculisé par ma femme. Je ne pouvais donner aucune raison de quitter mon travail et de perdre six pences l'heure pour une bêtise. Toutefois je ne pus rester;  je partis pour la maison, mû par une impulsion à laquelle je ne pouvais résister.
Lorsque j'arrivai devant la porte de ma maison, je frappai; la  soeur de ma femme m'ouvrit. C'était une femme mariée qui demeurait quelques rues plus loin. Elle avait l'air d'être surprise et dit. « Eh bien, Skirving, comment est-ce que vous le savez? – Savez quoi? Lui dis-je. – Eh bien, à propos de Mary Ann. » Je lui dis: « je ne sais rien sur Mary Ann. » – « Alors qu'est-ce qui vous ramène à cette heure-ci? » Je lui répondis: « je peux à peine vous le dire. Il me semblait que l'on avait besoin de moi à la maison. Mais, qu'est-ce qui est arrivé? » Demandai-je. Elle me raconta qu'un fiacre avait passé sur ma femme, il y avait peut-être une heure, et que ma femme était sérieusement blessée. Elle n'avait pas cessé de m'appeler depuis son accident; elle avait alors des crises, elle venait d'en avoir pulsieurs de suite; je montai et, quoiqu'elle fût bien malade, elle me reconnut tout de suite. Elle me tendit les bras, les enlaça autour de mon cou et posa sa tête sur ma poitrine. Les crises passèrent immédiatement et ma présence la calma. Sa soeur me raconta qu'elle avait poussé des cris à faire pitié pour me faire venir auprès d'elle, bien qu'il n'y eût pas la moindre possibilité que je viendrais. Ce court récit n'a qu'un mérite, c'est qu'il est strictement vrai.
Interrogé pour savoir si l'heure de l'accident a coïncidé avec son désir de rentrer chez lui, M. Skirving a répondu :
« Je demandai à la soeur de ma femme l'heure à laquelle l'accident avait eu lieu, et elle me dit: « une heure et demie » – c'est-à-dire avant mon arrivée. Or cette heure coïncidait exactement avec l'heure où je désirais quitter mon travail. Il me fallait une heure pour arriver chez moi, et avant de partir j'avais bien lutté une demi-heure pour vaincre le désir de m'en aller. »

Ici encore la coïncidence est remarquable.

Impression télépathique auditive pendant le sommeil

Ce récit est emprunté à une lettre écrite par M. Henri C. Field, ingénieur civil et directeur des travaux à Tutatihika, Wanganni, Nouvelle Zélande  adressée à son frère le révérend Austin Field, pasteur à Pool-Quay, Welshpool.

« J'ai été vivement intéressé par le récit de la dernière maladie de notre mère et j'ai été particulièrement frappé par une circonstance. Elle a prononcé mon nom, et, bien qu'éloigné, je l'ai entendue. Je n'ai pas l'habitude de rêver et je ne crois pas exagérer en disant que je n'ai pas rêvé 12 fois depuis mon mariage, c'est-à-dire depuis vingt-trois ans. On suppose généralement que les rêves sont la conséquence d'une préoccupation de l'esprit ou d'une impression temporaire et violente. Rien n'avait pu m'impressionner qui se rappor tât à ma mère.
Notre première exposition d'horticulture eut lieu le 27 novembre. Je gagnai divers prix, et, après la clôture, à dix heures du soir, il me fallut rapporter chez nous quelques-unes des plus petites pièces exposées, et je dus prendre des arrangements pour que le reste me fût amené le matin suivant. Il était près de minuit lorsque j'arrivai chez moi. Les seuls objets dont nous parlâmes, X... et moi, se rapportaient à l'exposition et à des faits d'intérêt local. Si donc quelque chose m'avait préoccupé au moment où je m'étais endormi, cela aurait dû se rapporter à un des objets mdntionnés ci-dessus.
J'ignore depuis combien de temps je dormais, mais mon premier sommeil était passé, et j'étais couché, à demi réveillé, à demi endormi, lorsque j'entendis distinctement la voix de ma mère qui m'appelait faiblement: « Harry, Harry. »
Quand le jour vint et que je réfléchis à ce qui s'était passé, je demandai comment j'avais pu imaginer une pareille chose. Notre oncle C... et sa famille m'appelait Harry, et l'oncle B... faisait quelquefois de même ainsi que les D... Mais, à ces exceptions près, tout le monde m'appelait Henry. Il est possible que ma mère m'ait appelé Harry pendant ma toute première jeunesse, mais, autant que je puisse m'en souvenir, elle a toujours appelé notre père: Papa et moi Henri.
En conséquence, il me sembla absurde de supposer que ma mère pût m'appeler d'un nom dont je ne lui avais jamais entendu faire usage. Je riais mentalement à cette idée, m'étonnant qu'elle eût pu me venir à l'esprit. Et pourtant la chose me parut si étrange que je soulignai la date sur la marge de mon journal, afin que, si quelque événement survenait qui corroborât le fait, je pusse être certain de l'époque. Dès que j'arrivai à la maison avec les lettres de S et les vôtres, je regardai mon journal et constatai que la date soulignée était celle du 28 novembre. C'était évidemment durant l'après-midi du 27 novembre que notre mère avait prononcé mon nom, et en tenant compte de la différence de longitude, le moment correspondant devait donc être ici le 28 au matin. Je ne pense donc pas que l'on puisse mettre en doute que mon oreille ait véritablement entendu l'appel. J'imagine qu'il devait être entre deux et trois heures du matin, ce qui équivaudrait, à quelques minutes près, à deux ou trois heures de l'après-midi précédente chez vous. »

On n'a pu savoir avec exactitude, si la coïncidence a été parfaite, mais, ce qui est remarquable, c'est l'action télépathique s'exerçant à des milliers de lieues de distance, malgré la faiblesse de la malade. Ce fait, ainsi que quelques autres, pourrait peut-être mieux se comprendre en supposant que c'est l'esprit de la mère qui s'est dégagé de son corps pour venir voir son fils, car il peut sembler étrange que l'action psychique chez un mourant ait assez de puissance pour franchir une telle distance.

Impression télépathique visuelle à l'état normal

Voici le fait arrivé au Révérend F. Barker, ancien recteur  de Cottenham, Cambridge :

« Le 6 décembre 1873, vers onze heures du soir, je venais de me coucher et n'étais pas encore endormi, ni même assoupi, quand je fis tressaillir ma femme en poussant un profond gémissement, et, lorsqu'elle m'en demanda la raison, je lui dis: « je viens de voir ma tante: elle est venue, s'est tenue à mon côté et m'a souri, de son sourire, puis a disparu. » Une tante que j'aimais tendrement, la sœur de ma mère, était à cette époque à Madère pour sa santé; sa nièce, ma cousine, était avec elle. Je n'avais aucune raison de supposer qu'elle fût malade à ce moment-là, mais l'impression faite sur moi avait été si profonde, que le lendemain je dis à sa famille (y compris ma mère) ce que j'avais vu. Une semaine après, nous apprîmes qu'elle était morte cette même nuit et, en tenant compte de la longitude, presque au moment où la vision m'était apparue. Quand ma cousine, qui était restée près d'elle jusqu'à la fin, entendit parler de ce que j'avais vu, elle dit: « Je n'en suis pas surprise, car elle vous a appelé continuellement pendant son agonie. » C'est la seule fois que j'aie éprouvé quelque chose de pareil. »

Contrôle des faits

Dans l'ouvrage qu'ils ont publié, MM. Myers, Gurney et Podmore ont d'abord étudié le degré de confiance qu'ils devaient accorder aux témoignages recueillis par eux. Ils font remarquer qu'ils proviennent en majorité de personnes honorables, intelligentes et instruites: hommes du monde, prêtres, ingénieurs, magistrats, officiers dont le bon sens et la droiture ne sauraient être mis en question. Ces témoins n'ont aucun intérêt politique religieux ou autre pour mentir, et d'ailleurs, dans la plupart des cas, leur récit est appuyé par des notes manuscrites contemporaines de l'événement, ou par des attestations de parents ou d'amis auxquels ils ont été communiqués peu de temps après leur production. Les faits, les dates, ont tous été contrôlés avec rigueur. On peut donc admettre que les témoins ont été sincères.
Les enquêteurs ont ensuite envisagé la possibilité pour ces récits d'avoir été déformés ou amplifiés en passant par plusieurs bouches, aussi ils ont donné la préférence aux rapports de première main, tout en tenant compte des inexactitudes que la mémoire peut faire commettre involontairement. Ils ont éliminé tous les cas d'apparitions qui peuvent être envisagés comme des images consécutives, ou de simples hallucinations causées par l'état morbide du sujet. Poussant même plus loin les précautions, ils ont écarté les visions de parents qui se sont produites pendant que le percipient était en bonne santé, mais savait que ce parent était malade ou éprouvait de l'anxiété à son égard. C'est ainsi que sur 5 075 réponses à leur questionnaire, ils n'en ont conservé que 700. Signalons ce fait que les personnes qui ont ressenti une impression télépathique déclarent, presque unanimement, n'en avoir jamais eu d'autres, ni avant ni depuis.
Les sceptiques ont tenté d'attribuer ces impressions télépathiques au hasard, en prétendant que ces hallucinations sont des phénomènes très fréquents et que dès lors, il n'y avait rien d'extraordinaire à ce que l'une d'elles coïncidât avec un accident grave survenu dans l'entourage ou la parenté de la personne influencée. Les auteurs anglais ont montré par le calcul que l'improbabilité pour une personne quelconque d'avoir, dans un espace de douze heures, une hallucination auditive ou visuelle qui coïncide avec la mort d'un parent ou d'un ami, s'élève jusqu'au chiffre des milliards. On est donc obligé, étant donné le nombre considérable des observations recueillies, d'admettre une relation de cause à effet entre l'évènement survenu et l'impression produite à distance. C'est pourquoi nous adopterons l'opinion des savants précités qui mettent au rang des vérités nouvelles cette action psychique d'un individu sur un autre, s'exerçant sans intermédiaire physique connu.
Donnons maintenant quelques exemples d'automatismes graphiques déterminés par une action mentale à distance. Ce sera d'abord par un cas emprunté aux Hallucinations télépathiques que nous débuterons. Il est dû à M le Dr Liebault, le père de l'école suggestionniste de Nancy .

Annonce d'une mort par l'écriture automatique

« Je m'empresse de vous écrire au sujet du fait de communication de pensée dont je vous ai parlé, lorsque vous m'avez fait l'honneur d'assister à mes séances hypnotiques à Nancy. Ce fait se passa dans une famille française de la Nouvelle-Orléans, qui était venue habiter quelque temps Nancy, pour y liquider une affaire d'intérêt. J'avais fait connaissance de cette famille, parce que son chef M. G..., m'avait amené sa nièce, Mlle B..., pour que je la traitasse par les procédés hypnotiques. Elle était atteinte d'une anémie légère et d'une toux nerveuse contractée à Coblentz dans une maison d'éducation où elle était professeur. Je parvins facilement à la mettre en somnambulisme, et elle fut guérie en deux séances. La production de cet état de sommeil ayant démontré à la famille G..., et à Mlle B..., qu'elle pourrait facilement devenir médium (Mme G.. était médium spirite) cette demoiselle s'exerça à évoquer, à l'aide, de la plume, les Esprits auxquels elle croyait sincèrement, et au bout de deux mois, elle fut un remarquable médium écrivain. C'est elle que j'ai vue de mes yeux tracer rapidement des pages d'écriture  qu'elle appelait des messages, et cela en des termes choisis et sans aucune rature, en même temps qu'elle tenait conversation avec les personnes qui l'entouraient. Chose curieuse, elle n'avait nullement conscience de ce qu'elle écrivait. « Aussi, disait-elle, ce ne peut être qu'un esprit qui dirige ma main, ce n’est pas moi. » (Nous avons vu déjà souvent que cette inconscience ne suffit pas pour affirmer la médiumnité).
Un jour, c'était je crois le 7 février 1868, vers huit heures du matin, au moment de se mettre à table pour déjeuner, elle sentit un besoin, un quelque chose qui la poussait à écrire, et elle courut immédiatement vers son grand cahier, où elle traça fébrilement, au crayon, des caractères indéchiffrables. Elle retraça les mêmes caractères sur les pages suivantes, et enfin l'excitation de son esprit se calmant, on put lire qu'une personne nommée Marguerite lui annonçait sa mort. On supposa aussitôt qu'une personne de ce nom qui était son amie, et habitait le même pensionnat de Coblentz où elle avait exercé Ies mêmes fonctions, venait d'y mourir. Toute la famille G..., compris Mlle B..., vinrent immédiatement chez moi, et nous décidâmes de vérifier, le jour même, si ce fait de la mort avait réellement eu lieu. Mlle B... écrivit à une demoiselle anglaise de ses amies, qui exerçait aussi les mêmes fonctions d'institutrice dans le pensionnat en question; elle prétexta un motif, ayant bien soin de ne pas révéler le motif vrai. Poste pour poste, nous reçumes une réponse en anglais dont on me copia la partie essentielle, réponse que j'ai retrouvée dans un portefeuille il y a à peine quinze jours et égarée de nouveau. Elle exprimait l'étonnement de cette demoiselle anglaise au sujet de la lettre de Mlle B..., lettre qu'elle n'attendait pas si tôt, vu que le but n'en paraissait pas assez motivé. Mais en même temps, l'amie anglaise se hâtait d'annoncer à notre médium que leur amie commune, Marguerite, était morte le 7 février, vers les huit heures du matin. En outre, un petit carré de papier imprimé était inséré dans la lettre: c'était un billet de mort et de faire part. Inutile de vous dire que je vérifiai l'envelbppe de la lettre et que la lettre me parut venir réellement de Coblentz. Seulement j'ai eu depuis des regrets. C'est de n'avoir pas, dans l'intérêt de la science demandé à la famille G..., d'aller avec eux au bureau télégraphique vérifier s'ils n'avaient pas reçu une dépêche télégraphique dans la journée du 7 février. La science ne doit pas avoir de pudeur; la vérité ne craint pas d'être vue. Je n'ai comme preuve de la véracité du fait, qu'une preuve morale: c'est l'honorabilité de la famille G… qui m'a paru toujours au-dessus de tout soupçon. »

Les auteurs anglais font remarquer, avec raison, qu'outre l'improbabilité qu'il y a à supposer que toute la famille ait pris part à une conspiration dont le but aurait été de tromper un ami, la réponse reçue de Coblentz démontre que la dame qui l'avait écrite ne paraissait pas savoir qu'on eût envoyé aucun avis par le télégraphe. Et il est même presque certain que les autorités scolaires n'ont pas jugé nécessaire de communiquer immédiatement la nouvelle à Mlle  B...
Remarquons en passant, que l'action télépathique provient d'une mourante, sinon d'une morte. Ce cas n'est pas rare, car on constate que ces faits se produisent avec une fréquence égale, immédiatement avant et immédiatement après la mort . Il peut servir de transition entre les communications des vivants et celles des morts que nous étudierons spécialement dans la troisième partie.
Pour en revenir aux manifestations télépathiques qui s'extériorisent par l'écriture, voici un procès-verbal qui a été publié et contrôlé par la rédaction du journal: Le Rébus, de                Saint-Pétersbourg .

Télégramme psychique

Au directeur du Rébus à Saint-Pétersbourg

Monsieur,
Notre famille se compose de ma mère, ma soeur, moi-même et un frère plus âgé qui, pour les exigences de son emploi, se trouve en voyage dans une des villes les plus éloignées de la Sibérie. Nous avions besoin de l'acte de baptême de ma soeur que nous n'avions pas réussi à trouver dans nos papiers de famille, et nous écrivîmes à mon frère pour lui demander s'il ne les aurait pas mis dans un endroit que nous ignorions. Mais les jours se passèrent sans obtenir de réponse: nous envoyâmes un télégramme sans plus de succès. Pourtant le jour approchait où nous allions avoir à présenter le document aux autorités; un soir nous nous assîmes autour de la table, affligés de ce manque de nouvelles du frère absent. Dans notre petit cercle nous n'avons qu'un médium excellent psychographe. Sa main commença rapidement à écrire diverses communications, puis tout d'un coup s'interrompit au milieu d'un mot, et au bout d'une minute, se remit à écrire, mais d'une manière hésitante et presque illisible, nous ne pouvions comprendre quelle était la signification de cette phrase, et nous demandâmes à l'esprit qui se manifestait, de nous dire son nom. Le médium écrivit alors distinctement le nom de mon frère.
Une indicible émotion s'empara de nous à l'idée qu'il était mort, et que c'était l'explication de son absence de nouvelles, nous interrompîmes la séance, tant notre angoisse était grande mais bientôt le médium reprit son crayon et écrivit avec sa vivacité habituelle cette phrase qu'on pouvait lire distinctement. « L'extrait se trouve dans une cachette de mon coffret.»
Aucun de nous n'avait eu l'idée de chercher dans ce meuble antique, et aussitôt que nous l'eûmes ouvert, le papier se trouva au lieu indiqué. Convaincus que notre frère était mort et que la communication venait de l'au-delà, nous levâmes la séance en pleurant. (C'est une erreur très fréquente dans les groupes novices de croire que toutes les communications viennent nécessairement des esprits désincarnés).
Mais, le jour suivant, nous reçûmes de lui ce télégramme: « L'extrait se trouve dans une cachette de mon coffret. » Puis une lettre nous arriva disant qu'il n'avait pu répondre plus tôt, tout son temps étant pris par son service. Quinze jours après, il nous écrivit une lettre plus longue, racontant qu'un soir, celui de la fameuse séance, rentrant chez lui très fatigué et contrarié de n'avoir pu nous répondre, il avait chargé un domestique de nous expédier le télégramme mentionné plus haut;  aussitôt au lit, il s'endormit profondément; sa préoccupation de la veille continuant à peu près dans son sommeil, il rêva qu'il venait personnellement nous donner la réponse désirée. Ce songe lui avait laissé une telle impression qu'il était convaincu que nous avions, ce soir là, obtenu sa réponse.
Ont signé :
M. Jaroslanzeff, Mme E. Zaroslanzeff, K. Moff, S. Polatiloff

La mémoire latente ne paraît jouer aucun rôle ici, la jeune fille n'ayant jamais su où était caché le papier en question dont seul, de toute la famille, le frère connaissait la place. L'identité de l'agent ne peut guère être mise en doute, puisqu'il révèle un fait inconnu des assistants, mais exact. La clairvoyance du médium ne saurait être invoquée pour expliquer ce cas, car on découvre dans le songe qui a coïncidé avec l'écriture mécanique, la cause de l'action télépathique, et comme nous savons que celle-ci peut provoquer des impulsions, il est plus logique d'attribuer la révélation à la pensée du frère absent, qu'à l'activité mentale de l'écrivain. Voici un second fait analogue et aussi caractéristique .

Signature de l'esprit d'un vivant obtenu par un médium

« Un de nos médiums, Mme K..., dit Aksakof, m'a raconté qu'à une séance, tenue dans un cercle privé, à laquelle assistaient seules sa mère et sa soeur, le crayon dont elle avait l'habitude de se servir pour les expériences, s'arrêta subitement, et, après une pause de quelques instants, commença à tracer des mots dans une écriture inégale et très fine. Quelques mots seulement furent écrits et l'on ne put les déchiffrer de suite. Mais la signature qui suivit, composée de deux lettres vigoureusement tracées, fut immédiatement reconnue et excita l'étonnement de tout le monde. C'était la signature du frère du médium qui se trouvait à Tackend. La première pensée fut qu'il était mort et qu'il était venu en faire part. On se mit à déchiffrer l'écriture et voici les mots qui furent lus: « J'arriverai bientôt. » Tout le monde fut vivement surpris de ce message, d'autant plus que peu de temps auparavant on avait reçu une lettre de lui dans laquelle il écrivait qu'il viendrait en qualité de courrier, mais pas de sitôt, étant inscrit le quinzième sur la liste, et que, par conséquent, son voyage ne pourrait se faire avant un an. On nota l'heure et la date de cette communication; – c’était le 11 mai 1882, 7 heures du soir, – et cette communication fut montrée à plusieurs personnes de l'intimité de la famille K...
Au commencement de juin, le frère du médium arriva en effet. On lui fit voir le curieux message. Il reconnut sa signature, sans la moindre hésitation, et nous dit que c'était à cette date qu'il s'était mis en voyage. D'après le calcul du temps qui fut fait, il fut constaté qu'au moment où la communication fut transmise, il était plongé dans un profond sommeil dans la tarantass (voiture de voyage) et qu'avant de s'endormir il avait pensé aux siens, à la surprise que leur procurerait son arrivée. J'ai eu sous les yeux ce message, dit M. Aksakof, et j'ai pu vérifier la ressemblance complète de la signature qui s'y trouvait avec celle de M. K. »

Les incrédules pourraient voir dans cette signature « un cliché visuel », c'est-à-dire le souvenir resté dans la mémoire du médium de la signature de son frère. Mais l’annonce inattendue du prochain retour, c'est-à-dire la prédiction exacte d'un événement inconnu des assistants, montre nettement la transmission de la pensée et porte le cachet d'une véritable communication spirite.

Rapports de la télépathie et de l'automatisme

La multiplicité des phénomènes télépathiques, leur fréquence, l'universalité de ces manifestations à notre époque et dans le passé, nous mettent en présence d'une loi psychologique nouvelle dont on ne saurait exagérer l'importance. Ces rapports, extrasensoriels entre les êtres humains sont absolument inexplicables avec les hypothèses matérialistes, tandis qu'ils se comprennent parfaitement si nous avons en nous une âme relativement indépendante, dans certaines conditions, des lois de l'espace et du temps.
On a pu remarquer, en effet, que l'action télépathique franchit tous les obstacles sans être arrêtée, réfractée ou réfléchie par les corps matériels. Cette faculté, comme celle de la clairvoyance, révèle clairement dans l'homme l'existence d'un principe intelligent dont l'activité propre diffère considérablement de tout ce que le monde physique nous fait connaître. Cette conséquence logique a été vue nettement par les auteurs des Phantasms qui ne craignent pas d’écrire :

« Un problème qui se pose tout naturellement, c'est de se demander en quelles relations se trouvent nos études avec la religion. Nous voulons éviter jusqu'à l'apparence d'attirer à nous les sympathies du public en nous engageant sur un autre terrain que le terrain de la science; nous nous tiendrons, dans les pages qui vont suivre, dans les limites que nous nous sommes  assignées, et nous parlerons aussi peu que possible de la lumière qui pourrait être jetée par les témoignages que nous avons réunis sur la possibilité d'une existence après la mort. Mais nous pensons que nous avons prouvé par l'expérimentation directe que deux esprits peuvent communiquer entre eux par des moyens qui ne peuvent expliquer les lois scientifiques connues. Il me semble tout à fait improbable que la télépathie puisse recevoir une explication purement physique, bien que cette explication soit logiquement concevable. Il est bien difficile en effet de compter au nombre des forces matérielles, une force qui, à l'encontre de toutes les autres, semble n'être point arrêtée par la distance ni par aucun obstacle. Si donc la télépathie est un fait démontré, il faut introduire dans l'ensemble des faits d'expériences un élément nouveau qui constituera un sérieux obstacle à la synthèse matérialiste.
Cette conception d'un esprit actif et indépendant du corps, tout à fait nouvelle dans la science expérimentale, se retrouve dans les formes les plus élevées de la religion. Nos expériences suggèrent l'idée qu'il peut exister entre les esprits des relations qui ne peuvent s'exprimer en termes de matière et de mouvement, et cette idée jette une nouvelle lumière sur l'ancienne controverse entre la science et la foi. Si les faits que nous allons étudier sont établis, la science ne pourra admettre plus longtemps qu'il soit impossible que d'autres intelligences que celles des hommes vivants agissent sur nous. »

Les phénomènes de la clairvoyance et de la télépathie établissent expérimentalement l'existence d'une âme indépendante de l'organisme physique; ceux du Spiritisme démontrent sa survie. Ce sont là de grandes vérités qui entrent dans le domaine scientifique et qui sont appelées à lui donner un essor nouveau, en portant l'attention des chercheurs vers ces intelligences et ces forces invisibles, impondérables, qui constituent tout un monde, plus vaste et plus diversifié que celui que nous connaissons. Etudions donc les manifestations extra-corporelles de l'homme, elles nous permettront de comprendre celles des Esprits. Si nous savons comment une âme humaine peut agir sur une autre, sans intervention du corps matériel, nous pourrons nous faire une idée du procédé dont se servent les êtres désincarnés pour communiquer avec nous.
En premier lieu, et indépendamment de toute théorie, une remarque s'impose: c'est que l'influence télépathique ne s'exerce qu'entre personnes qui se connaissent, et même assez intimement. Tous les exemples cités dans les ouvrages qui traitent de ces matières, nous montrent que les phénomènes ont lieu entre mari et femme, entre parents ou chez des amis c'est-à-dire entre des êtres qui ont des liens de famille, ou sont unis par l'affection. Nous retrouvons, ici, sous une autre forme, ce rapport magnétique que nous avons reconnu indispensable à la transmission expérimentale de la pensée; il se crée naturellement entre personnes qui s'aiment ou s'estiment, et c'est grâce à lui que la suggestion mentale est possible à grande distance. Cette nécessité d'une liaison entre l'agent et le percipient est très importante, puisque, sans elle, le phénomène ne se produit jamais. Nous devons en tirer une première conclusion au point de vue de l'étude des communications, c'est que lorsque l'écrit contient des renseignements exacts sur une personne morte que le médium n'a pas connue, et quand aucun assistant ne peut fournir, consciemment ou non, des indications sur ce sujet, on ne peut logiquement faire intervenir une influence télépathique terrestre pour expliquer le phénomène.
L'action télépathique ne vagabonde pas au hasard; elle est strictement limitée au petit nombre des parents ou des amis de l'agent, et c'est chez ces derniers, et seulement chez eux, qu'elle est capable de susciter des impressions. Il est donc contraire à l'observation scientifique des faits d'imaginer qu'un individu quelconque, non prévenu, ne connaissant pas le médium, ne sachant même pas qu'on s'occupe d'un de ses amis morts, puisse transmettre télépathiquement les renseignements qu'il possède sur cet esprit. C'est pourtant ce que l'on a prétendu, en insinuant qu'un renseignement exact concernant un mort peut toujours être transmis télépathiquement, si quelqu'un de vivant connaît ce renseignement. Il suffit de lire attentivement les faits et de réfléchir un peu pour comprendre que cela est impossible.
Ce qui a pu donner naissance à cette généralisation fautive c'est que, parfois, l'agent est plongé dans le sommeil ou dans une crise qui lui enlève la conscience ordinaire, au moment même où il produit une action télépathique. Mais de ce qu'il ne garde pas le souvenir de ses pensées, il ne s'en suit pas qu'elles aient été produites inconsciemment, puisque nous avons vu que l'âme n'est jamais inactive pendant le sommeil.
Lorsque l'on fait une comparaison entre les phénomènes télépathiques et les résultats expérimentaux de la transmission de la pensée, on constate plusieurs différences, non seulement concernant l'intensité des phénomènes, mais aussi leur nature. Une suggestion mentale, pour aussi nettement qu'elle arrive au sujet, ne détermine en lui que des pensées ou des images qui restent subjectives, tandis que l'action télépathique a presque toujours une tendance à s'extérioriser sous des formes sensorielles. C'est une illusion qui a momentanément tous les caractères de la réalité. Si l'on observe que sauf de rares exceptions, l'agent traverse à ce moment une crise grave, qu'il est victime d'un accident ou en danger de mort, il est permis de supposer que sa pensée, renforcée par l'émotion, acquiert une activité inusitée qui lui permet d'atteindre le parent ou l'ami auquel il songe. C'est une seconde condition, qui n'est peut-être pas aussi absolue que la nécessité du rapport, mais qui a néanmoins une très grande importance.
Il faut enfin nous rendre compte de l'état du percipient au moment où il est influencé. Presque toujours l'impression ne dure qu'un instant. L'action est si rapide qu'il semble que le moment propice pour qu'elle se produise est de très courte durée. Ce n'est pas un état pathologique, car on constate que le percipient est en parfaite santé. Si nous nous souvenons que la suggestion mentale n'est possible que pendant l'état naissant de monoïdéie passive, (voir page 277) nous pourrons admettre que c'est lorsque cette condition est réalisée naturellement chez le sujet, qu'il éprouve son impression. L'état de veille est caractérisé par un grand nombre d'idées qui existent presque simultanément dans l'esprit, c'est, dit M. Ochorowicz , un agrégat mobile de tous les états (monoïdéiques, polyïdéiques, etc.) avec prépondérance de la polyïdéie. Il y a indubitablement des moments monoïdéiques de toute forme et même des intervalles franchement monoïdéiques. Seulement tout cela se mêle, se succède avec une rapidité très grande, le plus souvent insaisissable. C'est dans un de ces instants de monoïdéie que l'action télépathique peut se faire jour de manière à envahir temporairement la conscience et à la dominer. On peut réaliser cette condition artificiellement par la vision du cristal, du verre d'eau, l'audition au moyen d'une coquille, etc.
Il faut aussi envisager que tout le monde n'est pas également apte à ressentir ces impressions télépathiques. Il est nécessaire que le sujet possède une espèce de sensibilité mentale qui ne se trouve pas également développée chez tous les hommes, de sorte qu'en réfléchissant aux conditions multiples qui doivent exister simultanément pour qu'un phénomène télépathique se produise, on sera moins surpris de sa rareté relative. Cet état de passivité intellectuelle que nous avons reconnu indispensable, se trouve réalisé artificiellement par les pratiques de l'automatisme, et dès lors nous ne serons pas surpris de constater que les spirites ont depuis longtemps constaté la possibilité de corresprondre entre eux, télépathiquement, au moyen de l'écriture mécanique. Il faut bien observer que les faits que la science découvre à grand'peine de nos jours sont connus depuis plus de cinquante ans, et que la véritable explication scientifique en a été fournie par ces Spirites si décriés, alors que la science académique ignorait encore toutes ces vérités. Au lieu d'attendre qu'un phénomène d'automatisme graphique se produise naturellement, il a été possible, dans certains milieux favorisés, d'instituer une série d'expériences si bien réussies qu'elles constituent une véritable télégraphie psychique. Nous allons en voir quelques exemples :

Télégraphie intellectuelle

M. Thomas Everitt dont la réputation est bien établie parmi les spiritualistes, et dont la femme est un médium excellent, raconte un fait intéressant dans un mémoire présenté à l'association britannique des spiritualistes (mois de novembre 1875) sous le titre: Démonstration de la nature double de l’homme. Le voici :

« Ce n'est pas chose rare pour les spiritualistes de recevoir des communications de personnes qui affirment être encore de ce monde. Nous en avons souvent fait l'expérience, surtout au début. Ces messages, transmis par coups frappés ou par l'écriture, portaient bien la marque caractéristique des personnes qui affirmaient en être les auteurs, soit pour le style, soit pour l'écriture. Ainsi par exemple, un de nos amis doué de facultés médianimiques, conversait fréquemment avec nous par l'intermédiaire de ma femme et nous transmettait des communications qui correspondaient d'une façon absolue à son caractère. Dans ses lettres, il demandait souvent à savoir si les communications, qu'à son tour, il recevait de M. Everitt, étaient exactes, et il arrivait fréquemment que les messages transmis de part et d'autre, par voie de la parole, de coups frappés ou de l'écriture, étaient tout à fait exacts .
En une autre circonstance , M. Everitt reçut une communication écrite de 1a main de sa femme et venant de la part de son ami M. Meers (médium aussi), un mois après le départ de ce dernier pour la Nouvelle-Zélande.

Voici un deuxième exemple qui a trait aux mêmes pratiques :
Des expériences furent instituées en Espagne de manière à contrôler par un médium qui était à Barcelone ce qui se produisait dans un groupe de Madrid. Immédiatement après les séances, à Madrid et à Barcelone, on expédiait les procès-verbaux et, fait remarquable, ils étaient identiques au fond et dans la forme. Lorsque le médium inspiré Isabel Vitrian parlait d'abondance et avec une éloquence qui émouvait l’auditoire suspendu à ses lèvres, à l'instant même le médium de Barcelone répétait ses discours, rien n'y manquait.
Ces faits sont affirmés par M. José Fernandez, directeur de la Revue des études psychologiques de Barcelone, et par M. le vicomte de Torrés Solanot dont l'honorabilité et la véracité sont connues des spirites depuis trente ans .

En Amérique

« II y a environ deux ans, dit le Juge Edmonds, j'ai été témoin d'un exemple frappant de communications spirituelles entre vivants. On avait organisé deux cercles, l'un à Boston, l'autre dans cette ville (New-York). Les membres de ces cercles se réunissaient simultanément dans les deux villes et communiquaient entre eux par leurs médiums. Le cercle de Boston recevait, par son médium, des communications émanant de l'esprit du médium de New-York et vice versa. Cela dura ainsi pendant plusieurs mois, au cours desquels les deux groupes inscrivaient soigneusement les procès-verbaux.
J'ai l'intention sous peu de publier le compte-rendu de ces expériences qui constituent une tentative intéressante de télégraphie intellectuelle, dont la possibilité est ainsi démontrée. »

On peut rapprocher ces faits de la propagation extraordinairement rapide des nouvelles en Afrique, parmi des populations qui sont séparées par d'énormes distances et qui ne possèdent aucun de nos moyens de communications instantanées.
Pour en revenir à notre étude, nous possédons des témoignages sérieux qui nous montrent qu'il est possible d'agir télépathiquement sur l'âme de personnes endormies, de manière à en recevoir des communications . Voici quelques renseignements sur ce genre de   phénomènes.


Evocation de l'âme de personnes vivantes

Jusqu'alors, nous avons envisagé l'action télépathique comme une simple transmission de pensée qui détermine chez le percipient les impressions les plus variées. Cette explication convient à un très grand nombre de cas, mais elle est loin de pouvoir expliquer tous les phénomènes qui sont compris sous la désignation commune d'hallucinations télépathiques. Ce n'est qu'en forçant cette hypothèse au-delà des limites permises, c'est-à-dire en négligeant des faits très importants, que l'on a pu donner à la théorie de l'action télépathique une extension assez grande pour lui permettre d'embrasser tous les phénomènes. Cette manière de voir est partagée même par un des auteurs des Phantasms of the livings, car nous lisons dans l'introduction ces remarques significatives :

« Dès qu'on essaye de donner plus de précision à cette analogie (télépathie expérimentale et télépathie spontanée) l'accord cesse entre les gens qui ont étudié la question. L'un dira qu'il ne faut pas multiplier les causes sans nécessité, et que, puisque nous avons maintenant dans la télépathie une cause réelle, nous devons nous en servir pour expliquer tout ce qui est explicable par elle, avant de recourir à des causes plus éloignées et dont nous ne pouvons prouver l'existence. L'autre au contraire, sentira peut-être que la télépathie, telle que nous la connaissons, est une conception préliminaire, une façon simplifiée de nous représenter à nous-mêmes un groupe de phénomènes qui, embrassant toutes les relations entre les esprits, est probablement plus complexe que celui des phénomènes qui peuvent se traduire en termes de matière et de mouvement. Il sentira qu'il ne faut pas demander à cette clé d'ouvrir toutes les serrures et que nous devons rechercher s'il n'existe pas d'autre mode de liaison entre les phénomènes épars que nous connaissons. »

La télépathie proprement dite, c'est-à-dire l'action de la pensée d'un vivant sur un autre vivant, est une vérité, elle explique beaucoup de cas, mais pas tous, car nous savons que l'extériorisation de l'âme elle-même est aussi un fait bien démontré. Lorsque celle-ci est sortie de son corps, elle agit par suggestion mentale sur le médium pour lui communiquer sa pensée.
Répétons encore qu'ayant étudié ailleurs  les manifestations extra-corporelles de l'homme vivant, nous ne pouvons y revenir ici. Nous avons conclu que l'âme pouvait sortir du corps pendant le sommeil, nous n'insisterons donc pas, considérant que la démonstration en est faite, tant par la discussion de certains cas des soi-disant hallucinations collectives, que par les recherches de M. de Rochas et par les moulages et les photographies de l'âme sortie momentanément de son corps. Il nous suffira de faire ici une remarque qui se déduit de l'étude des faits télépathiques et qui démontre, à sa façon, la véritable présence de l'esprit de l'agent au moment où l'action a lieu.
Lorsque l'illusion télépathique est produite par une transmission de pensée, elle est de courte durée et ne donne lieu qu'à un phénomène simple, celui, par exemple, d'une voix qui prononce un mot, un nom, et qui borne là son action. Au contraire, quand la vision est objective, qu'elle est déterminée par la présence réelle de l'âme de l'agent, elle peut non seulement se faire voir, mais encore parfois, faire des signes, toucher le percipient ou répondre à une interrogation. Parmi les cas cités dans les Hallucinations télépathiques nous ne connaissons qu'un exemple d'une réponse faite à une interrogation de l’agent, le voici; il est dû encore à M. Newnham dont nous avons commenté les curieuses expériences sur l'automatisme .

Sensations auditive et tactile produites par une apparition

« En juillet 1867, j'étais à Bournemouth, et je remplaçais momentanément le chapelain de l'hôpital; il nous arriva un jeune homme très gravement atteint de phtisie, il était si malade que nous ne pûmes le faire entrer dans l'établissement, mais nous l'installâmes en ville. Je le visitai plusieurs fois en qualité de pasteur; le chapelain revint et je partis en vacances. Je pensais ne plus revoir ce jeune homme, mais, à mon grand étonnement, quand je revins le 21 septembre, il vivait encore et les médecins disaient qu'il pourrait durer encore quelques  semaines. Le dimanche 29 septembre, j'avais dit des prières à la chapelle et le chapelain prêchait l'office du soir, c'était vers la fin du sermon, il était 8 heures environ; il ne pouvait guère être plus tard, mais je ne puis dire l'heure à cinq minutes près. Je sentis tout à coup une main se poser doucement, mais fortement sur mon épaule droite.
J'en fus si saisi que, persuadé de la présence de quelque être invisible, je demandai: « Est-ce  S...? » (Le nom de baptême d'un de mes élèves mort en 1860). La réponse fut immédiate, faite clairement et intérieurement: « Non, c'est William. » Je ne me rappelle rien de plus.
Après le service, je demandai des nouvelles de mon jeune ami, j'appris que la garde avait été mandée près de lui parce qu'il se trouvait plus mal. Le lendemain j'appris qu'il était mort vers 8 heures 10 minutes. Ce fut environ dix minutes avant sa mort que j'éprouvai cette impression. Je dois ajouter que je ne pensais pas à lui, que je n'étais pas allé le voir, que je n'avais pas reçu de message de sa part depuis mon retour, et que je n'avais aucune raison de croire sa mort si proche. »

Si nous lisons avec attention ce récit, nous devrons conclure qu'il y a dans ce cas plus et mieux qu'une hallucination télépathique, non parce que deux sens ont été atteints, mais parce que si nous concevons très bien comment au moment de la mort la pensée du jeune homme a pu se porter vers son pasteur, nous ne voyons pas du tout de quelle manière l'interrogation de M. Newnham aurait pu lui parvenir, de manière à déterminer une réponse. Assistant au sermon, l'esprit du percipient était tout occupé de choses religieuses. Il pensait si peu au jeune phtisique que lorsqu'il sent l'attouchement qui l'émeut, il songe immédiatement à un ami mort et pas du tout au malade. Cependant celui-ci lui répond de suite: « non, c'est William. » Puisqu'il faut que l'agent pense fortement au percipient pour que l'action télépathique ait lieu, nous constatons ici que cette condition fait absolument défaut, et dès lors comme l'agent saisit de suite la pensée du pasteur et y répond, nous en concluons que son esprit était présent et agissait télépathiquement sur M. Newnham.
C'est ce qui se produit le plus souvent dans les évocations de personnes vivantes dont Allan Kardec a publié une étude approfondie, il y a bientôt un demi-siècle, dans la Revue Spirite et dans le Livre des médiums. Citons les réponses faites par les Esprits qu'il a interrogés, et l'on verra qu'elles concordent avec tout ce que l'on a observé depuis .
D. – L'incarnation de l'esprit est-elle un obstacle absolu à son évocation ?
R. – Non, mais il faut que l'état du corps permette à l'esprit de se dégager à ce moment.
D. – Peut-on évoquer l'esprit d'une personne vivante ?
R. – Oui, puisqu'on peut évoquer un esprit incarné. L'esprit d'un vivant peut aussi, dans ses moments de liberté, se présenter sans être évoqué. (Nous en avons vu plus haut des exemples) Cela dépend de sa sympathie pour les personnes auxquelles il se communique.
D. – Dans quel état est le corps de la personne dont l’esprit est évoqué ?
R. – Il dort ou sommeille; c'est alors que l’esprit est libre.
D. – L'esprit d'une personne évoquée pendant le sommeil est-il aussi libre de se communiquer que celui d'une personne morte ?
R. – Non; la matière l'influence toujours plus ou moins. (Une personne en cet état, à qui l'on adressait cette question répondit: «Je suis toujours enchaînée au boulet que je traîne après moi. »)
D. – Dans cet état, l’esprit pourrait-il être empêché de venir parce qu'il est ailleurs ?
R. – Oui, il peut arriver que l'esprit soit dans un lieu où il se plaît à rester, et alors il ne vient pas à l'évocation, surtout quand elle est faite par quelqu'un qui ne l'intéresse pas.
D. –  Est-il absolument impossible d'évoquer l'esprit d'une personne éveillée ?
S.    – Quoique difficile, cela n'est pas absolument impossible, car si l’évocation porte (c'est-à-dire si elle est entendue par l'esprit), il se peut que la personne s'endorme; mais l'esprit ne peut se communiquer, comme esprit, que dans les moments où sa présence n'est pas nécessaire à l'actvité intelligente du corps.

L'expérience prouve, fait observer Allan Kardec, que l'évocation faite pendant l'état de veille peut provoquer le sommeil, mais cet effet ne peut avoir lieu que par une volonté très énergique et s'il existe des liens de sympathie entre les deux personnes; autrement l’évocation ne porte pas. Dans le cas même où l'évocation pourrait provoquer le sommeil, si le moment est inopportun, la personne ne voulant pas dormir opposera de la résistance, et, si elle succombe, son esprit en sera troublé et répondra difficilement. Il en résulte que le moment le plus favorable pour l'évocation d'une personne vivante est celui de son sommeil naturel, parce que son esprit étant libre peut venir vers celui qui l'appelle, tout aussi bien qu'il pourrait aller ailleurs.
Les spirites de la première heure expérimentaient beaucoup et, procédant sérieusement, ils obtenaient plus fréquemment qu'aujourd'hui des manifestations probantes.

Esprit d'une personne habitant Paris se manifestant à St-Malo

Allan Kardec a relaté dans la Revue Spirite et dans son ouvrage: Le livre des Médiums, des faits d'évocations de personnes vivantes pendant leur sommeil . Nous les avons rapportées dans notre ouvrage L'âme est immortelle, avec d'autres qui ont eu lieu depuis dans toutes les parties du monde. Nous allons encore en citer deux exemples qui rentrent plus particulièrement dans l'étude de la médiumnité mécanique.
La première est tirée de la Revue de Pierrart .Voici le récit du témoin :

« … C'était dans le commencement de cette année; une réunion spiritualiste avait lieu un soir à Saint-Malo, sous la direction d'un médium écrivain. Après diverses expériences, un esprit féminin vint se présenter et donner à une personne de l’assemblée M. N..., des nouvelles de sa femme, assez sérieusement malade à Paris. L’esprit dit avoir mis des sangsues à la malade le matin même, et que cette dernière allait mieux.
Etonnement de l’assemblée, qui demande son nom à l’invisible. Celui-ci signe Clara. On lui demande alors son nom de famille, et l’invisible prétent qu’on le connaît bien assez, et qu’il n’est pas nécessaire de décliner plus au long son nom. Ce Monsieur lui demande alors sa demeure, et l’esprit répond qu’il la connaît aussi, que c’est à Paris, rue des Martyrs, n° 15.
Deux jours après, M. N… reçut une lettre de sa femme qui, entre autres détails, contenait ceux donnés par la communication. Quelque temps après, une personne qui assistait à cette soirée vînt à Paris et raconta le fait à Mlle Clara L…, qui tomba des nues et vit depuis lors d’un meilleur œil les spiritualistes et leurs expériences.
Cette demoiselle dormait très tranquillement à Paris, et ne se doutait de rien, pendant que ce fait se passait à St Malo.
Agréez, etc…
                                           Berruyer.

Voici une seconde expérience qui fut faite dans notre propre famille et dont le récit a été publié par la Revue Spirite en 1863, dans les termes suivants .

Identité d’un Esprit incarné

« Notre collègue, M. A. Delanne, étant en voyage, nous transmet le récit suivant de l’évocation qu’il a faite de l’esprit de sa femme vivante, restée à Paris.
… Le 11 décembre dernier, étant à Lille, j’évoquai l’esprit de ma femme à onze heures et demie du soir; elle m’apprit qu’une de ses parentes était, par hasard, couchée chez elle. Ce fait me laissa des doutes, ne le croyant pas possible, lorsque deux jours après je reçu d’elle une lettre constatant la réalité de la chose. Je vous envoie notre entretien quoi qu’il n’ait rien de particulier, mais parce qu’il offre une preuve d’identité.
D. – Es-tu là, chère amie? – R. – Oui, mon gros. (C’est son terme favori).
D. – Vois-tu les objets qui m’entourent? – R. – Je les vois bien. Je suis heureuse d’être vers toi. J’espère que tu es bien enveloppé. (Il était onze heures et demie; j’arrivais d’Arras; pas de feu dans la chambre; j’étais enveloppé de mon manteau de voyage et n’avais même pas enlevé mon cache-nez).
D. – Es-tu contente d’être venue sans ton corps? – R. – Oui, mon ami; je t’en remercie. J’ai mon corps fluidique, mon périsprit.
D. – Est-ce toi qui me fais écrire et où te tiens-tu? – R. – Vers toi. Certainement ta main a encore bien du mal à marcher.
D. – Es-tu endormie? – R. – Non pas encore très bien.
D. – Ton corps te retient-il? – R. – Oui, je le sens qui me retient. Mon corps est un peu malade, mais mon esprit ne souffre pas.
D. – As-tu eu, dans la journée, l’intuition que je t’évoquerais ce soir? – R. – Non, et pourtant je ne puis définir ce qui me disait que je te verrais (action télépathique à distance qui a déterminé le dégagement de l’âme). (A ce moment j’eus une quinte de toux). Tu tousses toujours, ami, soigne-toi donc un peu.
D. – Peux-tu voir mon périsprit? – R. – Non, je ne puis distinguer que ton corps matériel.
D. – Te sens-tu plus libre et mieux qu’avec ton corps? – R. – Oui, car je ne souffre plus. (Dans une lettre postérieure, j’appris qu’effectivement elle avait été indisposée).
D. – Vois-tu les esprits autour de moi? – R. – Non; je désire pourtant bien les voir.
D. – T’effrayes-tu d’être seule à la maison? – R. – Adèle est avec moi. (Cette personne, une de nos parentes, ne couche jamais à la maison; nous ne la voyons que très rarement).
D. – Comment se fait-il qu’Adèle soit avec toi? Est-elle couchée avec toi? – R. – Oui, par hasard.
D. – C’est bien toi, ma chère femme qui me parles? – R. – Oui, ami; c’est bien moi.
D. – Vois-tu bien clair ici? – R. – Oui tout rayonne mieux que ta faible lumière. (Je n’avais qu’une bougie dans une grande chambre).
D. – Te communiques-tu à moi par intuition ou mécaniquement? – R. – Je frappe plus particulièrement sur ton cerveau qui est propre à recevoir plus facilement, mais, malgré cela je dirige ta main en même temps.
D. – Comment peux-tu voir que mon cerveau est apte à recevoir des communications spirites? – R. – C’est par le développement que les organes ont acquis depuis peu, ce qui prouve qu’il a fallu… (à ce moment-là, minuit sonne et l’esprit s’arrête).
D. – Entends-tu les sons de la pendule? – R. – Oui, mais je reste saisie de ce son inaccoutumé; il est pareil à la musique céleste que j’ai entendu dans le rêve que je t’ai raconté. (En effet, quelque temps avant mon départ elle avait eu un rêve délicieux dans lequel elle avait entendu une harmonie sans pareille. A ce moment, je ne pensais assurément pas à ce rêve que j’avais totalement oublié; ce ne pouvait donc être le reflet de ma pensée; car, comme personne autre n’en avait connaissance, et que j’étais seul à ce moment, je vis dans cette révélation spontanée une nouvelle preuve de l’identité de l’esprit de ma femme. L’esprit achève spontanément la phrase commencée plus haut)… beaucoup de puissance en si peu de temps…
Le lendemain soir :
D. – Es-tu là? – R. – Oui, je vais te dire ce qui me préoccupe; c’est Adèle. Eh bien! oui elle a couché réellement avec moi, je te le jure.
D. – Ton corps va-t-il mieux? – R. – Oui, ce n’était rien.
D. – Vois-tu des esprits vers toi, aujourd’hui? – R. – Je ne vois rien encore, mais je pressens quelqu’un, car je suis tout inquiète d’être seule.
D. – Prie, ma bonne amie, tu seras peut-être mieux. – R – Oui, c'est ce que je vais faire. Dis avec moi: « Mon Dieu, grand et juste, veuillez nous bénir et nous absoudre de nos iniquités; faites grâce à vos enfants qui vous aiment; daignez les inspirer de vos vertus, et accordez-leur la grâce insigne d'être comptés parmi vos élus. Que la douleur terrestre ne leur paraisse rien en comparaison  du bonheur que vous réservez à tous ceux qui vous aiment sincèrement. Absolvez-nous, Seigneur, et continuez-nous vos bienfaits par l'intercession toute divine de la pure et angélique Sainte-Marie mère des pécheurs et la miséricorde incarnée. »
M. Delanne ayant écrit à sa femme pour lui demander si sa parente était venue à la maison, reçut la réponse suivante: ... Adèle est bien venue hier soir par hasard. Je l'ai engagée à rester, non par peur, j'en ris, mais pour l'avoir avec moi. Tu vois bien qu'elle est restée coucher avec moi. J'ai été troublée un peu ces deux nuits dernières; j'ai éprouvé une espèce de malaise dont je ne me rendais pas compte parfaitement. C'était comme une force invincible qui me forçait à dormir;  j'étais comme anéantie;  mais je suis heureuse d'être allée vers toi !... »

On ne peut mettre les communications reçues par M. A. Delanne sur le compte de l'automatisme, parce que la première renferme l'indication d'un fait exact inconnu de l'écrivain, celui du séjour à la maison de la cousine Adèle. M. Delanne ne pouvait avoir connaissance de cette visite par clairvoyance, parce qu'il n'a jamais possédé cette faculté et qu'il est resté à l'état de veille pendant toute la journée et la soirée où s'est produit l'événement. Il faut donc admettre que c'est une influence étrangère qui lui dictait ses messages.
L'identité de Mme Delanne est établie par son style, ses expressions familières, son caractère de religiosité, très accentué à cette époque, car elle était encore tout imprégnée des enseignements du catholicisme et en conservait l'empreinte, même à l'état d'esprit Il est évident que c'était bien son âme qui se manifestait à son mari, en raison de l'allusion qu'elle fit à ce rêve agréable que personne d'autre ne connaissait. Aucun être humain n'aurait eu intérêt à jouer ce rôle, et quant aux esprits farceurs, outre qu'ils ne sont pas omniscients, il est probable qu'ils n'auraient guère pensé à improviser la prière du second jour, si touchante dans sa naïve simplicité.
Nous remarquons dans la dernière phrase de la lettre de Mme Delanne, que l'action télépathique de son mari s'est fait sentir sur elle car, pendant deux jours, elle s'est endormie plus tôt que de coutume, d'un sommeil spécial, pendant lequel l'âme a pu, plus facilement que d'ordinaire, sortir de son corps.
Ce sont des phénomènes de cette nature qui, ajoutés à ceux que nous font connaître les expériences de dédoublement, démontrent avec évidence le dégagement de l'âme. Ce n'est pas la simple transmission de pensée à distance qui a lieu, car l’esprit voit le vêtement du médium, entend sa toux et le timbre la pendule sonnant minuit; il faut donc qu'il soit auprès de l’écri vain, comme il le déclare lui-même, puisqu'il n'a nul intérêt à dire qu'il est là, si c'est par clairvoyance que ces faits lui sont connus.

Résumé

Si nous passons une rapide revue des faits étudiés jusqu'ici, nous ne pouvons nous empêcher d'observer combien la médiumnité est une faculté nettement définie, puisque, sans sortir du domaine terrestre, nous sommes contraints, par l'observation des phénomènes, d'en reconnaître l'existence. Tout d'abord, c'est par l'automatisme que nos adversaires veulent tout expliquer. Ils nous font assister aux écrits subconscients de Léonie et de Lucie résultant d'ordres à réalisations post-hypnotiques, ou même d'un jeu spontané de l'esprit du sujet qui a été dressé à cette écriture par des exercices antérieurs. Nous avons fait remarquer combien sont arbitraires les théories de MM. Binet et P. Janet, et quelle créance il faut accorder à l'hypothèse d'un personnage subsconscient coïncidant avec la personnalité normale. Nous avons ensuite cherché à montrer que la distraction et l'état d'hémi-somnambulisme provoqué par auto-suggestion amène, aussi bien chez les personnes normales que chez les hystériques, cette perte de la mémoire qui fait que les pensées de l'écriture mécanique sont aussi vite oubliées qu'écrites. Montrant ensuite toutes les richesses de la mémoire latente, qui renferme non seulement nos souvenirs conscients, mais aussi les résultats de nos travaux intellectuels pendant le sommeil, nous avons mis les observateurs en garde contre les causes d'erreurs provenant de ce chef.
Nous avons constaté ensuite que dès que les phénomènes de la clairvoyance et de la suggestion mentale ont été reconnus comme facultés réelles possédées par l'être humain, nos critiques ont voulu s'en emparer pour détruire le spiritisme proprement dit, en affectant de croire que tous les faits inconnus révélés par l'écriture pouvaient s'expliquer par le jeu naturel de ces facteurs nouveaux. Mais, ici encore, leur espoir a été déçu, puisque nous avons montré que ces puissances de l'âme obéissent à des règles fixes, et qu'elles ont des limites au delà desquelles on ne saurait les faire intervenir, sans tomber manifestement dans l'erreur.
Il en est de même pour la télépathie. Nous savons que pour que cette action d'un esprit sur un autre soit possible, trois conditions doivent intervenir:
1° - Une concentration de pensée intense de l'agent produite volontairement ou par une émotion violente,
2° -  Un lien sympathique, une sorte de réglage dynamique entre l'organisme de l'agent et du percipient,
3° -  Un état monoïdéique de celui-ci. Dans le cas particulier d'une dictée médianimique, lorsqu'elle relatera un fait exact concernant un étranger inconnu de l'écrivain et des assistants, nous aurons le devoir de rechercher si cette révélation ne serait pas due à l'action d'un être vivant, momentanément endormi, qui agirait sur le médium. Mais s'il est impossible de découvrir le moindre lien entre la cause agissante et l'écrivain, nous sommes en droit de récuser absolument l'explication télépathique, comme insuffisante et injustifiée. Mais alors, si aucune intelligence humaine ne peut donner les indications précises qui sont contenues dans le message, force nous sera de recourir aux esprits désincarnés Nous allons voir dans les chapitres suivants qu'en appliquant cette méthode rigoureuse d'exclusion, il nous reste encore une masse énorme de documents dans lesquels l'intervention des esprits est si manifeste, qu'elle se démontre avec une rigueur qui défie toute critique.
Ce pauvre spiritisme si bafoué par les ignorants, les savants, les prêtres de toutes les religions, s'est répandu dans le monde entier, en narguant ses ennemis coalisés, car il possède la force souveraine de la vérité qui contourne, brise ou renverse, tous les obstacles accumulés sur son chemin par l'ignorance et le dogmatisme. Aujourd'hui même, notre doctrine s'infiltre lentement et sûrement jusque dans les sanctuaires officiels du savoir, pour se dresser, bien vivante, devant les pontifes qui prononçaient son oraison funèbre. La science matérialiste est entraînée d'une manière irrésistible vers cette étude de l'action extra-corporelle de l'être humain, qui détruit ses idées, préconçues. C'est contrainte et forcée qu'elle s'engage dans cette voie nouvelle qui ouvre à la pensée de si vastes horizons. Il est trop tard aujourd'hui pour reculer; trop de hautes et rigoureuses intelligences se sont occupées de ces questions pour qu'on puisse désormais continuer la conspiration du silence. L'âme humaine se dégage sous nos yeux des langes de la physiologie dans lesquels on voulait l'emprisonner; par l'étude de ce qu'elle produit déjà ici-bas pendant les rares instants où elle s'émancipe du joug de sa gaine terrestre, nous pouvons soupçonner quels sont ses pouvoirs lorsqu'elle plane, haute et sereine, dans les régions de cette erraticité qui est sa véritable patrie.
 

 

 

 

 


TROISIÈME PARTIE

 

 

 

 


SPIRITISME

 

 

PREUVES MULTIPLES DE LA COMMUNICATION DES

ESPRITS PAR L'ÉCRITURE MÉCANIQUE
 
CHAPITRE  I

Communications révélant des faits inconnus du médium et des assistants,  en dehors de toute influence télépathique ou clairvoyante

Sommaire – Remarques générales. – La corbeille révélatrice. – Les révélations de la corbeille. – Un renseignement venant de l'au-delà. – Le testament du baron Korff. –  Les expériences de Stainton Mosès. – Lectures faites dans des livres par les esprits. – Caractères de l'écriture mécanique. – L'homme écrasé par un rouleau à vapeur. – Le cas de Euphémia Mathilda Death. – Le cas de Charlotte Buckworth. – Autres preuves de l'intervention d'intelligences étrangères aux assistants. – Un père repentant. – Un esprit qui indique son genre de mort. – Les communications de Georges Pelham. – Extraits du rapport de M. R. Hodgson. L'identité de Georges Pelham. – Autres personnalités se manifestant par Mrs Piper. – Dernières nouvelles de l'autre monde.


Remarques générales

Avec cette troisième partie, nous abordons la médiumnité proprement dite, c'est-à-dire la démonstration que l'intelligence qui dicte le message est tout à fait indépendante de celle de l'écrivain. Les preuves que nous possédons sont très nombreuses et peuvent se diviser en plusieurs catégories:
1° -   Communications révélant des faits inconnus du médium et des assistants,
2° -  Communications manifestement au-dessus de l'intelligence du médium ou en dehors de ses connaissances,
3° -  Ecritures en langues étrangères, inconnues du médium,
4° -  Autographes de défunts donnés par les Esprits,
5°- Confirmations multiples d'une intervention spirituelle démontrée par plusieurs circonstances accompagnant les communications.
On peut voir par cette énumération que les documents ne nous font pas défaut, mais il faut croire qu'ils ne sont pas encore arrivés à la connaissance de nos psychologues officiels, puisque M. P. Janet écrit dans son livre sur l'Automatisme psychologique .

« La meilleure preuve de l'inconscience des médiums serait celle dont les spirites parlent sans cesse et qu'ils ne donnent  jamais. « L'expérience a constaté, dit Desmousseaux, que la table m’apprend des choses que je ne puis savoir et qui surpassent la mesure de mes facultés. » Voilà un fait qui serait décisif, mais dont la démonstration complète demanderait des précautions minutieuses dont ces enthousiastes sont bien incapables. On peut dire qu'il n'y a pas un fait authentique de ce genre . D'ailleurs, si j'ai complètement évité de parler de la lucidité et d'autres facultés analogues à propos des somnambules, ce n’est pas pour traiter incidemment la question à propos des médiums. En dehors de la lucidité proprement dite, on cite d'autres faits analogues qui séparent complètement l'écriture automatique de la conscience normale du sujet. Certaines personne parait-il, peuvent répondre automatiquement au moyen de la planchette à des questions posées mentalement non exprimées par la parole et dont leur conscience normale n'a aucune connaissance. Les faits signalés par M. Myers et surtout le cas de M. Newnham, si l'auteur peut garantir l'exactitude littérale des termes de cette observation, sont des plus extraordinaires et indiquent à la psychologie une voie absolument       nouvelle . Mais ces faits de suggestion mentale dans l'écriture automatique, qui devaient être signalés, demandent une discussion toute spéciale qui nous détournerait entièrement de l'objet actuel de nos études. »

On voit que M. P. Janet recule prudemment devant les faits qui ne concordent plus avec les hypothèses, comme d'ailleurs il néglige totalement tous ceux qui lui démontreraient péremptoirement ses erreurs. Nous allons donc citer les expériences nombreuses et précises relatées par les spirites et faire voir combien l'allégation « qu'il n'y a pas un fait authentique de ce genre » est contraire à la vérité.
Pour ne pas mériter le reproche d'être trop enthousiaste, nous prendrons autant que possible les précautions les plus minutieuses pour nous assurer que les faits sont réels. Nous en rapporterons un certain nombre dont nous connaissons les auteurs, et nous emprunterons les autres à des témoins dont l'honorabllité et la valeur intellectuelle ne laissent rien à désirer. C'est la méthode suivie par la Société de Recherches psychiques et elle nous paraît excellente.
Afin d'éviter les discussions qui pourraient mettre en cause la mémoire latente du médium ou les suggestions mentales des personnes présentes, nous ne relaterons dans ce chapitre que les faits révélés par l'écriture qui ont toujours été inconnus du médium et des assistants, en cherchant si la clairvoyance ou la télépathie peuvent en rendre compte.
Nous empruntons notre premier exemple à la Revue Spirite  qui contient beaucoup de faits de cette nature. Le narrateur, ancien professeur de philosophie, est un vieil ami de notre famille, d'une honorabilité au-dessus de tout soupçon et d'un esprit critique très développé. Voici son récit dont nous ne reproduisons que ce qui est indispensable pour faire connaître le caractère des expérimentateurs et le milieu où ont eu lieu les phénomènes.

La corbeille révélatrice

« J'ai, dit notre ami, à Chaumont, un ami, M. Ern. R. qui, avant qu'il fût question de Spiritisme, avait été amené à se demander si en dehors des lois connues de la vie, il n'en existait point d'autres qui nous auraient échappé faute d'attention. Certains faits réputés surnaturels étaient venus brusquement le surprendre, alors même qu'il n'était rien moins que disposé à en admettre la possibilité. Il s'occupait d'études médicales assaisonnées, comme délassement, d'excursions dans le domaine des mathématiques.
A quelques années de là, lorsque la mode de faire marcher les tables et manoeuvrer les corbeilles munies de leur crayon fit son tour de France, elle passa à Chaumont et dans les environs... Dans la famille de M. R. on voulut aussi se donner ce passe-temps. Dès les premiers essais, sa belle-sœur, Mme X…, s'étant trouvée pourvue de la faculté désirée, le guéridon, sous son influence, se mit à craquer, se balancer, aller, venir, se renverser, se relever à commandement et, sur demandes, à débiter une foule de communications plus ou moins sensées, spirituelles, déraisonnables ou saugrenues. Après un certain nombre, de séances où on en eut de toutes les couleurs, les communications prirent un caractère plus régulier et plus sérieux, et l'on reçut un soir l'avis, par coups frappés, de substituer la corbeille à la table. Mme X..., n'eut pas plus tôt le doigt sur ce scribe d'un nouveau genre qu'il partit, griffonnant autant de pages qu'on lui en demanda et stupéfiant mon ami par les révélations les plus imprévues...
Ayant lu un soir dans son journal qu'un de ses anciens professeurs, le Docteur Roux, était dangereusement malade, mon ami pria sa belle-sœur de prendre la corbeille et posa cette question :
D. – L'état du Dr  Roux est-il aussi grave qu'on l'annonce ?
R. – Dans deux jours il sera mort.
D. – De quelle affection est-il atteint ?
R. – D’un ulcère à la vessie avec complication de calculs dans les reins.
D. – Quels sont les médecins qui le soignent.
R. – Les docteurs tels, tel et tel.
Quatre jours plus tard, M. R. trouvait dans son journal la confirmation des deux premières réponses. La troisième était-elle exacte? Il écrivit pour s’en assurer à un de ses anciens condisciples qui exerçait la médecine à Paris. Elle était exacte.
Lui-même avait souffert pendant près de quinze années d’une affection goutteuse généralisée, qui avait fini par s’amender et se circonscrire dans le genou droit, mais lui laissait peu de répit. Pourquoi ne consulterait-il pas ce singulier correspondant qui paraissait si bien informé? A tout hasard ill lui adressa cette question :
D. – Suis-je condamné à la goutte à perpétuité? – R. – Non.
D. – Que dois-je faire maintenant pour achever de m’en délivrer? (M. R. avait épuisé, et à haute dose, toute la série des antigoutteux connus). – R. – Rien.
D. – Mais alors combien ai-je de temps encore à souffrir? – R. – Dans trois semaines tu seras libéré.
Trois semaines après, toute douleur avait disparu. Depuis cette époque il n’en a eu aucun ressentiment.
Puisque ta clairvoyance, lui dit-il une autre fois, s’étend à distance, que tu déchiffres nos pensées dans notre cerveau, à plus forte raison dois-tu pouvoir lire à livre fermé.
R. – Oui.
D. – Veux-tu bien alors nous transcrire la première ligne de la 290ème page du plus gros de ces volumes ?
M.R. indiquait un respectable bouquin dont il ignorait jusqu’au titre et qui reposait, avec quelques autres, enseveli sous une épaisse couche de poussière, au-dessus du dernier rayon de la bibliothèque de son père.
La corbeille, sur le champ, traça cette ligne: à témoin, luy Cardinal, de ce qu’il luig en avait dit…
M. R. dut prendre une échelle pour atteindre le bouquin qui se trouvait être un Mainbourg (Histoire de la ligue). Vérification faite, la ligne demandée était reproduite lettre par lettre, relevant ainsi le défi porté par M. de Gasparin dans son ouvrage sur les tables tournantes. »

Examinons ce cas avec attention, en appliquant à son étude les connaissances que nous possédons sur la télépathie et la clairvoyance, et nous allons nous convaincre qu’elles ne peuvent intervenir pour l’explication de ces faits inconnus que la corbeille a révélés à M. R. Trois hypothèses sont possibles :
1° - L’action téléphathique est due au Dr Roux lui-même, ou c’est celle d’un vivant quelconque,
2°  -  C’est à la clairvoyance du sujet qu’il faut l’attribuer,
3°  -  Ou bien à l’action d’un esprit désincarné.
Nous pouvons écarter immédiatement la première supposition, car il n’existait entre le médium et le Dr Roux aucun rapport d’amitié ou de parenté, puisqu’ils ne se connaissaient même pas et que nous avons vu que c’est une condition essentielle pour la production du phénomène. Il n’est pas raisonnable non plus d’imaginer l’intervention télépathique d’un vivant qui serait constamment aux ordres de M.R., car il faudrait supposer que ce vivant possède tous les renseignements qu’un hasard va lui faire demander et qu’il jouit, en plus, de la clairvoyance et de la prémonition. C’est compliquer le problème d’une série d’impossibilités que le bon sens suffit à faire rejeter. L’hypothèse de la clairvoyance n’est pas plus justifiée, car elle aussi exige un certain concours de circonstances que nous ne trouvons pas réunies. Occupons-nous d’abord de la citation si exacte de l’ouvrage de Mainbourg. Nous savons bien que certains sujets, pendant l’état somnambulique, peuvent lire des devises enfermées dans des enveloppes, comme nous l’ont montré les expériences du Dr Grégory et du Dr Férroul. Mais ici, l’écrivain n’est pas endormi, il n’a jamais été magnétisé et c’est spontanément que la tentative de lecture a été pratiquée. On ne saurait assimiler la belle-sœur de M. R., à des sujets qui ont été entraînés par une longue pratique. Nous avons admis que l’automatisme est dû à un demi-somnambulisme qui favorise l’auto-suggestion, mais c’est justement cet état qui rend la clairvoyance peu vraisemblable. De même que la transmission expérimentale de la pensée n’est possible que dans l’état de monoïdéie passive à l’état naissant, de même la clairvoyance magnétique ne se développe que pendant le sommeil profond, puisque c’est une faculté active, et non dans les états intermédiaires qui sont caractérisés par la passivité du sujet. Vouloir confondre la phase dans laquelle l’automatisme est possible avec celle où la lucidité peut s’exercer, c’est aller contre toutes les observations positives que nous possédons.
Nous croyons d’autant moins à un phénomène de clairvoyance, que les indications fournies sur la maladie du Dr Roux et sur les médecins qui le soignaient exigeaient une enquête, que même dans l’état de somnambulisme, le médium n’aurait pu faire instantanément. Si, encore, il avait été prévenu la veille que le lendemain on lui poserait des questions au sujet de la santé du Dr Roux, on pourrait imaginer que pendant son sommeil l’âme du médium est allée se renseigner, et que la corbeille n’a fait qu’extérioriser le lendemain des connaissances qui étaient restées à l’état latent dans la mémoire du médium, mais non; c’est sans préparation aucune, sans suggestion préalable que l’expérience a été tentée, et cependant l’indication précise du genre de maladie du Dr Roux est donnée et en même temps le nom des docteurs qui le soignaient. Toutes ces circonstances nous montrent à l'oeuvre une intelligence désincarnée, désireuse de convaincre M. R. de son existence.
Il est utile, sans doute, de donner aux facteurs psychologiques normaux et supra-normaux, dont l'existence est bien constatée, toute l'extension qu'ils comportent, et l'on doit y recourir toutes les fois que cela est possible pour ne pas multiplier les causes sans nécessité; mais il ne faut pas tomber non plus dans l'excès contraire et tenter, comme le disent les auteurs des Phantasms, d'ouvrir toutes les serrures avec la même clé. La clairvoyance est une faculté dont l'existence est certaine; elle obéit à des lois et ne peut se produire que dans des conditions nettement déterminées. Vouloir s'en servir pour tout expliquer, c'est aller contre la logique et les règles de la méthode scientifique.

Les révélations de la Corbeille

M. Saignes, un vieux spirite très honorable, habitant Angers, écrivait à M. Pierrart la lettre suivante qui renferme des faits inconnus des opérateurs, lesquels ne peuvent s'expliquer par l'action de la pensée de l'agent, puisqu'il était mort au moment  où se fit l'expérience .

« M. Bal..., riche propriétaire à qui j'ai prêté quelques livres sur le spiritualisme, mais qui ne connaissait pas encore le malheur qui s'attache au suicide, s'est brûlé la cervelle. La nouvelle de sa mort étant parvenue chez Mme B... quelques heures après, elle prit sa corbeille, et avec Mlle Az, elle évoqua l'esprit de M. B., ne connaissant rien de ce qui avait suivi immédiatement sa mort d'ici-bas.
D. – Voyez-vous votre corps? – R. – Oui. –
D. – Qui donc est auprès de votre corps? – R. – Fanchon (la domestique de se maîtresse) et une femme (exact). –
D. – Elles ne sont qu'elles deux? – R. – Il y a encore quelqu'un. (C'était un agent de police). –
D. – Mme B. sait-elle votre mort? – R. – Oui; elle est venue et elle est repartie (exact). –
D. – Que fait-elle, que dit-elle? – R. – Elle pleure, elle dit que c'est Clotilde qui est la cause de ma mort. J'ai donné à Clotilde 28.000 francs; elle voulait me faire faire quelque chose que je ne voulais pas: j’en ai fini avec la vie; je me suis levé en chemise et me suis tué. (En effet. On l'a trouvé en chemise, étendu sur le plancher, car c'est à six heures du matin qu'il s'est donné la mort, ce dont j'ai eu connaissance moins d'une heure après l'événement). –
D. – Qu'est devenue Mlle Clotilde? – R. – Elle est en prison (exact). –
D. – Fanchon est-elle restée auprès de votre corps? – R. – Non, on l'a mise aussi en prison (exact).  –
D. – Qu'a-t-on fait d'elles? – R. – On les a interrogées trois fois (exact). –
D. – Est-ce Mlle Clotilde qui a chargé votre pistolet? – R. – Non, c'est moi. C'est elle qui est cause que je me suis tué. –
D. – Pourquoi vous êtes-vous tué? – R. – Remords, chagrin, ma fille... j'ai été égoïste; on le saura plus tard. »

Ces réponses, ajoute M. Saignes, tirent leur intérêt de l'exactitude des faits que Mme B. ne connaissait pas encore au moment des questions. (Personne ici n'est compromis parce que j'ai changé les noms; mais je garantis les faits que je devais connaître un des premiers).

Un renseignement venant de l'au-delà

Voici un autre exemple personnel à M. Salgues, le narrateur  :

« Dernièrement, le seul frère qui me reste, habitant la Basse-Bourgogne, était allé à Dijon pour régler la succession de notre frère aîné, médecin, membre de l'Académie de médecine de cette ville. En son absence, ses trois filles se réunirent dans la maison paternelle et imaginèrent, pour la première fois, de profiter des leçons que je leur avais fait donner par correspondance: elles magnétisèrent donc une corbeille, perforée d'un crayon, et, après plusieurs minutes de la chaîne obligée, elles virent la corbeille marcher, puis s'arrêter. Elles furent bien surprises de trouver dessous SALGUES. Un dialogue s'établit ainsi :
D. – Est-il indiscret de vous demander si vous avez laissé de l'argent à votre mort? – R. – Oui, j'en ai laissé. –
D. – Combien? – R. – 10.000 francs en or. –
D. – Où étaient-ils donc? – R. – Dans mon secrétaire. – D. – Mais on n'y a rien trouvé. – R. – Ils ont été enlevés. –
D. – Par qui? – R. – Une voleuse. –
D. – Savez-vous son nom? – R. – X... de Dijon.
Au retour du père, quel n'a pas été l'étonnement de mes nièces quand il leur a dit que ce nom, inconnu d'elles, était celui d'une personne réellement existante et qui était souvent venue dans la maison.
                    Salgues,
                                     Propriétaire à Angers. (Maine-et-Loire).

L'emploi de la planchette ou de la corbeille était fréquent dans les premières années où l'on fit des expériences spirites. Mais on ne tarda pas à s'apercevoir que ces instruments étaient inutiles, car la personne qui avait le pouvoir de les mettre en mouvement n'avait qu'à prendre le crayon en main et la communication se produisait aussi bien, et plus rapidement, qu'avec la planchette.
Dans ces deux expériences, on ne peut soupçonner aucune action télépathique d'une personne vivante; la révélation faite ne peut parvenir que d'une intelligence désincarnée désireuse de signaler le vol qui s'est produit après sa mort.

Le testament du baron Korff

M. Aksakof a envoyé à la Société de Recherches psychiques  le cas suivant, qu'il a vérifié auprès des intéressés; il est absolument démonstratif, la communication ayant été obtenue à l'étranger, en dehors de toute action télépathique humaine, comme on va le constater.

« Désireux, dit-il, d'exposer ce fait avec le plus de détails possibles, je me suis adressé au baron C. N. Korff, mon camarade, qui me répondit que je pouvais obtenir les renseignements, les plus exacts du baron Paul Korff, fils du défunt, qui habitait Pétersbourg. Voici ce que ce dernier m'a raconté.
Son père, le général Paul Ivanovitch Korff, est mort à Varsovie le 7 avril 1867; on savait qu'il avait fait un testament, mais on ne put le retrouver à sa mort, en dépit des recherches les plus minutieuses. En juillet 1867, la sœur du baron Korff fils, la baronne Charlotte Wrangel, demeurait avec la soeur de son mari, Mme Oboukhof, à Plotz, près Varsovie. Sa mère, la veuve du général Korff, se trouvait en ce moment à l'étranger; elle avait l'habitude de faire ouvrir sa correspondance par sa fille. Parmi ces lettres, il y en avait une du prince Emile de Wittgenstein, qui était également à l'étranger. Il lui faisait part, dans cette lettre, qu’il avait reçu au nom de feu son mari une communication spirite, indiquant l'endroit où le testament se trouvait.
Mme Wrangel savait bien que l'absence de ce testament était cause de maints désagréments pour son frère aîné, le baron Joseph Korff (décédé depuis) lui avait été chargé de diriger la liquidation de la succession et se trouvait en ce moment à Varsovie; elle se rendit donc immédiatement auprès de lui avec sa belle-soeur pour lui faire part du contenu, si important, de la lettre du prince Wittgenstein. Les premières paroles de son frère furent qu'il venait de trouver le testament, et, à la lecture de la lettre du prince Wittgenstein, on constata, à la stupéfaction générale, que l'endroit indiqué dans le message médianimique était bien celui où le baron l'avait trouvé.
Le baron P. Korff fils me promit de chercher cette lettre du prince Wittgenstein qu'il avait eue entre les mains deux ans auparavant, en classant des papiers de famille;  jusqu’à aujourd'hui  il ne l'a pas encore retrouvée, et il craint de l'avoir détruite avec des papiers inutiles...
En ce qui concerne l’endroit où le testament a été retrouvé, j’interrogeai le baron P. Korff fils pour savoir si c'était en effet dans l'armoire, ainsi que le message l'avait annoncé. Il me répondit: « Nous l'avons entendu ainsi tous deux, ma sœur et moi. »

DOCUMENTS A L'APPUI.
I – Pendant que je m'occupais de ces cas, les souvenirs et correspondance du prince de Sayn-Wittgenstein-Berlesbourg (livre qui venait d'être édité à Paris en 1889), me tombèrent sous les yeux, et je trouvai à la page 365, t. II, la lettre suivante.

Varsovie le 5/17 juillet 1867.
II y a des siècles, mes chers parents, que je n'ai eu de nouvelles de vous; la dernière lettre de maman était datée du 5 juin.
Je me suis beaucoup occupé du spiritisme dans ces derniers temps, et mes facultés médianimiques se sont développées d'une façon étonnante. J'écris souvent avec facilité différentes sortes d'écritures: j'ai eu directement des communications de l'esprit  qui revient à Berlesbourg, une femme de notre maison qui s'est tuée il y a cent deux ans. J'ai obtenu encore un résultat bien curieux. Un de mes amis, le lieutenant général baron de Korff, mort il y a quelques mois, s'est manifesté à moi (sans que je pensasse à lui le moins du monde), pour m'enjoindre d'indiquer à sa famille l'endroit où, par malveillance, on avait caché son testament, c'est-à-dire dans une armoire de la maison où il mourut. Je ne savais pas qu’on cherchait son testament et qu’on ne l'avait pas trouvé. Or, on le découvrit à la place même que m'avait indiquée l'esprit. C'est un document extrèmement important pour la gestion de ses terres et pour les questions à résoudre à la majorité de ses enfants. Voici des faits qui bravent toute critique.
                        Emile Wittgenstein.

II. – Lettre du baron Paul Korff fils et de sa sœur la baronne Charlotte Wrangel adressée à M. Alexandre Aksakof, pour confirmer le récit qui précède, et dont les originaux ont été envoyés à M. Myers, secrétaire de la Société des Recherches psychiques, à Londres, le 27 février 1890.

Monsieur,
J'ai lu avec un grand intérêt votre communication publiée dans Psychische Studien de 1889, à la page 568, et relative au testament de feu mon père. Les faits que vous citez sont absolument exacts. Mais je crains d'avoir brûlé la lettre du prince Wittgenstein lorsque deux ans auparavant je classai les papiers de mon père.
Agréez, etc..
                           Baron Paul Korff.
                                             Saint-Pétersbourg le 29 janvier I890

Je joins ma signature à celle de mon frère pour confirmer ses dires.
                                    Baronne Ch. Wrangel, née baronne Korff.

Le prince de Wittgenstein ignorait complètement, vivant à l'étranger, que le fils du général fût à la recherche du testament de son père. D'autre part, le baron Korff ne songeait absolument pas au prince et ne pouvait agir télépathiquement sur lui, d'ailleurs il n'aurait pu lui transmettre ce qu'il ignorait complètement lui-même. Nous sommes donc bien en présence d'un cas spirite dans lequel le défunt aide, par ses indications, au règlement de ses affaires terrestres. Très souvent les spirites ont constaté, sous différentes formes, cette intervention post mortem qui peut se manifester aussi par l'apparition de l'esprit qui fournit les renseignements demandés. Swedenborg en a offert un exemple, que Kant a bien contrôlé . Souvent aussi c'est par la table, au moyen de la typtologie, que des détails sont donnés sur les dettes laissées en souffrance par celui qui est parti .
Les révélations par l'écriture ne sont donc qu'un cas particulier d'un fait très général: la persistance des connaissances terrestres de l'âme après la mort.

Les expériences de Stainton Mosès

Nous avons cité dans le chapitre premier les expériences du Révérend Stainton Mosès , qui est fort connu du public anglais sous le pseudonyme d'Oxon. C'est une des personnalités marquantes du spiritisme en Angleterre, et il est utile de savoir que l'on peut ajouter la plus entière confiance à ses assertions, car nous allons avoir l'occasion de le citer assez souvent dans la suite de cet ouvrage. M. F. W. H. Myers, qui l'a bien connu, se porte garant de sa loyauté en ces termes .

« J'ai eu pour M. Mosès, une grande amitié et une profonde estime. Notre amitié était basée sur la recherche des phénomènes. Il répondait à tout ce qui m'intéressait, avec une franchise parfaite, sur les expériences que je désirais tant connaître. Mais il n'y avait pas entre nous, cependant, d'attraction personnelle si intense qu'on puisse m'accuser de partialité. Je dois ajouter que l'étude de son journal, en me la faisant connaître plus intimement comme dans ses meilleurs jours, m'a rapproché du chaud enthousiasme de ses amis plus intimes.
M. Mosès était absolument sain d'esprit et d'une probité que je n'ai jamais entendu discuter. « Quelque perplexe qu'on ait pu être pour une explication, écrit M. Massey, on a toujours reculé à l'idée de suggérer même le moindre doute, sur la sincérité et la probité de Stainton Mosès. » « Je crois, écrit M. H. J. Hood, avocat, qui l'a connu de longues années, qu'il était absolument incapable de tromper. »

Après de bonnes études à Oxford, M. Stainton Moses prit ses diplomes, fut ordonné prêtre par l'évêque Wilberforce et accepta une cure dans l’île de Man. En 1869, gravement malade, il fut soigné par le Dr Speer dont il devint l'ami intime et dans la famille duquel il obtint les plus belles manifestations. Obligé par suite de l'état précaire de sa santé d'abandonner son ministère de prêtre, il fut nommé, en 1870, professeur à l' University College School, place qu'il conserva jusqu'au moment où la maladie l'engagea à y renoncer trois années avant sa mort. L'écriture automatique commença en 1873 pour finir, autant que nous pouvons le savoir, en 1883. Pendant ses dernières années, M. Mosès contribua à un grand nombre d'organisations spirites, il collabora activement au journal Light, dont il devint même le directeur.
M. Moses ne s'est jamais marié et a toujours vécu éloigné du monde. Rien dans son apparence n'indiquait ses dons particuliers. Sa physionomie était « honnête, virile et résolue ». De nombreux témoignages d'affection et d'estime furent publiés après sa mort, particulièrement par ceux que ses expériences et son enseignement étaient parvenus à convaincre . Ses manuscrits inédits furent confiés à deux de ses amis, M. Ch. Carleton, Massey avocat, et      M. Alaric. A Watts, M. Myers put prendre connaissance de ces documents et en a fait dans les Proceedings une étude à laquelle nous aurons l'occasion de recourir. En somme, les matériaux dont cet écrivain a pu disposer sont de quatre sortes:
1° -    les livres publiés par Stainton Mosès,
2° -    ses manuscrits inédits,
3° -   les rapports écrits et publiés des témoins,
4° -  ses relations orales avec ses amis.
La famille Speer a fourni également de nombreux témoignages corroborant les récits publiés par M. Mosès, de sorte que nous pouvons être certains de la matérialité des faits. Nous n'avons pas affaire ici à un ignorant incapable de se rendre compte du phénomène qu'il produisait, ou à un enthousiaste qui se laisse entraîner par le merveilleux. Son éducation religieuse et ses études théologiques l'éloignaient de ces pratiques, qui lui semblaient d'abord vulgaires et dépourvues d'intérêt.
Ce puissant médium n'est arrivé que lentement et progressivement à la conviction que les communications qu'il recevait étaient bien dues à l'intervention des Esprits. Son intelligence développée, sévère et précise, demandait des preuves absolues avant de s'engager dans cette voie nouvelle qui devait modifier si profondément ses croyances antérieures. Il expose lui-même dans son ouvrage Spirit ldentity, les perplexités par lesquelles il a passé .

« Il y a maintenant quatre ans, mon esprit s'est trouvé si complètement absorbé par la démonstration de ce que l'on appelle l'immortalité que je résolus de me faire une conviction, ou d'abandonner désormais toute tentative pour entrer en relation avec le monde des esprits, comme laissant trop d'inconnues et de désillusions. Je n'avais pas obtenu un nombre suffisant de preuves de l'idendité des esprits, pour me permettre de formuler sur elles une affirmation décisive. Sans doute, j'en avais bien un certain nombre, qui, à mes yeux, avaient une valeur considérable, mais la grande masse de mes communications avait un caractère impersonnel; car les esprits auxquels elles étaient dues s'attachaient plus spécialement à fixer mon attention sur les arguments et le but de leurs messages, bien plus que sur l'autorité d'un nom, quelque impression qu'il pût faire sur mon esprit. Ils avaient franchi la sphère de l'individualité et se plaignaient d'être obligés d'y revenir. Pour moi, au contraire, je réclamais quelque chose de tout à fait défini, je demandais qu'il me fût bien prouvé que j'avais affaire à des êtres de mon espèce. Le monde des Anges état trop haut pour moi, je ne pouvais y atteindre.
Pendant longtemps, j'attendis en vain la preuve réclamée. Si j’avais imité la plupart des investigateurs, j'aurais abandonné mon enquête, par lassitude ou dégoût . L'état de mon esprit me portait trop à l'action, ansi je fus obligé de me donner beaucoup de peine avant d'obtenir ce que je désirais. Peu à peu, tantôt d'un côté, tantôt de l'autre, par fragments et par degrés dans le détail desquels je ne puis entrer ici, cette preuve me vint, et comme mon esprit était tout préparé à la recevoir, six mois entiers furent dépensés en efforts journaliers, continus, pour bien fixer en moi la démonstration de la persistance des esprits des hommes et de leur faculté de communiquer avec moi, en me donnant la preuve de la conservation de leur individualité, ainsi que de la continuité, sans aucune solution, de leur existence.
J'avais connu pendant leur vie terrestre quelques-uns de ceux qui vinrent ainsi, et je pouvais non seulement contrôler leurs assertions, mais aussi remarquer quelques détails de leur manière d’être, des particularités de diction, des  originalités de leur esprit que je me rappelais avoir constaté chez eux pendant leur vie terrestre.
La plupart m'étaient inconnus et vinrent pour obéir à l'esprit-guide qui arrangeait toutes choses, ils m'apportaient leur témoignage et suivaient ensuite le cours de leur destinée, lorsqu'ils avaient accompli la tâche lui leur avait été imposée. Quelques-uns venaient des pays les plus invraisemblables et nous donnaient, et à moi et à mes amis, les plus grandes peines pour contrôler leurs dires.
Plusieurs vinrent au moment de leur mort. Il semblerait qu'à ce moment l'esprit a plus de facilité pour manifester sa présence, et les faits qu'il cite sont plus faciles à vérifier. Quelques-uns étaient morts depuis longtemps, d'après la façon de compter des hommes, et se présentaient éblouis et embarrassés pour revoir les scènes terrestres d'autrefois, éprouvant les plus grandes difficultés à se remettre dans les conditions de jadis .
Mais, de quelque part qu'ils vinssent et de quelque manière qu'ils se communiquassent, les uns et les autres portaient en eux un air de sincérité et de franchise qui était bien celui d'êtres pénétrés de la haute portée de l’œuvre dont ils étaient chargés. Tous, sans une seule exception, donnaient sur eux-mêmes la stricte vérité, autant qu'il nous fut possible de nous en assurer. Beaucoup de leurs affirmations étaient, par leur nature même, au-dessus de tout contrôle. Un nombre beaucoup plus considérable fut scrupuleusement éclairci et aucun n'a soulevé le moindre soupçon de fraude. Par tous les moyens imaginables, j'ai soumis ces témoins invisibles à un examen rigoureux et j'y ai apporté une ténacité qui ne laissait de côté aucun élément de contrôle. Beaucoup de mes questions restèrent sans réponse et je me demande si je n'ai pas quelquefois fait des recherches trop peu justifiables. Je n'ai jamais pu détruire leurs affirmations, ni les surprendre en flagrant délit de fraude, par les recherches les plus attentives.
Comme preuve de ce que je dis, je renvoie aux comptes rendus que j'ai rédigés pendant toute cette période, avec la plus grande régularité, jour par jour notant, en détail même la température et les autres conditions atmosphériques, les confrontant avec les rapports indépendants dressés par d'autres personnes faisant partie du cercle dans lequel les faits étaient communiqués. Toute lacune contenue dans mon récit comme il devait fréquemment s'en produire par le fait même de l'état de transe dans lequel je me trouvais, était ainsi comblée et mon rapport contrôlé par des observateurs indépendants. »

Voici un exemple de faits inconnus du médium, révélés par les esprits. La scène se passe le matin, dans le cabinet de travail de M. Mosès. Il est à l'état normal et veut s'assurer que l'esprit qui se communique par l'écriture possède une existence indépendante. Il demande que l'on reproduise, par sa main, une phrase d'un livre pris au hasard dans sa bibliothèque.

Lectures faites dans les livres par les esprits

« D. – Pouvez-vous lire? (Demande Stainton .Mosès).
R. – Non, mon ami, je ne le puis pas, mais Zacharie Gray le peut, ainsi que R... Je ne suis pas capable de me matérialiser ni de commander aux éléments.
D. – Se trouve-t-il ici quelqu'un de ces esprits ?
R. – J'en trouverai un quelque part. Je vais vous envoyer... R…, il est ici.
D. – On m'a dit que vous pouviez lire. Est-ce exact? Pouvez-vous lire dans un livre ?
(Ici le caractère de l'écriture change).
R. – Oui, mon ami, mais avec difficulté.
D. – Voulez-vous écrire pour moi la dernière ligne du premier livre de l'Enéide ?
R. – Attendez... « Omnibus errantem terris et fluctibus oetas.»{C'était exact).
D. – Très bien. Mais j'aurais pu la connaître. Pouvez-vous aller vers cette bibliothèque, prendre l'avant-dernier livre, sur le second rayon et me lire le dernier paragraphe de la quatre-vingt quatorzième page? Je ne l'ai pas vu et je ne connais pas même son titre.
R. – « Je vais prouver rapidement, par un court récit historique que la papauté est récente et qu'elle s'est graduellement élevée ou développée depuis la première et pure époque de la chrétienté, non pas même depuis la période apostolique, mais depuis l'union lamentable de l'Eglise et de l'Etat, sous Constantin. »
(En examinant le livre, on constate que c'est un ouvrage singulier intitulé: Antipopopriestan de Roger, tentative pour libérer et purifier la Chrétienté de la Papauté, de la politique cléricale et du gouvernement des prêtres). L'extrait ainsi donné était exact, mais le mot (narrative) avait été substitué à compte-rendu (account).
D. – Comment suis-je tombé sur une phrase aussi bien appropriée ?
R. – Je ne sais, mon ami. Ce ne fut qu'une coïncidence. Le mot a changé par erreur. Je m'en suis aperçu dès que cela a été fait, mais je n'ai pas voulu le changer.
D. – Comment lisez-vous? Vous avez écrit plus lentement, à bâtons rompus.
R. – J'écrivais ce que je me rappelais, puis je lisais la suite. Il faut un effort tout particulier pour arriver à lire et on ne le fait guère que pour fournir une preuve. Votre ami avait raison, hier soir; nous pouvons lire, mais seulement quand les conditions sont très favorables. Nous allons encore lire et écrire; nous vous dirons ensuite dans quel volume. « Pope est le dernier grand écrivain de cette école de poésie, la poésie de l'intelligence ou plutôt de l'intelligence unie à la fantaisie. » C'est réellement écrit ainsi. Allez prendre le onzième volume du même rayon. [Je pris un volume intitulé: Poésie Roman et Rhétorique]. Il s'ouvrira à la page que vous cherchez. Prenez, lisez et reconnaissez notre pouvoir et l'autorisation que le grand et bon créateur nous donne de vous prouver le pouvoir que nous avons sur la matière. « Gloire lui soit rendue. Amen. »
[Le livre s'ouvrit à la page 145 et on y trouva la citation parfaitement exacte. Je n'avais pas vu ce volume auparavant; je n'avais certainement aucune idée de son contenu].

Nous avons vu au chapitre qui traite spécialement de la clairvoyance dans ses rapports avec l'automatisme, qu'à plusieurs reprises une carte a été devinée par l'écriture automatique, alors que personne ne la connaissait; nous savons également par les expériences du major Buckley, qu'après une magnétisation, une phrase peut-être lue dans cet état de demi-extériorisation qui est presque l'état normal. Fidèles aux principes méthodologiques que nous avons adoptés, nous aurions passé sous silence les faits précédents, comme n'indiquant pas avec évidence l'intervention d'une intelligence étrangère, si certaines circonstances du récit ne nous faisaient un devoir d'examiner plus attentivement le phénomène.
Nous remarquons d'abord qu'il existe une très grande différence entre la manière rapide, nette et sans erreur, avec laquelle les réponses sont données, et ce qui se passe dans les expériences de M. Watkins où ce n'est qu'après des tâtonnements, des lenteurs que la carte est indiquée, pour ainsi dire par fractions. Mais ce qui est tout à fait inattendu et qui ne pouvait guère être prévu par M. Stainton Mosès, c'est que, subitement, l'intelligence directrice choisirait elle-même un volume inconnu de l'écrivain, dont elle extrairait une phrase exacte, et qu'ensuite il se produirait un phénomène complètement en dehors du pouvoir de la clairvoyance: celui de l'ouverture spontanée du livre, juste à la page indiquée. C'est là, suivant nous, une bonne preuve d'une intervention étrangère à l'écrivain, et qui lui montre qu'il est bien en rapport avec un esprit qui a sa volonté propre et des moyens spéciaux pour en témoigner.
Si l'on veut imaginer, malgré les affirmations du médium, que ces livres ont été lus jadis par lui et qu'il peut en avoir gardé le contenu dans sa mémoire latente, nous remarquerons ce que cette supposition a d'absurde, car si une phrase a été conservée, il est invraisemblable que le numéro de la page y ait été associé. D'ailleurs, ici encore, le fait que le livre s'ouvre mécaniquement à l'endroit voulu, ruine complètement cette hypothèse.
Malgré toutes les inventions ingénieuses des critiques, il est des phénomènes qui, froidement étudiés, sans enthousiasme et sans passion, montrent avec certitude l'intervention d'intelligences qui ne sont plus sur la terre. C'est là une certitude grandiose qui va aller en s'accentuant, mesure que nous avancerons davantage dans notre étude des faits.

Caractères de l'écriture mécanique

L'état de transe auquel M. Stainton Mosès fait allusion se produisait surtout pendant les séances où avaient lieu des manifestations physiques; l'écriture mécanique était toujours obtenue à l'état de veille, sauf deux exceptions: une fois de l'écriture fut donnée pendant un état de dégagement, nous en parlerons plus loin, et deci, delà, quelques mots, qu'il affirme être de l'écriture directe, c'est-à-dire tracée par une main invisible faisant aller la plume, sans aucun contact matériel de la part de l'écrivain.
En commençant, l'écriture fut d'abord très fine et très irrégulière; il était obligé d'écrire lentement et avec précaution en surveillant la main et en suivant les lignes, autrement le message devenait incohérent et présentait l'aspect d'un véritable gribouillage. Avec l'exercice, l'écriture devint régulière et très belle.

« Les premières communications étaient, dit-il , toutes de l'écriture fine que j'ai décrite, elles étaient toujours du même style et signées « Doctor the Teacher. » Toutes les fois qu'il a écrit, son écriture est restée la même. Sa personnalité est aussi déterminée que celle des humains que je fréquente, changeant à vrai dire, beaucoup moins que la mienne dans les derniers temps.
Après un certain temps, des commucations furent données d'autres sources, mais chacune se distinguait par sa propre écriture et les particularités de son style et de ses expressions. Entre temps, je m'aperçus qu'un grand nombre d'Esprits qui n'avaient pas assez d'influence sur ma main avaient recours à l'aide d'un autre esprit nommé « Rector » qui pouvait apparemment écrire plus facilement avec moi; car l'écriture d'un Esprit inhabile à ce travail rendait souvent le message incohérent, et il en résultait toujours pour moi un épuisement sérieux... Au contraire, l'écriture de l'Esprit qui devint ainsi une sorte de secrétaire, était courante et facile à lire, tandis que celle d'un grand nombre d'esprits était biscornue, de forme archaïque et fréquemment exécutée avec difficulté et presque illisible, de sorte que « Rector » devint le secrétaire ordinaire, excepté lorsqu'un Esprit venait pour la première fois, ou bien lorsqu'il désirait accentuer la communication; alors l'esprit responsable écrivait lui-même. »

Il dit encore ailleurs .

« Il est intéressant de savoir si mes propres pensées n'ont pas exercé une influence quelconque sur les sujets traités dans les communications. J'ai pris une peine extraordinaire pour prévenir une telle éventualité. Au début, l'écriture était lente et je devais la suivre des yeux, mais dans ce cas même les idées n'étaient pas miennes. Du reste, les messages prirent bientôt un caractère sur lequel je ne pouvais avoir de doute, puisque les opinions énoncées étaient contraires à ma manière de voir. Je m'attachai à occuper mon esprit pendant que l'écriture se produisait; j'en arrivai à lire un ouvrage abstrait, à suivre un raisonnement serré, tandis que ma main écrivait avec une régularité soutenue. Les messages ainsi donnés couvraient de nombreuses pages, sans corrections ni fautes de composition, dans un style souvent beau et vigoureux...
Je n'ai jamais pu être maître de l'écriture, elle venait sans être appelée, et quand je la cherchais, j'étais le plus souvent incapable de l'obtenir. Une soudaine impulsion, venant je ne sais comment, me poussait à m'asseoir et à me préparer à écrire. Pendant la période où les messages furent réguliers, j'avais pris l’habitude de consacrer la première heure du jour à les attendre. Je me levai tôt et je passai ce temps matinal dans une chambre, uniquement consacrée à ce qui était en intention et en réalité un service religieux. L'écriture venait alors fréquemment, mais je ne pouvais en aucune façon y compter. Des communications spirituelles se produisaient sous d'autres formes, il était rare que je n'en reçusse aucune, à moins d'être malade, ce qui arriva souvent dans les dernières années et mit fin aux messages. »

Maintenant que nous sommes familiarisés avec l'écriture mécanique et que nous connaissons les fluctuations morales par lesquelles a passé M. Stainton Mosès avant d'arriver à la conviction, examinons son cas avec impartialité et demandons-nous s'il est illusionné ou si sa conviction reposait sur des bases certaines. Nous avons vu que les messages qu'il recevait, toujours graves, sérieux, sans aucune banalité, vulgarité ou inconvenance, ne suffirent pas à le persuader; il connaissait très bien la théorie de la cérébration inconsciente du Dr Carpenter, et il n'a été convaincu que lorsque des preuves nombreuses lui furent données de l'intervention d'esprits désincarnés se manifestant par son intermédiaire. Nous allons reproduire quelques-unes de ces observations, et l'on constatera que l'hypothèse de la télépathie ou celle de la clairvoyance ne peuvent absolument pas expliquer cette révélation soudaine de faits inconnus du médium et des assistants.

L'homme écrasé par un rouleau à vapeur

Ceci est emprunté au journal inédit de M. Stainton Mosès par M. Myers  et l'exactitude en est affirmée par une relation indépendante, conforme de tous points, publiée par un témoin oculaire dans The spiritualist  :

« 20 février 1874. – J'ai dîné ce soir chez Mlle Grégory avec le Docteur et Mme Speer pour rencontrer le baron du Potet, le célèbre magnétiseur et spiritualiste. M. Percival était de la partie. Pendant le dîner, j'avais comme un sentiment intérieur d'une influence étrangère et j'en fis l'observation. Le baron m'avait auparavant fortement magnétisé, et m'avait rendu plus clairvoyant que d'habitude. Lui-même reconnut un esprit dans la chambre, mais il croyait que c'était l'esprit d'une personne vivante.
Après le dîner, lorsque nous étions au salon, je me sentis un irrésistible penchant à écrire, et je demandai au baron d'appuyer sa main sur mon bras qui commença bientôt à remuer et je tombai dans une profonde léthargie. D'après ce que j'ai pu recueillir des témoins, ma main traça ces mots: « Je me suis tué aujourd'hui. » Cette phrase avait été précédée d'un dessin très grossier; puis au dessous: « sous le rouleau à vapeur, dans Baker Street, où le médium est passé. » Au même moment je me levai en répétant à plusieurs reprises le mot « sang. » L'esprit demanda des prières. Mlle G. en récita quelques-unes et je sortis de ma léthargie tout à fait souffrant. Le lendemain je me rendis jusqu'à Baker Street avec le docteur Speer et demandai au policeman de service s'il n'était arrivé aucun accident. Il nous répondit qu'un homme avait été tué par le rouleau à vapeur à 9 heures du matin, et qu'il avait aidé à transporter le corps à Waterhouse de Marylebone. Je sentis très fortement l'influence le soir et ne pouvais pas m'y soustraire pendant 48 heures. Ceci est une curieuse preuve d'action spirite. »

Nous sommes ici pleinement du même avis que le Révérend Stainton Mosès, car les circonstances qui accompagnent cette communication ne permettent guère l'intervention d'un autre facteur que celui de l'esprit du décédé. Si le médium avait été en relations suivies avec l'homme qui est mort, nous serions en face d'un cas ordinaire de télépathie; mais comme l'écrivain, ni aucune personne de l'assistance, n'avait la moindre connaissance de cet individu, cette cause ne saurait être invoquée, surtout en considérant que l'accident a eu lieu à 9 heures du matin et que la communication ne fut donnée que dans la soirée. Le seul fait d'avoir passé dans Baker Street ne peut évidemment avoir aucune importance pour l'explication télépathique, tandis qu'il s'applique bien à la théorie spirite d'un esprit attendant l'occasion de se communiquer. Nous raisonnerons de même pour la clairvoyance, puisque cette faculté ne s'exerce que lorsqu'il y a une puissante cause, de nature émotive, pour la provoquer, motif qui manque absolument vis-à-vis d'un inconnu.

Le cas de Euphémia Mathilda Death

« Je citerai encore, dit M. Stainton Mosès , le cas suivant: il vint à une de nos séances (dans la famille Speer) une influence – je ne trouve pas de mot meilleur – qui nous fit à tous ressentir un froid horrible. Le 21 décembre 1874, je m'enquis de ce qui avait eu lieu la veille et l'on me dit que ce froid avait été causé par la présence de certains esprits qui s'étaient manifestés à l'insu du chef (Impérator). Je fis l'enquête relativement à certains faits avancés par eux et je dis: « Pouvez-vous bien établir ces faits, afin que je puisse les comparer avec ce qu'ils m'ont dit? » (II est important de faire remarquer que je n'avais aucun souvenir conscient de ce qui avait été dit dans cette séance). Après une longue pause, il me fut répondu :
« La mère était Euphémia Mathilda Death. Elle quitta notre monde à Aldershot, le 20 novembre, à l'âge de 22 ans. La petite était Edith-Ellen Death. Elle avait seulement quinze mois quand elle mourut. Le nom de son père était William Death, médecin vétérinaire du train militaire. Tels sont les principaux faits, nous n'en savons pas davantage.
Ces faits entièrement inconnus à notre cercle furent vérifiés par la suite. Après enquête, on obtint un papier de Wolwich confirmant chaque détail et ajoutant que l'enfant Edith était morte dans l'eau bouillante. M. F. W. H. Myers qui a vérifié, lui aussi, ces indications, dit que dans le registre de décès on trouve: « Mathilda Death mourut à South Camp, Aldershot, le 21 novembre 1874, d'une maladie d'une valvule du coeur, à l'âge de 22 ans. Edith-Ellen Death, enfant de la ci-dessus nommée, mourut au même lieu le 24 novembre 1874, après six jours d'une congestion du cerveau, à l'âge d'un an et trois mois. »
La différence entre les dates du jour de la mort n'a rien de bien étonnant pour une mort ayant eu lieu la nuit et surtout d'une maladie de coeur. »

Nous demandons encore quelle faculté supra-normale on paurrait invoquer pour expliquer les détails précis, circonstanciés, obtenus par un écrivain qui n'avait pas la moindre idée de l'existence d'une famille Death. On ne peut imaginer, sans tomber dans l'absurde, une action télépathique d'un vivant quelconque, car il n'existe aucun ami commun, ni aucun lien entre le médium et les personnes mortes. La clairvoyance n'a pas davantage de raison pour se produire ici, puisque nous avons constaté qu'elle ne s'exerce pas au hasard, mais au contraire dans des circonstances bien déterminées. Il est donc logique d'admettre que ces renseignements proviennent d'intelligences désincarnées, comme elles affirment l'être, et que la communication entre les vivants et les morts s'établit par des faits qui défient toute critique. En voici encore un autre dont la vérification fut tout à fait inattendue .

Le cas de Charlotte Buckworth

Nous reproduisons la version du Journal de M. Stainton Moses, d'après M. Myers :

« 25 mars 1874. – Un esprit se manifeste par des raps (coups frappés) nous donnant des détails sur sa vie qui étaient précis et entièrement inconnus de chacun de nous. Le lendemain, je fis des questions à son sujet (par l'écriture) et l'on me répondit que le nom avait été bien donné; que cette Charlotte Buckworth n'avait aucune connexion spéciale avec moi ni avec mes amis, mais parlait comme si elle était présente. Le fait que j'avais été la veille en compagnie avec quatre personnes, toutes plus ou moins médiums, avait empêché la régularité des communications et introduit un élément de trouble.
Il me fut dit que Charlotte Buckworth, l'esprit en question, avait été soudainement privée de l'existence terrestre en 1773, à une partie de plaisir chez un ami à Jermyn-Street. J'appris encore qu'elle avait souffert d'une faiblesse du coeur et qu'elle était morte en dansant. L'esprit ami qui écrivait ne pouvait dire chez qui, mais, parti, puis revenu, il me donna le renseignement: chez le Dr Baker, le 5 décembre. Nous ne pouvions vérifier l'information et nous n'y pensâmes plus. Longtemps après, cependant, le Dr Speer avait chez lui un ami qui aimait beaucoup fouiller dans les vieux livres. Nous causions tous les trois, un soir, dans une chambre où il y avait beaucoup de livres rarement employés, rangés en rayons, depuis le parquet jusqu'au plafond.
M. A. (comme je l'appellerai) monta sur une chaise pour atteindre le dernier rayon qui était rempli par les volumes de Annual Register. Il en prit un dans un nuage de poussière et remarqua que cette publication était un précieux recueil d'événements. « On y trouve tout », disait-il. Comme il prononçait ces mots, l'idée que c'était une occasion pour vérifier si on avait enregistré la mort de Charlotte Buckworth, traversa aussitôt commme un éclair mon esprit. L'événement avait dû intéresser et on le trouverait dans l'obituaire d'un de ces volumes. Mon impression était si forte – il me semblait que ma voix intérieure me parlait – que je me mis en quête du volume de 1773. J'y trouvai, au milieu d'autres morts remarquables, l'enregistrement de ce fait qui avait fait sensation à cause de son intervention dans une fête du monde élégant et sa terrible soudaineté. Les faits avaient été donnés exactement. Le livre était couvert d'une épaisse poussière et n'avait évidemment pas été dérangé depuis qu'on l'avait placé sur ce rayon. Je me rappelai que les livres avaient été rangés cinq ans auparavant; ils étaient toujours restés tels quels depuis. Personne n'y eût touché sans les goûts d'antiquaire de M. A... La vérification fut je crois aussi suggestive d'une indication spiritualiste que la communication même. »

Nous connaissons bien l'ingéniosité de nos critiques, mais nous nous demandons ce qu'ils pourraient alléguer contre ces phénomènes! Pas de télépathie de vivants, tous les contemporains sont morts. Pas de clairvoyance possible puisqu'aucun fait ne la nécessite; il ne nous reste plus qu'à constater l'influence des esprits, en dépit de toutes les négations intéressées. Voici encore quelques exemples de communications réelles.

Autres preuves de l'intervention d'intelligences étrangères aux assistants

« Il m'a été accordé, à plusieurs reprises, – dit encore Stainton Moses  - un autre genre de preuve, consistant à rappeler de menus incidents survenus il y a longtemps, et qui, par aucun moyen imaginable, n'avaient pu venir à ma connaissance, ou exister dans ma mémoire. Voici un exemple. Il survint à une époque où j’étais occupé tout entier à l'écriture automatique, et se présenta à propos de rien. Je suppose que l'esprit était présent, et saisit l'occasion de se rapprocher de son ami.
Un certain soir, 8 avril 1874, je posais une question à propos de ce qui venait d'être écrit à l'instant, lorsque la main commença à dessiner, ou plutôt à parcourir le papier au hasard, comme il arriva fréquemment, lorsqu'un nouvel esprit survient. Une longue communication d'une nature très personnelle fut enfin transmise morceau par morceau. Elle doit nécessairement perdre beaucoup de sa force, dans ce court extrait auquel je dois me limiter pour ce récit imprimé. Je me trouvais alors à la campagne, et l'esprit qui se communiquait avait été connu de la maîtresse de la maison, ainsi que de moi: pour être plus exact, je dirai que, vingt-neuf ans auparavant, elle m'avait connu enfant. Elle donna son nom complet, et me demanda si je me le rappelais. Il n'en était rien. Elle ajouta qu'elle était la cousine de la dame de la maison où je me trouvais. Elle était décédée le 15 mai précédent. En réponse à mes questions, elle ajouta qu'elle avait été mariée, et peu après donna son nom de jeune fille. Je me rappelai parfaitement ce nom de jeune fille et celui de la localité qu'elle habitait. Elle donna alors tous les détails sur sa vie, avec la date et le lieu de sa naissance, la description très exacte de la maison qu'elle avait habitée, et le nom de l'occupant actuel; des détails sur sa vie comme femme mariée, la date et le lieu de sa mort, ainsi que son âge. Vint ensuite le récit d'une aventure très vulgaire de mon enfance, un jour que j'étais allé lui rendre visite. Pendant ce récit, les plus minimes incidents furent rappelés, et il fut donné des détails tellement insignifiants, dont je ne savais pas un mot, qu'il n'est pas possible de se figurer qu'ils puissent être trouvés par quelqu'un simulant un esprit. Plus tard, je contrôlai ses dires, en recourant à deux sources différentes, et je constatai que chaque particularité était rigoureusement exacte.
Je lui demandai, en outre, si elle n'avait aucun but en se manifestant à moi. Si: elle désirait transmettre un message à X...: « J'ai beaucoup perdu l'occasion de faire des progrès, parce que j'ai trop cherché à satisfaire les appétits charnels. Cela m'a fait reculer. Ill faut que je reprenne le cours de mes progrès. Je trouve que ma vie actuelle ne diffère guère de la vôtre; je suis presque comme vous. Je voudrais pouvoir exercer une influence sur X..., mais je ne puis y arriver. »
Je lui demandai d'autres preuves, et elle me dit qu'elle n'en pouvait donner. Au moment où elle allait quitter: « Arrêtez! Demandez à X... des nouvelles de D*** et de la trappe. » Je n'avais aucune idée de ce que cela pourrait signifier, et je lui demandai si elle se trouvait bien dans son état actuel. « Aussi heureuse qu'on peut l'être en cet état. » Je lui demandai comment elle m'avait découvert. Elle vint, me répondit-elle, errant autour de son amie et s'aperçut qu'il lui était possible d'entrer en communication. Je lui demandai si je pouvais lui être utile. Elle répondit par la demande de prière habituelle.
Plus tard, je pus m'assurer que l'incident de la trappe au sujet de laquelle on m'avait dit de m'informer, était un de ces infimes détails de la vie de chaque jour, survenu trente ans auparavant, qui me semble bien propre à fournir les meilleures preuves d'identité. Cet incident ridicule auquel il était fait allusion, ne pouvait être connu de personne autre que de ceux qui y avaient pris part. Il faut dire qu'il avait eu lieu lorsque j'avais environ cinq ans. La personne à laquelle je m'adressai ne se rappela l'incident de la trappe qu'avec une grande difficulté et après une nuit de réflexion.
Avant de terminer, je veux encore citer un cas, constituant une preuve des plus détaillées, donnée au moyen de coups frappés, et confirmée par  l'écriture automatique.
Vers la même époque que le fait précédent, toute la durée d'une de nos séances, c'est-à-dire pendant près de deux heures, fut occupée par la communication d'une série de faits, de noms, de dates et de menus détails, transmise par un esprit qui était évidemment préparé à répondre à l'enquête la plus pénétrante. Le jour de la naissance, les particularités de l'histoire de la famille, et les détails sur la vie qui venait de finir, furent données sur ma demande. Il en résulta une complète autobiographie, comprenant non seulement les faits saillants, mais embrassant aussi les particularités vulgaires, qui venaient tout naturellement à leur moment, au cours du récit. Toutes les questions reçurent leur réponse sans la moindre hésitation, et avec une clarté et une précision parfaites. Tous les détails furent pris en note sur le moment même, et dans tous les cas où il a été possible de les contrôler ils furent trouvés parfaitement exacts et bien rapportés.
Quand même ce cas eût été le seul que je connusse, il me semblerait plus difficile d'imaginer que tout ce qui fut donné avec tant de soins et de précision, n'était que le produit de l'imposture, de la fourberie d'un esprit mystificateur, ou des rêveries d'un cerveau déséquilibré, que d'admettre, comme je le fais sans hésiter, que l'opérateur intelligent était l'homme lui-même, avec sa mémoire intacte et une individualité que n'a pas détruite le changement d'état que nous appelons la mort. S'appuyant comme il le faut sur la même base que les autres faits que j'ai détaillés, et que ceux que j'ai passés sous silence, ce cas est un anneau de plus ajouté à la chaîne des preuves. »

Nous pourrions multiplier les témoignages empruntés aux auteurs spirites, mais pour ne pas alourdir la discussion, nous nous contenterons de reproduire les deux cas suivants, dus à la médiumnité de Mme Undervood, médium non professionnel et d'une honorabilité parfaite. Nous empruntons la traduction à la brochure de M. Erny, intitulée: L'Identité des Esprits.

Un père repentant

« Un M. J. Smith qu'avait connu M. Underwood, mais dont il ne connaissait nullement la famille, était mort depuis un an. Un soir que M. et Mme Underwood travaillaient à leur bureau, la main de Mme Underwood écrivit: « J. Smith désire parler à M. Underwood. » Ce dernier, qui pas plus que moi ne pensait à M. Smith (qui était mort en Floride), demanda les détails de ce qui s'était passé dans leur dernière entrevue, et il les donna exactement. M. Smith venait, dit-il, pour tâcher de réparer les dispositions testamentaires qu'il avait prises au sujet de sa fille Violette, à laquelle il n'avait rien laissé, parce qu'elle s'était mariée contre son gré. M. Smith désirait que M. Underwood allat trouver son fils marié James Smith, et lui fit part de son désir de voir sa fille Violette avoir une part égale à celle de ses autres enfants. Connaissant fort peu le fils de M. Smith, M. Underwood crut indiscret de sa part de lui communiquer un fait qui lui paraîtrait probablement ridicule. M. Smith père revint à la charge et écrivit par la main de Mme Underwood: « Dites à James que dans ma nouvelle existence, et les pensées nouvelles qu'elle me suggère, je sens que j'ai mal fait en agissant comme j'ai agi envers sa soeur. On ne peut la blâmer d'avoir suivi sa propre inclination, plutôt que la mienne. » M. Underwood, devant cette insistance, devint perplexe sur ce qu'il devait faire, lorsque quelques semaines plus tard, une preuve inattendue de la véracité des messages de M. Smith fut donnée à M. Underwood. Dans une conversation que ce dernier eut avec un homme d'affaires, ami de M. Smith, il lui fut dit que Smith avait laissé tous ses biens à sa femme et à ses enfants, sauf à Violette , qui s'était mariée contre son gré. Or ces flirts, dit Mme Underwood, étaient ignorés de mon mari et de moi, et nous étions seuls, lorsque cette communication nous fut faite. Donc, notre subconscient n'a pu écrire les messages, et un invisible n'a pu lire ces faits dans notre cerveau. »

Un Esprit qui indique son genre de mort

« M. J.-P. Mendum, Iongtemps directeur du Boston Investigator, libre penseur dans ses écrits, mourut en 1891. M. Underwood avait, pendant vingt-cinq ans, eu des relations avec lui et écrit dans son journal. Mme Underwood avait rencontré ce monsieur, mais ne savait rien de sa vie privée. Le numéro de son journal annonçant sa mort, daté du 21 janvier, n'arriva que le 23 à Chicago, et Mme Underwood ne le sut que le 25. M. Underwood, absent de Chicago, ne lut ce numéro que le 27. Or, le 20 janvier au soir, Mme Underwood ressentit ce choc électrique dans le bras qui précédait toujours les communications. Son mari, très fatigué, ne pensait pas plus qu'elle à M. Mendum. « Ma main, dit Mme Underwood, écrivit:
—    On voudrait parler à  M. Underwood.
—    Qui ?
—     J.P. Mendum.
—     Qu'avez-vous à nous dire sur l'état nouveau où vous vous trouvez ?
—    Que je suis des plus surpris, ie ne puis encore comprendre où je me trouve.
—    Quel est votre état d'esprit ?
—    Perplexe... J'étais si peu préparé à ce que je vois  ici. »
Alors M. Underwood dit: « Si c'est réellement M. J. Mendum qui est présent, qu'il nous dise de quelle maladie il est mort ?
– C'est inutile, répondit Mme Underwood, puisque nous savons tous deux qu'il est mort de vieillesse (il avait quatre-vingts ans).
M. Underwood insistant... sa femme écrivit péniblement: ulcère.
– Dans quelle partie du corps ?
– L'estomac. » M. et Mme Underwood constatèrent que le fait était exact, et cette dernière ajoute que la télépathie ou la conscience subliminale ne peuvent expliquer qu'elle ait connu ces fait quatre jours avant leur publication à Boston. »

Les communications de Georges Pelham

Les Spirites ont toujours soutenu que le jour où des savants voudraient prendre la peine d'étudier les phénomènes du spiritisme, ils arriveraient d'abord à constater la réalité des faits et qu'ensuite ils seraient contraints de reconnaître qu'ils sont dus à la communication des Esprits avec nous. C'est précisément ce qui a eu lieu pour un certain nombre de membres de la Société de Recherches psychiques.
Après avoir consacré de longues années à l'examen des phénomènes de la transmission de pensée, de la télépathie, de la clairvoyance, etc., ils en sont venus naturellement à examiner les médiums et tout d'abord ils n'ont vu dans les manifestations orales ou écrites auxquelles ils assistaient que des cas de personnalités secondes, ou dans les révélations faites que des transmissions de pensée ou des actions télépathiques exercées par des personnes vivantes. Mais le problème s'est compliqué. Il s'est produit une série de communications, émanant d'un esprit qui était connu de quelques-uns des membres de la Société, qui ne pouvaient plus s'expliquer par les hypothèses précédentes et qui conduisirent des hommes comme le            Dr R. Hodgson, le professeur Hyslop, le professeur William James, le Révérend Minot Savage, le professeur Lodge, etc., à reconnaître la possibilité de la communication entre les vivants et les morts.
La publication dans les Proceedings du cas de Georges Pelham a produit une profonde sensation parmi les psychologues, car c'est la première fois que la possibilité de la communication avec les Esprits était affirmée catégoriquement parle Dr R. Hodgson, qui s'était, jusque là, montré réfractaire à cette interprétation des phénomènes constatés dans les séances spirites. Ce n'est pas que cette observation soit beaucoup plus probante que beaucoup d'autres faites par les spirites, mais elle a été relatée avec une si grande minutie de détails, avec une si entière préoccupation d'impartialité, et avec une rigueur si absolue, que les conclusions qui en ressortent ont pris immédiatement une haute importance.
Le Dr Hodgson était un adversaire résolu des spirites et se donnait pour mission de dévoiler ce qu'il croyait des supercheries de la part des médiums. Mais c'était en même temps un savant de bonne foi, et bien avant d'arriver au spiritisme proprement dit, il reconnut qu'un grand nombre de faits n'avaient rien de frauduleux et pouvaient s'interpréter par la télépathie. Puis cette explication ne le satisfit plus et il en arriva, après ses expériences avec un grand médium américain, Mrs Piper, à la conviction complète, absolue, que les esprits pouvaient se manifester. Voici sa déclaration .

« Pendant une période de douze ans, j'ai eu par la médiumnité de Mrs Piper des communications avec les Esprits de ceux qui sont morts depuis quelque temps. Au début, et à vrai dire pendant les premières années, je ne croyais absolument pas au pouvoir de Mrs Piper. Je n'avais qu'un but: découvrir la fraude et la supercherie. Pour être franc, j'allai chez Mrs Piper dans le but de la démasquer, il y a de cela douze ans.
Aujourd'hui, je suis prêt à dire que je crois à la possibilité de recevoir des messages de ce que l'on se plaît à nommer le pays des Esprits. J'entrai dans cette maison profondément matérialiste, ne croyant pas à l’existence après la mort, et aujourd’hui, je dis simplement: je crois. La démonstration m'a été faite, de façon à m'ôter même la possibilité d'un doute. Aujourd'hui ce sont des centaines de personnes qui attendent sans cesse l'occasion d'avoir une séance avec Mrs Piper, cela dépasse notre désir et la possibilité d'y satisfaire... »

Mrs Piper, qui a été l'instrument de cette conversion, est une dame américaine dont la médiumnité commença à se développer en 1884, après une visite qu'elle fit à un médium professionnel, le Dr Cocke. Elle s'endort spontanément, et pendant la transe, diverses individualités se manifestent par la parole ou l'écriture. Pendant les premiers temps, la voix de Mrs Piper était au pouvoir d'une personnalité qui, sous le nom de Dr Phinuit, servait d'intermédiaire pour transmettre les communications. Mais dans les dernières années, d'autres agents intervinrent, et le Dr Phinuit disparut. Afin de faire connaître les précautions prises par les observateurs et pour indiquer dans quel esprit les recherches furent poursuivies, il est nécessaire de reproduire une partie du rapport publié par M. Hodgson dans les Proceedings de 1897 . Voici le début des observations.

Extraits du rapport de M. R. Hodgson

« Ce fut en mai 1887 quinze jours après mon arrivée à Boston, que j"entendis parler pour la première fois de Mme Piper, et le professeur William James ménagea ma première séance chez elle. Dans les dix-huit mois précédents, le professeur James l'avait visitée une douzaine de fois et lui avait conduit un grand nombre de personnes, pour la plupart desquelles il fixait lui-même les jours de séances, sans jamais donner leurs noms au médium. Le résultat de ces études fut pour lui la conviction que Mme Piper possédait réellement des facultés supernormales.
J'ai eu moi-même un certain nombre de séances avec Mme Piper, pendant lesquelles elle rappela beaucoup de souvenirs intimes et d'un caractère tout à fait personnel touchant quelques-uns de mes amis et parents décédés. J'ai pris des rendez-vous pour des séances chez elle en faveur de plus de cinquante personnes que je savais lui être étrangères, en observant les précautions les plus sévères pour éviter qu’elle pût obtenir aucun renseignement sur ceux qui devaient assister à ces séances. En général, le résultat fut aussi satisfaisant qu'il l'avait été pour moi.
A la plupart de ces personnes on cita, pendant l'état de transe, des faits qu'elles étaient certaines que Mme Piper n'avait pu apprendre par aucun moyen ordinaire.
En outre, sur la proposition de l'un des membres de notre société, des détectives furent employés pendant plusieurs semaines à s'assurer que Mme Piper, ni son mari, ni aucune autre personne en relation avec eux n'avaient tenté d'obtenir des renseignements sur les assistants possibles de leurs séances, soit à l'aide de complices, soit par un des procédés ordinaires d'enquête. On ne put découvrir le plus léger indice de manœuvres de ce genre.
Tout en laissant la plus grande marge possible aux informations pouvant être fournies selon les circonstances par des moyens ordinaires, ou par hasard, coïncidences, conjectures exceptionnelles, aidées par les indications échappées consciemment ou inconsciemment aux assistants, ou encore devinées par Mme Piper, grâce à un état particulier d'hyperesthésie, je pense qu'il reste encore un ensemble imposant de notions révélées pendant son état de transe, dont rien ne peut rendre compte en dehors de l'intervention de quelque pouvoir supernormal; mes dernières recherches n'ont pu que me confirmer dans cette conviction.
Mme Piper, sur notre demande, vint ensuite en Angleterre, où elle séjourna de novembre 1889 à février 1890. Pendant ce temps, elle donna quatre-vingt-trois séances sous la surveillance du Dr Walter Leaf, du professeur Lodge, et de M. Myers. Naturellement toutes les précautions convenables furent prises au sujet de l'admission des assistants, etc. Qu'il suffise de dire que les observateurs nommés plus haut demeurèrent convaincus que l'affirmation de notions acquises par des moyens supra-normaux par Mme Piper en état de transe, était parfaitement justifiée.
Mais si cette conclusion était admise à l'unanimité, il n'en était pas de même de l'interprétation. Ainsi le Dr Walter Leaf, par exemple, adoptait la supposition que le Dr Phinuit n'était qu'un nom destiné à couvrir la personnalité seconde de Mme Piper, prenant ce nom et jouant ce rôle, avec les aptitudes et l'unité d'action que l'on a constatées déjà, dans des cas analogues, de la part de ces personnalités secondes. Le professeur Lodge, de son côté, pense que dans la plupart des cas observés, on rencontre quelque chose d’un caractère anormal qu'on ne peut expliquer par la transmission de pensées de la part des assistants, et se croit forcé d’admettre l’hypothèse de l'action télépathique de personnes éloignées, si tant est  que cela soit possible d'une façon quelconque; téléphathie attribuée, mais seulement en dernier ressort, aux décédés ; télépathie cependant, de forme absolument spéciale et tout à fait distincte de tous les autres modes imaginables employés pour obtenir des renseignements de personnes présentes.
Dans mes précédents rapports concernant les séances tenues jusqu'à octobre 1891, j'ai déclaré que l'hypothèse qui depuis longtemps me paraissait la plus satisfaisante, était celle d’une transe auto-hypnotique dans laquelle une personnalité seconde de Mme Piper, ou bien admettrait par suite d'illusion, ou bien prétendrait faussement et en connaissance de cause, être l'esprit d'un être humain décédé et, en conséquence, imiterait diverses autres personnalités, en concordance avec les idées latentes de quelques-uns des assistants. J'ajoutais cependant que ma confiance dans la valeur de cette hypothèse était fortement ébranlée par mes dernières conversations avec la personnalité de Phinuit, et par les autres manifestations accompagnant l'état de transe de Mme Piper, et que je n'étais pas du tout certain qu'aucune théorie exclusive pût réellement être adoptée. Il arrivait bien que plusieurs assistants se croyaient bien mis, pendant la transe de Mme Piper, en communication réelle avec des amis décédés; mais diverses considérations rendraient cette opinion bien peu acceptable.
La personnalité présentée sous le nom de Phinuit ne donnait aucun détail satisfaisant sur elle-même; elle était incapable de justifier, par aucune preuve d'identité, sa prétention d'avoir été un être humain actuellement décédé et encore bien moins celle d'avoir été un docteur Français. Dans plusieurs cas, les séances aboutirent à des échecs complets. Dans beaucoup d'autres, les affirmations correctes étaient entremêlées d'attestations fausses ou d'un contrôle impossible. Parfois aussi il en survenait un grand nombre qui paraissaient surtout avoir été devinées ou dites au hasard par Phinuit, et même lorsqu'il faisait preuve de quelque notion spéciale et tout à fait extraordinaire sur des questions d'un caractère privé, se rapportant aux assistants ou à leurs amis décédés, Phinuit se trouvait incapable de faire des réponses acceptables à d'autres questions, quoique ces réponses fussent sûrement connues, pendant leur vie, par les esprits qui étaient censés se communiquer. En un mot, tandis qu'un examen sans prévention des premiers rapports publés par les Proceedings porterait à conclure que les phénomènes exigent une hypothèse admettant tout au moins l'existence de la télépathie, on éprouve de très sérieuses difficultés lorsqu’il s’agit de se prononcer entre l’hypothèse spirite ou l’action de la télépathie entre vivants, comme explication suffisante.
Ces difficultés ne sont pas complètement résolues, mais depuis que j'ai écrit le dernier rapport sur les phénomènes médianimiques présentés par Mme Piper il s'est produit diverses circonstances qui ont eu pour résultat d'augmenter singulièrement la valeur des preuves et de jeter, du moins à mon avis, une nouvelle lumière sur leur signification. L'une de circonstances a été la mort subite, en 1892, d’un jeune homme qui s’intéressait très vivement à toutes les questions intellectuelles en général et se tenait au courant des recherches de notre société.
Quatre semaines apès son décès, il se présenta comme voulant se faire connaître par la médiumnité de Mme Piper, et depuis ce temps, il prêta son assistance à beaucoup d'autres esprits désireux de se communiquer. Je le nommerai Georges Pelham ou G. P. Le vrai G. P. a-t-il quelque chose à voir en tout ceci, trouve-t-on des interlocuteurs en dehors d'une personnalité quelconque de Mme Piper et de celles des assistants ou autres personnes vivantes, ce sont là des questions qu'il nous restera à discuter plus tard.
Cette manière de parler est la plus convenable pour faire comprendre les faits aux lecteurs, et c'est en définitive la seule qui rende bien compte de la forme sous laquelle ils se présentent. Je ne donnerais qu'une impression absolument fausse de ce que furent les phénomènes, si je parlais simplement de Mme Piper comme l'auteur des manifestations qui se produisent au moyen de ses organes, quand elle est dans l'état de transe. Pour arriver à donner une fidèle description dans chaque cas, de ce qu'elle affirme, déclare ou prétend être, nous serions entraînés à des répétitions fatigantes, inutiles, et à une confusion véritable. Je citerai donc régulièrement ceux qui se présenteront comme interlocuteurs sous les noms de Phinuit, G. P., et autres, comme s'ils étaient des personnalités nettement distinctes. C'est du reste sous cet aspect qu'ils se présentent à première vue, et c'est cette apparence qui donne aux séances leur caractère tout spécial. Ainsi donc, je l'adopte provisoirement, en vue de la clarté et de la facilité des descriptions.
L'autre circonstance qui a contribué à donner plus de poids à la démonstration, fut le développement de l'écriture mécanique pendant les transes de Mme Piper. Il faut noter que pendant la transe, la main de Mme Piper tombe fréquemment au pouvoir d'un autre agent, tandis que Phinuit continue à agir au moyen des organes de la voix. Phinuit perd la main et est évidemment inconscient de ce qu'elle écrit. Quoique ce moyen de communication n'ait pas été tout à fait inauguré par G. P., ce fut cependant surtout celui-ci qui le développa et il a, depuis, servi à un grand nombre d'interlocuteurs différents, soit pour remplacer, soit pour compléter le procédé adopté par Phinuit, remplissant le rôle de leur intermédiaire. Plus tard, Phinuit lui-même déclara et parut bien avoir profité de l’émulation de son nouveau collaborateur dans la tâche qu’il s’était imposée, de faire la preuve d'une faculté supra-normale .
Mme Piper dut subir, en mars 1893, une grave opération chirurgicale dans un hôpital de femmes, pour la guérison d’une tumeur et pour se débarrasser ainsi définitivement d'une source de troubles continuels dans sa santé, qu'elle éprouvait depuis de longues années et qui interrompaient ses séances. Cette tumeur était la conséquence d'une contusion reçue plusieurs années auparavant dans un choc contre un traîneau. La guérison de Mme Pipr lui permit de reprendre ses séances avec beaucoup plus de régularité qu’auparavant et d’en éprouver beaucoup moins de fatigue. Mais, dans le cours de 1895, une grave hernie, résultat assez fréquent des opérations de ce genre, vint de nouveau interrompre les séances, de telle sorte qu'une autre opération devint nécessaire. Celle-ci eut lieu en février 1896 et il ne fut pas possible de reprendre les séances avant le mois d'octobre. Depuis, la santé de Mme Piper est restée meilleure que je ne l'avais connue et elle put enfin être considérée comme une personne parfaitement bien portante.
En somme, depuis mon dernier rapport, je connais les résultats DE PLUS DE 500 SÉANCES, dont 130 seulement ont eu lieu en présence des premiers assistants et sur quelques-unes desquelles je n'ai reçu que des rapports oraux. Parmi les rapports écrits sur les premières séances, il y en a un certain nombre qu'il n'est pas possible d'invoquer comme preuves, à cause de la répugnance qu'éprouvent les assistants à permettre qu'on livre leurs affaires privées à la publicité, sous quelque forme que ce soit. Il en est d'autres que je ne puis publier qu'en leur faisant subir des suppressions et des modifications qui leur enlèvent plus ou moins de leur valeur démonstrative. Je me vois encore dans l'impossibilité de me servir de quelques-uns, parce que malgré des promesses réitérées de la part des assistants de mettre à ma disposition des documents qui n'avaient pas de caractère trop intime, et malgré mes vives réclamations, je n'ai pu obtenir d'eux les détails qui auraient confirmé mes rapports. Sous l'influence de ces diverses causes, une grande quantité de preuves de la plus haute importance, provenant des premières séances, ne peut être livrée à la publicité.
Quelques-unes des autres séances rentrent dans la catégorie de celles dont je puis me servir avec assez de détails, comme cela sera expliqué plus loin. Plusieurs avaient été tenues pour des personnes qui déjà s'étaient souvent trouvées avec Mrs Piper, et les communications qu'elles obtenaient avaient un caractère tout personnel. D'autres ont été provoquées par moi-même ou par d'autres personnes, dans le but d'obtenir, si c'était possible, des interlocuteurs eux-mêmes, un peu de lumière sur les causes des phénomènes. Ces derniers documents n’ayant pas une valeur démonstrative directe ne peuvent guère être publiés en détail dans nos Proceedings, tout au moins dans la période actuelle de notre étude, mais plus tard, dans mon mémoire, je pourrai faire des emprunts à quelques-uns d'entre eux, lorsque je les croirai de nature à m'aider dans la voie des interprétations.
Cependant, malgré la somme énorme des pièces qu'il est impossible ou inopportun de publier, il reste encore à notre disposition plus de matériaux que je ne puis en publier in-extenso, de façon utile. Beaucoup de ces faits utilisables  ne contiennent rien d'un caractère, particulièrement nouveau et ne rappellent que ces séances ordinaires que les membres de notre société connaissent suffisamment par nos précédents rapports. J'en passerai donc complètement un certain nombre, j'abrégerai du supprimerai certaines parties d'une autre série, ayant toujours soin de mettre les échecs bien en relief.
Je dois ajouter que j'ai suivi moi-même la grande majorité des séances; que les notes ont presque toujours été prises par moi, excepté dans les cas où un reporter sténographe se trouvait présent ou encore lorsque Miss Edmunds, mon aide, pouvait me remplacer.
Quoique le procès-verbal des premières séances, dans lesquelles toutes les précautions ont été prises pour empêcher Mme Piper de se renseigner sur les futurs assistants, ait une importance toute particulière, lorsqu'il s'agit de prouver que Mme Piper possède des facultés supra-normales, cela ne nous mène pas bien loin, lorsque nous cherchons une explication pleinement satisfaisante. Mais il peut aider puissamment à prouver :
1° -  que pendant son état de transe, Mme Piper est instruite de données particulières sur l'assistant, sans qu'on puisse intelligemment supposer qu'elle les a acquises par les voies ordinaires,
2° -  que des faits privés connus seulement de l'assistant sont fréquemment cités,
3° - enfin, que dans certains cas on reçoit des communications sur des événements aussi complètement inconnus du médium que de l'assistant lui-même et dont l'enquête prouve l'exactitude.
Bien plus, en même temps que cette démonstration de connaissances supra-normales, on rencontre plus ou moins d'éléments personnels, caractérisant les amis décédés de l'assistant, et obligeant celui-ci à conclure qu'il est bien en communication directe et réelle avec ces amis disparus. Il est néanmoins difficile de supposer que, quelques remarquables qu'aient pu être les premières séances, elles aient pu suffire à constituer une base suffisante à la théorie spirite. Il est bien vrai qu'elles portent puissamment à admettre une telle théorie et provoquent dans l'esprit d'un grand nombre, des présomptions en sa faveur, mais pour l'investigateur sévère, elles ne seraient pas encore suffisantes. Elles pourraient encore paraître constituer des groupes de faits relativement isolés et n'ayant pour ainsi dire entre eux, pour tout lien, que la personnalité objective et mystérieuse, mais singulièrement persistante qui a reçu le nom de Phinuit .
On devrait comparer les phénomènes de ce genre à ceux d'une maison soit-disant hantée, où se produisent, de façon continue, des manifestations d'une personnalité intelligente, mais assez mal déterminée, qui fait preuve d'informations étonnantes sur la plupart des visiteurs successifs de la maison, dont quelques uns admettent qu’ils se trouvent en présence réelle de leurs parents ou amis décédés. Si nous considérons que ce fantôme visiteur, tandis qu'il est capable de donner des informations si étrangement vraies sur les uns, sur les autres, est bien loin de pouvoir donner sur lui-même des renseignements suiffisants pour établir son identité avec un être humain ayant déjà vécu, et que toutes les informations que l'on peut tenir sur le début du phénomène tendent puissamment à montrer que le fantôme fait penser à un rôle de pure invention dans une histoire à sensation, nous nous retrouvons en présence d'un problème ressemblant par beaucoup de points à celui qu'offrit Mme Piper, aussi longtemps que nous avons borné notre étude principale aux résultats des premières séances.
Lorsque j'ai écrit mon précédent rapport, on ne manquait pas d'exemples où les témoins avaient été favorisés par un plus on moins grand nombre d'occasions de se rendre compte des connaissances et des particularités de certains possesseurs se prétendant leurs amis intimes. Mais les seuls récits vraiment importants de ce genre qu'il me fut possible de publier furent ceux que me fournirent Miss A. M. R... et Miss W... dont chacune assista à un grand nombre de séances, dans lesquelles un ami intime fut considéré comme s'étant incarné et s'étant emparé de la voix au lieu de Phinuit.
Miss W... m'écrivait au sujet de l'incarnation de son ami: « par un très grand nombre de petits détails, il me rappelle absolument ce qu’il était de son vivant et je ne pourrais comprendre qu'il employât un tel luxe de moyens pour me prouver son identité, si cela n'avait pas de raison d'être et n'était tout à fait indépendant des facultés du médium et de tout ce que je pourrais m'imaginer sur son compte. »
Miss W... m'écrivait de son côté: « la personnalité bien caractérisée de cet ami, que j'appellerai T.., est pour moi la preuve la plus convaincante des facultés de Mme Piper, mais c'est une preuve qui n'a de valeur pour aucun autre. »
Il se trouve ainsi que j'ai devant moi plusieurs séries de séances racontées en détails, où des efforts répétés furent faits par les mêmes personnes décédées pour se communiquer. La série de communications la plus longue et de beaucoup la plus remarquable est celle qui concerne l'identité de ce jeune homme dont j'ai parlé plus haut sous le nom de Georges Pelham, ou G. P. Malheureusement, mais cela était inévitable, on ne peut publier les preuves les plus importantes parmi celles qui tendent à démontrer que c'est bien réellement G. P. lui-même, et aussi des faits de nature tout à fait intime, auxquels se trouvent mêlées des personnes encore vivantes. Je m'efforcerai cependant, autant que cela me sera possible, de donner ici une description tout à fait complète du caractère général des communications et du genre de preuves destinées à démontrer qu'elles viennent bien de l'individualité persistante de G. P. C'est à la première partie de cette série que je faisais allusion dans l’Addendum à mon premier rapport sur Mme Piper lorsque j’écrivais:
« Mme Piper a donné tout récemment plusieurs séances qui apportent des preuves singulièrement puissantes de l’existence d'une force qui agit en dehors de toute transmission de pensées de la part des assistants et qui, à première vue, semblent positivement rendre plus acceptable l'hypothèse spirite.

L'identité de Georges Pelham

Cette personnalité qui se manifestait si clairement, était celle d'un avocat et écrivain, mort depuis peu de temps, le 17 février 1892, à l'âge de 32 ans, et bien connu du Dr Hodgson. Dans les Proceedings il est désigné sous le pseudonyme de Georges Pelham ou par abréviation     G. P. Georges Pelham écrivait dans le Sun et avait publié deux ouvrages qui avaient reçu le meilleur accueil des autorités compétentes. Il faisait partie de la Société de Recherches psychiques, et l'intérêt qu'il portait à ces études, venait plutôt de sa largeur d'esprit que d'une tendance à croire aux phénomènes sur-normaux. Souvent il avait discuté avec M. Hodgson sur la possibilité d'une survivance après la mort, et s'il admettait qu'on pût concevoir une vie future, il ne pouvait accepter que l'on y crût. Il s'engagea même, dans le cas où il mourrait le premier, à faire tout ce qui lui serait possible pour démontrer à son ami la persistance de l'individualité dans l'au-delà.
Le 17 mars 1888, Georges Pelham avait assisté une seule fois à une séance de Mrs Piper, mais celle-ci ne connaissait pas son nom.
Quatre ou cinq semaines après la mort de G. P., M. Hodgson accompagnait chez Mrs Piper, un des amis intimes de Georges Pelham, nommé Hart (c'est encore un pseudonyme). Ce monsieur obtint d'abord des renseignements sur plusieurs de ses parents décédés, puis tout à coup Phinuit annonça qu'un autre Georges voulait parler, et le nom de Pelham fut donné en toutes lettres, ainsi que les noms, prénoms et surnoms de plusieurs de ses amis intimes, y compris l'évocateur. Toujours par l'intermédiaire de Phinuit, G. P. dit à M. Hart qu'il avait des boutons de manchettes qui lui avaient appartenu, que ces boutons avaient été pris par sa belle-mère sur son propre corps, qu'elle les avait remis à son frère, lequel en avait fait cadeau à     M. Hart. Ensuite il donna les noms de M. et Mme Howard et leur prénom (James et Marie), ainsi que des détails très personnels sur leur compte. Enfin, parlant de leur fille Katerine, il ajouta « Dites- lui, et elle me reconnaîtra: je veux résoudre les problèmes, Katerine ».
M. Hart fait cette remarque.

« A ce moment, ces mots n'avaient pour moi aucune importance; je savais cependant que Katerine, la fille de Jim Howard, était connue de Georges, qui fréquentait beaucoup les Howard. Le jour qui suivit cette séance, j'en fis le récit détaillé à M. Howard.  Ces mots: « je veux résoudre les problèmes, Katerine » le frappérent  plus que toute autre chose, et à la fin de mon récit, il me raconta que Georges, la dernière fois qu'il le vit, avait beaucoup causé avec Katerine, jeune fille de quinze ans, sur divers sujets, tels que le Temps, l'Espace, Dieu, l'Eternité, et lui avait fait observer combien les solutions généralement acceptées étaient peu satisfaisantes. Il ajouta qu'un jour il résoudrait ces problèmes et le lui ferait savoir en se servant presque des mêmes mots que dans la communication de cette séance. M. Hart ajouta qu'il ignorait complètement ces circonstances. Je ne les connaissais pas davantage, dit           M. Hodgson et n'avais à cette époque aucune relation avec la famille Howard. En réalité, toutes les constatations faites dans cette séance, pendant laquelle je me chargeai de prendre toutes les notes, avaient trait à des questions qui m'étaient absolument étrangères. »

Nous sommes donc bien en présence, ici, de faits exacts inconnus des assistants et révélés par une intelligence qui affirme que c'est à elle-même que ces évènements sont survenus. Pour bien accentuer sa personnalité, Georges Pelham cite le nom d'un de ses amis intimes,           M. Mérédith, et rappelle qu'il l'avait pressé de prendre un de ses livres. Le fait est reconnu exact. Il en fut de même pour un autre ami de G. P., M. Rogers, auquel un ouvrage manuscrit avait été confié. Georges Pelham, à plusieurs reprises, donna des instructions précises au sujet de cet ouvrage. Malheureusement elles ne furent pas suivies, « ce qui eût évité, par la suite, beaucoup de trouble et beaucoup de chagrins. En somme, il résultait de cet ensemble de renseignements et surtout de ceux que l'on ne peut reproduire, une impression très forte que l'on se trouvait réellement en présence de Georges Pelham.

« Comme je l'ai déjà dit, remarque M. Hodgson, les citations d'un caractère très personnel faites pendant cette séance ne peuvent être rapportées.
Elles furent considérées par J. H. comme caractérisant absolument Pelham, et dans les moindres détails, où les notes que j'avais prises me semblaient particulièrement insignifiantes, telles que les paroles de remerciement et les remarques faites, en passant, sur l'évocateur; les termes dans lesquels il faisait allusion à sa mère désincarnée, à son père et à sa belle-mère encore vivante, ont profondément impressionné cet assistant, par le cachet de vraisemblance qu'ils imprimaient à la personnalité de Pelham. »

Il est bien certain que lorsqu'on retrouve dans les expressions dans le style, dans la tenue générale du discours fait par un esprit, des traits identiques à ceux que l'on savait appartenir à un vivant que l'on a bien connu, il y a de très fortes présomptions pour que ce soit bien son âme qui parle à travers le médium. Nous allons voir ce caractère de certitude s'accentuer à mesure qu'un plus grand nombre de personnes qui ont connu Pelham, seront à même de s'entretenir avec lui, par l'intermédiaire de Mrs Piper.
C'est en présence de la famille Howard, avec laquelle l'esprit avait eu les plus cordiales relations, que ses manifestations acquirent le summum de leur intensité. Ce n'est plus Phinuit qui parle, c'est G. P. lui-même et il cite quantité de faits intimes qui le caractérisent. Ecoutons encore le rapport de M. Hodgson.

« Les questions traitées étaient caractéristiques et de la nature le plus intimement personnelle. Les amis communs furent cités par leurs noms, les questions faites sur des sujets privés et les Howard, qui n'étaient nullement disposés à prendre intérêt aux recherches psychiques et n'avaient été conduits que par les récits de M. Hart à assister à une séance de Mrs Piper, éprouvèrent l'intime conviction qu'ils avaient en réalité causé avec la personne de l'ami qu'ils avaient connu pendant tant d’années. »

C'est dans cette conversation continue sur des sujets qui lui étaient familiers, que se décèle la personnalité de G. P. On n'est pas ici en face d'une personnalité seconde du médium qui essayerait de jouer un rôle, de simuler un personnage, au moyen de phrases vagues, entremêlées de quelques noms propres connus par la lecture de pensée dans le cerveau des assistants; c'est bien l'ami des Howard qui les interpelle à la façon accoutumée, qui se montre avec son caractère jovial et son humour, et c'est cette caractéristique psychique inimitable qui donne à la communication son cachet d'authenticité. Voici, d'après les notes de M. Howard lui-même, les premières effusions dans lesquelles G. P. peint sa joie de pouvoir parler à ses amis.

« G. P. – Jim, est-ce vous? Parlez-moi vite. Je ne suis pas mort. Ne croyez pas que je sois mort. Je suis vraiment heureux de vous voir. Pouvez-vous m'entendre? Faites mes amitiés à mon père et dites-lui que je désire le voir. Je suis heureux ici et surtout depuis que je me suis aperçu que je puis communiquer avec vous. J'ai pitié de ceux qui ne peuvent pas parler... Je désire que vous sachiez que je pense encore à vous. J'ai parlé à John de quelques lettres. J'ai laissé tout, livres et papiers, dans un terrible désordre. Vous me le pardonnez, n'est-ce pas ?
D. – Que faites-vous Georges, et où êtes-vous ?
R. – Je suis encore à peine capable de faire quoi que ce soit. Je m'éveille à peine à la réalité de la vie après la mort. J'étais comme dans les ténèbres et ne pouvais rien distinguer d'abord. Maintenant les jours les plus sombres sont passés, vous pouvez en être certain, Jim. Tout était confus, brouillé. Bientôt je pourrai m'occuper. Actuellement je puis vous voir, mes amis, je puis vous entendre parler, Jim, distinguer votre voix avec votre accent, mais elle sonne encore comme une grosse caisse. La mienne doit vous arriver comme un très faible soupir... »

Signalons la confirmation de l'enseignement spirite, sur le trouble qui suit la mort, donnée par l'esprit de G. P. Il en est de même pour le corps fluidique, comme on va le voir.

« D. –  Alors notre conversation est en quelque sorte comme téléphonée ?
R. – Oui.
D. – Par un téléphone à grande distance? G P – rit.
D. – N'êtes vous pas étonné de vous trouver vivant ?
R. – Oui, parfaitement. J'en suis grandement surpris. Je ne croyais pas à une vie future. Cela dépassait les limites de ma raison. Maintenant, c'est pour moi clair comme la lumière du jour. Nous avons un fac-simile astral de notre corps physique... (Il est probable, dit M. Hodgson que G. P. aurait tourné en dérision cette application du mot astral).

Nous ne pouvons reproduire en détail toute cette conversation dans laquelle l'esprit parle avec exactitude de ses amis Rogers, Berwick, Orenbourg et même de leur parenté. Georges Pelham, dans le monde spirituel, se souvient fort bien des objections qu'il faisait pendant sa vie aux communications spirites et il cherche à éviter les écueils. Aussi lorsqu'on lui pose certaines questions au sujet de personnes qui sont connues par l'interrogateur, il évite de répondre et spécifie bien pourquoi il ne le fait pas. A propos d'une demande de ce genre, il dit :

« J'ai répondu à une partie de la question (cette réponse était exacte), mais je n'ai pas donné les noms des deux autres personnes parce que cela n'eût pu servir de preuve. En effet, j'ai dit à Mme Howard les autres noms quand j'étais encore en vie, et comme elle les connaît, si j'avais cité ces noms en sa présence, on aurait dit qu'il y avait transmission de pensée. Non, je me réserve de dire ces deux noms à Hodgson un jour qu'il sera seul avec moi, car il ne les connaît pas. (Tout cela est vrai, ajoute M. Hodgson).

Georges Pelham a fait la description d'évènements inconnus des assistants, arrivés après sa mort, qui sont tout à fait exacts. La clairvoyance du médium n'est pas en jeu, puisqu'il n'y avait pas de rapport établi entre elle et G. P. de son vivant, et que les personnes présentes n'avaient pas assisté à ces évènements. Alors que M. Pelham père n'avait encore assisté à aucune séance, G. P. indiqua que son père avait pris sa photographie et l'avait donnée à un artiste pour en faire la copie. Ce fait était rigoureuserrent exact. La première fois que M. et Mme Pelham vinrent visiter le médium, la séance fut remarquable, malgré qu'il y eût à ce moment une certaine confusion tenant à ce que les parents et l'esprit voulaient en même temps poser des questions. Cependant, dit M Hodgson :

« Toutes les autres questions furent manifestement bien saisies, et avaient pour objet son frère, les deux domiciles de son père, les détails de l'accident dans lequel il avait trouvé la mort, sa mère et sa soeur décédées, son manuscrit non terminé, les livres et les lettres qu'il avait reçus et qu'il désirait que l’on retrouvât; enfin, les relations existantes entre son père, sa mère et certains amis. »

Les preuves étaient si abondantes, si variées que les parents de Georges Pelham furent convaincus. Voici encore une scène, avec la famille Howard, qui est typique. Nous citons toujours d'après le propre récit de M. Hodgson :

« Ce fut pendant cette séance (11 décembre 1892) que se produisit l'incident le plus dramatique peut-être de toute cette série. Mme Howard soutenait la tête de Mrs Piper, j'observais l'écriture et M. Howard assis à quelque distance fumait une longue pipe, lorsque la conversation s'engagea:
G.P. – Maintenant que ferais-je pour vous ?
R.H. – Eh bien! Georges, il y a une chose que vous devriez bien nous donner, un message particulier que vous sauriez être l'objet de nos désirs, ou quelque chose sur un sujet philosophique. Nous serions si heureux d'en obtenir.
M. Howard –     Georges, avant que nous causions de philosophie, vous devez savoir ce que j'en pense ?
G. P. – C'est tout à fait informe, bien sûr.
M. Howard – Dites-nous quelque chose: vous devez bien vous rappeler certaines choses connues de nous deux. Peu importe ce que peut être cette chose. Dites-moi quelque chose connu de nous deux seulement, je vous le demande parce que vous n'avez pas pu nous donner un certain nombre de choses que nous vous avons demandées...

Après un colloque dans lequel  M. Howard continue de demander des preuves positives, tout à coup la main commence à écrire :

« En reproduisant ici les paroles écrites de G. P. on ne peut donner aucune idée des conditions particulières de cette scène. Toute la partie supérieure du corps de Mme Piper, écartée du côté, droit et fortement penchée, repose inerte et comme inanimée sur l'épaule droite de M. Howard; mais le bras droit et spécialement la main mobile, intelligente, tantôt comme suppliante, tantôt impatiente et impétueuse, continuait à écrire avec obstination; mais le contenu de cette communication renferme sur la vie de G. P. des détails beaucoup trop personnels pour qu'on puisse le reproduire ici.
J'ai pu lire un certain nombre d'attestations qui furent confirmées par M. Howard; ensuite la main écrivit privé, et me repoussa doucement. Je me retirai donc dans une autre partie de la pièce, et M. Howard prit ma place à côté de la main, de sorte qu'il pouvait lire ce qu'elle écrivait. Il ne lut pas à haute voix, naturellement, car tout cela avait un caractère trop privé pour que je puisse en prendre connaissance. Chaque fois qu'elle atteignait la fin d'un feuillet, la main l'arrachait du bloc-notes, le jetait vivement vers M. Howard et continuait à écrire. M. Howard me dit que les circonstances rapportées contenaient précisément l'espèce de preuves qu'il réclamait et il ajouta qu'il était absolument convaincu, absolument. Après cet incident, la conversation se porta de nouveau vers le passé, et présenta très spécialement le cachet de G. P. »

En somme, ce cas présente toutes les garanties que la critique la plus exigeante puisse demander. L'esprit désigne pendant cinq ans, tous les amis qu'il a connus sur la terre, au nombre de plus de trente. Pendant ce laps de temps, son caractère jovial, primesautier, un peu ironique, se maintient sans défaillance, et la persistance de sa personnalité, si différente de celle de Phinuit et des autres communiquants, avec ses souvenirs particuliers, ses réparties du tac au tac, ont plus fait pour convaincre le Dr Hodgson que la plus abondante énumération de preuves bien contrôlées. Vis-à-vis de ses parents et de tous ceux qui l'ont connu sur la terre, l'esprit présente précisément les caractères dont G. P. eût fait montre pendant sa vie.

« Dans toutes ses relations personnelles, G. P. a montré dans ses communications les souvenirs et l'intérêt persistant que l'on pouvait s'attendre à trouver dans l'intelligence indépendante de G. P. persistant réellement, aussi complètement du moins qu'il me fut possible de m'en assurer, et dans des conditions trop complexes et trop intimes pour pouvoir être jugées et appréciées par d'autres que deux ou trois de ses plus proches et plus intimes amis. En outre de la dernière série de séances que j'eus avec Mme Piper (1896-1897) dans une séance tenue en novembre 1896, par Evelyn Howard, aussi dans une séance que Mme Howard (rentrant en Amérique après un séjour de trois ou quatre ans en Europe) tint après mon départ de Boston, en septembre 1897, la même persistance de la personnalité se manifesta, et tout le changement qu'il fut possible de discerner fut une modification non dans le sens d'une désagrégation quelconque, mais plutôt d'une évolution dans le sens du perfectionnement. »

Ce serait une grave erreur que de s'imaginer que les communications s'obtiennent toujours facilement et présentent uniformément le degré de clarté que nous avons signalé pour quelques-unes d'entre elles. Le rapport de M. Hodgson signale, au contraire, un certain nombre d'insuccès notoires, d'erreurs, de confusions que l’on ne se serait pas attendu à rencontrer chez des esprits aussi distingués que celui de Georges Pelham. Mais ces troubles dépendent, suivant l'analyse très bien faite par M. Hodgson, de la difficulté que l'esprit trouve parfois à se servir des organes du médium, des interruptions des assistants et enfin sont dûs aussi à la fatigue nerveuse du médium que déterminent ces exercices.

« Que le lecteur essaie d’entretenir une conversation avec deux ou trois amis, à condition qu'il soit forcé d'épeler chaque mot au lieu de les prononcer à la façon ordinaire, en l'obligeant absolument à ne se servir que de cette façon d'exprimer sa pensée quoi que puissent faire ou dire ses amis. Qu'il soit interrompu tous les deux ou trois mots par ses interlocuteurs, lui disant qu'ils n'ont pu saisir le dernier mot, lui demandant de le répéter et souvent même de le répéter plusieurs fois. Qu'en outre il soit fréquemment interrompu par l'introduction de nouvelles questions avant qu'il ait pu compléter sa réponse aux questions précédentes. Bien plus, on peut supposer qu'il doit être très difficile pour lui de comprendre avec précision le sens de ces questions, lorsqu'il ne peut entendre qu'une partie des paroles prononcées. Après ces premières expériences, supposez qu'au lieu de vous servir de votre propre voix pour épeler les mots, vous soyez placé à l'une des extrémités d'une machine construite de telle sorte, que les pensées émanant de votre cerveau, aient une tendance à s'enregistrer aussi rapidement que leur production, mais à mesure qu'elles peuvent être écrites et que ce soit seulement en lisant cette écriture que les interlocuteurs peuvent savoir ce que vous voulez leur dire. Supposez encore qu'une ou plusieurs personnes se tiennent près de vous, à côté de l'appareil, et vous parlent ou parlent entre elles de façon à impressionner l'appareil de telle sorte que les mots qu'elles prononcent tendent à s'enregistrer au milieu de l'écriture. Supposez encore que vous n'êtes pas familiarisé avec l'appareil et que l'écriture a une tendance à différer dans une certaine mesure des paroles réellement pensées par vous sous l'influence des imperfections de l'appareil. Supposez enfin que la partie de l'appareil dans laquelle vous vous trouvez est remplie d'un gaz plus ou moins suffocant, qui produit une perte partielle de la conscience et que, dans certains cas, ce gaz devient plus nuisible que d'habitude (faiblesse ou maladie du médium) et que ses effets se surajoutent ordinairement pendant que vous restez dans l'appareil, on comprendra alors toute la difficulté des communications . »

Pour surmonter ces obstacles accumulés, il faut évidemment une très grande patience et disposer de beaucoup de temps. Les investigateurs pressés qui viennent une fois ou deux à des séances et qui ne constatent aucun phénomène, s'empressent de dire que c'est grâce à leur perspicacité, que le médium n'a pas osé affronter, que sont dus les insuccès. Mais lorsque ce sont des hommes sérieux qui cherchent à résoudre un problème aussi important que celui de la vie future, ils prennent tout le temps nécessaire et arrivent, comme le Dr Hodgson, et tant d'autres, à une conviction absolue.

Autres personnalités se manifestant par Mrs Piper

L'étude continue de la faculté de Mme Piper offre encore un grand intérêt par ce fait qu'après les manifestations de Phinuit et de Georges Pelham, il en vint d'autres produites par des Esprits supérieurs, et précisément ceux qui s'etaient manifestés par l'intermédiaire de Stainton Mosès, lorsqu'il vivait encore sur la terre. Voici comment se produisit cette nouvelle phase si intéressante, puisqu'elle tend à démontrer que les individualités qui signaient Imperator, Doctor, Rector, etc., n'étaient  pas des créations de la conscience subliminale du pasteur anglais.

« Dans l'été de 1895, un des amis de M. Hodgson eut avec Mrs Piper une  série de séances dans lesquelles A. P. niait la soit-disant « obsession des mauvais esprits. » On lui opposa les Spirit teaching de William Stainton Mosès. Celui-ci ne s'était pas encore manifesté, mais l'esprit assura qu'il se manifesterait bientôt. Il se présenta, en effet, dans une séance ultérieure. D'abord il parut très troublé et se trompa fréquemment. Peu à peu la lumière se fit. Il démontra nettement son identité par des faits qui, ignorés des assistants, purent être vérifiés en Angleterre.
Bientôt Imperator, Rector et Doctor, les guides de William Stainton Mosès vivant, déclarèrent vouloir se charger de mistress Piper, « une machine abîmée qui a besoin d'être refaite. » Tous autres communicateurs devaient être exclus. G. P. conseilla fortement de consentir à la proposition. Il fut dit que si de grandes difficultés s'opposaient à l'obtention de communications claires et précises, cela tenait surtout au fait qu'un trop grand nombre d'esprits inférieurs et troublés avaient utilisé la machine.
Phinuit parut pour la dernière fois le 26 janvier 1897. En réduisant le nombre des communicateurs à ceux  qui ne devaient pas nuire à la « lumière », entre autres au groupe de W. Stainton Mosès; en réduisant de même le nombre des assistants, les résultats furent tellement supérieurs qu'ils frappèrent d'étonnement tous ceux qui avaient eu antérieurement des séances avec Mrs Piper. Il y eut amélioration dans la clarté comme dans la cohérence des messages.
La transe, maintenant, se produit plus aisément, avec plus de calme.
Plus de mouvements spasmodiques et point de répugnance de la part du médium, comme il arrivait parfois auparavant. Mrs Piper aime « partir » et regrette plutôt le.retour dans « ce sombre monde » qui est le nôtre . »

Attendons, pour en tirer des conclusions fermes, que le rapport de M. Hodgson sur ces faits nouveaux soit publié. Il nous suffit de signaler maintenant que si les personnalités de Doctor, Rector, etc., ont été reconnues par un observateur aussi éminent, c'est qu'elles doivent avoir donné de bonnes preuves de leur identité, et ce fait nous montre qu'elles n'étaient point des auto-suggestions, des personnalités secondes de Stainton-Mosès.
Voyons maintenant les déclarations d'un autre converti, membre de la Société psychique américaine, M. Hyslop, professeur à Colombia, collège de New-York. Nous reproduisons ici l'article du Temps que M. de Wysewa a consacré à ce sujet .

Dernières nouvelles de l'autre monde

« Cinq citoyens, américains tous défunts – et dont l'un est un ancien médium nommé Stainton Mosès, tandis que les quatre autres déguisent modestement leurs noms véritables sous les pseudonymes de Rector, Imperator. Doctor et Prudens – ont fondé, là-haut, une société dont le principal objet est de démontrer à leurs compatriotes vivants la réalité de la vie future. Et, depuis plusieurs années déjà ils procèdent à cette démonstration, dont le succès est d'autant plus vif qu'ils y procèdent, en quelque sorte, « à l'américaine ». Je veux dire qu'au lieu de s'attarder aux preuves théoriques de l'immortalité de l'âme, telles que les ont péniblement inventées de vieux professeurs de philosophie, ils se sont avisés d'une preuve éminemment pratique, qui consiste à mettre les vivants en rapport direct avec des parents ou des amis morts. La société qu'ont fondée ces propagandistes d'outre-tombe se trouve être, ainsi, quelque chose comme une agence de communications entre la terre et le ciel. Si, par exemple, un lecteur du Temps désirait être définitivement soulagé de ses doutes au sujet de la survivance de l'âme après la mort, il n'aurait qu'à se rendre à New-York, à y demander l'adresse (universellement connue) de Mrs Piper, et à prier cette dame de le mettre en relation, par l'intermédiaire de Rector ou de Prudens, avec un oncle, ou un grand-père, ou un camarade de collège, à la seule condition que le personnage appelé de cette façon fût mort, et mort déjà depuis plusieurs années car l'expérience a établi que les morts se rendent d'autant plus volontiers aux invitations de Mrs Piper et de ses célestes associés qu'ils ont quitté la terre depuis plus longtemps. Notre lecteur pourrait ensuite poser à son mort autant de questions qu'il voudrait: par la main de Mrs Piper, Rector et Prudens lui transmettraient ses réponses; et comme ces réponses seraient certainement exactes, du moins en grande partie, force serait à notre lecteur de conclure, après les avoir contrôlées, que la vie future existe réellement, puisque des morts qu'il connaît continuent, non seulement à vivre, mais à se souvenir de leur vie terrestre.
Qu'on ne croie pas surtout qu'il s'agisse là d'une plaisanterie! Ces communications célo-terrestres de Mrs Piper que j'ai déjà eu l'occasion de signaler, sont au contraire si sérieuses et si positives qu'elles ont fourni la matière de tout un gros volume que s'apprête à publier la Société américaine des Recherches psychiques. Et, en attendant que paraisse ce volume, un savant médecin américain, le docteur James Hervey Hyslop, nous rend compte dans le Harper's Magazine d'expériences récemment faites par lui avec un luxe extraordinaire de contrôles, de contre-épreuves, et de vingt autres précautions scientifiques.
Ayant appris les réponses obtenues d'outre-tombe par M. Hodgson le docteur Hyslop a d'abord pensé qu'elles pouvaient s'expliquer d'une façon naturelle – ou tout au moins à peu près naturelle – par ce qu'on appelle la télépathie. Il a pensé que Mrs Piper, au lieu d'interroger de véritables morts, se bornait à lire dans le cerveau de M. Hodgson, et à lui donner comme venant du ciel des renseignements qu'elle tenait simplement de lui-même. La télépathie qui, il y a vingt ans encore, passait pour une folle chimère, parait être aujourd'hui chose admise des savants, même les moins romanesques. On est désormais d'accord pour reconnaître que certaines personnes ont le don de deviner, de près ou de loin, les idées et les sentiments d'autres personnes; et l'on va même jusqu'à reconnaître, si je ne me trompe, que les mourants ont le don d'annoncer, à distance, leur mort aux personnes qui leur sont le plus chères.
Le docteur Hyslop, en tout cas, ne voyait pas d'inconvénients à reconnaître tout cela; et, en apprenant le résultat des expériences de M. Hodgson, il s'est promis de rechercher en quelle mesure ces expériences pouvaient s'expliquer par la télépathie. Il a donc imaginé de ne point poser directement ses questions à Mrs Piper, mais de les lui poser par l'intermédiaire de M. Hodgson: car ainsi Mrs Piper ne pouvait certes pas lire dans le cerveau de son questionneur des réponses que celui-ci ignorait tout à fait. Et pour s'entourer de plus de garanties, le docteur Hyslop a encore résolu de ne poser que des questions dont il ignorait lui-même la réponse. Il a, par exemple, fait appeler son père et l'a interrogé sur des détails se rapportant aux années qui ont précédé sa naissance: il a demandé à son père de quelle maladie était mort tel de ses frères qui était mort à l'âge de quinze ans; ou bien il lui a demandé quels objets il avait eus dans sa chambre d'étudiant, quel costume il avait porté durant ses fiançailles. Il a ensuite scrupuleusement vérifié l'exactitude des réponses, parcourant de long en large les Etats-Unis pour arriver à connaître un menu détail de l'histoire de sa famille; et il a enfin calculé que sur ces 200 questions adressées à son père, il avait obtenu 132 réponses absolument exactes, 16 absolument inexactes et 32 douteuses, faute de pouvoir être contrôlées. La télépathie, décidément, ne suffisait pas à expliquer les expériences de Mrs Piper; et c'est ainsi que le docteur Hyslop s'est vu contraint, lui aussi, à adopter l'hypothèse de la vie future.
Veut-on, maintenant, quelques exemples plus précis de sa méthode et des résultats qu'il en a tirés? En voici deux ou trois, que je prends au hasard. Un jour, M. Hyslop demande à son père quels remèdes il lui a apportés de la pharmacie pendant sa dernière maladie. – De l'arsenic et de la strychnine! Répond le vénérable défunt. Or, M. Hyslop n'avait apporté à son père que de l'arsenic; mais vérification faite, il apprend que son père a eu également à absorber de la strychnine. Un autre jour, le père de M. Hyslop décrit à son fils un bonnet que sa femme a brodé pour lui, et un canif dont il s'est servi pour nettoyer ses ongles. M. Hyslop croit à une erreur, n'ayant jamais connu ces deux objets; mais vérification faite, il retrouve le bonnet et le canif chez sa belle-mère, la seconde femme de son père. Un autre jour encore, feu M. Hyslop père dit à son fils que, au cours d'un voyage dans l'Ohio, il a rencontré un professeur et s'est entretenu avec lui d'un de ses enfants. M. Hyslop se rend dans l'Ohio, découvre le professeur et obtient de celui-ci la confirmation du récit de son père.
M. Hyslop a aussi interrogé des oncles, des cousins. A eux aussi il a demandé des choses qu'il ignorait; et eux aussi lui ont fait des réponses qui, pour la plupart, se sont trouvées exactes. Il remplit de ces réponses diverses colonnes du Harper's Magazine. Et à moins de mettre en doute sa véracité et celle des nombreux collègues qui ont assisté à ses expériences, on est bien forcé d'admettre que la télépathie la plus étendue ne suffit pas à rendre compte de révélations aussi singulières M. Hyslop prend d'ailleurs la peine de nous exposer tout au long les motifs qui l'ont fait renoncer à cette hypothèse de la télépathie. Les erreurs mêmes, à son avis, achèvent d'exclure la possibilité de cette hypothèse: car plusieurs fois son père s'est trompé sur des points que lui, M. Hyslop, connaissait parfaitement, et sur lesquels, par suite, le médium avait toute chance de se renseigner. Son père lui a un jour parlé d'une flûte dont aurait essayé de jouer l'un de ses jeunes frères: or, M. Hyslop se rappelait aussi que c'était du violon qu'il avait joué, et non pas de la flûte. Enfin la télépathie est inconciliable avec la façon dont les personnes interrogées s'interrompent sans cesse, dans leurs réponses, pour traiter d'autres sujets, ou pour rectifier des réponses précédentes, ou pour céder la parole à d'autres personnes.
Non certes, la télépathie ne suffit pas à rendre compte des faits que nous signale le professeur américain. Mais alors, à supposer que ces faits soient exacts, quelle autre hypothèse suffira à en rendre compte? M. Hyslop – timidement, en vérité – propose l'hypothèse de la vie future. Je regrette seulement qu'il n'ait pas interrogé, plus en détail, ses complaisants interlocuteurs sur le caractère de cette vie future, après avoir obtenu la preuve de sa réalité. Et faute de savoir de lui ce que deviennent les âmes après la mort, je ne puis m'empêcher de craindre que d'après le résultat de ses recherches, le sort de ces âmes ne soit pas beaucoup plus agréable, là-haut, qu'il l'est ici-bas. Car le fait est qu'elles ont assez triste mine, à subir ainsi des interrogatoires qui ne laissent pas d'être quelque peu humiliants pour elles. On les pousse, on les retourne, on s'évertue à les prendre en faute, on les traite comme les juges d'instruction traitent les criminels, et les pauvres âmes se laissent faire, avec la patience et la complaisance de personnes qui s'ennuient et sont trop heureuses de trouver n'importe quel moyen de se distraire un peu. Ce n'est pas ainsi qu'on nous a accoutumés à nous représenter les morts; et nous serions tentés de penser que, si la mort doit nous rendre pareils aux interlocuteurs de M. Hyslop, mieux vaudrait encore ne jamais mourir. Je sais que si j'avais, pour ma part, l'occasion d'interroger un mort, il y a mille sujets d'ordre général sur lesquels je m'empresserais de l'interroger avant de lui demander comment était fait son canif à nettoyer ses ongles. Mais peut-être sur ces sujets, les morts de Mrs Piper se refusent-ils à répondre? Peut-être ont-ils pour consigne de ne point aborder ces sujets, dans leurs entretiens avec les vivants, de façon à laisser à ceux-ci la douceur et le mérite de la libre croyance.
C'est là, en somme, une hypothèse très plausible, et qui se trouve même presque justifiée par l'une des réponses que M. Hyslop a reçues de son père. « Laisse en paix toutes les théories, James! » a dit un jour l'âme de ce digne vieillard. Moi aussi, j'ai passé toute ma vie à faire des théories, et qu'y ai-je gagné? Mes pensées en sont, simplement, devenues plus embrouillées et moins satisfaisantes. Il y a un Dieu tout sachant et tout puissant: et pour le connaître, nous n'avons qu'à suivre ce qu'il y a de meilleur au fond de notre coeur. Et qu'importe après cela, que Swedenborg ait eu tort ou raison, puisque le fait est que nous sommes ici, en personne, et plus vivants que jamais! » Puisse cette réponse de M. Hyslop père empêcher son fils et tous les savants, de nous « faire la théorie » de la vie future, le jour où l'existence de celle-ci sera définitivement démontrée avec toute la rigueur des méthodes scientifiques.
Puissions-nous continuer à apprendre de notre coeur, et non point de la science, ce que deviennent après la mort les âmes que nous avons aimées! Et puissions-nous avoir la patience d'attendre que nous les ayons rejointes, pour nous entretenir avec elles, au lieu de soumettre leurs paroles à un humiliant système de contre-épreuves et de vérifications. « James, laisse en paix tes théories. » Ce sage conseil est encore, peut-être, ce que nous offre de plus précieux le très intéressant travail de M. Hyslop.
                                T. de Wyzewa.

Voici donc, une fois de plus, affirmées l’existence de l'âme et son immortalité et affirmées, par des savants incrédules. M. de Wyzewa est d'une parfaite bonne foi dans son compte rendu des expériences du professeur Hyslop, mais son incrédulité lui fait faire des objections qui ne sont guère raisonnables. Il s'étonne que les esprits donnent des détails minutieux et précis sur leur vie passée et qu'ils veuillent bien répondre à nos demandes, tandis qu'ils ne disent rien de leur existence actuelle. C'est là une remarque peu fondée, car c'est justement ces menus faits, en très grand nombre, rapportés par le père du Dr Hyslop, qui établissent son identité et qui empêchent ces révélations d'être mises sur le compte de la clairvoyance ou de la télépathie. Lorsque les savants auront acquis la certitude expérimentale de la survie, ils n'auront qu'à interroger tous les esprits qui se manifestent sur leur genre de vie fluidique, et à faire un catalogue de leurs réponses. Alors ils connaîtront les conditions physiques et morales de l'existence dans l'au-delà, et ils seront surpris de constater qu'Allan Kardec les a indiquées, il y a cinquante ans, dans ses ouvrages, qui seront les pierres angulaires de la science du monde invisible.
Il faut louer la sagesse des Esprits directeurs de Mrs Piper. Sachant qu'ils ont affaire à des matérialistes qui n'attachent d'importance qu'aux faits vérifiables, ils ne leur donnent que la pâture qui leur convient. Ils savent bien que des notions précises sur la vie future ne seraient pas comprises par ces positivistes, dont la mentalité a besoin d'évoluer encore, avant d'être capable de concevoir les conditions d'une vie dans l'erraticité.
A tous ceux qui réclament des preuves d'identité, nous signalons le récit du professeur Hyslop et nous attendons une réfutation scientifique de ces faits, démontrant qu'ils ne sont pas dus à des âmes ayant vécu sur la terre.

Résumé

Si nous nous sommes étendus un peu longuement sur les exemples empruntés aux savants américains, c'est d'abord parce qu'ils sont récents, et ensuite parce que toutes les conditions requises pour en affirmer l'authenticité se trouvent réunies.
Parfaite bonne foi du médium, contrôle sévère des observateurs et grande compétence spéciale de ces savants versés depuis des années dans l'étude des phénomènes de clairvoyance et de télépathie. Comme on l'a vu, les facultés extra-corporelles de l'être humain ne peuvent pas expliquer ce qui ressortit nettement au Spiritisme; c'est pourquoi nous avons le droit d'affirmer que les recherches modernes confirment absolument celles faites auparavant par les Spirites.
C'est un point essentiel qu'il est urgent de bien mettre en évidence. Si nous sommes heureux de voir enfin la science apporter à nos doctrines son autorité, n'oublions pas les milliers de chercheurs qui étaient arrivés antérieurement aux mêmes résultats et qui ont eu à lutter pendant un demi-siècle contre l'ignorance et la raillerie de leurs contemporains. Ne commettons pas vis-à-vis d'eux le déni de justice que l'on a infligé aux magnétiseurs, et sachons voir dans ces hommes indépendants, à l'esprit largement ouvert, des pionniers du progrès, des révélateurs de la voie nouvelle ouverte à l'humanité.
Les ouvrages, les revues, les journaux qui défendent le Spiritisme contiennent des milliers de témoignages en faveur de la communication entre les vivants et les morts. La valeur intellectuelle et morale des témoins n'est généralement pas contestable, et cependant la critique passe sous silence ces documents si embarrassants pour les négateurs. Mais voici que des hommes bien qualifiés, des savants « authentiques » affirment avoir obtenu les mêmes phénomènes, en présence de ces enquêteurs, le scepticisme le plus intransigeant est obligé de capituler.
 
CHAPITRE II


Communications au-dessus de la portée intellectuelle du médium, ou en dehors de ses connaissances

Sommaire: Remarques sur la banalité des communications et sur l'abus des grands noms. – Histoire de Jeanne d'Arc et de Louis XI, par une jeune fille de 14 ans. – La fin du roman d'Edwin Drood, écrite par un apprenti mécanicien. – Solutions de problèmes scientifiques données au moyen de l'écriture mécanique par des femmes d'une instruction très ordinaire. – Le cas de Mme d'Espérance et celui rapporté par le général Drayson. – L'indication d'un remède faite par les Esprits. Autres recettes indiquées par l'écriture. – Médiumnité de l'écriture constatée chez des nourrissons. – Les Phénomènes psychiques du village de D., observés et rapportés par M. le Dr Dusart et M. Ch. Broquet. – Ecritures de médiums complètement illettrés. – Faits inconnus rapportés par ces médiums. – Individualité d'un esprit constatée par des communications identiques comme écriture et comme style, obtenues avec des médiums différents. – Résumé.


Les adversaires du spiritisme ont très souvent reproché à ses adeptes d'admirer de confiance de plates élucubrations, aussi banales pour le fond que dans la forme. Il y a une certaine part de vérité dans ces critiques. Beaucoup de communications émanent le plus souvent des parents et amis du médium, qui ne sont pas des écrivains de profession, de sorte qu'elles ne peuvent offrir de l'intérêt que pour lui. Mais lorsque ces messages reçus sont signés de noms illustres, lorsqu'on les publie, nous avons le droit d'exiger qu'ils portent l'empreinte de leur auteur, et nous avons le devoir de repousser énergiquement ces malheureux produits de l'automatisme, que l'auteur, bouffi d'orgueil, attribue sottement aux plus beaux génies dont s'honore l'humanité. Il est à la fois ridicule et déplorable de voir l'abus fait communément des grands noms dans certains milieux; tel pauvre diable qui ne connaît pas les règles de la prosodie et peut à peine s'élever intellectuellement jusqu'à la compréhension des oeuvres des poètes, n'hésite pas à se croire inspiré par Victor Hugo, Lamartine ou Musset s'il écrit quelques vers de mirliton. D'autres discourent sur l'amour et la charité, et bien que ces ânonnements soient à peine dignes du prêche d'un curé de village, ils ne sourcillent pas en voyant s'étaler à la place de la signature, les noms de Bossuet, de Lamennais ou du Père Lacordaire. Chez les mystiques, ce sont les prophètes ou les apôtres qui vaticinent tandis que dans d'autres centres Danton, Robespierre, Marat ou Gambetta font preuve d'une déplorable indigence intellectuelle.
Que faut-il conclure de cette constatation? Est-ce à dire que les nobles intelligences qui ont été les guides de l'esprit humain ont déchu au point de ne plus pouvoir écrire que de misérables rapsodies? Non, car nous possèdons dans les Annales Spirites des communications, rares à la vérité, qui sont dignes de ceux qui les ont signées, et ce sont seulement de celles-là que nous nous occuperons ici. Quant aux autres, nous laissons au bon sens public le soin de faire justice de ces fantaisies absurdes. Le spiritisme n'a pas pour objet de contraindre les âmes à se manifester. Un esprit quelconque a toujours le pouvoir de ne pas répondre à notre appel, s'il juge son intervention inutile. Nous savons, par l'expérience d'un demi-siècle, que l'immense bienfait que l'on peut retirer de sa pratique consiste à se convaincre de la survivance de l'âme de ceux que nous avons perdus. Nous serons à même de reconnaître parfaitement le style, les expressions coutumières de nos parents ou de nos amis qui sont restés dans l'au-delà, tandis qu'il nous sera difficile, parfois, de distinguer entre un pastiche bien fait et l'oeuvre d’un grand écrivain. Le plus souvent, c'est la vanité qui pousse les médiums à solliciter les communications d'hommes célèbres; dans ces conditions, ils offrent une proie facile aux mystificateurs invisibles, aussi nombreux dans l'espace qu'ici bas. Nous avons constaté également le rôle que joue l'auto-suggestion chez un grand nombre d'automatistes qui se figurent être les interprètes de grands esprits. Ces considérations nous expliquent l'abondance des documents apocryphes publiés par des ignorants de bonne foi; ces réserves faites, nous allons voir qu'il est des cas où véritablement une intervention étrangère au médium est indiscutable.
Nous ne donnerons qu'un résumé de chacune des observations en indiquant les points qui les rendent précieuses, nous réservant de nous étendre un peu plus longuement sur les études entreprises dernièrement par M. le Dr Dusart, ex-interne des hôpitaux, et M. Broquet étudiant en médecine, qui sont moins connues.

L'Histoire de Jeanne d'Arc

Il existe dans la littérature spirite un assez grand nombre d'oeuvres de longue haleine sur les sujets les plus différents. Ces travaux sont de mérites divers; mais nous les passerons sous silence parce qu'il ne nous est pas possible de faire la part entre ce qui est attribuable, à l'imagination et ce qu'il peut y avoir de réel dans ces récits. Il en va autrement lorsque les communications spirites ont pour objet un récit historique. Ici, nous sommes à même de vérifier les allégations de l'auteur invisible et de savoir si elles présentent un véritable intérêt.
Melle Hermance Dufaux, médium écrivain, âgée de quatorze ans, nous a donné une vie de Jeanne d'Arc, dictée par elle-même qui a paru en 1858, chez Dentu. Sans nous attarder à discuter l'identité de l'auteur, nous ferons remarquer qu'au point de vue psychologique, il y a là pour les incrédules un problème du plus haut intérêt. Comment une enfant de cet âge aurait-elle pu acquérir les connaissances nombreuses qui sont indispensables pour écrire une histoire aussi variée, sans faire d'omissions, ni commettre d'erreurs? Allan Kardec, qui a connu cette jeune fille, se porte garant de son honnêteté et rend compte de cet ouvrage en ces termes .

« C'est une question que l'on nous a bien souvent posée, de savoir si les Esprits qui répondent avec plus ou moins de précision aux questions qu’on leur adresse, pourraient faire un travail de longue haleine. La preuve en est dans l'ouvrage dont nous parlons; car ici, ce n'est plus une série de demandes et de réponses, c'est une narration complète et suivie, comme aurait pu la faire un historien, et contenant un foule de détails peu ou point connus sur la vie de l'héroine. A ceux qui pourraient croire que Mademoiselle Dufaux s'est inspirée de ses connaissances personnelles, nous répondrons qu'elle a écrit ce livre à l'âge de 14 ans; qu'elle avait reçu l'instruction que reçoivent toutes les jeunes filles de bonne famille, élevées avec soin, mais eût-elle une mémoire phénoménale, ce n'est pas dans les livres classiques qu'on peut puiser les documents intimes que l'on trouverait peut-être difficilement dans les archives du temps. Les incrédules, nous le savons, auront toujours mille objections à faire; mais pour nous qui avons vu le médium à l’œuvre, l'origine du livre ne saurait faire aucun doute. »

Le témoignage d'Allan Kardec a une grande valeur, parce que tous ceux qui l'ont connu s'accordent, même parmi ses adversaires, à reconnaître sa parfaite bonne foi et son honnêteté qui était au-dessus de toute suspicion. La matérialité de cette dictée est donc établie; mais certains critiques y verront peut-être un développement anormal de la subconscience, se traduisant sous la forme de ce récit historique, dont la mémoire latente aurait fourni les documents, à l'insu même de l'écrivain. Cependant, si l'on considère qu'elle a écrit de la même manière l'histoire de Louis XI, en 15 jours , et que ce récit, absolument exact dans l'exposé des événements, fourmille de détails, de noms, de traits de mœurs de l'époque, nous demanderons où cette enfant aurait puisé les explications inédites qu'elle a fournies sur l'ombrageuse politique du roi le plus dissimulé et le plus retors qui ait régné sur la France. Il eût fallu à cette jeune fille les facultés d'un bénédictin pour mener à bien une tâche aussi difficile, qu'elle accomplit néanmoins sans peine et sans fatigue, n'étant que le secrétaire d'un invisible historien. C'est bien là la caractéristique de la médiumnité, que nous retrouverons toujours dans les véritables communications spirites, telles que celles que nous reproduisons en abrégé, d'après le livre d'Aksakof .

La fin du roman intitulé: The mystery of Edwin Drood

En 1872, le bruit se répandit aux Etats-Unis qu'un jeune homme sans instruction, mécanicien de son métier, nommé James, devait terminer médianimiquement un roman intitulé: The mystery of Edwin Drood, que la mort de Dickens avait laissé inachevé. Aussitôt le Springfield Daily Union, envoya un de ses rédacteurs à Brattleborough (Vermont) où habitait le médium pour s'enquérir sur place de tous les détails de cette étrange entreprise littéraire. Le compte-rendu du reporter parut le 26 juillet 1873, il fut reproduit par le Barner of Light et par le Spiritualist de 1873, page 322. Voici quelques détails sur le médium et le manuscrit écrit mécaniquement.
Le médium est né à Boston; à l'âge de quatorze ans il fut placé en apprentissage chez un mécanicien, métier qu'il pratique encore aujourd'hui; de sorte que son instruction scolaire s'est terminée à treize ans. Bien qu'il ne fût pas inintelligent, ni illettré, il ne manifestait aucun goût pour la littérature et ne s'y était jamais interessé. Tel est l'homme qui prit en main la plume de Dickens et qui a terminé son œuvre.
La médiumnité de James s'était développée en faisant du Spiritisme avec des amis. Il était fort incrédule, lorsqu'un jour assistant aux expériences il tomba en transe, saisit un crayon et écrivit une communication signée du nom de l'enfant d'une personne présente, dont il ne connaissait pas l'existence. Vers la fin du mois d'octobre 1872, Ch. Dickens lui dit dans un message qu'il l'avait choisi pour terminer son œuvre.

« Cette communication apprenait que Dickens avait longtemps cherché le moyen d'atteindre ce but, mais que jusqu'à ce jour, il n'avait pas trouvé de médium apte à accomplir pareille tâche. Il désirait que la première dictée se fasse la veille de Noël, soirée qu'il affectionnait particulièrement, et il priait le médium de consacrer à cette oeuvre tout le temps dont il pourrait disposer sans porter préjudice à ses occupations habituelles... Bientôt il devint évident que c'était la main du maître qui écrivait, et James accepta avec plus de bonne volonté cette étrange situation. Ces travaux exécutés par le médium en dehors de ses occupations professionnelles, qui lui prenaient dix heures chaque jour, produisirent, jusqu'en juillet 1873, douze cents feuillets de manuscrit, ce qui représente un volume in-octavo de quatre cents pages. »

Quelle est la valeur littéraire de l’œuvre ainsi composée? Retrouve-t-on dans cette suite les qualités spéciales du grand romancier anglais? Voici la critique faite par le correspondant du Springfield Daily Union de cette fin de roman si singulièrement obtenue.

« Nous nous trouvons ici en présence de tout un groupe de personnages dont chacun a ses traits caractéristiques, et les rôles de ces personnages doivent être soutenus jusqu'à la fin, ce qui constitue un travail considérable pour qui, de sa vie, n'a écrit trois pages sur n'importe quel sujet; aussi sommes nous surpris de constater, dès le premier chapitre, une ressemblance complète avec la partie éditée de ce roman. Le récit est repris à l'endroit précis où la mort de l'auteur l'avait laissé interrompu, et ce, avec une concordance si parfaite, que le critique le plus exercé, qui n'aurait pas de connaissance de l'endroit de l'interruption, ne pourrait dire à quel endroit Dickens a cessé d'écrire le roman de sa propre main. Chacun des personnages du livre continue à être aussi vivant, aussi typique, aussi bien tenu dans la seconde partie que dans la première. Ce n'est pas tout. On nous présente de nouveaux personnages (Dickens avait coutume d'introduire de nouveaux acteurs jusque dans les dernières scènes de ses oeuvres) qui ne sont pas du tout des doublures des héros de la première partie; ce ne sont pas des mannequins, mais des caractères pris sur le vif, de véritables créations. Créées par qui? »

Jusqu'ici, on peut encore ne voir dans les remarques précédentes qu'une appréciation littéraire plus ou moins valable, puisqu'elle dépend de la culture intellectuelle du critique et peut être influencée par l'enthousiasme. Mais l'examen du manuscrit renferme des preuves objectives que l'inspirateur de l’œuvre est bien Dickens lui-même. Citons-les.

« Voici quelques détails d'un incontestable intérêt. En examinant le manuscrit, je trouvai que le mot traveller (voyageur) était écrit partout avec deux « l », comme c'est l'usage en Angleterre, alors que chez nous, en Amérique, on  ne met généralement qu'un seul « l ».
Le mot coal (charbon) est partout écrit coals, avec un « s », ainsi qu'on le fait en Angleterre. Il est intéressant aussi de noter dans l'emploi des majuscules les mêmes particularités que l'on peut observer dans les manuscrits de Dickens; par exemple lorsqu'il désigne M. Grewgios, comme étant an angular man (un homme anguleux). Remarquable aussi la connaissance topographique de Londres, dont l'auteur mystérieux fait preuve dans plusieurs passages du livre. Il y a aussi beaucqup de tournures de langage usitées en Angleterre, mais inconnues en Amérique. Je mentionnerai aussi le changement subit du temps passé en temps présent, surtout dans un récit animé, transition très fréquente chez Dickens, surtout dans ses derniers ouvrages. Ces particularités, et d'autres encore que l'on pourrait citer, sont de mince importance, mais c'est avec de pareilles bagatelles que l'on eût fait échouer toute tentative de fraude. »

Quelle probabilité y a-t-il dans ce cas, pour qu'une tricherie soit supposable? C'est ce que s'est demandé également, le reporter et voici comment il répond à cette question.

« J'arrivai à Brattlebrough avec la conviction que cette œuvre posthume ne serait qu'une bulle de savon qu’il serait aisé de crever. Après deux jours d'examen attentif, je repartis, et, je dois l'avouer, j'étais indécis. Je niai d'abord comme chose impossible, – comme chacun le ferait après examen, – que ce manuscrit eût été écrit de la main du jeune médium;  il me dit n'avoir jamais lu le premier volume, détail insignifiant, à mon sens, car je suis parfaitement  convaincu qu’il n'était pas capable d'écrire une seule page du second  volume. Ceci n'est pas pour offenser le médium, car il n'y a pas beaucoup de personnes en état de reprendre une oeuvre inachevée de Dickens ! »

Conclusion :

« Je me vois, par conséquent, placé dans cette alternative: ou un homme de génie quelconque a employé M. James, comme instrument pour présenter au public une oeuvre extraordinaire d'une manière également extraordinaire ou bien ce livre, ainsi que le prétend son invisible auteur, est en effet écrit sous la dictée de Dickens lui-même. La seconde supposition n'est guère plus merveilleuse que la première. S'il existe à Vermont un homme, inconnu jusqu'à présent, capable d'écrire comme Dickens lui-même « qui parle, bien qu'étant mort », à quelles surprises ne devons-nous pas nous préparer ?
J'atteste en tout honneur, que, ayant eu toute latitude d'examiner librement toutes choses, je n'ai pu trouver la moindre trace de tromperie, et, si j'avais le droit de publier le nom du médium auteur, cela suffirait pour dissiper tous soupçons aux yeux des personnes qui le connaissent, si peu que ce soit . »

Il est certain que si les faits précédents sont rapportés exactement, ce cas ne peut se comprendre par aucune des hypothèses favorites des incrédules. Ni la subconscience, ni la mémoire cryptomnésique, ni la clairvoyance ne sont capables de donner au jeune mécanicien le style de Dickens, ni ses connaissances, ni son orthographe, et jusqu'à preuve du contraire, il nous parait raisonnable d'attribuer à l'esprit de Dickens la fin de son Volume sur Le mystère d'Edwin Drood.

Solutions de problèmes scientifiques données par les Esprits

Un des arguments favoris de ceux qui ne voient dans les médiums, lorsqu'ils sont honnêtes, que des liseurs de pensée ou des récepteurs télépathiques, c'est d'affirmer que jamais les communications ne dépassent le niveau intellectuel de l'assistance ou n'ont indiqué la solution de certains problèmes scientifiques. Il est évidemment difficile de fixer une limite supérieure aux facultés hypéresthésiées d'un sujet, lorsque l'on connaît le développement que la clairvoyance et la transmission de pensée peuvent leur donner mais il est une remarque qui nous servira à discerner ce qui appartient au sujet lui-même, de ce qui peut lui venir d'une source étrangère: c'est lorsque la communication fait preuve de connaissances artistiques, scientifiques ou littéraires qui n'ont jamais été possédées par le sujet ou les assistants. Il paraît bien que si grand que soit le développement de la mémoire, de l'imagination ou de la clairvoyance, ces facultés ne pourraient créer quelque chose de rien, c'est-à-dire tirer du fonds intellectuel du médium ou des opérateurs ce qui n'y existe pas. Or des exemples de ce phénomène se présentent assez fréquemment pour que la nécessité de l'intervention des esprits soit démontrée.
Voici tout d'abord le témoignage de M. Barkas, membre de la Société de géologie de Newcastle, qui a étudié pendant huit années les faits spirites avant de se prononcer sur leur authenticité. Parmi ceux qui le convainquirent il cite  une série d'expériences faites avec un célèbre médium, non professionnel Mme  d'Espérance.

« En 1875, dit-il, je fus invité à prendre part à une série de séances qui devaient se tenir dans l'appartement modeste d'une jeune dame, médium non professionnel, demeurant à Newcastle-on-Tyne. Toutes les questions s'inscrivaient dans un cahier au moment même de les poser, et le médium y écrivait immédiatement les réponses. Tous ces cahiers se trouvent chez moi et je les tiens à la disposition des personnes qui voudraient les voir.
Voici le problème principal qui se présente dans ce cas; une femme d'instruction ordinaire a donné des réponses à diverses questions scientifiques soigneusement élaborées au cours de trente-sept soirées, la séance se prolonge trois heures chaque fois; ces réponses sont telles, que probablement il ne se trouve pas un homme en Angleterre qui pourrait en faire autant, c'est-à-dire donner des réponses aussi précises, dans les mêmes conditions, à toutes les questions qui ont été posées.
Un compte-rendu détaillé de ces séances, une autobiographie du médium, ainsi que des exemples de ces questions, avec les réponses, se trouvent dans le Psychological Review de 1878  (t I. p. 215).
Il ne faut pas perdre de vue que le médium est une dame d'instruction médiocre, qu'elle était entourée de personnes qui l'étudiaient avec attention, que les questions étaient inscrites et lues à haute voix, séance tenante, que les réponses étaient inscrites par la main du médium dans ce même cahier, très rapidement, qu'elles étaient improvisées sans la moindre correction ultérieure; il ne faut pas oublier non plus que ces questions se rapportaient à divers sujets scientifiques et autres, généralement peu familiers aux femmes; que le médium, de son propre aveu, est complètement ignorante en ces matières; qu'elle écrivait automatiquement, sans se rendre compte si ces réponses étaient justes. Les personnes qui la connaissent intimement assurent qu'elle n'avait jamais eu de goût pour les sciences, et qu'elle n'avait jamais lu de livres scientifiques. »

Voici quelques échantillons des questions et des réponses ainsi obtenues mécaniquement, sans retard ni hésitation, lorsqu'on posait des questions tout à fait ignorées du médium avant de les entendre; on constatera qu'elles ne sont pas banales:

D. – Pourquoi deux sons identiques peuvent-ils donner du silence, alors que deux sons non identiques ne produisent pas ce résultat ?
R. – Parce que deux ondes sonores identiques et de sens opposées en se rencontrant, anéantissent réciproquement leur mouvement vibratoire. Prenez de chaque main un diapason pareil, percutez ces diapasons avec une force égale et appuyez-en les tiges sur les coins d'une table; vous verrez alors les deux ondes, en cheminant l'une vers l'autre, s'absorber réciproquement par leurs sommets. Ces expériences méritent bien qu'on les fasse.
D. – Pouvez-vous me dire comment il est possible de calculer la relation qui lie entre eux les battements  spécifiques de l'air, pris sous un volume constant et sous une pression constante, d'après la vitesse observée du son et de la lumière, au moyen de la formule de Newton ?
R. – Cette relation ne peut être calculée que de la façon suivante: supposons qu'on percute simultanément deux cordes ou deux diapasons; si l'intensité du son est la même, ou à peu près la même pour les deux, les battements se produiront de la manière suivante, en admettant que le nombre des vibrations soit d'une part de 228, et d'autre part de 220 par seconde, le nombre des battements qui atteindront l'oreille sera de 228 – 220 = 8 par seconde. Cela fera 8 battements par seconde; c'est le nombre maximum de battements qui puisse arriver à l'oreille. »

On obtint avec ce médium des descriptions exactes de l’œil et, qui mieux est, des traités complets sur la chaleur, la lumière, la physiologie des plantes, l'électricité, l'anatomie du corps humain et l'on peut dire, suivant M. Barkas, que chacun de ces traits ferait honneur à un adepte de la science.

« Pendant toute la durée des séances, le médium semblait être dans son état normal. Cette dame causait avec nous tout le temps et répondait d'un air tout à fait naturel quand on lui adressait la parole en matière de simple conversation. L'influence occulte qui la dominait ne s'accusait que dans le mouvement automatique de la main.
J'atteste que j'ai conçu et posé moi-même la plus grande partie des questions, que le médium ne pouvait, par conséquent en avoir connaissance par anticipation; à part moi-même, personne de l'assistance n'en connaissait la teneur; ces questions ont été souvent posées sans préméditation, et les réponses ont été écrites par le médium sous nos yeux; il lui eût été matériellement impossible de se munir d'avance de renseignements quelconque au sujet des réponses à faire. J'ajouterai qu'elle n'a jamais reçu un penny de rémunération pour toutes les heures – une centaine au moins – qu'elle a consacré avec tant de désintéressement à l'étude de ses remarquables phénomènes médianimiques. »

L'ignorance du médium parait parfaitement établie, et par conséquent ce n'est pas en lui que pouvaient se trouver les renseignements exacts que la main faisait connaître. Il est intéressant de savoir si ce n'étaient pas les assistants qui fournissaient inconsciemment des données scientifiques. M. Aksakof écrivit à M. Barkas pour s'éclairer sur ce point important. Voici la réponse.

« Monsieur, vous me demandez en premier lieu, si j'étais moi-même en état de répondre d'une façon aussi précise que le médium l'a fait aux questions de physique que je lui ai posée; et ensuite vous désirez savoir au-delà de quel point les réponses reçues par l'entremise du médium ne sauraient plus être considérées comme un effet de lecture cérébrale. En ce qui concerne la physique, je dois dire que j'aurais pu répondre à un certain nombre de questions proposées au médium, mais moins bien qu'il ne l'a fait;  en traitant de certaines spécialités, je n'aurais pas eu recours, à cette époque, à une phraséologie aussi technique et aussi précise; ceci concerne plus particulièrement la description du cerveau et la structure du système nerveux, la circulation du sang, la structure et le fonctionnement des organes de la vue et de l’ouïe. Les réponses reçues par le médium étaient, en général, notablement au-dessus de mes connaissances scientifiques d'alors, et elles sont supérieures à celles que je pourrais faire aujourd'hui – c'est-à-dire après douze ans – si je devais les écrire sans me préparer à l'avance.
J'ai étudié les trois quarts environ de ces questions avant de les soumettre au médium, et cependant je dois avouer que je n'aurais pas pu rédiger mes réponses avec la même justesse et la même élégance de langage que celles transmises par le médium.
Ces réponses contiennent beaucoup de termes techniques que je n'aurais certes pas eu l'idée d'employer, faute d'usage. Il s'y rencontre, d'autre part, des expressions qui m'étaient totalement inconnues, par exemple le mot « membrane adnée » (adnata) pour désigner la conjonctive; je n'ai d'ailleurs, guère rencontré ici qu'un seul médecin qui connût ce terme.
Je comprends toute la difficulté qu'il y a pour moi à vous renseigner d'une manière complètement satisfaisante sur les détails qui vous intéressent, attendu que je suis obligé de mettre en cause ma sincérité et de m'en rapporter à mon estimation personnelle pour faire la part de ce que je savais et de ce que je ne savais pas à l'époque où Ies séances eurent lieu. Je puis cependant affirmer sur ma foi que je n'étais pas en mesure de répondre, d'une manière aussi détaillée, à une bonne partie des questions de physique que j'avais posées, sans  les avoir communiquées d'abord à d'autres personnes, et il y avait certaines questions auxquelles je n'aurais pas pu répondre du tout.
Il est exact que je n'aurais pas su répondre aux questions de musique. Il y eut trois séances consacrées aux sciences musicales; c'est aux deux dernières qu'assista le professeur de musique . A la première, ce fut moi qui posai toutes les demandes; deux jours auparavant, j'avais prié un de mes amis, expert en matière musicale, de me les formuler, et je n'essayai même pas de les comprendre; je les proposais au médium, qui écrivit immédiatement, sans la moindre hésitation, les réponses que vous avez lues, et d'autres encore. Pas un seul musicien ne se trouvait à cette séance. Le médium lui-même n'avait que des notions fort élémentaires en musique .
Aux deux autres séances, la plupart des questions traitant de critique musicale ont été posées par le professeur de musique; c'est moi qui ai posé les autres. Il parait que, parmi les réponses faites sur les questions du professeur, il s'en est trouvé qui ne s'accordaient pas avec ses opinions. Quant à celles qui se rapportent aux questions posées par moi, j'ignorais alors si elles étaient justes ou non. »

Pour répondre à l'hypothèse que ces renseignements auraient été fournis télépathiquement par quelque personne vivante, M. Barkas dit.

« Je serais bien aisé de connaître, ne fût-ce qu'un seul cas bien avéré, d'un sensitif illettré qui, sans être mesmérisé, aurait répondu par écrit dans un style correct et scientifique à des questions de musique et de science, par l'effet de la lecture de pensées ou par l'action de la volonté, exercée par un savant ou par un musicien vivant...
Vous me demandez d'indiquer les questions auxquelles ni moi, ni aucun des assistants n'aurions pu répondre? A la première des séances consacrées à la musique, pas une des personnes présentes n'était capable de faire une réponse sensée. Personne non plus n'aurait pu répondre sur les questions de chimie, d'anatomie, sur celles qui concernaient l’œil, l'oreille, la circulation du sang, le cerveau, le système nerveux et beaucoup d'autres se rattachant aux sciences physiques. Sauf M. Bell, qui avait quelques notions de chimie pratique, mais ne s'exprimait pas facilement, et moi qui connaissais les principes élémentaires de la physique, les personnes qui assistaient aux, séances étaient absolument des profanes en ces matières.
Agréez, etc.
                   P. T. BARRAS.

Mme d'Espérance, le médium de M. Barkas, a publié dernièrement un livre intitulé: Au pays de l'Ombre, dans lequel elle parle de ces séances . Il faut lire les pages qu'elle y consacre, afin de bien s'identifier avec les conditions dans lesquelles les réponses scientifiques étaient données.

« Pour moi, dit-elle, je ne prenais guère d'intérêt à ces discussions, en dehors de mon vif désir de voir Stafford (le guide du médium) se montrer capable de lutter avec plusieurs hommes éclairés et désireux, me semblait-il, de prouver leur supériorité intellectuelle; je ne comprenais pas les termes techniques employés constamment, et je me demandais quelquefois si les questionneurs les comprenaient eux-mêmes! ! »

Il arrive que ces discussions ennuient non seulement le médium, mais aussi d'autres esprits qui ont l'habitude de se communiquer, en voici un exemple. Pendant une interruption momentanée, un nommé Walter profite de l'intermède.

« Pendant une demi-heure, Walter nous entretint, en imitant d'une manière plaisante «le gouverneur » et en nous faisant une dissertation scientifique sur les propriétés d'un gaz qu'il nommait Oxyhydronitro-ammoniac. Questionné sur la signification de ce mot, il nous dit:    « Quand je parle de sujets scientifiques, je préfère me servir de termes scientifiques » voulant évidemment railler le médecin dont la conversation était presque inintelligible pour des esprits ordinaires tant il faisait un usage excessif de termes techniques. »

Si l'on croit que toutes ces communications sont dues à des personnalités secondes du médium, il faut admettre que, dans ce cas, elle est hantée par des groupements psychiques singulièrement différents les uns des autres, puisqu'il y en a de savants d'ignorants et d'autres assez artistes pour faire des portraits ressemblants de personnes qu'ils n'ont jamais vues! Combien la réalité spirite est plus simple et plus en harmonie avec les faits que toutes ces fantastiques hypothèses ?

Les récits du général major A. W. Drayson

« Ayant reçu de M. Georges Stock une lettre me demandant si je pouvais citer, ne fût-ce qu'un exemple, qu'un esprit ou un soit-disant esprit aurait résolu, séance tenante, un de ces problèmes scientifiques qui ont intéressé les savants du siècle dernier, j'ai l'honneur de vous communiquer le fait suivant, dont j'ai été témoin oculaire.
En 1781, William Herschel découvrit la planète Uranus et ses satellites. Il observa que ces satellites, contrairement à tous les autres satellites du système solaire, parcourent leurs orbites d'orient en occident. J. F. Herschef dit dans ses Esquisses Astronomiques: « Les orbites de ces satellites présentent des particularités tout à fait inattendues et exceptionnelles, contraires aux lois générales qui régissent les corps du système solaire. Les plans de leurs orbites sont presque perpendiculaires à l'écliptique, faisant un angle de 70° 58' et ils les parcourent d'un mouvement rétrograde, c'est-à-dire que leur révolution autour du centre de leur planète s'effectue de l'est à l'ouest, au lieu de suivre le sens inverse. »
Cette anomalie était une énigme pour Laplace et pour tous les astronomes. De mon côté, je ne trouvai aucune explication à cette particularité.
En 1858, j'avais comme hôte, dans ma maison, une dame qui était médium et nous organisâmes des séances quotidiennes. Un soir elle me dit qu'elle voyait à côté de moi une personne qui prétendait avoir été pendant sa vie terrestre un astronome. Je demandai à ce personnage s'il était plus savant à ce moment que lors de son existence terrestre.  – « Beaucoup plus » me répondit-il. J'eus l'idée de poser à ce soit disant esprit une question afin d'éprouver ses connaissances.
D. – Pouvez-vous me dire, lui demandai-je, pourquoi les Satellites d'Uranus font leur révolution de l'est à l'ouest et non de l'ouest à l'est ?
Je reçus immédiatement la réponse suivante :
R. – Les satellites d'Uranus ne parcourent pas leur orbite de l'orient à l'occident;  ils tournent autour de leur planète de l'occident à l'orient, dans le même sens que la lune tourne autour de la terre. L'erreur provient de ce que le pôle sud était tourné vers la terre au moment de la découverte de cette planète; de même que le soleil, vu de l'hémisphère austral, semble faire son parcours quotidien de droite à gauche et non de gauche à droite, les satellites d'Uranus se mouvaient de gauche à droite, ce qui ne veut pas dire qu'ils parcouraient leur orbite de l'orient à l'occident.
En réponse à une autre question que je posai, mon interlocuteur ajouta.
Tant que le pôle sud d'Uranus était tourné vers la terre, pour un observateur terrestre, les satellites semblaient se déplacer de gauche à droite, et l'on en conclut, par erreur, qu’ils allaient de l'orient à l'occident: cet état de chose a duré environ 42 ans. Quand le pôle nord d'Uranus est tourné vers la terre, ses satellites parcouront leur trajet de droite à gauche et toujours de l'occident l'orient.
Je demandai là-dessus comment l'erreur n'a pas été reconnue 42 ans après la découverte de la planète Uranus par Herschel ?
R. – C'est parce que, dans la règle, les hommes ne font que répéter ce qu'ont dit les autorités qui les précédaient, éblouis par les résultats obtenus par leurs prédécesseurs ils ne se donnent pas la peine de réfléchir.
Guidé par cet enseignement, je me mis à résoudre le problème géométriquement et je m'aperçus que l'explication en était très exacte, et la solution fort simple. En conséqence, j'écrivis sur cette question un mémoire qui fut publié dans Les mémoires de l'Institution Royale d'Artillerie en 1859.
En 1862, je donnai la même explication de prétendue énigme dans un petit ouvrage sur l'astronomie: Common Sights in the Heavens (Coups d’œils dans les cieux); mais l'influence de « l'opinion autorisée » est si funeste, que de nos jours seulement les écrivains qui s'occupent d’astronomie commencent à reconnaître que le mystère des satellites d'Uranus doit probablement être attribué à la position de l'axe de cette planète. »

Nous ne possédons pas la compétence nécessaire pour porter un jugement motivé sur la valeur scientifique de l'hypothèse précitée mais ce qui nous intéresse plus spécialement et ce qui est très important d’après nous, c'est de voir une dame quelconque formuler, ex abrupto, une solution rationnelle d'un phénomène astronomique inexpliqué jusqu'alors. Il nous semble qu’ici intervient une intelligence qui ne donne pas des renseignements vagues, mais fournit une théorie, qui, si elle n'est pas exacte, ce qu'il faudrait vérifier, dénote de la part de son auteur des connaissances très étendues sur l'astronomie que l'on ne pouvait trouver dans le cerveau du médium, car il y a 50 ans les notions sur cette science étaient loin d'être aussi répandues que de nos jours, où son étude s'est vulgarisée.
Le cas suivant est encore plus remarquable, parce qu'il s'est vérifié de point en point.

« Au printemps de l'année 1859, poursuit le général Drayson, j'eus encore une fois l'occasion, par l'entremise du même médium, de converser avec la personnalité qui se donnait pour le même esprit; je lui demandai s'il pouvait m'éclairer sur un autre fait astronomique encore inconnu. Je possédais alors un télescope avec un objectif de quatre pouces et d'une distance focale de 5 pieds. J'appris que la planète Mars avait deux satellites que personne n'avait encore vus, et que je pourrais découvrir dans des conditions favorables. Je saisis la première occasion qui se présenta pour faire des observations dans ce but, mais je ne découvris rien. Je fis part de cette observation à trois ou quatre amis avec lesquels je faisais des expériences spiritiques, et il fut décidé que nous garderions le silence sur ce qui s’était passé, car nous ne possédions aucune preuve à l’appui des allégations de mon interlocuteur, et nous risquions de nous exposer à la risée générale. »

Pendant mon séjour dans les Indes, je parlai de ces révélations à Sinett, je ne puis dire exactement à quelle époque. Dix huit ans plus tard en 1877, ces satellites furent découverts par un astronome à Washington.

Recettes données par les Esprits

Nous connaissons à Paris un peintre dessinateur qui s'est occupé de spiritisme, et comme il désirait faire de la peinture sur soie et que ses tentatives pour fixer les couleurs n'avaient pas réussi, il eut l'idée de demander si un esprit ne voudrait pas lui indiquer le procédé pour arriver à ses fins. Il obtint, par l'intermédiaire d'un médium écrivain de nos amis, tout à tait ignorant de ces questions techniques, la réponse suivante.

« Il faut une soie un peu grosse qui puisse parfaitement s'imbiber d'une matière gommeuse composée de gomme arabique, de glucose ou mieux de fécule de pomme de terre pulvérisée. Il faut étendre cette gomme d'un peu d'alcool pour faire un vernis; c'est toute la préparation de la toile. Quant à l'encre, il ne faut pas de ces encres savantes dont on se sert maintenant, mais simplement de l'encre de noix de galle, dans laquelle vous faites fondre du sucre en petite quantité pour l'épaissir, afin qu'elle ne s'étende pas et ne suive pas les fils, malgré la couche de gomme. Vous laisserez sécher à l'ombre, afin de ne pas faire raccornir la soie qui aura été touchée par l'encre. »

L'essai de ce procédé fut fait sans tarder et donna d'excellents résultats.
L'historien Eugène Bonnemère, l'auteur apprécié de l'Histoire des Paysans et de celle des Camisards, a eu l'occasion d'étudier pendant longtemps une dame qui écrivait automatiquement et qui lui fournit les sujets de plusieurs romans qu'il publia dans le National (Le Roman de l'Avenir, Louis Hubert, Les déclassés. etc.). Il a fait connaître une série d'observations sur ce cas intéressant  parmi lesquelles nous citerons la suivante.

« Je vous ai promis, dit M. Bonnemère, d'entretenir vos lecteurs des facultés médianimiques de Mme X, l'auteur inconscient du Roman de l'Avenir. Mais je veux vous dire auparavant quelques mots de ses peintures, car ce n'a pas été assez de ces 21.000 pages écrites en sept années, elle a, en outre peint pendant le même temps, 180 compositions grandes ou petites, à l'huile ou à l'aquarelle sur toile, sur papier, sur  bois, sur  vélin, sur ivoire, sur ardoise, sur tout ce qui lui tombait sous la main. L'ardoise, très poreuse, ne retenait ni l'huile ni la couleur qui s'épandaient aux alentours.
Cela ne l'a guère embarrassée et elle a imaginé plusieurs procédés qui, sans altérer en rien la couleur de l'ardoise, permettent d’y peindre avec la même netteté que sur la toile. C'est ainsi qu’elle a composé de charmants faisceaux de fleurs qui pourront remplacer les plaques de porcelaine encastrées dans les meubles. Quant à l'aquarelle, elle fabriquait les couleurs qui lui manquaient (toujours inconsciemment), et avec des bois de sureau, de mahonie elle obtenait des tons neutres du plus heureux effet. Le suc du tithymale lui fournissait des blancs d'un éclat très remarquable. »

Un remède donné par les Esprits

Nos rapports avec le monde invisible n'ont pas pour objet de nous dispenser du travail nécessaire pour faire des découvertes. Il serait absurde, et d'ailleurs tout à fait illusoire, de s'imaginer que les esprits élevés vont nous dispenser de toute recherche scientifique et nous révéler la multitude des choses que nous ignorons encore. Ce serait injuste, puisque nous pourrions posséder des connaissances sans nous être donné la peine de les acquérir. Aussi cela n'a-t-il pas lieu. Exceptionnellement dans des cas particuliers qui se justifient par une utilité immédiate et par le sentiment de charité qui anime certains esprits, du soulagement peut être apporté à ceux qui souffrent, comme nous en avons de nombreux exemples. En voici un .

« Nous sommes informés par un frère méthodiste, très digne de foi que M. S. de Williamsbourg, qui fait partie, ainsi que sa femme, de l'église méthodiste, a souffert longtemps de calculs dans la vessie et a employé sans succès tous les remèdes connus en médecine. Il devint très faible, très abattu, et dans une des crises de violente douleur il s'écria devant sa famille: « Comment donc pourrais-je être soulagé? » Au même instant, sa femme fut influencée et excitée à écrire: se trouvant dans un état où elle n'avait qu'à moitié conscience de ce qu'elle faisait, elle écrivit une prescription (comme on le sut ensuite), et indiqua la manière de préparer et d’administrer le médicament. Ce fait était tout à fait nouveau pour la famille; on ne savait quelle cause avait déterminé la femme à écrire. Le malade déclara qu'il voulait faire l'essai de cette médication. Ses parents objectèrent la nécessité de s'assurer que les substances prescrites n'étaient pas des poisons; en conséquence, on consulta un médecin et un pharmacien qui déclarèrent que c'étaient des remèdes employés en médecine, mais le docteur ajouta qu'il ne voudrait pas, pour le cas particulier, prendre la responsabilité de la prescription de ce médicament. « Que le malade, dit-il, prenne, s'il le veut, la responsabilité de son essai. » C'est ce que fit le malade; pendant plusieurs jours ses souffrances ne firent que s'accroître. Mais sa femme obéissant à la même influence qui l'avait fait écrire, dit qu'il ne fallait pas s'alarmer, mais continuer l'emploi du remède indiqué. On suivit cet avis, et dans l'espace de dix jours, le malade rendit plusieurs calculs, dont quelques-uns fort volumineux, à la suite de quoi il se trouva immédiatement soulagé, et, peu après, sa guérison fut complète.
Ces personnes n'étaient point spirites, et la femme n'avait jamais été influencée auparavant; ni elle ni son mari ne savaient ce que c'était que les influences des Esprits, le malade ne se décida à employer le remède qu'à cause de l'excès de ses souffrances, et en considération de la manière singulière dont il lui avait été prescrit. Depuis cet événement, ils ont appris que c'était aux Esprits qu'ils devaient cet avis, et Madame S. a été employée par les Esprits à la guérison d'autres malades. M. et Mme S. sont restés attachés à l'église méthodiste, et n'avouent qu'avec beaucoup de réserve leur adhésion au spiritualisme. »

Il semble bien ici, que l'autosuggestion n'a pas eu à intervenir puisque l'écrivain ignorait les pratiques de la médiumnité. C'est un cas de manifestation spontanée qui, jointe à la prescription exacte d'un remède qui a produit la guérison démontre l'intervention d'intelligences étrangères possédant des connaissances tout à fait en dehors de celle du médium et de son entourage. Remarquons également les scrupules religieux des membres de la famille qui nous renseignent sur leur mentalité. Ils ne cherchent pas à faire de la propagande, et sont bien éloignés de tirer vanité de la remarquable faculté de Madame S.    Ces considérations nous incitent à tenir le plus grand compte de cette observation.
Nous pourrions continuer ces citations, mais nous préférons passer de suite à l'étude des phénomènes obtenus avec des personnes illettrées ou des enfants en bas âge, chez lesquels toute suggestion mentale ou toute action télépathique est plus qu'improbable. On conçoit facilement que si un nourrisson se met à écrire, ce n’est pas sous l'influence d'une pensée qui lui est transmise, puisqu'il ne possède pas encore le mécanisme mental nécessaire à la production des mouvements de l'écriture.
Nous sommes en présence, dans ce cas, d'une action physique exercée sur la main, analogue à celle que l'on emploie pour faire écrire quelqu’un qui ne sait pas.

Médiumnités de nourrissons

M. Jenken, avocat, avait un enfant de cinq mois et demi qui écrivit une communication dans les conditions suivantes, dont nous devons le récit à M. James Wason, « sollicitor  ».
   
« Le narrateur habitait avec la famille Jenken à Brighton. Le mari, fatigué par ses voyages quotidiens à Londres, souffrait beaucoup de l'estomac et des intestins, et M. Wason n'avait  pu le convaincre que sa maladie provenait d'un excès de fatigue…
Le 6 mars, vers une heure de l'après-midi, continue M. Wason, la nourrice était assise tenant l'enfant sur ses genoux, dans le salon près de la cheminée; j'écrivais à une table, tout près, et Mme Jenken se trouvait dans une pièce voisine;  la porte était ouverte. Tout à coup la nourrice s'écria: « L'enfant tient un crayon dans sa main! » Elle n'ajouta pas que ce crayon avait été placé dans la main de l'enfant par une force invisible; je n'y fis donc aucune attention, sachant par expérience avec quelle force un enfant vous prend quelquefois par le doigt, et continuai à écrire. Mais la nourrice s'exclama immédiatement avec plus d'étonnement encore: « L'enfant écrit! » Ce qui intrigua Mme Jenken qui alla dans la chambre.
Je me levai aussi et regardai par-dessus l'épaule de Mme Jenken, et je vis, en effet, que l'enfant tenait un crayon dans sa main et que celle-ci reposait sur le bout du papier avec la communication dont nous primes par la suite une photographie. Voici ce message: « J'aime cet enfant. Que Dieu le bénisse. Je conseille à son père de rentrer dans tous les cas, lundi à Londres. Suzanne. »
Je dois dire ici que Suzanne était le nom de ma femme défunte, qui, de son vivant, aimait beaucoup les enfants et dont l'Esprit, (ainsi que nous le supposions) s'était maintes fois manifesté au moyen de coups frappés et d'écritures automatiques par l'intermédiaire de Mme Jenken; avant son mariage, cette dernière portait le nom bien connu dans le spiritisme de Kate Fox, et c'est dans sa famille que se produisirent, dans les environs de New-York, les premières manifestations médianimiques, les coups frappés de Rochester, qui inaugurèrent le mouvement spiritualiste de notre siècle...
                        James Wason, Sollicitor.
                  Wason Buildings, Liverpool.

Le procès-verbal publié par Médium et Daybreak reproduit le fac-similé de l'écriture et la signature de M. Wason, de Mme Jenken et de la nourrice. Ce ne fut pas la seule communication obtenue par le baby. Voici d'autres détails empruntés au Spiritualiste du       20 mars 1894.

« La faculté d'écrire de notre enfant semble continuer. Le 11 mars, alors que ma femme et moi nous étions à table, la nourrice étant assise avec l'enfant vis-à-vis de moi, un crayon fut placé dans la main droite de l'enfant. Ma femme posa une feuille de papier sur les genoux de la nourrice, sous le crayon. La main du petit écrivit immédiatement cette phrase: « J'aime ce petit garçon. Que Dieu bénisse sa mère. Je suis heureux. J. B. T.»
J'exprimai ce désir que l'enfant adressât quelques mots à sa grand'mère qui a plus de 90 ans, et quelques minutes après, la force invisible enleva un bout de papier d'une table et le posa sur les genoux de la nourrice. – en même temps qu'un crayon se trouva placé dans la main de mon enfant et celui-ci traça rapidement ces mots: « J'aime ma grand'mère. » Le papier et le crayon furent jetés à terre et des coups m'avertirent que mon désir était accompli. »

Nous n'avons aucune raison de mettre en doute la parole de M. Wason dont le titre officiel offre une garantie de sincérité. Jamais non plus M. Jenken n'a été suspecté de mauvaise foi; il nous faut donc admettre ces récits, si invraisemblables qu'ils paraissent, d'autant mieux que cet exemple n'est pas unique.
La petite fille du baron Seymour Kirkup écrivit à l'âge de neuf jours! Voici la lettre adressée à M. Jenken par le baron  :

« Ma fille était médium à l'âge de deux ans; elle a vingt et un ans maintenant. Sa fille écrivit automatiquement quand elle m'avait que neuf jours. J'ai conservé les messages écrits par elle et vous en enverrai la photographie.
Sa mère ne l'a portée que 7 mois, et l'enfant était fort petite. Sa mère la tenait d'une main sur un coussin, ayant dans l’autre main un livre sur lequel elle avait mis une feuille de papier; on ne sait par quelle voie arriva le crayon dans la main de l'enfant. Dans tous les cas Valentine (c'est son nom) le tenait ferme dans son petit poing.
Elle écrivit d'abord les initiales de ses quatre guides: R. A. D. J. après quoi le crayon tomba. Je croyais que ce serait tout mais ma fille Imogène s'écria: « Elle tient le crayon de nouveau! » L'enfant traça alors les paroles suivantes, d'une écriture incertaine, par-dessus les lettres déjà écrites: « Non mutare, questa a buona prova, foi cosa ti abbiano detto; addio. » (Ne change rien, c'est une bonne preuve, fais ce que nous t'avons dit; adieu)... »
M. Jenken ajoute: « La lettre que je reçus de Kirkup était accompagnée d'une photographie de l'écriture de l'enfant, d'un procès-verbal muni de sept signatures de témoins, et d'un excellent portrait spirite de la grand'mère, la célèbre Régina.»

M. Aksakof rapporte aussi, d'après le Baner of Light de 1876 le cas d'un enfant médium de deux ans, Essie Mott de Memphis (Missouri) qui obtint de l'écriture sur ardoise, alors que personne ne se tenait auprès d'elle et qu'elle ne connaissait pas ses lettres. Le fait est attesté par un témoin  indépendant le respectable M. Waren Chose.
Un M. Call Black se convertit à la croyance aux faits spiritiques après qu'il eût reçu des communications par l'intermédiaire d'un autre enfant. (Voir Religio Philosophical-Journal     25 janvier 1890).
Nous ferons ici une remarque très importante relative à ces écritures produites par de très jeunes enfants, c'est que, même si l'on ne veut admettre aucune intervention spirituelle, et que l'on attribue à la mère l'action exercée sur son nourrisson, il ne s'en suit pas moins qu'il existe chez le bébé un état réceptif remarquable, une médiumnité proprement dite. L'écriture ne peut pas être produite par transmission de pensée, puisque le cerveau de l'enfant ne contient pas encore les associations dynamiques indispensables pour produire les mouvements nécessaires au graphisme de l'écriture. La force agissante doit donc s'exercer directement sur la main, et quelque extension que l'on suppose à l'extériorisation de la mère, il est bien difficile d'admettre que ce soit elle qui agisse aussi énergiquement, en restant absolument à l'état de veille, et sans la moindre conscience de produire une action aussi énergique et compliquée.
Nous pourrions citer d'autres exemples de médiumnités de jeunes enfants, mais nous renverrons le lecteur à l'histoire du Merveilleux T. II, de L. Figier et à l'ouvrage de M. Bonnemère: les Camisards des Cévennes, qui racontent comment des enfants de treize mois s'exprimaient pendant la transe en excellent français, langue inusitée à cette époque dans les campagnes.
Voici des observations plus récentes dues à MM. Dusard et Broquet .

Les phénomènes psychiques du village de D…

Nous avons le plaisir de connaître depuis quelques années M. le docteur Dusard, ancien interne des hôpitaux de Paris, et nous avons pu apprécier souvent son ferme bon sens, son esprit méthodique et froid ainsi que ses connaissances psychiques très étendues, c'est pourquoi nous attachons la plus grande valeur aux faits qu'il a observé en compagnie de        M. Broquet dans un petit village du Nord, aux environs de Valenciennes. Parfaitement au courant des théories sur la subconscience et la transmission de la pensée, ces expérimentateurs ont eu la bonne fortune de tomber sur un médium qui n'avait jamais lu un livre traitant du psychisme ni entendu parler des phénomènes spirites. Cependant, il leur a été donné de vérifier presque tous les phénomènes transcendants que l'on n'obtient, en général, qu'avec des médiums différents. Ils ont eu de l'écriture automatique et directe: de la typtologie sans contact, des apports, des incarnations, des actions à distance, de l'extériorisation de la sensibilité, des matérialisations, etc. Ne nous occupant ici que de l'écriture, nous renvoyons le lecteur aux douze numéros de la Revue Scientifique et morale du Spiritisme qui relatent minutieusement tous ces phénomènes.
Voici d'abord quelques détails sur le principal médium, nommé Maria, âgée de 16 ans.

« Maria est fille d'ouvriers aisés; tandis que son père travaille aux mines de D..., sa mère tient un débit de boissons. Nous avons rencontré autour d'elle des parents et amis d'une situation analogue à la sienne, très peu instruits, souvent même tout à fait illettrés et incapables d'écrire leur nom, mais sérieux, honnêtes et formant une sorte d'élite au milieu des autres ouvriers. L'un de nous, Ch. Broquet, parent de Maria, a pendant quatre mois vécu sous le même toit qu'elle. Il a donc pu suivre pas à pas le développement de sa médiumnité. Les faits qu'il rapporte ont eu des témoins d'abord incrédules et dont la conviction ne s'est faite que devant le nombre et l'évidence des phénomènes. Pour tous ceux qui se sont produits en notre absence, nous nous sommes attachés à nous les faire raconter, autant que possible, par plusieurs témoins séparément, et souvent à plusieurs jours et à plusieurs semaines d'intervalle.
Jusqu'à l'âge de 15 ans, Maria jouit d'une assez bonne santé, sauf de fréquents maux de tête, qui ne lui permettaient pas de se rendre fréquemment à l'école du village. Aussi est-elle fort peu instruite. Son écriture est rudimentaire et son orthographe tout à fait fantaisiste. Elle ne lisait jamais et n’a pu, par conséquent, exciter son imagination par des récits fabuleux comme ceux que l'on met entre les mains des enfants et des jeunes filles. Actuellement encore, elle ne lit aucun livre sur le Spiritisme et a prêté à l'une de ses voisines, sans l'avoir lu, un volume très élémentaire que l'un de nous lui avait apporté. Elle ne sait donc que ce que lui disent ses guides invisibles et les auteurs du présent récit. »

Le médium ne s'est pas longtemps prêté de bonne grâce à ces manifestations. D'un naturel borné, elle ne comprend guère la haute importance des faits que l'on obtient par ton intermédiaire. Voici l'observation des auteurs sur ce point.

« On sait que la plupart des médiums, doués de facultés exceptionnelles, arrivent peu à peu à se laisser envahir par la vanité, se passionnent pour la réussite des expériences à un point tel, qu'on a été souvent autorisé à les soupçonner d'aider frauduleusement à la production des phénomènes, lorsque ceux-ci tardaient à se produire ou ne leur paraissaient pas de nature à étonner suffisamment les assistants. Ce n'est pas ce que l'on a à craindre avec Maria. Sauf dans les premiers mois de sa médiumnité, où l'attrait de la nouveauté et le bonheur de voir sa santé rétablie la portaient à se prêter de bonne grâce et même avec plaisir à la production de ces phénomènes si étranges pour elle, nous l'avons toujours entendue nous déclarer que cela ne l'intéressait pas. Au milieu des nombreuses visites et des marques d'intérêt qu'elle reçoit, sa physionomie reste froide et ennuyée. A peine se réveille-t-elle pour pousser des éclats de rire devant quelques phénomènes physiques plus étranges que les autres, puis elle reprend son masque d'indifférence. Certains jours même, elle pousse la mauvaise volonté jusqu'à l'obstruction. C'est à cette regrettable indifférence que nous devons la perte de beaucoup de documents écrits et le défaut de suite dans un certain nombre d'expériences que nous aurions voulu faire.
Maria écrit sans arrêt ni hésitation, tantôt sans ordre ni régularité, d'autres fois en suivant parfaitement les lignes et observant la ponctuation. Elle reste à l'état normal et, tout en écrivant, regarde le papier ou promène ses regards autour d'elle. Elle écrit soit en pleine lumière, soit dans une obscurité complète, sans que le caractère de l'écriture se modifie. Elle ne connaît le contenu d'une communication qu'en la lisant, lorsqu'elle est terminée. C'est tout à fait l'écriture automatique.
L'écriture varie avec chaque esprit et elle est rigoureusement la même pour chacun, d'un bout à l'autre de la communication, et pour des communications espacées de plusieurs mois. »

Faisons observer que si l'écriture mécanique ne présentait que ces caractères, ils seraient insuffisants pour établir la médiumnité et rien n'empêcherait de n'y voir que de l'automatisme, puisque nous savons que les personnalités secondes conservent des caractères identiques, alors même qu'elles ne se présentent qu'à de grands intervalles de temps. Mais chez Maria la faculté médianimique se révèle d'une manière indéniable, d'abord parce que son orthographe se modifie, ensuite parce que l'écriture a reproduit celle d'un individu mort antérieurement, et enfin parce qu'elle révèle des faits inconnus de tous les assistants, qui ne peuvent être attribués à la clairvoyance ou à aucune des causes que nous avons étudiées. Voici maintenant quelques spécimens de sa manière d'écrire.

 

 

 

Voici pour l'orthographe :

« Pendant les dernières séances, un esprit conseilla de bander les yeux du médium. Maria tombe alors très rapidement en transe. Les communications d'un caractère intellectuel beaucoup plus élevé, sont écrites avec régularité; les lignes sont droites, la ponctuation et les accents bien placés, l'écriture est presque élégante et l'orthographe tout à fait correcte; toutes choses que Maria serait incapable de produire à l'état normal. »

Lorsque des critiques, comme Louis Figuier et autres, se trouvent en présence de cas semblables, ils croient éluder la difficulté en disant que l'état hypnoïde dans lequel se trouve le sujet exalte ses facultés intellectuelles, lesquelles acquièrent alors un développement extraordinaire qui explique ces anomalies. Mais qui ne voit ce que ces raisonnements ont de superficiel et d'inexact ?
Qu'un sujet puisse pendant une crise de somnambulisme, ou même à l'état de crédulité, acquérir par la clairvoyance des notions qu'il ne pourrait avoir à l'état de veille, c'est un fait dont nous avons constaté la réalité. La lucidité fait connaître des événements lointains et prouve simplement une puissance plus grande de la faculté de voir, c'est le développement d'un pouvoir qui est dans le sujet tandis que l'usage de l'orthographe par quelqu'un qui n'a pas appris la grammaire, est une véritable création qui ne peut se comprendre par aucune exaltation de l'esprit. On ne peut rien tirer d'un terrain qui n'a pas été ensemencé. L'orthographe n'est acquise par chacun de nous qu'après une longue éducation, qui nécessite beaucoup d'efforts pour emmagasiner dans le cerveau la multitude des règles qu'il faut connaître. Ce travail a créé des habitudes organo-intellectuelles, un mécanisme psychique qui fonctionne automatiquement, à ce point qu'il suffit souvent, lorsque l'on est hésitant sur la manière d'orthographier un mot, de laisser aller sa main machinalement, pour le trouver ensuite correctement écrit. Mais celui qui n'a pas subi cet entraînement, qui n'a pas fixé par le travail et l'effort souvent renouvelé l'orthographe des mots, ne pourra jamais écrire convenablement. Or, c'est le cas de Maria qui n'est pas allée régulièrement à l'école et par conséquent n'a pu acquérir ni s'assimiler ce mécanisme qui permet de ne pas faire de fautes. Si elle écrit parfois des communications qui ne laissent rien à désirer au point de vue de la correction grammaticale, c'est évidemment qu'elle est sous l'influence d'une intelligence qui connaît l'orthographe. Ses parents et les personnes qui l'entourent étant presque illettrés, on ne peut supposer de leur part aucune action télépathique; il faut donc admettre que ce sont les esprits qui se manifestent, d'autant mieux qu'ils donnent parfois des preuves d'identité incontestables.

Faits inconnus du médium

Nous citerons trois communications qui présentent des circonstances intéressantes.

« Dans le courant du mois de mars 1898, à une séance à laquelle assistaient M. Ch. Broquet et quatre autres personnes, Maria écrivit une communication sous forme de lettre, signée D'H... et adressée à Mme D'H... sa veuve, une des personnes présentes. Cette lettre contenait ce passage: « Te souviens-tu que j'ai longtemps cherché un livre de magie qui pût me faire connaître le moment de ma mort. J'en ai trouvé un et cependant je n'ai pas su que j'allais mourir en allant à N... » M. d'H... était mort quelques années auparavant, en se rendant à N... pour assister à une cérémonie religieuse. Tous les assistants, sauf Mme D'H..., ignoraient le fait de cette recherche d'un livre de magie, et Mme D'H... elle-même ne se le rappela qu'après un certain temps de recueillement. Peut-être les partisans quand même de la théorie de la suggestion par la conscience subliminale ou le subconscient proposeront-ils comme interprétation, non pas l'action de l'être conscient de Mme D'H..., puisque celle-ci ne pensait pas à ce moment au livre cherché, mais celle de son subconscient, agissant sur le subconscient de Maria.
Nous pourrons leur répondre qu'il n'y a de prouvé jusqu'ici, à l'actif de la suggestion mentale, que des transmissions d'ordres plus ou moins précis, mais jamais de pensées ou de souvenirs longuement formulés. Nous ajouterons que Maria et Mme D'H..., étaient toutes deux dans leur état normal et que, par conséquent, Maria ne se trouvait pas à ce degré de l'hypnose appelé crédulité. Qui ne sait, enfin, combien sont rares et laborieuses les quelques expériences de suggestion mentale couronnées de succès: il suffit, pour s'en convaincre, de lire l'étude du Dr Ochorowicz sur ce sujet.
Dans une autre séance, en présence de Ch. Broquet et de quatre assistants, Maria écrit cette communication qui lui est adressée: « Maria, tu m'as vite oubliée, lorsque je fus morte, tu n'as pensé que quelques jours à moi. Voilà pourquoi je reviens te voir, pour savoir si tu me reconnaîtras. » Signé Mlle Magain.
Maria et tous les assistants cherchent vainement dans leurs souvenirs; aucun n'a connu une personne portant ce nom.
La communication reprend alors :
« Je suis morte à D***, à dix huit ans et demi, il y a neuf ans. Nous étions deux grandes amies.»
Maria, très intriguée, recherche inutilement dans sa mémoire, et ses parents, présents à la séance, ne sont pas plus heureux qu'elle. La communication insiste en ces termes.
« Te souviens-tu que maman est venue me chercher avec le martinet, sur la porte de Mme D***, quand nous jouions au bouquet (aux osselets), quinze jours avant ma mort? Il y a neuf ans de cela.
Te rappelles-tu que j'allais souvent chez ta grand-mère avec toi et Mlle Octavie B***? »
Malgré tous ces détails, personne ne parvenant à trouver quoi que ce fût qui pût concorder avec ses souvenirs, on allait conclure à l'intervention d'un fantaisiste, lorsque Maria écrit de nouveau :
« Te souviens-tu de Louise la Petite? »
Ce mot est comme un trait de lumière. Tout le monde l'a connue c'était la mère d'une amie de Maria, dont la fille était morte effectivement depuis neuf ans, et Maria, au bout de quelques instants, retrouve dans ses souvenirs la scène du martinet.
Pour comprendre comment la mémoire du médium et des assistants a pu être mise ainsi en défaut, il faut savoir que dans le Nord, et sans doute aussi dans beaucoup, d'autres provinces, il y a fort peu de familles d'ouvriers et même de cultivateurs et de petits bourgeois qui ne soient affublés de quelque sobriquet, tirant son origine soit d'événements, soit de particularités dans le costume, les traits du visage, la forme d'un membre, etc. les surnoms sont si complètement adoptés par tout le monde, que le vrai nom de famille en  est tout à fait oublié et ne se retrouve que dans les actes officiels.
On peut donc considérer ceci comme la révélation d'un fait ignoré de tous, et nous ne voyons pas comment on pourrait refuser d'admettre, ici l'intervention d'une intelligence étrangère à tons les assistants .
Voici un troisième fait.
Maria V** écrit: « Je suis Mme D** (le nom en toutes lettres). Dis à mon mari que je ne lui en veux nullement de ce qu'il s’est remarié après ma mort. Je suis morte à D***, il y a quatre ans, à la ducasse (fête patronale), sur la place, en regardant ma fille Augusta qui allait au tourniquet (chevaux de bois). »
Le médium, les assistants et les diverses personnes que l'on interroge sur le moment, sont tous d'avis que la communication contient un détail inexact. Ce ne serait pas sur la place, mais dans une maison voisine, que Mme D... serait morte. Cependant M. D... rencontré quelques jours plus tard, confirma la constatation de la communicante, en spécifiant bien que c'était dans ses bras, sur la place, que Mme D... était tombée morte.
C'était donc une communication en contradiction avec la conviction de tous les assistants. Qui a pu la dicter? »

Écritures de jeunes enfants

« Abordons maintenant des faits encore plus importants au point de vue des théories spirites; nous voulons parler de l'écriture mécanique chez les jeunes enfants et chez les adultes complètement illettrés. Ici, il est impossible d'invoquer la supercherie; enfants et adultes sont bien connus dans la localité. Reste le subconscient, agissant à l'insu de la personnalité consciente et se servant de ses organes pour écrire des communications et des réponses aux préoccupations des assistants et contraires parfois à leurs désirs.
Qu'on nous permette, à ce propos, de présenter une réflexion. Les partisans de cette hypothèse du subconscient déclarent qu'il est le résumé de toutes les acquisitions morales intellectuelles faites par l'esprit dans le cours de ses vies successives, ce qui expliquerait la supériorité qu'on lui attribue sur la personnalité consciente, on voit qu'on ne peut se ranger à cette opinion, sans adopter les deux points essentiels du spiritisme: la survie et le développement de l'esprit à travers une série d'existences et par conséquent de réincarnations.
Arrivons maintenant aux faits :
Nous nous sommes fait répéter par le père du médium de neuf mois, brave ouvrier incrédule jusque là, et par plusieurs témoins, la scène qui les avait amenés au spiritisme. Mais ici encore, la communication a été perdue, aucun d'eux ne pensant à l'intérêt que peut présenter un semblable document. »

 


En avril 1898, Maria rentre chez elle, avec la petite Céline M..., âgée de trois ans et demi avec laquelle elle aimait à jouer. Cette fillette ordinairement très gaie, est prise de terreur chaque fois qu'elle aperçoit M. Broquet. Celui-ci engagea Maria à la mettre devant une table avec un crayon et du papier, car un esprit avait déclaré qu'elle était médium. Maria place donc, au milieu de la pièce, une petite table devant laquelle elle asseoit la fillette, et pour observer la scène tout à loisir, sans troubler le médium, M. Ch. Broquet reste derrière la chaise, à plus de deux mètres, et suit tous les mouvements de l'enfant que reproduit une glace accrochée au mur d'en face. Maria et madame V... se tiennent à quelques mètres de distance.
L'enfant prend le crayon, mais sa physionomie trahit une assez  vive inquiétude, et la main est agitée de mouvements nerveux. Enfin la main se pose sur le papier et trace rapidement d'une seule traite la communication suivante.
« Charles, je suis très content d'avoir une si belle petite médium âgée de trois ans et demi et qu'elle deviendra si bonne médium: tâche de l'entretenir. »
Le crayon est ensuite projeté à terre avec une certaine force: l'enfant se retourne, aperçoit M. Broquet et se met à pousser des cris. Maria la prend pour la calmer, tandis que M. Broquet s'empare de la feuille de papier.
La petite Elise, grosse fillette de 23 mois, blonde, joufflue et très joueuse, prend, le 10 septembre 1898, la place que Maria venait d'occuper devant la table pour écrire à une amie. Elle saisit un crayon et couvre sans s'arrêter une page entière d'une écriture fine et régulière, tandis que Maria vaquait aux soins du ménage. Lorsque cette dernière s'aperçut du fait, elle s'approcha pour prendre la feuille de papier, mais déjà l'enfant l'avait mise en pièces et chiffonnée. Maria ne songea pas à en recueillir les fragments.
Le 12 octobre 1898, un colporteur étranger au pays, que Maria venait, quelques heures auparavant, de convertir en évoquant sa mère et en lui rappelant un passé qu'il avait tout intérêt à cacher, revint demander qu'on évoquât son père. Maria eut l'inspiration d'asseoir Elise à la table, en lui donnant un crayon et un chiffon de papier qu'elle avait sous la main. Il y avait là cinq ou six personnes, la plupart étrangères au spiritisme. On continua à causer sans se préoccuper de l'enfant, qui, après avoir fait des arabesques sans aucune signification, s'arrêta un moment, puis se mit en devoir d'écrire les paroles suivantes: « Il est réincarné. »
Voici la reproduction de cette écriture, avec les signatures des témoins.

 

Pendant qu'elle écrivait, l'enfant passait la main gauche avec un geste de caresse sur le dos de la main droite, en disant: « Papa! Papa! » Puis elle rejetait le crayon et secouait le bras, comme pour se débarrasser d'une étreinte importune et enfin reprenait le crayon pour écrire le dernier mot. On a constaté que sa main était devenue manifestement froide lorsque l'écriture fut terminée.
Le mercredi 9 novembre, M. Ch. Broquet avait annoncé qu'il n'assisterait pas à la séance du mercredi 23.
A peine était-il parti, que la jeune Elise, assise en face d'une feuille de papier, y écrivit ces mots :
« Il faut écrire à Charles qu'il vienne à la séance de mercredi.» L'écriture, bien formée, est très lisible et ne contient pas de fautes d'orthographe ce qui est exceptionnel.
Dans ce cas, l'enfant était restée tout à fait isolée, comme dans les cas précédents.
On voit que ces deux communications ne sont pas banales et s'adaptent tout à fait aux circonstances. L'enfant n'a donc rien eu à imiter, quand même son âge n'eût pas été un obstacle suffisant.
Le 11 novembre, M. Lecerf envoie chez Maria sa fillette Louise, âgée de 4 ans. La petite Elise s'y trouvait déjà, ainsi que Céline M*** dont il a déjà été question et qui est âgée de 3 ans. Maria les plaça toutes trois sur un banc, en face d'une table; elle leur donna à chacune un crayon et une feuille de papier et les laissa libres, se tenant à bonne distance, ainsi que Mlle Octavie B*** et une fillette, Eugénie R..., demi-sœur de Louise. Les enfants commencèrent à faire des griffonnages; puis tout à coup elles écrivirent en même temps la même pensée sous trois formules différentes, telles que nous les reproduisons ci-dessous :
(Louise Lecerf) « Ne pas oublier de les avoir tous, si c'est possible. »
(Elise)  « Je voudrais qu'Elise vienne à la séance prochaine, si c'est possible. »
(Céline) « Je voudrais voir tous ces médiums à la séance prochaine, si c'est possible. »
Elise et Céline jettent ensuite leurs crayons à terre tandis que Louise Lecerf tombe en transe, en même temps qu'Eugénie R... Nous reviendrons sur cet incident, à propos des incarnations et réincarnations.
Le jeudi 15 décembre, Maria voit entrer Elise, qui lui dit d'un air sérieux: « Je veux récrire! » – « à qui? » lui demanda Maria; mais l'enfant répétant obstinément: « Je veux récrire! » Maria l'assied devant une table, lui donne un crayon et une bande de journal qui se trouvait sous sa main et voit la fillette écrire sans hésitation.
« Est-ce qu'il y a séance (créence) aujourd'hui? »
Il nous est arrivé souvent de voir l'une ou l'autre de ces enfants tracer des traits de fantaisie au milieu desquels se rencontraient quelques mots sans suite et sans portée. On pourrait dire que ce sont des arabesques rappelant par hasard la forme de certaines lettres. Aussi n'en parlons-nous pas et ne tenons-nous compte que des phrases bien détachées et contenant une pensée.

Ecriture mécanique de médiums complètement illétrés

Allan Kardec, dans la Revue Spirite  a publié une communication a dont le style clair et les idées très nettes ont pour objet les rapports des vivants et des morts. Or le médium était tout à fait illettré.

« Cette communication, dit le grand initiateur, a été obtenue par un jeune homme, médium somnambule illettré. Elle nous est envoyée par M. Dumas, négociant à Sétif, membre de la Société Spirite de Paris, qui ajoute que le sujet ne connaissait pas le sens de la plupart des mots, et nous transmet les noms de dix personnes notables qui assistaient à la séance. On vient de nous montrer une page vraiment remarquable, obtenue à Lyon, par une femme qui ne sait ni lire ni écrire et ne sait pas un mot de ce qu'elle écrit. Son mari, qui n'est guère plus fort, la déchiffre par intuition séance tenante, mais le lendemain cela lui est impossible les autres personnes la lisent sans difficulté. »

On ne peut cependant pas admettre une éternelle supercherie, et quand les témoins honorables affirment les faits, il faut en reconnaitre la réalité, quelque perturbation que cela puisse jeter dans nos idées préconçues. Lorsque les pratiques spirites deviendront plus fréquentes, ce sera par milliers que se grouperont les faits pour chaque catégorie de phénomènes. Alors on rendra justice à la clairvoyance et aux facultés d'observation de ces précurseurs, si méprisés et si honnis de nos jours. Voici encore des preuves que nous empruntons toujours au récit si documenté de MM. Dusart et Ch. Broquet.

Ecritures médianimiques par des personnes ne sachant ni lire ni écrire

« Il nous reste à parler des communications qui se sont produites à D*"*, par la main de médiums absolument illettrés.
Nous avons vu un homme de cinquante ans écrire un nom propre. Ceux qui ne le connaissent pas comme nous pourraient croire à la reproduction de traits observés déjà.
Nous n'insistons pas. Tout autre est le cas de Mme B*** bien connue de nous et de tout le village. On sait que son mari ayant besoin de sa signature pour un acte notarié et voulant éviter des frais toujours considérables pour des ouvriers, s'efforça pendant plusieurs semaines de lui apprendre à écrire son nom et ne put y parvenir. Mme B*** est une ouvrière de 42 ans, aux mains raidies par le travail. Elle offre donc inconsciemment une grande résistance à la force intelligente qui veut assouplir ses doigts pour l'écriture, et il est fort curieux de la voir écrire. Elle lève la tête, regarde dans le vide ou les personnes qui l'entourent, mais jamais le papier sur lequel elle pose la main. Celle-ci trace d'abord un certain nombre de lignes de traits se tenant sans intervalle et au milieu desquels on distingue de temps à autre une lettre ou  deux; puis après cette espèce d'exercice d'assouplissement, vient une phrase plus ou moins longue, quelquefois deux. Quand elle sent sa main arrivée au bas de la page, elle tend celle-ci à son mari ou aux personnes assises auprès d'elles et dit: « Voyez donc s’il y a quelque chose d'écrit! » Il est certain qu'elle ne pourrait pas en juger par elle-même. »

 
Griffonnages de Madame B.

« Dans ces communications, qui offrent bien le type le plus parfait de l'écriture mécanique, trois signatures ont été données. Par qui? On peut affirmer que ce n'est pas par la personnalité consciente du médium. Est-ce par le subconscient? Il faudrait admettre que chez cette mère de famille parfaitement honorable et sincère, le subconscient serait assez ignorant de lui-même pour prendre successivement plusieurs personnalités, en se trompant sur la sienne ou assez fourbe pour chercher à tromper toutes les personnes de la famille ou de l'entourage. Il serait alors singulièrement inférieur à la personnalité consciente, ce qui est en contradiction flagrante avec les assertions de ceux qui admettent cette individualité hypothétique.
On peut faire la même remarque au sujet des milliers de communications reçues chaque jour au sein des familles, dans le monde entier, avec une si grande variété de signatures pour le même médium.
Si l'on ne peut invoquer ni la fourberie, ni la personnalité consciente, ni l'individualité subconsciente, il ne reste plus qu'une seule interprétation, celle de l'intervention d'intelligences indépendantes, étrangères à tous les assistants. On verra que la nature des communications est vulgaire et telle qu'on pouvait l'attendre des signataires, que l'on avait connus pendant leur vie terrestre, comme fort peu élevés dans l'ordre intellectuel. Voici les faits.
Pendant plusieurs séances, Mme B***, se conformant à nos conseils, avait tenu au-dessus d'une feuille de papier sa main armée d'un crayon. Elle le tenait avec une grande raideur et résistait inconsciemment à l'action exercée sur ses bras et dont elle nous rendait compte. Pendant un quart d'heure chaque fois, quelquefois plus, elle traçait d'une main lourde des traits sans aucune forme déterminée. Graduellement, le bras devint plus souple, des lettres purent être reconnues et il nous fut possible de lire Angélique Dernoncourt, nom de sa mère. Le soir, rentrée chez elle avec son mari, elle renouvela son essai et reçut cette fois, sous la même signature, la phrase peu aimable et tout à fait conforme au caractère que l'on connaissait bien à la signataire pendant sa vie: « Va-t-en ramoner les pavés.» (Vas balayer la rue.)
A la séance qui suivit, Mme B*** écrivit quelques mots avec la signature « Agnesse Barbieux ».
Nous avons déjà signalé cette orthographe;  nous n'y insistons pas davantage.
Le 11 novembre, elle était fort préoccupée de la disparition d'un chat auquel elle tenait beaucoup. Le soir, elle reçut la phrase suivante: « Votre chat a la migraine. » La signature de Clément Bourlet cadrait parfaitement avec la valeur de la plaisanterie.
Le 14 décembre, le même Clément, après une demi-page de griffonnages qui semblent une mise en train, écrit ceci: « si tu veux devenir médium, il te faut faire beaucoup de spiritisme. Clément. » Vient encore une ligne de griffonnages, puis les mots suivants, que nous n'avons pas compris et qui n'ont à nos yeux d'autre valeur que celle de leur production: « Angélique était la médium des trois qui étaient à la table. Il faudra y aller: il y aura deux incarnations. Valenciennes, 95, rue du Quesnoy. » Nous donnons, à la page suivante, le cliché reproduisant les phrases entremêlées de traits sans aucune signification, qui montrent la difficulté éprouvée par l'esprit pour se servir de cet organisme inculte.
Très souvent, lorsqu'elle est chez elle, seule avec son mari, elle ressent dans le bras de telles impatiences, qu'elle se trouve obligée de prendre un crayon et d'essayer d'écrire. Le 27 décembre, à plusieurs reprises dans la journée, de grands coups, assez sonores pour être entendus même hors des pièces où ils se produisaient, se firent entendre dans les meubles, dans les murs, la suivant même à la cave, jusqu'à ce qu'elle prit un crayon. A ce moment, tout bruit cessait. Le phénomène s'est renouvelé trois fois dans la journée. »

 
Griffonnages et écriture automatique de Mme B.

 

Écritures différentes de Maria suivant les individualités qui agissent sur elle.
Le texte inférieur est de Clément.

Individualité d'un Esprit constatée par des
communications identiques obtenues avec des médiums différents

Une des meilleures preuves que l'on puisse fournir de l'individualité de l'être qui se manifeste est la similitude de l'écriture et du style de cet Esprit, lorsqu'il se communique par l'intermédiaire de différents médiums qui ignorent son existence, et ne se connaissent pas entre eux. MM. Dusart et Broquet ont été à même de constater qu'un esprit nommé       Clément Bourlet, ancien garçon brasseur mort depuis longtemps, se servait indifféremment de la main de Maria, de celle d'une jeune fille Mlle M. B. ou enfin de celle de Zélia, âgée de     11 ans, et toujours dans le patois le plus grossier, avec les mêmes plaisanteries vulgaires, la même orthographe et une écriture tout à fait semblable.
Il est bien difficile de supposer que dans ces milieux rustiques l'esprit d'imitation soit, chez ces différents sujets, poussé assez loin pour aller jusqu'à simuler une écriture de fantaisie mais puisque nous donnons aux hypothèses contraires à nos théories toute l'extension possible, nous n'aurions pas cité ces témoignages s'ils n'avaient pas reçu une double confirmation:      1° - par un médium tout à fait illettré, et 2° -  par un autre qui ne contrait pas du tout Maria et n'a jamais été à D. Voici comment.
Nous avons vu que Mme B. n'est pas même capable de distinguer, au milieu des traits informes que sa main trace sur le papier, les quelques mots lisibles qui s'y trouvent. Elle est donc dans l'impossibilité complète de retenir, même subconsciemment, les détails par lesquels une écriture est caractérisée. Cependant, lorsque c'est l'esprit de Clément Bourlet qui se manifeste, elle reproduit son écriture, son orthographe et ses grosses facéties de paysan. C'est bien la même intelligence que celle qui agit sur Maria et ce cas nous met en présence d'une véritable personnalité posthume agissant identiquement sur des médiums dont l'un au moins, Mme B. est forcément mécanique.
La preuve se fortifie encore lorsque la même action spirituelle se manifeste dans un autre milieu, très lettré, avec les mêmes détails typiques. Laissons la parole aux auteurs du mémoire déjà cité.

« Une femme très distinguée, auteur connu , habitant une ville distante de 46 kilomètres à vol d'oiseau du village de D. et qui  n'avait jamais vu Maria, reproduisit un jour, en présence de son mari et de plusieurs personnes distinguées, réunies dans son salon, toutes les particularités de l'incarnation de Clément. C'était la voix, les gestes, et l'abominable patois de D.., auquel personne ne comprenait mot. On dut lui faire répéter ses phrases à maintes reprises pour en saisir le sens, et ce n'est qu'en l'entendant parler de M. Ch. Broquet et de Maria que l'on reconnut à qui l'on avait affaire... Clément écrit par la main du même médium et si l'écriture est moins difforme, ce qui est la part d'influence de celle qui sert d'instrument, l'orthographe est presque la même, ainsi que le caractère de la communication, et le patois tout à fait inconnu du médium est identique à celui obtenu par la main de Maria. »

On ne pourra objecter ici une action télépathique exercée par l'esprit de Maria, car elle ne connaît pas même de nom la dame précitée, et ne peut avoir avec elle aucun rapport magnétique ou télépathique.
Tous ces phénomènes si variés, si probants chacun dans leur genre, montrent combien les savants qui ont voulu traiter la question de la médiumnité par l'écriture, sont passé à côté de l'explication véritable. Ils ont dédaigné, ignoré ou volontairement gardé le silence sur la multitude des faits qui ne rentrent plus dans les cadres qu'ils ont tracés, et après cela ils ont la naïveté de s'imaginer que nous devons être  satisfaits par leurs hypothèses, si singulièrement insuffisantes.
Du haut de leurs préjugés, ils nous taxent d'enthousiastes, d'ignorants, sans voir combien ces épithètes leur conviennent mieux, lorsqu'ils se hasardent en dehors du terrain qui leur est familier. Sans nous lasser, accumulons les preuves et alors le grand public sera en mesure de se prononcer entre nous et ces pontifes scientifiques, qui refusent si obstinément d'ouvrir les yeux lorsque nous venons à eux les mains pleines de preuves.
 
CHAPITRE III

Ecritures en langues étrangères inconnues du médium

Sommaire: Discussion sur l'étendue de la mémoire latente. – Ecritureslangues grecque et latine par un ignorant. – Le cas d'écriture en langue latine du Dr Grand Boulogne. –   Un instituteur médium. – La déposition du professeur Damiani. – Le récit de M. J. Burnet.– Un esprit télégraphiste.– Conversation par gestes. – Le cas de M. l'abbé Grimaud. –Ecriture dans une langue inconnue en Europe. – Etrange révélation par l'écriture automatique.


Discussion sur l'étendue de la mémoire latente

Nous venons de voir, dans le chapitre précédent, que souvent l'intelligence qui dirige la main du médium fait preuve de connaissances intellectuelles n'appartenant pas à l'écrivain, et l'on reconnaît par la valeur des messages, par leur originalité, ou par les caractéres scientifiques ou littéraires qu'ils révèlent, que toutes ces notions sont étrangères au médium et aux assistants; dès lors, il est logique de les attribuer à ceux qui affirment en être les auteurs, c'est-à-dire à des Esprits.
Il est des circonstances où cette action étrangère se décèle avec une irrésistible autorité, c'est lorsque le médium écrit en employant des idiomes étrangers qu'il n'a jamais appris. C'est évidemment un cas décisif, mais il demande à être d'autant plus sérieusement étudié, qu'il est plus démonstratif. La première objection est, comme toujours, la simulation; mais on remarquera que dans certaines observations médicales, le médium était dans le délire et ne pouvait employer de subterfuges pour tromper ceux qui l'entouraient. Ensuite, nous avons dans bien des récits l'affirmation des témoins qui certifient que les sujets ne connaissaient pas la langue employée et qu'ils étaient incapables d'une supercherie, consciente ou non. Il nous faudra également tenir le plus grand compte de l'intervention de la mémoire latente, qui peut jouer un grand rôle. Si malgré ces réserves, il reste des observations qui résistent à toutes ces analyses, il faudra certainement conclure en faveur de l'intervention des Esprits.
Nous ne nous arrêterons pas sur les phénomènes constatés chez les Camisards  ou les convulsionnaires de St-Médard  pas plus que sur les drames des possédées de Loudun ou de Louviers qui nous offriraient des exemples de paysans ou de religieuses parlant, les premiers le français le plus correct, et les secondes le latin;  nous renvoyons aux ouvrages cités, et nous étudierons de suite les cas consignés par les médecins.

« César Lombroso  rapporte les expériences suivantes, qui lui semblent démontrer que la mémoire peut être développée d'une façon extraordinaire par le fait de l'hypnotisme. Ayant dit devant un sujet hypnotisé douze nombres, ce sujet répéta une demi-heure après les six premiers nombres en commettant une seule erreur. Il ne connaissait pas l'allemand:  après lui avoir ordonné de fixer une ligne d'un livre allemand et de la reproduire une demi-heure après sur l'ardoise, il écrivit, ou plutôt il traça l'image des lettres avec leurs formes spéciales, en faisant trois erreurs seulement sur soixante lettres. Le livre qui avait servi à cette expérience étant fermé, le sujet put, sur l'ordre qui lui en fut donné, retrouver la page et la ligne sur laquelle on avait fixé son attention auparavant. »
Il est probable, comme nous l'avons vu, que chez les automatistes proprement dits, le contenu de la mémoire latente s'extériorise plus facilement sous forme d'écriture que sous toute autre, et le sujet de M. Lombroso en offre un bon exemple. Si on lui avait donné la suggestion post-hypnotique d'écrire à l'état de veille ces mêmes caractères allemands, il aurait probablement pu le faire. L'apparence de la médiumnité eût été encore plus grande si ce souvenir lui était revenu plus tard, spontanément, dans d'autres circonstances, par exemple au milieu d'une séance spirite. Sans doute ce ne sont là que des hypothèses, mais elles s'appuient sur des expériences positives, et les spirites ont le devoir de tenir compte de ces possibilités, dans la discussion des résultats qu'ils ont constatés.
La puissance de remémoration des somnambules est connue depuis longtemps, en voici quelques exemples .

« Sauvage rapporte en avoir vu une qui répéta devant lui, mot par mot, une instruction en forme de catéchisme entendue la veille, ce que, sans doute, elle n'aurait pas été capable de faire dans son état ordinaire.
Nous avons vu le jeune polonais de M. Ochorowicz réciter textuellement des passages entiers d'un roman qu'il avait lu jadis.
Un jeune somnambule du Dr Pezzi, un jour, avait cherché à se rappeler, mais en vain, un passage d'un discours sur l’enthousiasme dans les beaux-arts; tombé en somnambulisme, il retrouva ce qu'il avait cru oublié.
Un des cataleptiques du Dr Petetin, après avoir entendu cinquante vers, récités une seule fois en sa présence, les répéta sans hésiter et sans faire de faute, et pourtant elle ne les connaissait pas auparavant. »

Dans tous ces exemples, c'est simplement la mémoire qui est en jeu. Elle est très développée, mais ces faits nous semblent moins étonnants depuis que les recherches modernes sur l'hypnotisme nous ont fait connaître le phénomène auquel on a donné le nom « d'ecmnésie ». On sait que MM. Pitres , Blanc Fontenillle , Bourru et Burot  etc. ont montré que si l'on replace, par suggestion, certains sujets à une époque quelconque de leur vie passée, ils se souviennent avec une extraordinaire précision de tous les événements qui leur sont survenus à cet âge, tandis qu'ils ont complètement oublié tous les souvenirs postérieurs. Ainsi si l'on affirme à Albertine qu'elle a 5 ans, elle ne sait plus le français, elle parle en employant surtout le patois;  elle raconte tous les incidents de sa vie d'enfance et ne connaît plus rien de ce qui s'est passé depuis l'époque où elle avait cinq ans jusqu'au moment actuel. C'est la résurrection d'un état antérieur qui se reproduit avec la fidélité d'un enregistrement phonographique. Tout ce qu'elle a vu, entendu, dit pendant sa vie est gravé en elle d'une manière latente, mais indélébile, et les exemples précédents nous montrent simplement des épisodes, des fragments de cette mémoire totale indéfectible.
Remarquons encore que si rien ne se perd dans la mémoire elle est incapable cependant de créer des connaissances nouvelles. C'est un merveilleux appareil de reproduction, mais, il ne faut pas lui demander d'ordonner, de mettre en oeuvre les éléments qu'elle conserve. Son rôle se borne à enregistrer et à reproduire les associations visuelles, auditives, tactiles, viscérales même, qui sont contemporaines. Si donc nous remarquons chez un individu autre chose que la reproduction pure et simple du passé; si nous constatons des connaissances plus étendues, une science supérieure à celle qu'il possédait, la pratique de règles qui ne lui ont pas été enseignées, il faut que nous cherchions autre part qu'en lui-même la cause de ces phénomènes. Nous avons constaté déjà qu'il faut faire une part au travail de l'esprit pendant le sommeil; nous avons vu que la clairvoyance intervient également dans certains cas; aussi bien que la transmission de la pensée, il nous faut maintenant aborder une autre source de renseignements qui peut être due au souvenir des vies antérieures. M. Myers, dans son étude sur la conscience subliminale , a signalé déjà cette possibilité, et nous avons nous-mêmes énuméré les arguments en faveur de la théorie des vies successives dans notre rapport au Congrès spirite de Londres . Il se peut donc que parfois un médium fasse preuve de connaissances qu'il aurait acquises dans une existence passée, de même que les sujets ecmnésiques se rappellent pendant la période de suggestion post-hypnotique une multitude de détails qu'ils ignorent absolument à l'état de veille. C'est peut-être en faisant état de cette hypothèse que l'on pourra comprendre les faits suivants.

« On a vu, dit Bertrand , des paysans comprenant à peine le français, s'exprimer pendant leur somnambulisme avec une grande pureté dans cette langue.
Moreau (de la Sarthe) a traité un enfant de douze ans qui n'avait jamais eu connaissance que des premiers éléments de la langue latine et qui, dans les accès d'une fièvre maligne, parla cette langue avec autant de pureté et d'élégance que les plus versés dans sa pratique.
Le D' Macario  cite le fait observé par le Dr Rosiau, d'un élève nommé Bélier qui, très faible dans sa classe (cinquième), dans ses accès, s'exprimait en langue latine avec facilité et un heureux choix d'expressions. »

Nous sommes loin, avec ces exemples, d'une phrase latine répétée automatiquement par une servante de curé! Il y a un discernement, un choix, un emploi méthodique et raisonné d'un vocabulaire et de règles compliquées appartenant à une langue étrangère; en supposant à la mémoire et à l'intelligence de ces jeunes gens la plus grande étendue, on ne peut concevoir qu'ils se servent de mots et de règles qu’ils n’ont encore jamais appris. L'étude attentive des phénomènes spirites nous mettra souvent en présence de cas semblables, et quelle que soit l'hypothèse que l'on adopte, souvenirs de vies antérieures ou manifestations d'esprits, la thèse matérialiste n'aura rien à y gagner.
Abordons immédiatement l'étude des documents que nous possédons sur cette question. Eliminons de suite les communications écrites, très nombreuses, qui se résument en citations d'auteurs étrangers, ou en quelques mots détachés, parce que l'on peut toujours supposer que ces fragments ont été appris, lus ou copiés jadis, et que le souvenir n'en est pas resté. Attachons-nous spécialement aux messages qui ont un objet déterminé.

Écriture en langues grecque et latine

Un des premiers propagateurs du Spiritisme en France fut Pierrart, directeur de la Revue Spiritualiste. C'était un homme instruit, à l'esprit positif, qui rendit de grands services à la libre pensée, en prenant courageusement la défense de ces faits nouveaux qui rencontraient dans le public la plus violente opposition. Son nom mérite de n'être pas oublié, puisqu'il fut un initiateur dans la voie que nous suivons. Nous trouvons dans la Revue de 1859 , l'attestation suivante qui nous paraît fournir des caractères très sérieux d'authenticité.

« Après avoir rappelé un certain nombre de lettres antérieures lui venant de Rodez et contenant des récits de faits, Pierrart dit.
Une autre lettre nous parle de dictées médianimiques remarquables faites à plusieurs professeurs du lycée de Rodez. L'un d'eux, M. Küster, professeur de langue allemande, homme d'une grande érudition, voulant se convaincre de la vérité des manifestations spiritualistes, réunit chez lui le médium L..., M. Volson, professeur de seconde, et M. Wierjesky, maître répétiteur. Il s'est trouvé écrit, par la main du médium, homme tout à fait étranger aux langues mortes, des conseils à l'adresse des assistants, conseils qu'on a reconnus pour être exprimés dans la pure langue de Platon.
M. Küster ayant demandé quelque chose sur des affaires qui lui étaient personnelles, il fut doublement convaincu et stupéfait de voir un projet qu'il n'avait jamais communiqué à personne, écrit en belle langue latine que les assistants déclarèrent être du latin de Virgile. Ce qu'il y eut de remarquable en même temps dans ces communications, ajoute notre correspondant, c'est que parfois les caractères étaient écrits à rebours, comme ceux qu'on grave sur une pierre lithographique, de telle sorte qu'on ne put les lire qu’en plaçant le papier devant un miroir. »

Ici rien ne manque pour que nous soyons en présence d’un fait vraiment démonstratif.
1° -  Il est authentique, puisque Pierrart cite les noms des témoins qui sont des gens honorables avec lesquels il correspond.
2° -     Ils ont toute la compétence nécessaire pour bien juger la langue employée.
3° - La communication n'est pas une reproduction d'un passage imprimé d'un auteur quelconque: ce sont des conseils aux assistants, qui évidemment ont été improvisés par l'intelligence qui dirigeait la main du médium.
4° -  La langue grecque et la latine étaient totalement inconnues de l'écrivain et cependant elles étaient correctement écrites.
5° -  Toute communication de pensée est impossible, puisque les professeurs ne s'attendaient guère à ce qu'on leur parlât en grec, et comme pour déjouer toute interprétation télépathique, l'autre message qui succéda immédiatement au premier, est exprimé en latin.
6° - Enfin l'écriture en miroir, surtout en langue étrangère, exclut absolument toute transmission inconsciente ou subconsciente.
7° -    Il y a enfin, en outre, révélation d'un fait inconnu du médium.
Ne posséderions-nous que ce cas, qu'il faudrait déjà croire à l'intervention des Esprits, mais nous avons déjà vu et nous constaterons de suite qu'il est loin d'être isolé.

Autre communication en langue latine

Dans la même Revue Spiritualiste , nous trouvons l'attestation de M. le docteur Grand-Boulogne, fervent catholique, ancien vice-consul de France, qui soutient qu'on peut concilier parfaitement la foi la plus entière aux dogmes de l'église catholique, tout en pratiquant l'évocation des Esprits. Pour appuyer sa thèse, il cite des communications obtenues dans un milieu essentiellement pieux et même dévot.

« N'en déplaise aux démoniaques, dit-il, on me persuadera difficilement qu'une prière soit un acte d'impiété et surtout un appel à Satan. Le résultat pratique, c'est que des matérialistes, d'obstinés incrédules, ont été convaincus et se sont convertis;  c'est que des écclésiastiques, aussi recommandables par leur vertu que par leur savoir, après avoir attesté d'abord les plus vives préventions, ont témoigné bientôt leur étonnement, leur respect et leur complète édification.
L'un deux a été l'objet d'une communication bien remarquable en langue latine. Je la copie textuellement.
« Sacerdos a deo dilecte, cur manifesta negas? Cur concedens omnia potenti deo, non fateris veritatem, oculorum aciem perstringentem? Sacrae litterae, memento, crebrae sunt manifestationibus angelicis; caecultatus vide et crede ».
Traduction littérale :
Prêtre par Dieu chéri,  pourquoi ce qui est manifeste nies-tu? Pourquoi, t'inclinant devant le tout puissant Dieu, ne confesses-tu la, vérité, de tes yeux la prunelle frappant? Les saintes écritures, souviens-t'en, pleines sont des manifestations des Esprits; toi qui fermes les yeux, vois et crois.
                                      Benoit***
Une jeune dame tenait le crayon, écrivant avec une rapidité inouie, et pendant ce temps-là, des coups ne cessaient de retentir  dans la table et au plafond.
Une circonstance vraiment intéressante, c'est que le médium, au dessous de chaque mot latin, nous donnait à la fois le texte et la traduction interlinéaire, qu'ici j'ai placés à la suite pour épargner une difficulté typographique.
Il est bon d'ajouter que ce médium est incapable de lire correctement une phrase latine. »

Nous répéterons encore qu'aucune lecture de pensée ne peut produire ce phénomène, car en supposant que la conscience somnambulique pêche, pour ainsi dire, dans la mémoire latente des assistants, le mot latin correspondant au mot français, elle ne pourra pas construire grammaticalement la phrase, puisqu'elle n'a pas l'ombre d'un rudiment des règles compliquées qui gouvernent cet idiome. On ne peut davantage faire intervenir la subconscience des assistants car, étant incrédules, ils étaient incapables de formuler en latin des arguments combattant directement leur manière de voir. Ni la clairvoyance, ni la télépathie, ni la mémoire latente ne sauraient à aucun titre être invoquées, il ne reste donc, en dehors de l'intervention spirituelle, que la supercherie, ou du médium, ou du Docteur Grand-Boulogne, hypothèse absurde pour ce dernier et tout à fait improbable pour la dame en question, car en même temps qu'elle écrivait, des coups retentissaient dans la table et au plafond. Qui donc aurait aidé à la comédie par ces manifestations physiques concomitantes, dans ce milieu cultivé et d'une haute moralité ?

Un instituteur médium

Le Docteur Gibier  rapporte, d'après la Revue Spirite , les expériences faites par             M. Didelot, instituteur, et par son aide, qui était le médium. Après avoir raconté l'étonnement éprouvé par le jeune homme lorsqu'il sentit sa main entraînée malgré lui et constaté qu'elle reproduisait des pensées qui n'étaient pas les siennes, il rend compte d'une séance tenue en compagnie de prêtres qui voulaient étudier les faits. Nous lui laissons la parole.

« Un chanoine de la cathédrale de Nancy, M. l'abbé Garo, ayant aussi entendu parler des révélations surprenantes obtenues par mon jeune homme, le fit mander un jour chez lui, je l'y accompagnai. Là se trouvaient réunis cinq ou six prêtres âgés et respectables. On remit au jeune homme du papier et un crayon en l'invitant à répondre à certaines questions, renfermées sous un pli cacheté déposé sur la table.
Je n'ai jamais connu la nature des questions posées; mais je sais que la première réponse stupéfia les prêtres qui se regardèrent tout étonnés de la phrase qui venait d'être écrite. Une réponse fut même faite en latin; or, le jeune homme n'avait pas la moindre notion de cette langue. L'abbé Garo ne voulut y croire que sur l'affirmation formelle du médium qu'il ignorait absolument le latin. »

On ne peut guère songer ici à une suggestion mentale, car l'étonnement même des assistants démontre qu'ils ne pensaient pas à formuler une réponse en latin. Quant à le faire inconsciemment, nous avons reconnu déjà combien cette hypothèse est invraisemblable. Il est impossible de suggérer quelque chose que l'on ignore, telle une reponse « ex-abrupto » en latin.
Reconnaissons donc l'action d'une intelligence étrangère aux assistants, qui manifeste à sa manière son indépendance et sa personnalité.

La déposition du professeur Damiani

En 1869, la Société Dialectique de Londres ouvrit une enquête sur les phénomènes spirites et consigna ses observations dans un rapport intéressant, traduit dernièrement en français par    M. le Docteur Dusart . Un grand nombre de témoins vinrent raconter les expériences auxquelles ils avaient assisté, comme acteurs ou spectateurs, et la lecture de ces dépositions est du plus haut intérêt pour établir la continuité de ces manifestations qui ont lieu encore de nos jours dans tous les pays.
Nous détachons du récit de M. le professeur Damiani les faits suivants, qui se rapportent directement à notre étude.

« Tout récemment, tandis que j'étais en Sicile, un poème de 200 vers très bien composé, en dialecte sicilien, ainsi que de nombreuses communications en allemand, en français, en latin et en anglais, furent transmis, en ma présence, par un médium tout à fait illettré, appartenant à la classe ouvrière. »

Nous constatons dans ce récit une triple manifestation:
1° l'écriture par quelqu'un qui n'a jamais appris cet art;
2°  l'emploi de langues étrangères variées;
3° la production d'un poème qui ne saurait émaner de la subconscience du sujet, puisqu'il ne connaît pas les règles de la versification. La suite de la déposition du professeur Damiani nous fait connaître encore d'autres communications tout à fait au-dessus de la capacité intellectuelle de l'écrivain. Voici son récit.

« Je me suis trouvé à Clifton avec un jeune médium de dix à onze ans, qui écrivait de longues dissertations sur des sujets de philosophie spiritualiste. Les sujets et la façon dont ils étaient traités étaient tels qu'ils eussent pu être signés par un écrivain expérimenté et d'esprit mûr, bien au courant de ces questions. Pendant une séance, je mis le célèbre Gavazzi en présence de ce jeune médium. Le subtil polémiste posa au médium ou à l'esprit qui se manifestait par lui, diverses questions sur des sujets abstraits de métaphysique et de théologie et il en reçut des réponses si profondes et si savantes, qu'il resta convaincu qu'il ne se trouvait nullement devant un cas d'enfant prodige. Ce jeune médium, dont les écrits renfermaient bien douze volumes, traçait des caractères différents, selon l'esprit qui s'emparait de lui, le dirigeait et écrivait parfois en diverses langues mortes.
Je connais un autre médium âgé de quinze ans, habitant également Clifton, qui, sous l'influence des esprits, donne des réponses écrites en vers, si distinguées pour la forme autant que pour le fond, qu'il n'est pas possible à ceux qui le connaissent de conserver dans l'esprit le plus petit soupçon qu'il ait pu les faire de lui-même et sans être assisté. »

Dans ces exemples, pas plus que dans les autres, les hypothèses des incrédules: cryptomnésie, télépathie ou lecture de pensée, ne sauraient être invoquées comme explication. Seule la théorie spirite offre une solution rationnelle sur ces faits, si extraordinaires en apparence.

Le récit de M. Jean Burns

Les phénomènes spirites présentent une richesse et une variété que les courtes et sèches analyses des critiques qui en ont parlé ne laisseraient guère supposer. Nous avons vu déjà que des savants tels que Crookes et Hodgson affirment que des médiums peuvent écrire simultanément des communications différentes par la main droite et la main gauche.
M. Burns, dans sa déposition devant le comité de la Société Dialectique, expose qu'il a constaté l'existence du même pouvoir chez sa belle-sœur, Miss Mary, en même temps que l'écriture en langue étrangère .

« Miss Mary se trouva spontanément être un médium écrivain très remarquable. Dès qu'elle prenait un crayon à la main, elle écrivait automatiquement des réponses aux questions posées mentalement. Je l'ai vue écrire sur des sujets différents, en tenant un crayon de chaque main, sans donner aucune attention à ce qu'elle faisait. A plusieurs reprises, dans des cas de maladies désespérées, nous avons reçu des prescriptions médicales par ce procédé et leur application a donné des résultats immédiats...
Dans certains cas, les esprits font écrire automatiquement la main de miss Mary dans des styles et des langues différentes. Dans une occasion, un monsieur traduisit un de ces messages: celui-ci était en espagnol, et l'esprit se donnait pour un Espagnol... »

Nous trouvons réunis dans cette observation les caractères les plus sérieux pour nous convaincre de l'intervention des esprits:
1° écritures séparées de chaque main;
2° changement de style et d'écriture suivant les diverses personnalités qui manifestent;          3° langues étrangères inconnues du médium.
M. Burns étant personnellement connu des savants du Comité de la Société Dialectique, sa sincérité et sa bonne foi ne sauraient être suspectées.

Un esprit télégraphiste

Lorsqu'un médium n'emploie pas une langue étrangère, mais se sert d'un procédé télégraphique qui lui est inconnu, on peut admettre encore, dans ce cas, que ce n'est pas sa subconscience qui lui fournit cette connaissance. Un exemple curieux en est donné dans la biographie d'un médium remarquable, Mme Conant. Nous le reproduisons d'après la traduction d'Aksakof .

« Lors de son séjour à Cummings Flouse, à Boston, Mrs Conant reçut la visite d'un inconnu qui déclara qu'il étudiait les phénomènes spiritiques et qu'il désirait beaucoup avoir de la part de son ami, une certaine preuve d'identité qu'il n'avait pas encore réussi à obtenir;  il venait de voir un médium demeurant dans un quartier éloigné de la ville qui l'avait adressé à Mrs Conant, disant qu'à une séance avec elle, son désir serait accompli... On prit place... Soudain la main de Mrs Conant commença à exécuter des mouvements brusques s'élevant et s'abaissant d'une façon bizarre et irrégulière, de sorte que le crayon frappait des coups secs se suivant rapidement. Mrs Conant ne comprenait rien à ce qui se passait, et désespérant d'obtenir un résultat quelconque, troublée par cet échec elle dit à son hôte: « inutile de continuer. Il est clair qu'aucun esprit pouvant communiquer avec vous ne se trouve ici pour le moment. Il y a bien quelqu'un, mais il ne trouve pas le moyen de se manifester. » Quel ne fut pas son étonnement lorsque le visiteur lui déclara qu'il était très satisfait, au contraire, que la séance avait parfaitement réussi et qu’il avait enfin obtenu de son ami la preuve désirée, qu'il l'avait même écrite sans qu’elle s’en fût aperçue. Explications faites, le médium apprit que le visiteur inconnu était télégraphiste de profession, de même que l'ami dont il attendait le message: comme preuve de son identité, il devait communiquer avec lui par voie de signes télégraphiques, et c'est ce que Mrs Conant venait de faire, d'une façon toute mécanique, puisqu'elle n'avait aucune idée de l'alphabet télégraphique, tout en s'étonnant que la séance ne donnât aucun résultat. Le visiteur a pu se convaincre de cette façon que l'intermédiaire du message, c'est-à-dire le médium, en ignorait absolument la teneur. »

Nous croyons, ici encore, tout commentaire superflu.

Le cas de M. l'abbé Grimaud

Voici un autre exemple plus récent, dont nous avons entendu le récit de la bouche même de M. l'abbé Grimaud, dans un de nos passages à Avignon.

« Je pourrais aussi dégager de mes observations personnelles, dit M. Léon Denis , de nombreux cas d'identité d'esprits. Je me bornerai à signaler le suivant, obtenu à la suite d'une conférence contradictoire que je fis à l'hôtel de ville d'Avignon, et au cours de laquelle M. l'abbé Grimaud me demanda des preuves de la réalité du spiritisme. Ces détails sont extraits d'un procès-verbal, que j'ai sous les yeux. Il est signé de douze témoins, et je le tiens à la disposition des intéressés.
« Le 13 janvier 1899, douze personnes s'étaient réunies chez M. David, place des Corps-saints, 9, à Avignon, pour leur séance hebdomadaire de spiritisme.
« Après un moment de recueillement, on vit le médium, Mme Gallas, (à l'état de transe), se tourner du côté de M. l'abbé Grimaud et lui parler dans le langage des signes employés par certains sourds-muets. La volubilité mimique était telle que l'esprit fut prié de se communiquer plus lentement, ce qu'il accorda aussitôt. Par une précaution dont on appréciera l'importance, M. l'abbé Grimaud ne fit qu'énoncer les lettres à mesure de leur transmission par le médium. Comme chaque lettre isolée ne signifie rien, il était impossible, alors même qu'on l'eût voulu, d'interpréter la pensée de l'esprit, et c'est seulement à la fin de la communication qu'elle a été connue, la lecture en ayant été faite par l'un des deux membres du groupe chargés de transcrire les caractères.
« De plus, le médium a employé une double méthode, celle qui énonce toutes les lettres d'un mot, pour en indiquer l'orthographe, seule forme sensible pour les yeux, et celle qui n'énonce que l'articulation, sans tenir aucun compte de la forme graphique, méthode dont M. Fourcade est l'inventeur et qui est en usage seulement dans l'institution des sourds-muets à Avignon. Ces détails sont fournis par l'abbé Grimaud, directeur et fondateur de l'établissement.
« La communication relative à l'oeuvre de haute philanthropie à laquelle s'est voué M. l'abbé Grimaud, était signée: frère Fourcade, décédé à Caen. »
Aucun des assistants, à l'exception du vénérable ecclésiastique, n'a connu ni pu connaître l'auteur de cette communication, bien qu'il eût passé quelque temps à Avignon, i1 y a 30 ans; ni sa méthode.
Ont signé: les membres du groupe ayant assisté à cette séance: Toursier, directeur de la banque de France en retraite, Roussel, Domenach, David, Brémond, Canuel, Mmes Toursier, Roussel, David, Brémond.
Au procès-verbal est jointe l'attestation suivante.
« Je soussigné, Grimaud, prêtre, directeur-fondateur de l'institution des infirmes de la parole, sourds-muets, bègues et enfants anormaux, à Avignon, certifie l'exactitude absolue de tout ce qui est rapporté ci-dessus. Je dois à la vérité de dire que j'étais loin de m'attendre à une pareille manifestation, dont je comprends toute l'importance, au point de vue du spiritisme dont je suis un adepte fervent; je ne fais aucune difficulté de le déclarer publiquement. »
Avignon, le 17 avril 1899.
                                                                                                                 Signé, Grimaud, prêtre.

Conversation par Gestes

Mme Hardinge Britten, écrivain bien connu, dont la vie entière a été consacrée à la propagation du Spiritisme, publia, en 1872, un journal mensuel intitulé: « L'Etoile de l'Ouest » dans lequel on trouve, à la page 261, le récit suivant, qui a la plus grande analogie avec le fait précédent.

« Le samedi 21 août 1872, je faisais une conférence à Syracuse (N. Y.), et entre la séance du matin et celle du soir, j'assistais à une réunion chez M. Bears. Parmi les assistants, qui étaient une vingtaine environ, se trouvaient deux dames et deux messieurs venus d'une ville voisine pour assister à mes conférences. Au cours de la réunion, un médium, Mme Corwin, tomba en transe et désigna de la main un des assistants; il se leva et traversant la salle, vint prendre un siège à côté du médium. Alors l'esprit parut faire des tentatives réitérées pour parler, impuissant, semblait-il, à soumettre à sa volonté les organes du médium, ce qui produisit un effet pénible sur la plupart des assistants.
On remarqua cependant que la main gauche du médium se levait par moments, et que les doigts faisaient divers mouvements. Quelques instants après, le monsieur en question déclara que l'esprit lui avait donné une preuve de son identité, et ce, « d'une façon indubitable. » Supposant que c'était un signe quelconque convenu, on s'attendait toujours à entendre prononcer des paroles par l'esprit, proposant tel ou tel moyen pour faciliter la manifestation. Subitement, le médium tomba sous l'influence d'un autre esprit qui déclara, d'une façon parfaitement calme, que si l'on restait tranquille, la femme du monsieur qui se tenait auprès du médium essayerait encore de se manifester, qu'elle avait été sourde-muette sur la terre et qu'elle communiquerait par le moyen de l'alphabet des sourds-muets. On fit le silence, et bientôt l'individualité annoncée revint et parla vingt minutes avec son mari; les doigts du médium formaient les réponses et les phrases au moyen des signes employés par les sourds-muets.
La scène était émouvante: le mari se tenait en face du médium en transe, et posait à sa femme diverses questions, par signes, et sa femme répondait à ses pensées de la même manière, par l'intermédiaire d'un organisme étranger, d'une personne qui n'avait jamais pratiqué ce mode de conversation. L'esprit faisait également des réponses à des questions mentales, en les écrivant par la main du médium. Ces réponses étaient toujours satisfaisantes.
Disons encore que le médium et le monsieur dont il est question ne se connaissaient nullement, et que le médium n'avait jamais, jusqu'alors, vu employer les signes de l'alphabet des sourds-muets. »

La véracité de Mme Hardinge Britten n'ayant jamais été discutée nous acceptons son témoignage et nous considérons que l'emploi de signes conventionnels inconnus du médium, constitue une preuve de l'intervention d'un esprit connaissant ce langage. Il n'est pas possible que le questionneur ait pu suggérer mentalement, et surtout inconsciemment, les actes compliqués nécessaires à l'expression des pensées qui étaient transmises.

Ecriture dans une langue inconnue en Europe

Il est tout à fait impossible d'expliquer logiquement les cas précédents, même en donnant à la mémoire latente, à la clairvoyance et à la télépathie, toute l'extension possible. Il en est encore de même pour le fait suivant, que nous citons sous la garantie de l'illustre Alfred Russel Wallace, membre de la Société Royale Anglaise. C'est dans une conférence intitulée: « Y a-t-il une autre vie? » faite en 1887, au temple métropolitain de San Francisco, que nous la trouvons exposée brièvement en ces termes .

« Voyons maintenant les phénomènes physiques combinés avec les phénomènes mentaux tels que l'écriture et le dessin. Ce sont maintenant choses si fréquentes que presque tout le monde peut avoir eu l'occasion de les constater par soi-même. Elles se présentent d'une infinité de manières. Des papiers jetés sur le parquet et repris quelques minutes après, se trouvent couverts d'écritures; de même pour des papiers enfermés à clef dans des tiroirs ou bien l'esprit écrit au plafond à des endroits inaccessibles. De l'écriture se forme entre des ardoises liées et souvent en présence et sous la main de la personne qui l'a demandé; quelquefois la phrase est écrite dans une langue que le médium ne comprend pas; quelquefois dans une langue qu'aucune personne ne comprend et que l'on a une difficulté considérable à interpréter; mais généralement, je le crois, ces communications sont interprétées et reconnues comme étant dans une langue définie. Un de mes amis en Angleterre, obtint avec sa famille, et sans médium public, une écriture dans une langue qu'ils ne comprenaient pas, qu'ils eurent la plus grande difficulté à interpréter, et qui ne fut reconnue que par un missionnaire des îles de la mer du Sud à qui elle était familière;  c'était écrit correctement, et personne, dans la maison, ne connaissait un seul mot de cet idiome. »

Nous pourrions augmenter beaucoup le nombre de ces témoignages, mais nous sommes obligés de nous borner, ayant encore d'autres phénomènes aussi intéressants à examiner. Nous nous contenterons, pour finir, de citer des observations plus récentes qui montreront que les faits dont nous parlons se produisent toujours, dans tous les pays, et qu'il suffit de chercher sincèrement pour en découvrir.

Etrange révélation par l'écriture automatique

Les Annales psychiques  reproduisent le récit suivant, dû à M. Gordigiani. Il devint médium écrivain à l'âge de 15 ans, après avoir fait des expériences typtologiques. Nous lui laissons la parole.

« J'ai eu ce genre de médiumnité (mouvements de table) pendant plusieurs semaines; après se développa en moi l'écriture automatique et nous renonçâmes à la table et à toutes les expériences physiques qui peuvent avoir beaucoup d’intérêt pour les savants, mais pas pour ceux qui cherchent dans ces phénomènes la preuve de la survivance de l'âme. Ma mère voulait la preuve de la survivance de sa fille et nous croyons l'avoir eue. J'ai écrit automatiquement des choses que ma soeur malade avait dites à ma mère, à la campagne où le malheur arriva, tandis que j'étais à Florence, au collège militaire, d'où je ne suis sorti qu'après la mort de ma soeur. »

Nous savons déjà que si le médium n'avait obtenu que ce genre de preuve, elle serait insuffisante, car la transmission de la pensée de la mère au fils, est fort possible, puisque nous en avons un bon exemple dans les expériences du révérend Newnham; mais voici ou les choses se compliquent.

« D'autres preuves vinrent à l'appui de celle-là: et ce phénomène avait un caractère spécial, en ce que plus de 150 individualités dont je n’avais aucune connaissance ni conscience se sont pour ainsi dire manifestées dans mes écrits, et chaque fois qu'elles se représentaient de nouveau, c'était toujours le même style, la même langue, la même époque, et le même caractère moral. Automatiquement, et sans savoir ni comprendre ce que j'écrivais, j'ai rapidement tracé au crayon,  dans la langue italienne du XIIIème siècle, des visions mystiques qui ont été admirées par quelques-uns de nos meilleurs écrivains. Des dialogues philosophiques de haute morale ont été le résultat des nombreuses demandes formulées par les assistants; plusieurs de ces réponses étaient en langue moderne, un grand nombre d'autres étaient en ancien dialecte, presque latin que l'on appelait « volgare » au XIIIème siècle.
Dans ces dialogues se sont peu à peu développées les théories boudhistes et le quiétisme de Mme Guyon.
Ma mère, ni moi, ni aucune des personnes présentes, ne savions un mot de ces choses ou de ces doctrines. »

Il nous parait difficile d'assimiler ces individualités si multipliées et si différentes à des personnalités secondes, non seulement parce qu'elles sont trop nombreuses, mais aussi parce que certaines d'entre elles se servent d'une langue ancienne, inconnue de l'écrivain, et qu'elles témoignent de connaissances que ne possédait aucun des expérimentateurs. Une circonstance de ce récit nous engage également à repousser l'hypothèse toujours possible et parfois très vraisemblable de la clairvoyance, c'est que les réponses étaient données immédiatement, séance tenante, en réponse à des questions des assistants. C'est un point très important, car si on avait fait la veille des demandes, auxquelles il n'aurait été répondu que le lendemain, on pourrait supposer que pendant la nuit l'âme du jeune homme avait pu acquérir, par clairvoyance, les notions nouvelles qui se révélaient ensuite par l'écriture. Ces remarques donnent une valeur considérable aux détails fournis par M. Gordigiani, qui continue ainsi sa narration.

« J'ai eu des écrits à la ville de Rodi en Ombrie et à ses environs; des petits villages presque inconnus y étaient mentionnés.
Des noms, aujourd'hui éteints, d'anciennes familles italiennes, ont été citées à propos d'anectodes inconnues, mais qui avaient toujours un grand caractère de vérité. Souvent nous avons vérifié, dans les archives de Florence et de Sienne, l'exactitude de ces noms. Ces anecdotes, ces noms de personnes, de villes, de villages, ne venaient jamais sans raison d'être, mais toujours en conséquence d'une conversation précédente, et à laquelle je n'avais jamais pris part. J'étais toujours comme un instrument passif, inconscient, un peu comme un téléphone: mais je n'entrais jamais en transe.
Il nous est arrivé quelquefois de pénibles aventures avec mon écriture inconsciente. Je vais en transcrire une qui nous fut particulièment désagréable.
Mon père faisait, en 1883, le portrait de Mme B. M... (je ne puis citer son nom en entier, l'histoire en question pouvant lui être pénible), une dame américaine bien connue par sa position, par sa haute intelligence et sa philanthropie. Pendant qu'elle posait pour son portrait, la conversation tomba sur le spiritisme, et elle apprit j'étais ce que l'on appelle: médium écrivain. Elle pria mon père la faire assister à une séance: celui-ci se trouva fort embarrassé car il savait que ma mère faisait de grandes difficultés pour admettre une personne nouvelle à nos réunions, qui n'étaient plus des expériences, mais un moment de recueillement et de consolation intime pour elle. Ma mère, en effet, pria mon père de la dispenser de la visite de cette dame, mais l'insistance de cette dernière fut si vive et si pressante qu'il fallut absolument la contenter.
Ma mère pria une dame de ses amies, qui parle très bien l’anglais, de vouloir bien servir d'interprète et nous nous réunîmes un soir, dans notre maison, pour essayer d'évoquer le mari de Mme B. M. mort depuis plusieurs années.
Tout en posant, Mme B. M..., avait raconté à mon père le deuil sévère qu'elle avait porté à la mort de son mari, combien elle avait mis tous ses soins à exécuter ses dernières volontés, respectant moindres désirs, tant pour l'éducation des enfants que pour l'arrangement des affaires de succession, et elle exprimait sa satisfaction d'avoir ainsi accompli ses devoirs envers la mémoire de son mari.
Voilà tout ce que nous savions de cette famille, que nous ne connaissions nullement avant que Mme B. M., se fût présentée l'atelier de mon père.
Dans la soirée qui devait précéder notre réunion avec cette dame ma mère me pria de « penser » (c'est ainsi que nous disons, au lieu de dire évoquer, comme tant d'autres disent, et c'est du reste exact, il me suffit de « penser », pour presque toujours obtenir la personnalité demandée) à un de ses oncles qui, croyait-elle, pourrait l'aider dans cette difficulté d'obtenir quelque chose qui pût satisfaire cette nouvelle  venue à nos séances; cela fut comme une séance préparatoire, afin d'éviter un échec complet, mais nous ne pûmes obtenir que de vagues promesses.
Le lendemain soir, Mme B. M... entra dans le salon de ma mère à 9 heures précises.
Mme P..., l'interprète, était présente, ainsi que mon père et un avocat de ses amis, Me C... J'étais assis devant une table, un crayon à la main et du papier blanc devant moi. Très peu d'instants après, mon crayon traça ces mots en français.
« Il y a une inimitié que je ne puis comprendre, entre Madame et feu son mari.»
Ma mère, convaincue comme elle l'était, ainsi que nous tous, de la parfaite entente de cette famille, se troubla à ces paroles, et feignit de ne pas comprendre pour ne pas répéter cette phrase, et demanda de nouveau s'il serait possible d'entrer en rapport avec le mari de Mme B. M... Et le crayon inexorable répéta, sa phrase.
« Il y a inimitié, que je ne puis comprendre, entre Madame et feu son mari. »
Mme P...  nous dit que Mme B. M... voulait à tout prix savoir ce qui avait été écrit, et la phrase lui fut traduite en anglais. Jamais aucun de nous n'oubliera la profonde émotion que nous éprouvâmes en voyant Mme B. M... se lever debout et très pâle s'écrier: « Comment! Encore! »
Ce fut un vrai coup de théâtre.
Elle expliqua ensuite très vite en anglais à Mme P... qu'il y avait eu de très graves désaccords entre elle et son mari, mais qu'elle croyait que la mort avait dû effacer en lui tout ressentiment puisqu'elle aussi avait pardonné et avait exécuté avec tant de fidélité toutes ses dernières volontés.
Ma mère voulut insister pour savoir si dans la suite il ne serait pas possible d'avoir une autre communication plus favorable.
Mon crayon traça cette étrange phrase. « Impossible, il est en Nigritie.»
Pour le coup, nous étions sûrs d'être mystifiés et ma mère voulait à tout prix interrompre, très confuse de devoir dire à cette dame une semblable bêtise. Mais Mme C... insista, voulant avoir la clef de cette énigme et demanda. « Pour quelle raison dites-vous qu'il est en Nigritie? »
Et le crayon écrivit. « Il a pour mission d'influencer pour l'abolition de l'esclavage. – Pourquoi a-t-il eu une semblable mission? – Parce que c'est un nègre. »
Ma mère très découragée, et qui ne s'intéressait plus à la séance, voyant cette inacceptable explication, si offensante pour cette dame, enleva vivement la feuille de papier, croyant n'être point vue, la roula entre ses mains et la jeta par terre.
Mais Mme B. M... avait vu et s'écria: « Madame, vous n'avez pas le droit de faire cela; tout ce qui s'écrit en ce moment est pour moi » et elle réclama la boule de papier qui lui fut donnée. EIe la déroula et Mme P... lui dit ce qui était écrit.
Immédiatement elle se leva, parut très émue, nous souhaita le bonsoir et s'en alla.
Nous étions frappés de stupéfaction et très en peine de l'impression que cette dame avait éprouvée. Ma mère ne cessait de répéter: – « C'est la première fois que nous sommes ainsi mystifiés, car la dernière phrase est une plaisanterie déplacée, mais la première pourtant était vraie et a beaucoup ému Mme B. M... »
Le lendemain matin, mon père avait cette dame en séance. Il revint à la maison pour déjeuner, en riant comme un fou disant à ma mère, en criant à tue-tête. « C'était un nègre! C'était un nègre! »
Nous ne comprenions pas. Alors il nous dit que Mme B. M... lui avait longuement raconté son histoire et dit qu'après son mariage, sa famille avait découvert que son mari était d'origine indienne, c'est-à-dire homme de couleur. Cela ne se voyait presque pas, mais c'était une mésalliance très vexante pour des Américains. De là l'origine de cette inimitié qui dura toute la vie mais que Mme M... croyait éteinte avec la mort, parce que, disait-elle, elle avait accompli toutes les volontés de son mari.
Les écrits, obtenus par l'écriture automatique, ont un intérêt autrement intéressant que tout ce que je viens de vous dire, mais sont malheureusement en italien et la plupart même en ancien italien du XIIème siècle et je ne puis les traduire.
                               GORDIGIANI

À ceux qui seraient tentés de voir dans cette communication une transmission de pensée de la dame américaine au médium, nous rappelons que les somnambules proprement dits ne comprennent généralement pas les questions qui leur sont faites en langues étrangères. Or, d'après le récit, l'intervention d'un interprète était nécessaire, ce qui nous assure que nous sommes bien en face d'un phénomène spirite véritable. D'ailleurs l'étonnement de              Mme B. M... dénote clairement qu'elle n'a pu suggérer la réponse puisqu'elle en est atterrée.
Passons maintenant à l'analyse d'autres documents encore plus démonstratifs, si c'est possible, que les précédents. On y verra des autographes authentiques données par des médiums qui n'ont jamais connu les personnes dont elles retracent l'écriture avec une surprenante fidélité.
 
CHAPITRE IV

Autographes de personnes mortes obtenus par des médiums

Sommaire: L'écriture est un critérium de la personnalité. – L'écriture directe. – La fille du Docteur Nichols. – Un mort qui n'oublie pas. – Les expériences du baron de Guldenstubbé. – L'écriture directe au Panthéon. – Le cas de Chicago relaté par le professeur Moutonnier. – Signatures de Souverains. – Les autographes obtenus par le révérend Stainton Mosès. – Les phénomènes d'écriture observés au village de D. par le Dr Dusart. – Les cas du syndic Chaumontet et du curé Burnier.


L'écriture est un critérium de la personnalité

Nous sommes arrivés maintenant à un ordre de phénomènes qui suffirait à imposer une conviction complète à ceux que les faits précédents n'auraient pas persuadés. Lorsqu'un médium reproduit l'écriture et le style d'une personne qu'il n'a pas connue de son vivant, il n'y a pas seulement intervention d'une intelligence étrangère, nous sommes, de plus, en présence d'une sorte de photographie de la personnalité défunte, qui est inimitable. Nous possédons un document permanent qui permet de faire les comparaisons les plus précises et qui reste comme un témoignage irrécusable de l'action de l'être désincarné.
Lorsqu'un de nos parents ou un ami est parti à l'étranger, si nous recevons une lettre de lui, nous reconnaissons sans peine son écriture, sa manière de s'exprimer, et il ne nous vient pas à la pensée d'imaginer qu'un faussaire a pu pendre sa place pour se jouer de nous. Les communications qui nous parviennent du monde invisible, de cette contrée séparée de nous par la barrière des sens physiques sont des messages en tous points semblables aux lettres terrestres, et lorsque nous y découvrons les mêmes caractères, nous avons une égale conviction que ce sont bien les signataires de ces missives qui nous les adressent.
Qui donc aurait assez de temps, de patience, d'adresse pour simuler ainsi l'écriture et jouer une comédie fastidieuse? Nous savons que le rôle des Esprits trompeurs est très borné et que ceux qui s'amusent à nous duper sont généralement très peu intelligents. Ils ne posséderaient pas assez de science pour imiter une écriture, en supposant qu'ils aient pu en découvrir le modèle. Mais ce n'est pas seulement la forme graphique qu’il faut simuler, c'est également le contenu intellectuel. Or, ceci est tout à fait impossible aux esprits assez arriérés pour se livrer à ce genre de distraction.
Dans les évocations faites pendant les séances, la présence d'une personne qui a connu le défunt n'est pas une circonstance défavorable à la valeur de l'expérience, car si nous admettons que la transmission de la pensée puisse avoir lieu entre l'opérateur et le médium, nous ne croyons pas possible de suggérer une forme d'écriture que nous serions incapables de reproduire, de mémoire, et bien souvent d'imiter immédiatement même en ayant l'original sous les yeux. L'écriture est un art technique dont on apprend à se servir comme on apprend à jouer d'un instrument. Il nécessite des associations idéo-motrices qui sont tout à fait individuelles et qui diffèrent suivant l'idiosyncrasie des sujets. Il est absolument impossible de reproduire une écriture que l'on n'a pas vue et si le fait se produit, c'est non seulement la preuve qu'une intelligence différente de celle du médium s'est manifestée, mais aussi une démonstration de la personnalité de l'esprit, puisqu'un autre ne pourrait arriver à cette identité.
Il est utile, dès maintenant, de nous mettre à l'abri de certaines objections que l'on ne manquerait pas de nous faire, en cherchant à confondre deux ordres de phénomènes qui ont une certaine analogie extérieure, mais qui diffèrent profondément au fond. Nous voulons parler des changements d'écritures que l'on peut déterminer par suggestion.
Il arrive assez fréquemment dans les séances spirites que le médium écrivain donne des communications dont l'écriture change avec chaque signature nouvelle. Cette variation graphique était considérée jusqu'alors comme une bonne preuve de l'action des esprits, puisque chacun d'eux accusait sa personnalité non seulement par son style, mais encore par une écriture spéciale. Des observations nombreuses ont montré que les modifications de l'écriture ne suffisent pas pour affirmer l'action d'une intelligence étrangère, car nous allons voir que la suggestion peut produire des changements dans la forme de l'écriture du sujet sur lequel on expérimente.
MM. Ferrari, Héricourt et Ch. Richet  ont montré que le sujet auquel on impose un changement de personnalité n'adapte pas seulement ses paroles, ses gestes et ses attitudes à la personnalité nouvelle; son écriture même peut se modifier suivant le genre d'idées et d'émotions qui envahissent sa conscience. On prend un jeune étudiant en médecine, M. X..., âgé de 19 ans et absolument ignorant de la graphologie: on a son écriture normale. On suggère successivement à M. X..., qu'il est un paysan madré et retors, puis Harpagon, et enfin un homme extrêmement  vieux, et on lui met une plume à la main. En même temps on voit les traits de la physionomie se modifier et se mettre en harmonie avec l'idée du personnage suggéré; on observe que son écriture subit des modifications parallèles, non moins accentuées, et revêt également une physionomie particulière à chacun des nouveaux états de conscience. Autrement dit, le geste scripteur s'est transformé en même temps que les autres. M. de Rochas, qui a repris ces expériences avec son sujet Benoit, en a vérifié la réalité et il reproduit dans son ouvrage  des fac-similés de l'écriture de ce jeune homme sous l'empire des suggestions les plus variées. MM. Bourru et Burot  ont également observé le même phénomène, ce qui le met hors de doute.
Mais une observation s'impose et elle est capitale pour l'étude qui nous occupe: c'est que si l'écriture du sujet change, « le degré de cette modification ne va pas jusqu'à transformer l'écriture normale. » De même que les émotions donnent à un visage les expressions les plus variées, suivant qu'elles sont tristes, gaies, passionnelles, artistiques, etc., mais n'arrivent pas à en modifier les traits généraux, de même la forme typique de l'écriture se reconnaît toujours, en dépit des changements de grandeur et des fioritures dont elle s'agrémente sous l'empire des suggestions.
Lorsqu'on examine attentivement les éléments qui constituent ces objectivations de types, on s'aperçoit aisément que l'écrivain ne se sert pas de matériaux nouveaux: il utilise ceux qui se trouvent emmagasinés dans son cerveau, suivant son caractère et sa mémoire.
L'écriture varie bien conjointement à la personnalité imposée au scripteur, mais le fond se retrouve sous les arabesques avec des caractères identiques, ce qui montre qu'il n'y a aucune originalité réelle dans ces phénomènes.
Il en va tout autrement pour les communications spirites dont nous allons donner des exemples. L'écriture est presque tout à fait identique à celle que le désincarné avait de son vivant.
Nous disons presque, parce qu'il faut tenir compte de l'influnce exercée par le médium, mais quand le message est donné directement, c'est-à-dire quand c'est l'esprit lui-même qui écrit alors son écriture post-mortem est indiscernable de celle qu’il avait sur la terre.


L'écriture directe

Lorsqu'un esprit reproduit absolument son écriture par l'intermédiaire d'un médium, ce phénomène ne peut plus se comprendre par une simple transmission de pensées. Jusqu’alors tous les faits que nous avons cités s'expliquaient assez bien en comparant l'action d'un esprit sur le médium à celle exercée par un magnétiseur sur son sujet. La pensée était transmise par le cerveau de l'écrivain, qui formait en quelque sorte un récepteur téléphonique vibrant synchroniquement avec celui de l'esprit, et la communication était la conséquence de l'ébranlement des centres corticaux correspondant aux mouvements graphiques, comme cela se produit lorsque nous écrivons habituellement, mais avec cette différence que la pensée était ignorée de l'écrivain, parce que l'impulsion motrice ne provenait pas de son propre esprit.
Dans le cas de l'écriture directe, le phénomène est tout autre, le cerveau du médium ne joue aucun rôle; sa force psychique est seule utilisée et l'esprit agit directement sur la matière et s'en sert momentanément comme nous nous servons d'un porteplume. L'illustre physicien et chimiste William Crookes a rendu compte d'une séance dans laquelle il put observer ce phénomène .

« Le premier fait que je citerai eut lieu, cela est vrai, dans une séance noire, mais cependant le résultat n'en fut pas moins satisfaisant. J'étais assis auprès du médium, Mlle Fox, il n'y avait d’autres personnes présentes que ma femme et une de nos parentes et je tenais les deux mains du médium dans une des miennes, pendant que ses pieds étaient sur les miens. Du papier était devant nous sur la table et ma main libre tenait un crayon.
Une main lumineuse descendit du plafond de la chambre, et après avoir plané près de moi pendant quelques secondes, elle reprit le crayon dans ma main, écrivit rapidement sur une feuille de papier, rejeta le crayon, s'éleva au-dessus de nos têtes et ensuite se perdit peu à peu dans l'obscurité. »

Le plus souvent, la main de l'esprit est invisible. L'action exercée sur la matière n'est plus directe comme dans la matérialisation précédente; elle pourrait plus justement être comparée à l'action d'un aimant sur une plume de fer qui se déplace sans qu'on y touche et peut se lever lorsqu'on agit sur une de ses extrémités. Voici ce que dit encore le savant anglais.

« Mon second exemple peut être considéré comme un insuccès. « Un bon échec enseigne souvent plus que l'expérience la mieux réussie. » Cette manifestation eut lieu à la lumière, dans ma propre chambre, et seulement en présence de M. Home et de quelques amis intimes. Plusieurs circonstances dont il est inutile de faire le récit, m'avaient montré que le pouvoir de M. Home était très fort ce soir-là. J'exprimai donc le désir d'être témoin en ce moment de la production d'un message écrit, ainsi que, quelque temps auparavant, je l'avais entendu raconter par un de mes amis.
Immédiatement, il nous fut donné la communication alphabétique suivante: « Nous essayerons. » Quelques feuilles de papier et un crayon avaient été placés au milieu de la table; alors le crayon se leva sur sa pointe, s'avança vers le papier avec des sauts mal assurés et tomba. Puis il se releva et retomba encore. Une troisième fois il essaya, mais sans obtenir un meilleur résultat. Après ces trois tentatives infructueuses, une petite latte, qui se trouvait à côté sur la table, glissa vers le crayon et s'éleva à quelques pouces au-dessus de la table, le crayon se leva de nouveau, et s'étayant contre la latte, ils firent ensemble un effort pour écrire sur le papier. Après avoir essayé trois fois, la latte abandonna le crayon et revint à sa place; le crayon retomba sur le papier, et un message alphabétique nous dit: « Nous avons essayé de satisfaire à votre demande, mais c'est au-dessus de notre pouvoir. »

Dans une autre occasion, une petite latte lui donna, sans que personne y touchât, un message avec l'alphabet de Morse; le professeur Eliott Coues a vu un fragment de crayon d'ardoise écrire tout seul en plein jour, sur une ardoise, bien que la main qui le dirigeait fût invisible . Nous allons citer encore quelques exemples d'écriture directe empruntés au livre d'Aksakof  ensuite nous énumérerons ceux dont l'authenticité ne peut pas faire de doute, à cause de l'honorabilité des témoins et de l'impossibilité presque constante dans laquelle se trouvait le médium d'employer la supercherie.

La fille du Docteur Nichols

« Dans le Spiritual Record de 1884, pages 454 et 455, se trouve le  « fac-simile » d'une communication reçue par le docteur T. L. Nichols, de la part de feu sa fille Willie, par l'écriture directe entre les deux ardoises. Elle est parfaitement identique au spécimen de l'écriture de Willie, de son vivant, et n'a aucune ressemblance avec l'écriture du médium Eglinton, dont un spécimen est joint. Un autre « fac-simile » de l'écriture de Willie se trouve dans le même journal de I'année 1883, page 135. »

Le Docteur Nichols était bien connu du Dr Frièze, de MM. Reimers et Oxley, sa parole n'a jamais été suspectée par personne, nous devons donc accepter son témoignage. Quant au médium, il ne connaissait pas la fille du Docteur qui était morte depuis plusieurs années. L'esprit Willie se matérialisa complètement plus tard et donna un moulage de sa main, qui fut conservé par le docteur Nichols .

Un mort qui n'oublie pas

Robert Dale Owen, l'écrivain spiritualiste bien connu, ancien ambassadeur des États-Unis à Naples, a publié dans le « Religio-Philosophical journal » du 26 juillet 1884, le récit suivant, que M. Aksakof reproduit d'après le « Light » de 1885, page 33, en l'abrégeant un peu.

« Il y a de cela douze ans, dit M. Dale-Owen, je comptais au nombre de mes amis intimes un sénateur de Californie fort connu et qui était directeur d'une banque prospère de San José. Le Dr Knox – c'est son nom – était un penseur profond et un partisan résolu des théories matérialistes. Il était atteint d'une pneumonie progressive et, sentant approcher sa fin, il parlait souvent du sommeil éternel qui l'attendait et avec lui l'oubli éternel. Il ne craignait pas la mort. Je lui dis un jour: « Faisons un pacte, docteur: si là-haut, vous vous sentez vivre, vous tenterez le possible pour me communiquer ces quelques mots: « je vis encore. » Il me fit cette promesse solennellement...
Après sa mort, j'attendais impatiemment qu'il me donnât de ses nouvelles. Ce désir s'accentua davantage à l'arrivée dans notre ville d'un médium à matérialisations venant de l'est de l'Amérique. J'avais une confiance absolue dans le caractère sérieux de ce médium. Il déclara qu'il pouvait parfois obtenir des preuves d'identités par le moyen de I'écriture directe sur une ardoise et il me proposa de tenter l'expérience puisque l'occasion se présentait. Je nettoyai une ardoise, y posai un crayon d'ardoise et mis l'ardoise contre la surface intérieure de la table . Le médium plaça une de ses mains sur la mienne, au-dessous de la table et l'autre sur la table... Nous entendîmes le bruit du crayon grattant sur l'ardoise, et, en enlevant celle-ci, nous y trouvâmes les lignes suivantes.
« Ami Owen, les phénomènes que nous offre la nature sont irrésistibles, et le soi-disant philosophe, qui lutte souvent contre un fait qui contrecarre ses théories favorites, finit par être lancé dans un océan de doute et d'incertitude. Ce n'est pas précisément le cas avec moi, bien que mes anciennes idées sur la vie future soient maintenant bouleversées de fond en comble: mais, je l'avoue ma désillusion a été agréable, et je suis heureux, mon ami, de pouvoir vous dire: « je vis encore »
Votre ami toujours.
                               William Knox.

Il faut faire remarquer que le médium dont il s'agit est venu en Californie trois ans après la mort de mon ami, qu'il ne l'avait jamais connu et que l'écriture du message était à ce point conforme à celle de mon ami défunt, qu'elle a été reconnue pour la sienne par le personnel de la banque qu'il avait présidée.

Les incrédules pourraient objecter que la connaissance de l'écriture de W. Knox a été prise dans la conscience subliminale de Robert Dale Owen, et que c'est par l'extériorisation de l'esprit du médium que les caractères ont été tracés sur l'ardoise, puisque nous savons par de nombreuses expériences, et en particulier par celles faites en compagnie d'Eusapia Paladino, que le médium peut projeter une main fluidique qui a assez d'objectivité pour agir sur la matière.
Ces hypothèses réunissent des faits qui ne se présentent généralement que séparés, et c'est déjà une supposition bien invraisemblable que cette lecture dans la conscience de l'expérimentateur d'un dessin d'écriture qui a été enseveli dans sa mémoire latente depuis quelques années. Mais cette vue seule suffit-elle à expliquer sa reproduction exacte? Nous ne le croyons pas, car pour imiter à s'y méprendre un autographe, il faut un talent qui ne s'improvise pas, surtout lorsque l'écriture doit être produite subitement, en quelques minutes. S'il est recommandable d'épuiser toutes les théories animistes avant d'arriver aux faits  spirites, il ne faut pas cependant tomber dans l'absurde et douer le médium de pouvoirs qui seraient plus merveilleux et plus surnaturels que la communication des esprits.

Les Expériences du baron de Guldenstubbé

C'est en 1856 que l'écriture directe fut observée avec rigueur par le baron de Guldenstubbé qui formait, avec le comte d'Ourches, le baron de Brévern et le comte de Szappari, une société de chercheurs éclairés, instruits et désireux de contrôler sévèrement ces phénomènes alors si nouveaux et d'apparence surnaturelle.
La soeur de M. de Guldenstubbé était le médium, de sorte qu'aucune suspicion motivée ne pouvait s'élever contre la sincérité de ces expériences. Fort au courant des communications par la table et par les médiums écrivains, M. de Guldenstubbé voulut une démonstration intelligente de l'action directe des Esprits et il en obtint des centaines, dans les conditions les plus variées. C'est alors qu'il publia, en 1857, son livre intitulé « La Réalité des Esprits et le phénomène merveilleux de leur écriture directe » où il relate les circonstances dans lesquelles ces écritures furent données. On trouve, à la fin de l'ouvrage, des « fac-similés » de ces manuscrits au nombre de 67. Nous croyons à la valeur de ces documents, car il nous semblerait déraisonnable de supposer que des hommes du monde, intelligents, lettrés, riches, et par conséquent à l'abri des vicissitudes matérielles de l'existence, se soient entendus pour tromper le public car ils ne pouvaient recueillir que les sarcasmes des incrédules et les anathèmes du clergé qui, d'ailleurs, ne leur firent pas défaut. Depuis que nous avons vu le même phénomène se reproduire dans tous les pays et devant des observateurs savants et attentifs, nous n'avons plus de raison pour suspecter la bonne foi du baron, dont la sincérité et le sentiment profondément religieux éclatent à toutes les lignes de son livre. Voici comment il eut l'idée de recourir à ce genre d'expérimentation.

« L'auteur, étant toujours à la recherche d'une preuve intelligente et palpable en même temps, de la réalité substantielle du monde surnaturel, afin de démontrer par des faits irréfragables, l'immortalité de l'âme, n'a jamais cessé d'adresser des prières ferventes à l’Eternel de vouloir bien indiquer aux hommes un moyen infaillible pour raffermir la foi en l'immortalité de l'âme, cette base éternelle de la religion. L'Eternel, dont la miséricorde est infinie, a amplement exaucé cette faible prière. Un beau jour, c'était le premier août 1856, l'idée vint à l'auteur d'essayer si les Esprits pouvaient écrire directement, sans l'intermédiaire d'un médium... Il mit donc un papier blanc, à lettres, et un crayon taillé dans une petite boite fermée à clef, en portant toujours cette clef sur lui-même et sans faire part de son expérience à personne. Il attendit durant douze jours en vain, sans remarquer la moindre trace d'un crayon sur le papier, mais quel fut son étonnement, lorsqu'il remarqua, le 13 août 1856, certains caractères mystérieux tracés sur le papier; à peine les eut-il remarqués qu'il répéta dix fois, pendant cette journée à jamais mémorable, la même expérience, en mettant toujours, au bout d'une demi-heure, une nouvelle feuille de papier blanc dans la même boite. L'expérience fut couronnée chaque fois d'un succès complet. »

On aurait pu imaginer que c'était M. de Guldenstubbé qui avait, en somnambulisme, écrit lui-même le premier message, si le fait ne s'était pas renouvelé devant lui, parfaitement éveillé. Quant à croire qu'il pourrait être l'auteur inconscient de ces écrits, par un dédoublement involontaire dont il ne se serait pas rendu compte, nous croyons cette hypothèse insoutenable, car aucune expérience n'a jamais fait constater que ce phénomène fût possible. Ce qui rend cette objection inacceptable, c'est que nous allons constater immédiatement que non seulement ce n'est pas son écriture qui était ainsi reproduite, mais que souvent c'était celle de personnes qu'il n'avait pas connues. Signalons aussi une différence entre ces expériences et les autres que nous avons citées précédemment, elle est de nature à nous montrer également que le pouvoir agissant n'était pas l'esprit du baron.

« Le lendemain, 14 août, l'auteur fit de nouveau une vingtaine d'expériences, en laissant la boîte ouverte et ne la perdant pas de vue, c'est alors que l'auteur voyait que les caractères dans la langue esthonienne, se formèrent ou furent gravés sur le papier, sans que le crayon bougeât. Depuis ce moment, l'auteur voyant l'inutilité du crayon, a cessé de le mettre sur le papier; il place simplement un papier blanc sur une table chez lui ou sur le piédestal des statues antiques, sur les sarcophages, sur les urnes, etc., au Louvre, à Saint-Denis, à l’église Saint-Etienne du Mont, etc. »

Cette curieuse manière de produire l'écriture sans employer de crayon ou de plume a été observée depuis par divers savants  et met en relief, de la part des esprits, des procédés d'utilisation de la matière qui ne sont pas encore parvenus jusqu'à nos savants officiels. Pour montrer que l'opération de l'écriture n'est pas due à l'intervention du démon, le religieux        M. de Guldenstubbé se prêta à toutes les mesures de précautions imaginées par son ami le comte d'Ourches.

« Après avoir constaté la réalité du phénomène de l'écriture directe par plus de trente expériences répétées, la principale préoccupation de l'auteur fut de démontrer l'existence réelle de ce miracle à d'autres personnes. Il s'adressa d'abord à son noble ami, M. le comte d'Ourches, qui a également consacré sa vie entière à la magie et au spiritualisme. Ce n'est qu'au bout de six séances, le 16 août 1856, à 11 heures du soir, dans le logement de l'auteur, que M. le Comte d'Ourches a vu pour la première fois ce phénomène merveilleux. M. le comte d'Ourches fut d'abord déconcerté par la déconvenue de nos premières expériences. Il ne douta pas de la réalité de ce phénomène merveilleux, sachant bien que l'auteur n'a pas le don de médium, d'écrire machinalement; il n'attribuait pas non   plus la non-réussite précisément à l'influence des démons, mais il croyait que la malice de certains esprits peu bienveillants voulait le priver d'être le témoin oculaire d'un miracle aussi évident. Il mit donc à côté du papier blanc destiné à l'écriture d'un esprit quelconque, une copie du fameux critérium de l'apôtre saint Jean, au sujet du discernement des bons esprits (I. Jean, IV, 2.) Voici ce verset: « connaissez à cette marque l'esprit de Dieu: tout esprit qui confesse que Jésus-Christ est venu en chair, est de Dieu . » Au bout de dix minutes, un esprit sympathique dont l'auteur a tout de suite reconnu l'écriture et la signature, écrivit directement, en présence du comte d'Ourches, ce qui suit: « je confesse Jésus en chair. » L'Esprit accepta donc franchement la marque à laquelle, suivant saint Jean, on peut reconnaître un bon esprit. Ce phénomène doit confondre tous nos orthodoxes démonophobes qui ne croient qu’aux miracles démoniaques.
Depuis ce moment, M. le comte d'Ourches a vu plus de quarante fois le phénomène merveilleux de l'écriture directe, tantôt chez l'auteur et en divers endroits. Plus tard, au mois d'octobre, M. le comte d'Ourches a obtenu, même sans le concours de l'auteur, plusieurs écrits directs des Esprits; l'une de ces lettres d'Outre-Tombe est de sa mère, morte il y a une vingtaine d'années. »

Il semble parfaitement absurde à notre auteur de voir dans ces faits une action inconsciente de sa pensée. « Cela me répugne, dit-il, de tenir compte d'une objection aussi inepte qui n'est qu'une fiction des hommes écervelés de nos jours! » Il fait remarquer que généralement ce ne sont pas les esprits auxquels il pense qui viennent, mais des inconnus, car il ne faisait jamais d'évocations particulières.
Citons quelques expériences dans lesquelles les écritures obtenues furent très différentes les unes des autres. Tantôt c'étaient des légendes en langue grecque ou latine, et elles étaient tracées en caractères lapidaires ou en cursives;  tantôt des messages en allemand, avec une écriture qui n'était celle d'aucune personne présente.
Voici quelques détails.

N° 7 -  Première écriture, en latin lapidaire, obtenue  en présence du comte d'Ourches, au Louvre, près de la statue de Germanicus, le 26 août.
N°  8 -   Ecriture en latin lapidaire, obtenue le même jour en présence du comte d'Ourches près de la statue d'Auguste, à l'angle de la croisée des empereurs romains, au Louvre.
N°  9 -  Ecriture en latin lapidaire, tracée le 28 août au Louvre près de la statue de Jules César, en présence du comte d'Ourches.
N° 10 - Ecriture en ancien grec lapidaire, tracée également le 28 août en présence du comte d'Ourches, près de la petite statue d'Euripide.

Le baron ne nous donne pas, malheureusement, le détail des circonstances dans lesquelles ces écritures directes furent obtenues, mais il est probable que puisque l'écriture se formait chez lui sans que personne fût auprès du papier, il devait en être de même dans les expériences tentées dans les musées et les églises. Nous verrons tout à l'heure un récit dû à Pierrart, directeur de la Revue Spiritualiste, qui raconte comment les choses se passaient habituellement. Il faut remarquer que ces écrits ne reproduisaient pas toujours la même écriture. On a pu constater la production de messages intelligents en latin et en grec lapidaires, en latin et en grec ordinaires, en langue estonienne, en français, en langue russe, en langue allemande et en vers allemands, en langue anglaise, et enfin en langue italienne.
Voici quelques expériences sur lesquelles l'auteur est plus explicite; il semble dans ces cas que les précautions ont été prises sérieusement, sans que les résultats en fussent amoindris.

N°  46.  – Ecriture latine signée par le célèbre orateur Cicéron, en présence du général baron de Brewern, le 24 décembre dans le logement de l'auteur. Cette écriture merveilleuse a été tracée dans une ramette de papier, toute neuve et cachetée par le marchand, en un mot dans un cahier tel qu'il sort de la boutique.
N° 47. – Ecriture grecque, signée par le célèbre Platon et tracée dans la même ramette cachetée pendant la même soirée du 24 décembre, en présence du dit témoin, dans le logement de l'auteur.
N° 48.  –  Figure tracée dans la même ramette cachetée, en présence du dit témoin oculaire, le 24 décembre dans le logement de l'auteur. Les expériences de cette journée mémorable ont été couronnées du succès le plus complet. M. le général baron de Brewern y assista en qualité de témoin oculaire. MM. le comte d'Ourches et le marquis de Planty, également invités à y assister, y manquèrent. On les attendit jusqu'à minuit, mais à peu près vers cette heure, les meubles commencent à craquer partout, le médium se met au piano et nous ordonne de mettre une ramette de papier à lettres toute neuve, enveloppée d'un papier jaune et cachetée par le marchand, en un mot une ramette, telle qu'elle sort de la boutique, sur un petit guéridon. Au bout d'un quart d'heure le médium cesse de jouer et prie le baron de Brewern d'ouvrir la ramette; on trouve d'abord l'écriture grecque signée Platon, puis une écriture latine signée Cicéron; une troisième feuille contient cette figure dont nous venons de parler: enfin un quatrième papier renferme une écrite en anglais, signée par Spencer. Cette dernière écriture, que nous n'avons pas pu bien déchiffrer, a été malheureusement égarée.

Il est clair que nous n'avons aucune preuve de la véracité des signatures de Cicéron ou de Platon, mais l'intérêt du phénomène ne réside pas là: il s'attache à l'écriture elle-même et son mode de production anormal.
Remarquons que le médium, que nous savons être la soeur du baron de Guldenstubbé, ne connaissait ni le latin, ni le grec, on ne peut donc supposer que les écrits obtenus dans ces langues proviennent d'un dédoublement de sa personnalité, accompagné d'extériorisation. La précaution d'employer un papier lettre non décacheté enlève aussi le soupçon d'une supercherie consciente ou non de la part du sujet, si sa bonne foi n'était pas établie par son irréprochable honnêteté. Citons maintenant quelques cas où l'écriture a été reconnue.

N° 51. – Ecriture allemande, tracée par un Esprit que l'auteur, ainsi que plusieurs amis du défunt, ont reconnu à sa main, bien que la signature manque. Ce phénomène a eu lieu le 28 décembre dans le logement de l'auteur.
N° 53. – Ecriture allemande en vers, signée par un des parents de l'auteur. Cette épître a été tracée le 14 janvier 1857 dans le logement de l'auteur. La parfaite ressemblance de la main du défunt a été constatée par plusieurs de ses amis.

On peut s'assurer par la comparaison des « fac-similés » que ces deux écritures en allemand ne se ressemblent pas, et diffèrent également d'autres messages écrits dans la même langue, reproduits aux n°  57 et 63, qui ont été reconnus.
Les autographes français présentent des différences considérables et attestent, à leur manière, qu'ils ne sont pas produits par le même individu incarné ou désincarné. Tels sont, par exemple, les n° 56 et 58 dont les écritures respectives ont été identifiées avec celles de personnes mortes depuis un certain temps.
Cet ensemble imposant d'autographes établit avec la plus grande évidence la certitude que les esprits désincarnés peuvent affirmer authentiquement leur survivance, par les mêmes preuves qu'ils donneraient ici-bas de leur authenticité, c'est-à-dire par leur signature.

L'écriture directe au Panthéon

Vers la même époque, un autre témoin, Pierrart, directeur de la Revue Spiritualiste, fut à même d’observer des faits semblables, et il en rend compte en donnant toutes les références nécessaires, en ces termes.

« Il y a un genre de faits très convaincant et auquel on ne peut opposer la moindre objection. C'est celui de l'écriture directe, phénomène par lequel un esprit s'en vient tracer sur un papier, déposé par vous et à côté de vous, des signes et quelquefois des caractères, des phrases entières, et cela sans crayon, ni plume, ni encre. M. de Guldenstubbé, personnage honorable sous tous les rapports et d'une loyauté à toute épreuve, a le premier, avons-nous dit, obtenu la solution d'une aussi grandiose difficulté. Mille expériences consignées dans son remarquable livre en font preuve. J'avais espéré qu'un jour il me rendrait témoin d'un pareil prodige. Mais étant retourné dans sa patrie, force m'était d'attendre, quand tout-à-coup j'appris qu'un de ses amis, M. le baron de Brewern, lui aussi de concert avec le comte d'Ourches et son médium, Mademoiselle Blanche C..., était parvenu à obtenir de l'écriture directe. Plusieurs expériences avaient été faites par eux et avaient été couronnées d'un plein succès...
Prévenu de ces faits et invité à une autre expérience par le général de Brewern, je me rendis au Panthéon le 28 juin à 11 heures avec lui, le comte d'Ourches, mademoiselle Blanche et le pasteur Bellot. Nous nous dirigeâmes vers la chapelle Sainte-Geneviève, devant laquelle nous nous assîmes. Après un moment de recueillement et de prière, des papiers furent déposés de la même manière que la précédente fois. L'un de ces papiers m'ayant été donné par le pasteur Bellot (c'était une feuille portant son chiffre), je le fis examiner par chacun des assistants, puis y ayant fait un signe, afin de constater la substitution s'il y en avait, je l'allai déposer, accompagné du médium, sur le soubassement d'une colonne en face duquel je retournai m'asseoir, ne perdant pas le papier de vue.
Au bout d'environ deux minutes, de petits coups furent frappés sur l'escalier de l'autel Sainte-Geneviève que nous avions à notre gauche. Le médium me dit que ces coups étaient un signal donné par l'esprit pour faire connaître qu'on pouvait aller reprendre le papier: je m'empressai de le faire. Le papier ayant été repris par moi, je l'ouvris. Dans l'intérieur du pli je vis une croix qui semblait avoir été tracée par un crayon de plombagine, et chaque assistant constata après moi l'existence de cette croix. Comment avait-elle été tracée sur le papier, je n'en sais rien. Tout ce que je sais, c'est que ce n'avait pu être fait par une main humaine.
Sur d'autres papiers déposés par M. le comte d'Ourches se trouva une copie de houlette mal dessinée, due sans doute à la pensée que quelqu'un de nous eut de la bergère de Nanterre, devant l'image de laquelle nous nous trouvions et qu'un esprit aura reproduite; il se trouva aussi des signes, des traits divers, mais sans que nous ayons pu leur trouver une signification quelconque...
Voilà les faits que devant Dieu et sur l'honneur, je me suis cru obliger de faire connaître, afin qu'ils puissent servir d'enseignement et d'édification à qui de droit. M. le général de Brewem, rue de Chaillot 74, M. le comte d'Ourches, passage Saulnier 22, M. Bellot, rue des Ecuries d'Artois 8, Mlle Blanche C..., rue de La Rochefoucauld 62, qui furent témoins comme moi de ces faits, sont prêts à les attester quand on voudra. »

Evidemment, ce phénomène est moins développé que les précédents et peut-être moins probant à cause de la proximité du médium au moment où le papier fut déposé, mais n'oublions pas que ce papier était timbré au chiffre du pasteur Bellot et que Pierrart y avait fait une marque particulière. Nous l'avons rapporté pour montrer qu'en dehors du baron de Guldenstubbé, ses amis étaient parvenus de leur côté, à vérifier l'existence de l'écriture directe . On peut composer un volume important avec les récits authentiques que l'on possède sur le phénomène de l'écriture directe. Stainton Mosès l'a fait, et son ouvrage qui porte le titre de: « Psychographie », est absolument convaincant. Le Docteur Gibier, de son côté, a relaté minutieusement les résultats de ses expériences avec Slade dans « Spiritisme ou Fakirisme occidental ». Nous n'insisterons donc pas longuement ici, renvoyant le lecteur aux livres cités. Nous terminons cette revue sommaire par le cas de Chicago, constaté par le professeur Moutonnier qui en a rendu compte dans les « Annales Psychiques  ».

Le cas de Chicago

Lettre à M. Raphaël Chandos

« Je cède à la fois à vos sollicitations amicales et au désir que j'éprouve d'être utile à la science, pour livrer à la publicité une des pages les plus intimes et les plus poignantes de ma vie, espérant que les faits que je vais révéler pourront apporter quelque nouvelle lumière à l'étude des phénomènes psychiques.
Je vous ai dit, dans une des conversations intéressantes que nous avons eues ensemble, à bord de la « Touraine », lors de notre récent voyage de New-York au Havre, par suite de quel terrible malheur je fus amené à m'occuper des questions d'outre-tombe: une fille que j'adorais me fut enlevée subitement, il y a bientôt six ans, à la fleur de l'âge et dans la plénitude de son intelligence.
Cet événement m'avait plongé dans le marasme et le dégoût de toutes choses, et, pour faire diversion à mes idées sombres et moroses, je me mis à voyager.
Plusieurs mois se passèrent ainsi pour moi dans un état de complète inertie, quand, certain jour, un des livres si nombreux écrits sur le spiritisme me tomba entre les mains. J'en lus, puis un autre, et peu à peu l'étude du monde spirituel et de ses rapports avec la nature visible et matérielle devint pour moi une véritable passion;  et comme tant d'autres infortunés qu'une loi inexplicable et fatale avait frappés, je me mis à l'étude du problème de la vie, et je cherchai. Dès ce moment, j'étendis mes relations dans le monde des personnes qui s'occupent de spiritisme, je me fis admettre dans des cercles privés et publics, et organisai même des séances dans ma famille.
J'ai vu et fait tourner des tables; j'ai obtenu des communications écrites à l'aide de la planchette. Mais dirai-je que toutes ces expériences ont dissipé mes doutes et établi dans mon esprit la vérité que les personnes mortes avaient le pouvoir de se communiquer à nous?   Hélas! Non. Tous ces phénomènes révèlent peut-être la réalité de certaines forces inconnues, mais ils ne démontrent pas suffisamment l'existence réelle et substantielle des intelligences invisibles, indépendantes de notre volonté et de notre imagination.
Il n'y avait, à mon avis, qu'un phénomène direct, intelligent et matériel, à la fois, indépendant de notre volonté et de notre imagination, tel que l'écriture directe, qui pût servir de preuve irréfragable de la réalité du monde des esprits.
Mais où trouver un médium d'écriture indépendante? Problème impossible à résoudre à Paris, où les médiums sont impuissants, pour ne pas dire nuls.
Enfin, le hasard vint un jour au-devant de mes désirs et, pendant un séjour que j'ai fait cet été à Chicago, j'ai été témoin oculaire de phénomènes psychiques des plus remarquables que je viens soumettre aujourd'hui à l'examen et à la critique de la science. Vous n'ignorez pas que l'Amérique du Nord est de tous les pays du monde celui qui s'occupe le plus des problèmes relatifs à la vie future, et, tout en admettant que c'est aussi celui où on exploite le plus la crédulité publique, on y trouve néanmoins des médiums honnêtes et doués d'une force fluidique extraordinaire. Je m'enquis donc, dès mon arrivée à Chicago d'un médium à écriture indépendante, connu, et jouissant de quelque réputation.
Je me présentai donc au domicile de Misses Bangs, 3, rue Élisabeth , le 26 juin dernier à 3 heures de relevée, c'est-à-dire en plein jour. Ce fut Miss May, la plus jeune des deux sœurs qui me reçut et me servit de médium. J'avais préparé au préalable six questions ou messages dont cinq en anglais et une en français sur six feuillets de papier, que j'avais pliés en quatre et que je gardai dans ma main gauche hermétiquement fermée. – La chambre destinée aux séances est située au premier étage; l'ameublement en est simple mais confortable. Sur une table oblongue, placée contre l'un des panneaux, était une boite à musique dont le médium se sert, suivant les circonstances.
Au centre de la chambre une petite table carrée recouverte d'un tapis. Miss Bangs me demanda si je voulais avoir la communication sur ardoise ou sur papier et je choisis ce dernier mode, comme paraissant offrir un caractère plus sérieux et plus probant.
Je tenais toujours, dans la main gauche les questions que j'avais préparées dans le salon et dont je ne m'étais pas déssaisi un seul instant. Le médium me remit alors cinq feuillets de papier blanc devant servir aux réponses ainsi qu'une enveloppe; j'examinai le tout avec le plus grand soin et le trouvai intact. Je mis les feuillets blancs avec les questions sur l'enveloppe que je fermai hermétiquement et plaçai moi-même la lettre entre deux ardoises appartenant au médium. J'attachai celles-ci solidement avec des cordes mises en croix, après avoir placé entre elles un petit bout de mine de plomb et les posai sur la petite table, sans les quitter des yeux. Puis je m'assis d'un côté de la table, et le médium prit place de l'autre côté, en face. – Bientôt la conversation s'engagea sur des sujets divers: dans l'attitude du médium n'apparut rien d'anormal;  blonde et assez forte de corps, Miss Bangs est d'humeur joyeuse et semble être absolument inconsciente de son état médianimique qui s'est manifesté en elle dès son enfance. Elle n'a rien non plus de ces médiums saltimbanques qui vont dans les places publiques et les foires exploiter la bonne foi des badauds ignorants et crédules; au contraire, tout en elle est simple et naturel. Un quart d'heure à peine s'était écoulé quand soudain elle me dit: « J'aperçois derrière vous, au milieu d'un groupe d'esprits qui semblent vous connaitre, un esprit qui domine tous les autres et qui est d'une beauté idéale. C'est cet esprit qui désire entrer en communication avec vous; il semble être attaché à vous par les liens les plus intimes et avoir pour vous un amour excessif. – Ce doit être votre fille », me dit-elle – et, à la description qu'elle en fit, je reconnus qu'elle ne se trompait pas. « Mais, ajouta-t-elle, cet esprit est dans des sphères trop élevées et sa nature est trop subtile pour pouvoir se communiquer directement, et il a appelé à son aide un autre esprit qui est plus près de la terre et que je vois là à ma droite. – Ils paraissent s'être connus intimement sur terre et s'aimer beaucoup, bien qu'ils soient dans des sphères différentes. »
Je lui demandai aussi de me dépeindre ce dernier esprit, et le portrait qu'elle en fit se rapportait en effet, à celui de mon gendre, mort trois ans avant ma fille. Pendant ce temps, la communication se faisait et j'avais toujours les deux mains posées sur la table, près des ardoises que je n'avais pas perdues de vue.
Voulant pousser mes investigations plus loin, je lui demandai de me dire quels étaient les noms des deux esprits; elle prit alors un morceau de papier sur lequel elle écrivit le mot «Harry » – prénom de mon gendre. – Quant au nom de ma fille, que j'avais désignée dans mes questions du petit nom tendre « Doudouske » (tiré du russe et signifiant « petite âme »), elle ne parvint qu'avec la plus grande difficulté à le tracer, disant qu'elle ne comprenait pas la signification de ce nom et ne l'avait jamais entendu.
La séance avait duré, au total, un peu plus d'une demi-heure quand elle me dit: « monsieur, vous voyez ces tableaux pendus aux murs de la chambre, eh bien, ce sont des tableaux faits par les esprits. Ne seriez-vous pas aussi désireux d'avoir le portrait de votre fille, comme souvenir? » Sur ce, elle prit un bout de mine de plomb qu'elle posa sur l'ardoise supérieure et recouvrit celle-ci d'une troisième ardoise. « Peut-être, dit-elle, que votre fille vous écrira à ce sujet. » Quelques minutes s'étaient écoulées, quand elle m'annonça que la communication était terminée. Je pris alors les trois ardoises, enlevai la supérieure, puis examinant la seconde je n'y trouvai plus le morceau de mine de plomb; je déliai après les deux autres ardoises, et trouvai entre elles, comme je l'y avais mise, ma lettre fermée;  mais la mine de plomb avait disparu. En examinant la lettre, j'observai que le côté sur lequel on écrit l'adresse était couvert d'écritures au crayon. La lettre était hermétiquement close, et je l'ouvris à l'aide de mon canif; j'en  retirai le contenu, questions et pages destinées aux réponses que je reconnus être aussi remplies d'écriture au crayon.
Je joins à ce document le dossier complet des séances, avec la traduction en français des questions et des réponses, afin de faciliter votre travail d'examen et de recherches.
Deux choses me frappèrent dans ces communications.
D'abord, la précision des réponses et, en second lieu, la différence des écritures, dont l'une est anglaise et l'autre française, et la grande ressemblance des deux avec celles de mon gendre et de ma fille. Cette similitude frappa tous les membres de ma famille, et vous pourrez du reste vous convaincre vous-mêmes de la vérité de mon affirmation, en comparant l'écriture des communications avec celles des deux lettres que j'annexe ici, comme preuves à l'appui: l'une est de mon gendre et est datée de Louisville (Etats-Unis),   18 mai 1888 (fig. 3);  l'autre est de ma fille et fut écrite à Paris, en 1890 (fig.4) .
Je dirai, en outre que je n'avais en ma possession, le jour des séances, aucune des lettres que je viens de mentionner ni aucun écrit émanant d'eux. Toute ma correspondance et mes souvenirs intimes étaient enfermés dans mon bureau à Paris, et ce n'est qu'à mon retour que j'ai pu moi-même me rendre compte du fait.
Quant à la réponse faite à la question en français, je vous prie de remarquer que la question a été reproduite textuellement et que la réponse en français, bien qu'étant toujours dans le même ordre d'idées, n'est pas celle que j'avais demandée (fig. 1).
Ayant fait voir au médium cette anomalie, elle me dit qu'elle ne pouvait pas m'en donner l'explication, qu'elle ne savait pas un mot de français et que c'était la première fois qu'elle avait une communication dans cette langue. Après informations prises, je n'eus pas lieu de pouvoir mettre en doute l'assertion de Miss Bangs dont j'avais pu du reste apprécier l'ignorance.
Dans la deuxième séance, que j'eus le 3 septembre, à la même heure, c'est-à-dire à trois heures de l'après-midi, les choses se passèrent de la même manière, avec cette différence que j'avais apporté mes propres ardoises et que mes questions écrites d'avance étaient au nombre de cinq dont trois en anglais encore adressées à ma fille et deux en français à ma belle-soeur.
En outre, sur la table était un vase contenant des fleurs de pois de senteur, de couleurs blanche, rose et rouge. Pendant la séance, le médium me dit d'abord: « peut-être obtiendrons-nous une communication écrite à l'encre », et, sur ce, elle prit un carré de papier blanc sur lequel elle mit quelques gouttes d'encre et qu'elle posa ensuite sur l'ardoise supérieure, en couvrant le tout d'une troisième ardoise, lui appartenant. Un peu plus tard, elle m'apostropha de nouveau ainsi: « vous voyez ces fleurs qui sont sur cette table, à côté de vous , eh bien, puisque vous semblez douter de la possibilité qu'ont les esprits de se communiquer à nous et que vous demandez, une preuve matérielle de la présence de votre fille dans cette chambre, priez-la de faire passer une de ces fleurs, que vous choisirez, dans votre lettre! » Je choisis la couleur rose et adressai une prière mentale à ma fille.
Quand j'ouvris ma lettre, à la fin de la séance qui n'avait guère duré qu'une demi-heure, j'y trouvai non seulement les pages blanches, couvertes d'écriture au crayon (et non à l'encre), mais encore, dans l'intérieur des questions qu'enveloppaient les pages destinées aux réponses – le tout plié comme je l'y avais mis avant la séance – une des fleurs roses du bouquet, ayant toute sa fraicheur et son parfum, comme si elle venait d'être cueillie.
L'écriture anglaise des questions adressées à ma fille est, comme dans la première séance, identiquement la même; quant aux questions faites en français à ma belle-soeur, il y est fait une réponse en anglais avec une signature en français. Au début de la séance, quelque chose de particulier se présenta; tout à coup, le médium me se dit «: il y a un esprit qui semble exercer une influence contraire », et elle m'écrivit sur un morceau de papier que je joins au document et qui reparaît dans la réponse: « ma chère soeur, Phina! » (Phina est le diminutif de Joséphine.) « Mais, ajouta-t-elle, cette influence ne peut pas affaiblir le fluide de l'autre esprit qui a sur vous une influence bienfaisante. » En effet, le résultat de la communication l'a prouvé par les réponses faites en anglais.
Tels sont, cher monsieur, dans toute leur vérité et dans leurs moindres détails, les faits de ces séances extraordinaires. Je vous les donne sans commentaires. Toutefois, afin d'éclairer tous ceux qui liront ces lignes sur le « modus operandi » et les mesures de précaution que j'ai prises pour rendre impossible toute fraude de la part du médium, je donne ci-dessous les points principaux nécessaires à la recherche de la vérité.
1° J'étais inconnu et étranger et c'était la première fois que je voyais le médium: elle ignorait donc tout ce qui me concernait.
2° Les deux séances ont eu lieu en pleine lumière du jour, entre 3 et 4 heures de l'après-midi.
3° Les ardoises, le papier destiné aux réponses ainsi que l'enveloppe ont été scrupuleusement examinés par moi, je les ai trouvés intacts, et toutes ces pièces ainsi que mes questions sont restées en ma possession et sous ma surveillance depuis le commencement de la séance jusqu'à la fin.
4° Aucune tierce personne n'est entrée dans la chambre pendant l'heure des séances.
5° Toutes les portes de la chambre sont restées closes pendant toute la durée des séances et il n'y avait dans la chambre ni paravent ni autres objets pouvant faciliter la fraude; au contraire, la table sur laquelle étaient les ardoises était isolée et au centre de la chambre.
6° Le médium n'a mis les mains ni sur les ardoises, ni sur le papier ou l'enveloppe, le tout étant resté en ma possession.
7° Pendant les séances, le médium n'a manifesté dans sa manière d'être aucun signe extraordinaire, à l'exception d'un sentiment de fatigue à la fin.
8° Dans la communication (ainsi qu'il est permis de s'en convaincre) l'écriture anglaise est différente de l'écriture française, mais il y a entre les deux et l'écriture originale de mon gendre et de ma fille une ressemblance frappante.
9° Dans la teneur de la communication il y a un caractère marqué d'individualité de la part de l'intelligence et qui n'appartient pas au médium.
10° Le bout de la mine de plomb placé par moi entre les deux ardoises pour permettre d'écrire, avait disparu.
11° Dans l'examen de l'intérieur de l’enveloppe à la deuxième séance, il n'y avait aucune trace de fleur.
12° Une fleur rose de pois de senteur, toute fraîche et odoriférante, a été trouvée par moi, à la fin de la séance et à l’ouverture de l'enveloppe.
13° Je n'avais lors des séances en ma possession ni lettres autres écrits provenant soit de ma fille, soit de mon gendre, pour faire découvrir les noms de ces derniers dont les communications sont signées.
14° Pendant toute la durée des séances, j'ai eu toujours toute ma lucidité d'esprit.
15° Un tour d'escamotage du genre de celui qui consiste à faire disparaître et réapparaître des objets, sans que l'escamoteur y ait appliqué les mains ou ait eu un compère, pourrait à juste titre être considéré comme un miracle.
Donc, pour toutes les raisons qui précédent, et à moins qu'il ne me soit prouvé que j'ai été trompé, je déclare être intimement convaincu que les phénomènes dont j'ai été le témoin, ont dû être produits par une force émanant d'une intelligence invisible et supérieure à celle de l'homme.
En foi de quoi j'ai signé la présente déclaration.
Paris le 1er novembre 1897.
                           C. MOUTONNIER,
                         Ancien professeur d'anglais à l'école des Hautes-Etudes commerciales de Paris

Signature de Souverain

Le reproche que l'on adresse le plus souvent aux spirites est celui d'être trop crédules; mais nous voudrions bien savoir si les détracteurs de cette doctrine ne seraient pas convaincus s’ils faisaient régulièrement des expériences dans lesquelles se révèleraient des faits inconnus, se donneraient des instructions scientifiques bien supérieures aux connaissances des médiums, ou obtiendraient des signatures authentiques de personnages que ces médiums n'ont jamais vus. C'est ce qui se produisait constamment aux réunions présidées par Allan Kardec, et cette accumulation de preuves irrécusables l'avait pénétré de cette certitude profonde qui rayonne dans tous ses écrits.
En voici un exemple, entre beaucoup d'autres .

« A la suite de quelques belles pensées écrites par un Esprit qui ne signe pas, un autre esprit qui s'est déjà manifesté à Mlle L. Z… vient se mettre à la traverse en lui faisant casser les crayons, et faire des traits qui dénotent un sentiment de colère. En même temps il se communique à M. Jules Rob..., et répond laconiquement et avec hauteur aux questions qu'on lui adresse.
C'est l'esprit d'un souverain étranger connu par la violence de son caractère. Invité à signer son nom, il le fait de deux manières. Un des assistants, attaché au gouvernement de son pays, et que ses fonctions mettaient à même de voir souvent sa signature, reconnaît dans l'une celle des pièces officielles, et dans l'autre celle des lettres privées. »

On sait que les procès-verbaux étaient lus en séance et approuvés par les assistants. Nous avons donc, dans ce cas, bien que les noms ne soient pas donnés, un document officiel qui nous assure, indépendamment de la sincérité d'Allan Kardec qui n'est pas douteuse, de la réalité de cette curieuse manifestation. Il ne taut pas trop s'étonner de voir de hauts personnages fréquenter ces réunions; car à cette époque le spiritisme était fort répandu dans les classes élevées;  nous  savons d'ailleurs que l'empereur Napoléon III fit des expériences en compagnie de Home et que la reine d'Angleterre a publié un livre de communications qu'elle reçut du prince Albert. Beaucoup de Russes occupant des situations officielles fréquentaient le salon d'Allan Kardec et c'est peut-être dans cette catégorie d'étrangers qu'il faut chercher celui qui reconnut l'écriture de son souverain.

Les autographes obtenus par le révérend Stainton Mosès

L'écriture mécanique est un excellent moyen pour l'être désincarné de montrer sa personnalité; nous trouvons dans les travaux publiés par Stainton Mosès, de bonnes preuves de cette action directe de l'esprit se traduisant par l'intermédiaire de la main du médium.
L'étude de M. Myers consacrée à l'examen des faits spirites relatés par Stainton Mosès contient les passages suivants, qui sont d'importantes contributions pour notre enquête .

« Ce fut au mois d'Août 1872, dit Stainton Mosès, que j'acquis la conviction de l'identité spirite. Nous avions, le docteur M. Speer et moi, des séances presque régulièrement tous les soirs.
Une amie de M. Speer, dont je n'avais jamais entendu parler vint, et par ma main écrivit son nom: A. P. Kirklaud. Le docteur Speer demanda: «êtes-vous notre vieille amie? » J’écrivis alors: « oui, je suis venue vous dire que je suis heureuse, mais je ne peux pas impressionner notre ami ce soir. » L'écriture changea et une communication de M. Callister (un de mes amis), puis d'un mes cousins J. S. T. et encore d'un autre esprit que je ne crois pas utile de faire connaître.
Il est important de remarquer que l'écriture de miss Kirkland, que je n'avais jamais vue, est très semblable à la sienne... »

Dans une autre circonstance, un esprit s'est manifesté en donnant sur sa vie passée les détails les plus circonstanciés, alors que cet esprit était absolument inconnu du médium. Le phénomène acquiert encore une plus grande valeur par ce fait que l'écriture de la communication, comparée à un vieux manuscrit, a été trouvée presque tout à fait semblable. Nous reproduisons ce cas très démonstratif .

« Vers la même époque, une de nos séances (presque deux heures) fut prise par la communication d'une série de faits, noms, dates, et détails minutieux donnés par un esprit capable de répondre aux questions les plus détaillées. Le jour de sa naissance, des détails sur l'histoire de sa famille et de sa jeunesse furent donnés à ma demande. J'eus ainsi une autobiographie concernant les faits principaux et même quelques particularités de la vie journalière qui vinrent à leur place de la façon la plus naturelle. Les réponses aux questions venaient sans aucune hésitation avec une précision, une clarté parfaites. Partout où la vérification fut possible, ces détails furent trouvés en tout exacts. Ce cas eût-il été unique, j'étais bien forcé d'admettre que les renseignements venaient de l'homme lui-même ayant gardé sa mémoire intacte, son individualité inattaquée par le changement que nous appelons la mort.
Dans le lieu où j'écrivais les communications automatiques se trouve une courte lettre, écrite automatiquement, d'une écriture archaïque particulière, d'une orthographe bizarre et ancienne, et signée du nom de l'homme en question, un homme distingué de son temps. J'ai depuis pu me procurer un spécimen de son écriture, un vieux document jauni, gardé comme autographe, l'écriture de mon livre est une bonne imitation de celle-là, l'ancienne orthographe se présente exactement de même. C'est ce cas que je retrouve ainsi qu'il suit, raconté dans mes notes.
Le 25 janvier 1874, est venu à notre cercle Thomas Wilson qui a passé toute la soirée à nous donner les plus minutieux détails sur lui et sa famille par le moyen de soulèvements ou plutôt de lévitations de la table. J'étais fatigué à en mourir, mais il continuait toujours. Il dit qu'il était né à Boston, dans le Cheshire, le 20 décembre 1663 et qu'il était mort le 7 mars 1755,  âgé de 91 ans. Le nom de sa mère était Sherlock, elle était née à Oman dans le Cheshire. Son maître d'école était M. Harper de Chester. Il fut désigné par le Dr Morton, évêque de Kildare, pour le vicariat de son oncle, le docteur Sherlock en 1686. Le 29 janvier (jour de la Saint-Pierre) il fut nommé évêque de Sodor and Man; il épousa Mary Pallen, de Warington, en 1698, et eut quatre enfants: Marie mourut à treize ans, Thomas à un an, Alice à deux ans. Un autre fils Thomas lui survécut. Il nous dit qu'Imperator l'avait envoyé à notre cercle. Son « rap » était clair et distinct. Tous ces détails complètement inconnus au cercle furent vérifiés ensuite et une lettre ancienne que m'envoya un ami nous permit de vérifier l'écriture. Le mot « friend » est orthographié avec l'e avant l'i comme dans l'écriture automatique... Je le demande? S'il n'était pas l'homme qu'il prétendait être, qui était il? N'est-il pas plus difficile de croire à une contrefaçon de l'intelligence qu'à l'intelligence elle-même? »

Ces remarques finales nous semblent très justes, et la critique, même la plus pénétrante, ne peut entamer cette série d'évidences. H. Myers, qui n'avait pas encore à cette époque trouvé son chemin de Damas, en est réduit à des suppositions, à des hypothèses et n'essaye même pas d'expliquer les faits les plus caractéristiques. Ecoutons son argumentation.

« Note de M. F. W. H. Myers. – L'évêque Wilson. J'ai vérifié ces faits dans la vie de l'évêque Wilson par Stowell, livre que M. S. Moses peut avoir eu entre les mains à l'île de Man. Mais ces faits sont disséminés et la mémoire subconsciente peut difficilement les avoir conservés sans recourir au livre. Je n'ai pas trouvé dans le livre les noms des deux enfants Thomas et Alice, morts tout jeunes; et je ne sais comment ils pourraient être vérifiés. Ceci, naturellement est une objection aux messages prétendant venir de personnages historiques. Il est difficile de trouver des faits qu'on aurait eu de la peine à connaître auparavant et qui seraient cependant vérifiables par la suite; et les objections que l'on fera communément à tous les « contrôles historiques » s'appliquent forcément à ce cas aussi. »

Eh bien! N'en déplaise aux psychologues, nous trouvons ces objections très faibles. D'abord, il est certain que S. Mosès ne connaissait pas le livre de Stowel, sans quoi il l'eût mentionné. Il avait assez de mémoire et un esprit suffisamment pondéré pour se souvenir d'un ouvrage qu'il aurait lu depuis peu de temps, et même nous devons admettre que jamais il n'en avait pris connaissance, puisqu'il l'affirme. Faisons cependant la supposition peu vraisemblable que tout ce qui se rapporte à l'évêque Wilson se trouvait dans sa subconscience, cela nous donne-t-il la moindre indication sur la  source où il aurait puisé pour faire un pastiche fidèle de l'écriture de Wilson? Evidemment non, d'autant plus que l'orthographe est légalement caractéristique. Il faut donc reconnaître ici une accumulation de caractères positifs qui militent absolument en faveur de l'intervention d'un esprit qui tenait à témoigner de sa survivance.
Il semble bien que les guides du médium se sont attachés à lui fournir des preuves certaines, en grande abondance, car nous lisons encore dans le même travail les lignes suivantes.

« D'un autre côté, je dois signaler encore comme preuves d'évidence, les signatures répétées que j'ai obtenues et qui sont de véritables « fac-similés » de celles employées par les personnes pendant leur vie; par exemple les signatures de Beethoven, de Mozart et Swedenborg se rattachant à celle du juge Edmonds, il est à remarquer que dans mon livre, sa signature, ou plutôt ses initiales, sont celles qu'il employait durant sa vie, et que la signature de Swendenborg, qui est particulière, a été un fac-similé de sa propre écriture; quoique m'étant complètement inconnue. »

Il ne faut pas songer à la mémoire inconsciente puisqu'il est assez rare de rechercher des autographes, et si cela se produit, il est certain que chez un homme réfléchi, sérieux, le souvenir en est conservé. Rien de la télépathie, puisque tous les agents sont morts depuis longtemps. Faut-il attribuer ces connaissances à la clairvoyance? Rien ne nous y autorise, car toutes ces signatures ont été données à l'improviste sans aucune sollicitation ni aucun désir de les obtenir. On aura beau passer ces phénomènes au crible de la critique la plus intransigeante, ils y résistent et restent comme des signes manifestes de nos rapports avec l'au-delà.
Arrivons enfin à un dernier cas, tellement significatif que M. Myers ne trouve pas d'explication plausible dans l'arsenal de la psychologie, même subliminale. Le voici.

« Le premier cas que je vais rapporter me parait à certains points de vue le plus remarquable. L'esprit en question est celui d’une dame de ma connaissance, que M. Mosès avait, je crois, rencontrer une fois seulement. Elle défendit elle-même la publication de son vrai nom, pour une cause qui me sauta aux yeux dès que je lus son cas, mais qui n'était pas précisément connue de M. Mosès. Je la nommerai Blanche Abercromby et j'omettrai les dates.
Cette dame mourut à la campagne, à environ 200 milles de Londres, un dimanche, il y a environ vingt ans, et sa mort fut considérée comme un événement mondain intéressant; elle parut dans le Times du lundi, ayant été aussitôt télégraphiée à Londres; mais naturellement le dimanche soir, personne à Londres, sauf peut-être la presse et quelques amis intimes, ne connaissait l'événement.
On verra plus loin que, ce soir-là vers minuit, une communication prétendant venir d'elle-même fut faite à M. Mosès dans son appartement particulier au nord de Londres. L'identité fut corroborée quelques jours plus tard par quelques lignes paraissant venir d'elle et dans sa propre écriture, il n'y a aucune raison de supposer que M. Mosès ait jamais vu son écriture. Sa seule rencontre avec cette dame et son mari avait eu lieu à l'occasion d'une séance – qui n'était pas une de ses séances – où il avait été péniblement affecté par l'incrédulité complète exprimée par le mari sur la possibilité des phénomènes.
M. Mosès ne semble pas avoir parlé de cette communication à personne et, dans le manuscrit où elle était consignée, les pages étaient collées ensemble avec la mention: « Private Matter» Elles étaient encore collées quand on me remit le livre; pourtant Mme Speer connaissait la communication. J'ouvris les pages selon la permission que j'en avais et je fus surpris de trouver une courte lettre qui, bien que ne contenant aucun fait bien défini, me parut être tout à fait caractéristique de Blanche Abercromby que j'avais connue; mais bien qu'ayant reçu d'elle plusieurs lettres pendant sa vie, je n'avais pas souvenir de son écriture. Heureusement, je connaissais assez bien un de ses fils pour lui demander son aide en cette circonstance, aide qu'il aurait sûrement refusée à un étranger. Il me prêta une lettre pour comparer. Une grande ressemblance sautait aux yeux, mais l'A du nom de famille n'était pas le même que celui de l'écriture automatique. Enfin, après avoir consulté un très grand nombre de lettres jusqu'à la fin de sa vie, je m'aperçus que dans les dernières années, elle avait pris l'habitude d'écrire l'A (comme son mari l'avait toujours fait) ainsi qu'il apparaissait dans l'écriture automatique. La ressemblance nous parut évidente à son fils et à moi, mais voulant avoir l'opinion d'un connaisseur expérimenté il me fut permis de montrer le journal et deux lettres au Dr Hodgson qui, on s'en souvient, découvrit, par l'évidence basée sur une analyse minutieuse de l'écriture, que les auteurs des lettres de « Koot-Hoomi » étaient Mme Blawatsky et Damodar.
Voici le rapport du Dr Hodgson :
       5, Bolyston place,
       Boston, 1er septembre 1893.

J'ai comparé l'écriture numérotée 123 dans le journal de M. Stainton Mosès, avec les lettres du 4 janvier 18..., et du 19 septembre 18.., écrites par B. A. Il y a dans le journal de petites ressemblances avec l'écriture des lettres et il y a aussi de petites différences dans la formation des lettres, à en juger par les deux lettres qui m'ont été soumises; mais les ressemblances sont encore plus caractéristiques que les différences. De plus, il y a plusieurs particularités frappantes communes aux écritures des lettres et du journal, et qui semblent plus exagérées dans ce journal. L'écriture du « note-book » tend à montrer que l'auteur cherchait à se rappeler les principales particularités de l'écriture de B. A. et non pas à copier des spécimens de cette écriture. La signature, surtout dans le journal, est d’une façon bien caractérisée la signature de B. A. Quoi qu'il en soit, je n'ai aucun doute en croyant que la personne qui écrivit le journal voulait reproduire l'écriture de B. A.
       RICHARD HODGSON.

La vérification de ce cas était trop complète, poursuit M. Myers, pour que nous puissions ici l'expliquer complètement. La dame, qui  était tout à fait étrangère à ces recherches, était morte depuis vingt ans lorsque sa lettre posthume fut découverte dans le journal particulier de M. Moses, par une des rares personnes survivantes qui l'a connue assez pour reconnaître la valeur caractéristique du message, et qui, en même temps, s'intéressait assez à l'identité spirite pour faire bien comparer l'écriture.

Ici nul doute n'est possible; la preuve est tout à fait complète, puisqu'elle subit le contrôle des plus rigoureux critiques qui ne trouvent rien à redire.

Au village de D...

Nous avons signalé déjà la remarquable faculté de Maria, le médium observé par MM. Dusart et Broquet; il nous faut revenir sur certaines particularités qui prennent leur place dans ce chapitre et qui nous présentent des exemples de la reconstitution de l'écriture du frère de Maria et d'une de ses petites amies morte depuis longtemps. Bien que le sujet ait connu ces deux esprits pendant leur vie terrestre, nous croyons que la mémoire subconsciente ne peut jouer ici aucun rôle, car Maria allait très peu à l'école et n'a peut-être jamais lu aucun cahier de son frère ou de son amie. Mais ce qui nous incite surtout à mentionner ces autographes c'est que ces esprits, outre l'écriture de Maria, ont donné des preuves d'identité par des manifestations écrites par le médium illettré Mme B. pour l'une: Agnès et par une enfant de trois ans et demi pour l'autre: Hubert. Reproduisons textuellement les termes du mémoire de MM. Broquet et Dusart .

« Voici les particularités qui ont signalé quelques-unes des communications de Maria.
Le lendemain du jour où sa médiumnité se déclare, Maria, au milieu d'une séance à laquelle assistaient sept personnes, parmi  lesquelles M. Ch. Broquet, déclare sentir sur sa main le contact d’une petite main d'enfant, mais elle ne voit rien; son bras est agité de mouvements nerveux. Elle prend un crayon et écrit d'une écriture qui ne ressemble pas à la sienne. La communication est signée Hubert V... son frère mort de méningite à six ans et demi. On cherche s'il ne reste pas, dans la maison, des spécimens de l’écriture de Hubert et on trouve, au milieu de beaucoup de paperasses, un cahier d'école resté là par hasard et inconnu du reste de la famille. On compare les deux écritures et l'on constate leur parfaite ressemblance.
Depuis ce moment, les nombreuses communications de Hubert furent toujours reconnues par le seul caractère de l'écriture, avant qu'elles fussent signées.
Agnès B... cousine et amie d'enfance de Maria, s'est assez souvent communiquée par l'écriture. Elle est fort peu instruite et avait l'habitude de signer Agnesse. Cette faute d'orthographe se retrouve dans toutes les communications, aussi bien celles qui sont données par la main de Maria, que celles transmises par Mme B.., le médium illettré incapable de se rendre compte non seulement de l'orthographe des communications données par sa main, mais même de distinguer des griffonnages sans aucune lettre formée, et de l'écriture nettement lisible. L'écriture est si bien celle d'Agnès qu'à sa vue son père et sa mère ont éclaté en sanglots au milieu d'une séance.
Clément Bourlet, dont nous avons déjà beaucoup parlé, écrit fort fréquemment et toujours dans le patois le plus grossier avec les mêmes plaisanteries vulgaires, la même orthographe et les mêmes caractères de l'écriture, que la main qui tient le crayon soit celle de Maria, ou celle de Zélia, âgée de onze ans, ou encore celle de Mme B..., personne fort instruite, d'un caractère élevé et qui, habitant une autre localité, ne connaissait pas Maria et n'avait jamais vu l'écriture de Clément; ou enfin celle de Mlle M. B... »

Faisons une dernière fois observer l'importance de ces contrôles successifs qui établissent positivement l'existence et l'individualité des Esprits. Lorsque le Spiritisme sera plus répandu et que l'on pourra constituer de sérieux centres d'études, il deviendra facile d'expérimenter avec rigueur et méthode et nous sommes assurés que ces cas probants se multiplieront avec une telle abondance, que le doute ne pourra subsister pour aucun incrédule de bonne foi.

Les cas du syndic Chaumontet et du curé Burnier

M. le professeur Flournoy, de qui nous avons cité déjà une étude sur l'automatisme , a publié dernièrement une étude très intéressante intitulée: « Des Indes à la planète Mars », dans laquelle il rapporte les observations qu'il fit sur un remarquable médium qu'il nomme Mlle Hélène Smith. Nous n'avons pas à nous prononcer sur les théories de l'auteur qui est un adversaire du spiritisme, il nous suffira de lui emprunter le récit de quelques expériences dont il ne peut donner d'explication valable, puisqu'il en est réduit à imaginer des hypothèses invraisemblables pour essayer de faire jouer à la mémoire latente, un rôle que celle-ci ne peut remplir. Mais voyons d'abord les faits et nous discuterons ensuite.

« Voici un dernier cas récent, où l'hypothèse spirite et l'hypothèse cryptomnésique subsistent l'une en face de l'autre, immobiles comme deux chiens de faïence se faisant les gros yeux, à propos de signatures données par Mlle Smith en somnambulisme et qui ne manquent pas d'analogie avec les signatures authentiques des personnages défunts dont elles sont censées provenir.
Dans une séance chez moi (12 février 1899), Mlle Smith a la vision d'un village sur une hauteur couverte de vignes; par un chemin pierreux elle voit descendre un petit vieux qui a l'air d'un demi-monsieur: souliers à boucles, grand chapeau mou, col de chemise pas empesé, aux pointes montant jusqu'aux joues, etc. Un paysan en blouse qu'il rencontre lui fait des courbettes, comme à un personnage important; ils parlent patois, de sorte qu'Hélène ne les comprend pas. Elle a l'impression de connaître ce village, mais cherche vainement dans sa mémoire où elle l'a vu. Bientôt le paysan s'efface, et petit vieux, maintenant vêtu de blanc, et dans un espace lumieux (c'est-à-dire dans sa réalité actuelle de désincarné, voir la note I, page 384), lui paraît s'approcher. A ce moment, comme elle est accoudée du bras droit sur la table, Léopold dicte par l'index: « baissez-lui le bras ». J'exécute l'ordre; le bras d'Hélène résiste d'abord fortement, puis cède tout à coup. Elle saisit un crayon, et au milieu de la lutte habituelle relative à la façon de tenir (v. p. 98); « vous me serrez trop la main », dit-elle au petit vieux imaginaire qui, suivant Léopold, veut se servir d'elle pour écrire: « vous me faites très mal, ne serrez pas si fort. Qu'est-ce que ça peut vous faire que ce soit un crayon ou une plume? » A ces mots, elle lâche le crayon pour prendre une plume et, la tenant entre le pouce et l'index, trace lentement d'une écriture inconnue: Chaumontet syndic (v. fig. 44). Puis revient la vision du village; sur notre désir d'en savoir le nom, elle finit par apercevoir un poteau indicateur où elle épelle Chessenaz, qui nous est inconnu. Enfin, ayant sur mon conseil demandé au petit vieux, qu'elle voit encore, à quelle époque il était syndic, elle l'entend répondre: 1839. Impossible d'en apprendre davantage; la vision s'épanouit et fait place à une incarnation totale de Léopold, qui, de sa grosse voix italienne, nous parle longuement de choses diverses.
J'en profite pour l'interroger sur l'incident, du village et du syndic inconnus; des réponses entrecoupées de longues digressions se résument ainsi: « je cherche... je me suis dirigé en pensée le long de  cette grande montagne percée dessous dont je ne sais le nom ;  je vois le nom de Chessenaz, un village sur une hauteur, une route qui y monte. Cherche dans ce village, tu trouveras certainement ce nom (Chaumontet), cherche à contrôler sa signature; cette preuve-là, tu la trouveras; tu trouveras que l'écriture a été de cet homme  ». Je me demande s'il voit cela dans les souvenirs d'Hélène et s'il a été à Chessenaz, il répond négativement sur le premier point et évasivement sur le second: « demande-le lui, elle a bon souvenir de tout, je ne l'ai pas suivie dans toutes ses promenades. »
Réveillée, Hélène ne put nous fournir aucun renseignement. Mais le lendemain je trouvai sur la carte un petit village de Chessenaz dans le département de la Haute-Savoie, à 26 kilomètres de Genève à vol d'oiseau et non loin du Credo. Comme les Chaumontet ne sont pas rares en Savoie, il n'y avait rien d'invraisemblable à ce qu'un personnage de ce nom y eût été syndic en 1839 .
Quinze jours plus tard, il n'y avait pas de séance, mais je faisais visite à Mme et Mlle Smith, lorsque Hélène reprend soudain l'accent et la prononciation de Léopold, sans se douter de ce changement de voix, et croyant que je plaisante quand je cherche à le lui faire remarquer . Bientôt l'hemi-somnambulisme s'accentue; Hélène voit reparaître la vision de l'autre jour, le village, puis le petit vieux (le syndic), mais accompagné cette fois d'un curé avec qui il paraît au mieux et qu'il appelle (à ce qu'elle me répète, toujours avec l'accent de Léopold) « mon cher ami Burnier. » Comme je demande si ce curé ne pourrait pas écrire son nom par la main d'Hélène, Léopold me promet, par une dictée digitale, que j'aurai cette satisfaction à la première séance; puis il se met à me parler d'autre chose par la bouche d'Hélène qui est maintenant entièrement entransée.
A la séance suivante, chez moi (19 mars), je rappelle à Léopold sa promesse. Il répond d'abord par le doigt: «  désires-tu beaucoup cette signature? » Et ce n'est que sur mes instances qu'il y veut bien consentir. Hélène ne tarde pas à revoir le village et le curé, qui, après divers incidents, vient s'emparer de sa main comme l'avait fait le syndic, et trace très lentement à la plume les mots: « Burnier Salut » puis elle passe à d'autres somnambulismes.

 

Le moment était venu d'éclaircir la chose. J'écrivis à tout hasard à la mairie de Chessenaz; le maire, M. Saunier, eut l'extrême obligeance de me répondre sans retard. – « Pendant les années 1838 et 1839, me disait-il, le syndic de Chessenaz était un Chaumontet, Jean, dont je retrouve la signature en divers documents de cette époque. Nous avons eu aussi pour curé M. Burnier André, de novembre 1824 jusqu'en février 1841;  pendant cette période tous les actes de naissances, mariages et décès, tenus alors par les ecclésiastiques portent sa signature... Mais je viens de découvrir dans nos archives un titre revêtu de deux signatures, celle du syndic Chaumontet et du curé Burnier. C'est un mandat de paiement; je me fais un plaisir de vous le transmettre. » J'ai fait reproduire au milieu de la figure 44 le fragment de ce document original (daté du 29 juillet 1838) portant les noms des deux personnages; le lecteur peut ainsi juger par lui-même de la similitude assez remarquable qu'il y a entre ces signatures authentiques et celles automatiquement tracées par la main de Mlle Smith .
Ma première idée fut, on le devine, que Mlle Smith avait dû voir une fois ou l'autre des documents signés du syndic ou du curé de Chessenaz, et que c'étaient ces clichés visuels oubliés, reparaissant en somnambulisme, qui lui servaient de modèles intérieurs lorsque sa main entransée retraçait ces signatures. On devine également si une telle conjecture fit bondir Hélène, qui n'a aucun souvenir d'avoir jamais entendu le nom de Chessenaz ni de ses habitants présents ou passés. Je ne regrette qu'à moitié mon imprudente supposition, car elle nous a valu une nouvelle et plus explicite manifestation du curé, lequel, s'emparant de rechef du bras de Mlle Smith dans une séance ultérieure (21 mai, chez M. Lemaitre), vint nous certifier son identité par l'attestation en terme et de forme de la figure 43. Comme on le voit, il s'y prit à deux fois: s'étant trompé à la signature, il barra incontinent avec dépit ce qu'il venait d'écrire soigneusement, et recommença sur une autre feuille. Ce second libellé où il a omis le mot soussigné du premier, lui prit sept minutes à tracer, mais ne laisse rien à désirer comme évidence et précision. Cette calligraphie appliquée est bien celle d'un curé campagnard d'il y a 60 ans, et, à défaut d'autres pièces de comparaison, elle dénote une indéniable analogie de la main avec l'acquit authentique du mandat de paiement de la figure 44.
Ni Mlle Smith ni sa mère n'avaient la moindre notion du curé ou du syndic de Chessenaz. Elles m'apprirent cependant que leur famille avait eu quelques parents et connaissances dans cette partie de la Savoie, et qu'elles sont encore en relation avec un cousin qui habite Frangy, le bourg important le plus rapproché (une lieue) du petit village de Chessenaz. Hélène elle-même n'a fait qu'une courte excursion dans cette région, il y a une dizaine d'années: et si, en suivant la route de Seyssel à Frangy, elle a traversé des coins de paysage répondant bien à certains de sa vision du 12 février (qu'elle avait, comme on l'a vu, le sentiment de reconnaître), elle n'a, par contre aucune idée d'avoir été à Chessenaz même, ni d'en avoir entendu parler. D'ailleurs, dit-elle, « pour ceux qui pourraient supposer que j'ai pu passer à Chessenaz sans m'en souvenir, je m'empresserai de leur objecter et de leur affirmer que même y serais-je allée, je n'aurais point été y consulter les archives pour y apprendre qu'un syndic Chaumontet et un curé Burnier y avaient existé à une époque plus ou moins reculée. J'ai bonne mémoire et j'affirme hautement qu'aucune des personnes qui m'ont entourée pendant ces quelques jours passés loin de ma famille ne m'a jamais montré aucun acte, aucun papier, rien, en un mot, qui pourrait avoir emmagasiné dans mon cerveau un pareil souvenir. Ma mère a fait, à l'âge de quatorze ou quinze ans, une course en Savoie, mais rien dans ses souvenirs ne lui rappelle avoir jamais entendu ces deux noms. » – Les choses en sont là et je laisse au lecteur le soin de conclure comme il lui plaira. »

Voici maintenant les réflexions dont M. Flournoy assaisonne ce cas remarquable.

« Ce cas m'a paru digne de couronner mon rapide examen des apparences supra-normales qui émaillent la médiumnité de Mlle Smith, parce qu'il résume et met excellemment en relief les positions respectives, antinomiques et inconciliables, des milieux spirites et des médiums d'une part, parfaitement sincères du reste, mais trop facile à contenter, – et des chercheurs quelque peu psychologues, d'autre part, toujours poursuivis par la sacro-sainte terreur de prendre des vessies pour des lanternes. Aux premiers, la moindre chose curieuse, une vision inattendue du passé, des dictées de la table ou du doigt, un accès de somnambulisme, une ressemblance d'écriture, suffisent à donner la sensation du contact de l'au-delà et à prouver la présence réelle du monde désincarné. Ils ne se demandent jamais quelle proportionnalité il peut y avoir entre les prémisses, si frappantes soient-elles, et cette formidable conclusion. Pourquoi et comment, par exemple, les défunts, revenant signer par la main d'une autre personne en chair et en os, auraient-ils la même écriture que de Ieur vivant? Les mêmes gens qui trouvent cela tout naturel, bien qu'ils n'en aient encore point vu de cas certains, tombent des nues lorsqu'on invoque devant eux la possibilité de souvenirs latents, dont la vie courante leur fournit pourtant des exemples quotidiens – qu'ils n'ont, il est vrai, jamais pris la peine d'observer. Les psychologues, en revanche, ont le diable au corps pour aller regarder derrière les coulisses de la mémoire et de l'imagination, et quand l'obscurité les empêche d'y rien distinguer, ils ont la marotte de s'imaginer qu'ils finiraient bien par y trouver ce qu'ils cherchent – si seulement on pouvait y faire la lumière. Entre deux classes de tempéraments aussi disparates, il sera, je le crains, bien difficile d'arriver à une entente satisfaisante et durable. »

Il est certain que si nous devons abandonner toute méthode scientifique de contrôle pour nous assurer de la réalité de la vie d'Outre-Tombe, jamais nous ne nous entendrons avec               M. Flournoy. Dans toute enquête, même judiciaire, la signature d'un individu suffit à affirmer son individualité. Ce point admis, il reste à savoir si l'écriture est simulée, et dans le cas qui nous occupe, comment Mlle Smith aurait pu avoir sous les yeux les signatures du curé Burnier et du Syndic Chaumontet. Tout d'abord, M. Flournoy reconnaît que le médium est honnête, intelligent, incapable de mentir;  il accepte son témoignage, ce qui est essentiel en l'espèce, Mlle Smith n'a jamais mis les pieds à Chessenaz; elle paraît avoir séjourné simplement pendant quelques jours chez un cousin habitant dans un bourg voisin. Voilà les faits. Comment M. Flournoy arrive-t-il à en induire qu'elle a eu sous les yeux les écrits du curé et du syndic? C'est une simple supposition, une hypothèse qui ne peut s'appuyer sur aucune circonstance réelle et qui est combattue même par le plus simple raisonnement.
Quelle probabilité peut-il exister pour que le cousin ou son entourage ait parlé à Mlle Smith du curé d'un petit village voisin, mort depuis soixante ans? L'ont-ils connu? Non. Savaient-ils seulement qu'il avait existé? Qui donc se soucie de rechercher, sauf des cas spéciaux, le nom des prêtres qui ont séjourné dans un village. En supposant même qu'il se soit trouvé une personne âgée qui ait connu ce curé, elle n'aurait pu assurément faire connaître à Mlle Smith l'écriture de cet ecclésiastique, sans que la mémoire de cet événement fût conservée par le médium. Or, lui et sa mère déclarent que le nom du prêtre et celui du syndic leur étaient absolument inconnus, il faut donc abandonner l'hypothèse de souvenirs latents, puisque rien ne peut justifier cette supposition. Mais où les individualités posthumes accusent leur identité, c'est lorsqu'ils signent d'une manière presque absolument identique à celle qu'ils usitaient de leur vivant. Dans ce cas, le doute doit disparaître, car l'écriture est manifestement un signe indéniable de la personnalité. M. Flournoy s'imagine que Mlle Smith a dû voir ces signatures, mais nous rappellerons qu'elles étaient enfouies, depuis 60 ans dans les archives de la commune de Chessenaz et qu'il n'est pas raisonnable de supposer que l'administration communale s'amuse à faire circuler ses papiers dans les bourgs circonvoisins, pour l'amusement des badauds ou la satisfaction personnelle de jeunes filles de passage dans le pays. Cet exode de papiers municipaux qui dorment sous la vénérable poussière d'un         demi-siècle, est certainement une de ces imaginations invraisemblables auxquelles on n'a recours qu'en désespoir de cause.
Nous préférons croire à la présence réelle du curé Burnier et du syndic Chaumontet, qui s'affirment authentiquement par leurs signatures, plutôt qu'à l'insinuation du cliché visuel qui est contraire à la matérialité des faits. M. Flournoy semble croire que c'est la première fois qu'on obtient de l'écriture post-mortem semblable à celle d'un vivant. Nous le renvoyons au cas d'Estelle Livermore cité par Aksakof, que nous verrons dans le chapitre suivant; aux « fac-similés » publiés par le baron de Guldenstubée à la fin de son livre sur: « La réalité des Esprits », et enfin à l'exemple rapporté plus haut par le professeur Moutonnier.
Quant à l'étrangeté qu'il y aurait pour un désincarné de reproduire son ex-signature, elle ne nous serait pas plus inexplicable que les écritures que l'on fait exécuter par certains sujets, en les replaçant par suggestion, à un stade quelconque de leur vie antérieure, car l'on constate alors que leur écriture, pendant que la suggestion opère, est semblable à celle qu'ils avaient réellement à l'âge qu'on leur a indiqué. Les spirites évitent avec soin de prendre des vessies pour des lanternes, c'est pourquoi ils ne se déclarent pas satisfaits lorsque les psycholoques essaient d'expliquer des phénomènes médianimiques véritables par des hypothèses, si cryptomnésiques qu'elles peuvent plus supporter le simple éclat du grand jour. Malgré ces oppositions systématiques, le spiritisme poursuit triomphalement sa route et il apporte à tous les hommes sincères la clef du grand problème de l'Au-delà, que les savants, pas plus que les prêtres, n'ont su découvrir.
 
CHAPITRE V

Confirmations multiples de l'intervention des Esprits

Sommaire. – L'écriture est fréquemment accompagnée d'autres phénomènes indépendants du médium. – Communications identiques et simultanées en langues étrangères. – Vue de l'esprit qui produit la communication. – Le cas de Padoue. – Le médium voit l'esprit qui le fait écrire. – Ecriture directe, semblable à l'écriture obtenue par le médium. – Description de l'esprit qui produit l'écriture directe. – Vision et photographie d'un esprit sous forme d'enfant. – Encore une confirmation de la vision par la photographie. – Nom, adresse et guérison d'une personne inconnue du médium. – Un oncle bruyant. – Le cas de Mrs Mary Burchett. – Les messages d'Estelle Livermore. – Résumé.

Bien que nous nous soyons limités soigneusement aux seules communications mécaniques ou directes on a pu constater qu'elles offrent une très grande variété, et que toute élimination faite des causes étrangères qui pourraient intervenir, la médiumnité apparaît comme une faculté réelle, nettement caractérisée par ses manifestations intellectuelles. Il est cependant un certain nombre d'expériences que nous ne pouvons délaisser, car elles nous font voir en action la cause qui produit l'écriture, en démontrant positivement que cette intelligence est absolument étrangère au médium.
Nous n'avons tenu compte jusqu'alors que du phénomène pur, isolé, pour ainsi dire, sans considérer les circonstances accessoires qui l'environnent: cependant il s'accompagne fréquemment de manifestations diverses, coups frappés, apparitions, etc., qui, se produisant en même temps que l'écriture, persuadent l'écrivain que l'intelligence agissante est indépendante de son cerveau. Si la subconscience est tout entière occupée à écrire, elle ne peut pas s'extérioriser pour produire des frappements dans les murs ou le plancher, comme cela arrive fréquemment. Il est donc utile de signaler ces cas qui montrent encore avec force combien les théories des hypnotiseurs sont peu satisfaisantes pour expliquer l'ensemble si différencié des faits observés depuis 50 ans. Cette cause agissante, invisible ordinairement, se révèle parfois aux yeux de certains assistants qui la décrivent de manière à la faire reconnaître par ceux qui ont été en relation avec elle ici-bas; enfin elle se montre capable aussi de produire avec le même médium d'autres phénomènes que l'écriture. Toutes ces circonstances, en se groupant, éclairent les faits et nous conduisent irrésistiblement à la conviction que ce sont bien des Esprits qui se manifestent.
Déjà nous avons constaté qu'une individualité désincarnée agit d'une manière identique sur des médiums qui ne se connaissent pas, et la ressemblance des caractères matériels de l'écriture et du style, nous a montré que c'était bien la même personnalité invisible qui agissait dans ces conditions si différentes. Nous allons constater que le phénomène s'est produit dès l'origine du spiritisme, mais cette fois les écrivains étaient de nationalités différentes et ils obtenaient cependant, sous la même impulsion spirituelle, deux communications semblables. Voici le cas rapporté dans le bulletin de la « Société parisienne des études spirites  ».

Communications identiques et simultanées en langues différentes

« M. Allan Kardec rend compte d'un fait intéressant qui s'est passé chez lui, dans une séance particulière. A cette séance assistait M. Rabache, très bon médium, auquel s'était communiqué spontanément Adam Smith, dans un café de Londres. Adam Smith ayant été évoqué par l'entremise d'un autre médium, Mme Costel, il répondit simultanément par cette dame en français et par M. Rabache en anglais; plusieurs réponses se sont trouvées d'une identité parfaite et même être la traduction littérale l'une de l'autre. »

Il nous paraît bien qu'ici l'intervention d'une intelligence désincarnée est évidente, puisque c'est en même temps que les deux médiums répondent, chacun dans sa langue, et qu’il y a  identité parfaite dans les messages. On ne peut songer à faire intervenir une transmission de pensée, à cause de la simultanéité des réponses et de la différence des langues employées. D'autre part l'autosuggestion ne peut produire une semblable similitude, pas plus que le hasard; donc il nous faut croire absolument que c'est bien un esprit désincarné, car Allan Kardec ignorant le sens des communications ne pouvait évidemment les suggérer, consciemment ou non.

Vue de l’esprit qui produit la communication

Il arrive parfois, dans les séances spirites, que plusieurs médiums possédant des facultés différentes se trouvent réunis, de sorte qu'on peut les utiliser séparément pour contrôler l'objectivité de certains phénomènes, qui ne présenteraient pas par eux-mêmes assez de certitude. C'est ainsi que l'on a employé des médiums voyants pour dépeindre les Esprits qui faisaient écrire un des assistants. Nous en avons cité déjà des exemples ailleurs , nous allons encore en rapporter un cas que nous emprunterons à la revue d'Allan Kardec .
Parmi les médiums voyants, il en est qui ne voient que les esprits que l'on évoque; ils décrivent dans les moindres détails leurs gestes, l'expression de leur physionomie, les traits du visage, le costume et jusqu'aux sentiments dont ils paraissent animés. Il existait, en 1858, à la société spirite, un médium de ce genre nommé Adrien, et pendant l'évocation que l'on fit d'une femme célèbre du temps de François Ier, appelée: La belle Cordière, voici le portrait qu'il retraça de visu.

« Tête ovale; teint pâle, mat;  yeux noirs, beaux et fins, sourcils arqués; front développé et intelligent; nez grec, mince;  bouche moyenne, lèvres indiquant la bonté d'esprit;  dents fort belles, petites bien rangées; cheveux noir de jais, légèrement crépés. Beau port de tête, taille grande et bien élancée. Vêtement de draperies blanches.
Voici les remarques d'Allan Kardec au sujet de cette description, elles sont comme toujours, frappées au coin du bon sens.
Rien sans doute ne prouve que ce portrait ne sorte pas de l'imagination du médium, parce que nous n'avons pas de contrôle; mais lorsqu'il retrace celui de personnes contemporaines qu'il n'a jamais vues et qui sont reconnues par des parents ou des amis, on ne peut douter de la réalité de leur présence qui s'affirme aussi par l'écriture; d'où l'on peut conclure que puisqu'il voit les uns avec une vérité incontestable, il peut en voir d'autres. Une autre circonstance qui doit être prise en considération, c'est qu'il voit toujours le même esprit sous la même forme, et que, fût-ce à plusieurs mois d'intervalle, le portrait ne varie pas. Il faudrait supposer chez lui une mémoire phénoménale pour croire qu'il put se souvenir ainsi du portrait de tous les Esprits dont il a fait la description et que l'on compte par centaines. »

Le cas de Padoue

Feu le Dr Ermacora, directeur de la « Revista di Studi psychici », bien connu pour l'esprit critique et judicieux avec il lequel étudiait les phénomènes psychiques, publia en 1892 une observation dans laquelle le médium a donné à plusieurs reprises des indications exactes concernant des personnes qu'il ne connaissait pas. Voici un résumé sommaire des faits .
Le Docteur reçut le 10 octobre, une lettre dans laquelle se trouvait le passage suivant: « je vous raconterai ce qui m'est arrivé ces jours-ci, un songe que j'ai fait, et comment hier matin j'ai salué sur la place des Seigneurs, un ami de mon frère dont j'ai, par un journal, appris la mort à Venise, ce même jour. Je ne sais véritablement que penser d'une pareille chose. »
Après avoir demandé des explications complémentaires et vérifié les dates, il résulte de l'enquête du Dr Ermacora, que le nommé Salvadori, celui dont Mme  Maria M. vit l'apparition à Padoue, le 6 octobre, était mort à Venise le mercredi 7 octobre à 9 H 30. La veuve dit que son mari resta presque toujours assoupi pendant les quatre jours qui précédèrent sa mort. Elle  se rappelle que le 6, veille de sa mort, elle alla à l'hôpital pour le voir, à 10 heures du matin, c'est-à-dire un peu après l'apparition télépathique, et qu'elle le trouva endormi. Citons maintenant ce qui a trait à l'écriture.

« Mme Maria M. dit être médium écrivain, bien que d'une santé un peu débile. Dans sa dernière lettre, elle me fait part d’une très courte communication reçue sous le nom de Vittorio Salvadori, le 17 octobre, dans les conditions suivantes. Tandis qu'elle attendait que sa main fût dirigée par une autre influence qu'elle connaissait et qui lui était habituelle, et alors qu'elle ne pensait pas du tout à l'apparition, sa main traça des signes d'un caractère inconnu. Voici comment elle s'exprime à ce sujet dans sa lettre: « je vous assure que je ne fus pas peu surprise et que j'eus même un peu peur. Après quelques signes sans importance, voici la très courte communication que j'obtins: « qui es-tu? – Vittorio Salvadori. – Tu te trouves bien où tu es? – Pas trop. – As-tu besoin de quelque chose? – Pour moi, non, mais pour mes enfants, spécialement pour Amélie. – Il te faudrait pour cela communiquer avec G. Ermacora, peux-tu aller où il est? – Je n'en ai pas la force. »

Voici les réflexions du Dr Ermacora.

« Deux points méritent l'attention:
1° - ces communications non seulement ne sont pas de l'écriture de Maria M., mais elles diffèrent aussi des précédentes écritures automatiques portant d'autres signatures,
2° - la mémoire consciente de Maria M., ignorait le nom d'Amélie, la petite fille de Salvadori.
Voici ce qu'elle m'écrivit à ce sujet le 31 octobre: « Je ne savais pas qu'il y avait une enfant du nom d'Amélie, et même mon frère l'ignorait également, mais il alla voir la femme de Vittorio et trouva que la plus grande des fillettes s'appelait ainsi et était sa préférée... » Le frère de Maria M. se trouvait à Padoue, et c'est par correspondance qu'elle eut le renseignement. »

Le Dr Ermacora dit que la conscience normale de Maria M. ignorait ce renseignement, probablement, croyons-nous, parce que le médium avait travaillé jadis dans une maison où Vittorio était employé. Peut-être à cette époque a-t-elle pu entendre le nom de la jeune Amélie et l'avoir oublié ensuite. Ce souvenir se serait extériorisé par l'écriture, comme nous en avons des exemples dans les rêves. Mais dans le cas suivant, cette explication paraît beaucoup moins plausible, en raison même de la nature des réponses.

« Je la priai (Mme Maria M.) pour ma curiosité pèrsonnelle, de provoquer en ma présence une écriture présentant les mêmes caractères individuels. Je copie les demandes et les réponses obtenues qui présentent quelques points dignes de remarques.
Vittorio. – Que voulez-vous ?
D. – Je te prie de me dire ce que tu as fait la veille de ta mort vers les 9 heures du matin.
R. – A ce moment précis, je ne me rappelle pas.
Observation. – (On doit remarquer cette ignorance, pour l'intelligence produisant le phénomène, d'une notion qui existait très vive dans l'intelligence de la personne survivante, le médium. Ce fait semblerait plus contraire que favorable à la théorie du pur automatisme).
D. – Te souviens-tu au moins de m'avoir vue à ce moment ?
R. – Oui, je vous ai vue un moment.
D. – Te rappelles-tu où ?
R. – Je ne sais si c'est à Padoue ou à Turin.
Observation analogue. – (Dans notre intelligence consciente, il ne pouvait certainement pas être venu cette idée que l'apparition pouvait avoir eu lieu à Turin, où Maria n'avait jamais été de sa vie).
D. – Crois-tu m'avoir vu par hasard ou bien penses-tu être venu me chercher ?
R. – Je pensais beaucoup à vous. (La femme de Salvadori dit que pendant les derniers jours il prononçait souvent le nom de Madame Maria M.)
D. – Sachant que j'habite Padoue, pourquoi te semble-t-il avoir pu me voir à Turin ?
R. – Parce que je suis allé aussi à Turin.
D. – Pourquoi étais-tu allé à Turin ?
R. – Pour voir mon père et ma sœur, mais ils étaient à Pinevolo.
D. – Et les as-tu trouvés à Pinevolo ?
R. – Non, je n'ai pas pu. Je vous salue.
Observation. – (Le médium ignorait absolument que le père et soeur fussent à Pinevolo. A ma prière, elle alla prendre des renseignements auprès de la veuve de Salvadori, qui confirma le fait et donna même leurs adresses exactes. Moi j'ignorais jusqu’à leur existence.)
Les demandes et les réponses ont été écrites par la même main en ma présence, et les caractères sont assez différents. J'ai vu aussi la même main, sous une autre influence, écrire en se servant d'une troisième écriture, différente des deux autres. »

Nous retrouvons les mêmes caractères que dans les messages de Stainton Mosès, qui différaient entre eux suivant les personnalités invisibles qui se servaient de son ministère. Ici l'esprit s'est peut-être fait voir peu de temps avant sa mort, alors qu'il commençait déjà, probablement, à se dégager de son corps physique; la conservation du moi s'affirme après la désincarnation par l'écriture et des détails que l'âme du mort avait seule intérêt à signaler à ce moment. La clairvoyance ne peut être invoquée pour expliquer la désignation du lieu où se trouvaient les parents du défunt, puisqu'il n'existait entre eux et Mme Maria aucun rapport de sympathie, d'amitié ou de parenté. La télépathie d'un vivant n'a pas davantage de raison d'être, tandis que la vision et l'écriture s'accordent admirablement avec le désir du défunt de donner de ses nouvelles et d'intéresser son amie au sort de ses enfants.
Les circonstances du récit ne nous permettent pas décider absolument, si l'apparition est télépathique ou si elle était produite par l'esprit lui-même ayant quitté son corps, puisqu’il  n'est pas resté de preuve objective de ce dédoublement; cependant les renseignements fournis plus tard semblent bien établir que l'âme était extériorisée, poussée par l’anxiété qu'elle éprouvait de sentir sa famille abandonnée.
Nous avons constaté que c'est parfois un étranger qui décrit l'esprit qui agit sur un autre médium; nous allons voir un exemple où le médium lui-même assista à l'expérience et put se rendre compte de la façon dont procèdent les invisibles.

Le Médium voit l'esprit qui le fait écrire

Ce cas est emprunté à l'ouvrage de Stainton Mosès intitulé. « Spirit Teaching  ». On assiste là à une sorte de photographie de ce qui se passe ordinairement entre les esprits et les médiums pendant l'écriture mécanique véritable.

« Il raconte que le 24 octobre 1874, il se sentit violemment poussé à écrire, ce qui ne lui était pas arrivé depuis deux mois. Il obtint d'abord une courte phrase se terminant par ces mots.
« Nous n'étions pas éloignés de vous pendant cet espace de silence: nous étions toujours près de vous, mais nous avons décidé qu'il serait mieux d'agir différemment que dans le passé: cessez maintenant et attendez. »
Le rév. Stainton Mosès suppose qu'à cet instant, il passa dans un état de transe inconsciente, parce qu'il se rappelle qu'il voyait son corps à une certaine distance de lui, assis devant la table, et dont la main qui écrivait tenait la plume sur le cahier; son esprit et son corps étaient réunis par une fine ligne lumineuse. Il regardait cela et tout ce qui était dans la chambre avec le plus vif intérêt et remarqua que tous les objets matériels semblaient nébuleux, et chaque objet spirituel avait l'apparence solide de la réalité.
Rector était debout derrière le corps du médium, une main étendue au-dessus de sa tête, et l'autre sur la main qui écrivait. Imperator et d'autres esprits familiers étaient aussi présents. Il en vint d'autres, inconnus, qui regardaient l'expérience avec intérêt. Une lumière douce semblait traverser le plafond, et envoyer sur le corps du médium des rayons de lueur bleuâtre, ce qui lui donnait des secousses et le faisait trembler. Bien qu'il fût 2H30, la lumière du jour ne se voyait plus; la fenêtre paraissait obscure, mais la lumière spirituelle éclairait toute la scène. Le rév. Stainton Mosès entendait distinctement parler les Esprits, leur voix était semblable à la voix humaine, mais plus finement modulée, et comme très éloignée. Imperator dit que les esprits avaient voulu montrer comment ils opéraient. Rectos écrivait, et ce n'était pas comme se l'imaginait le médium en lui guidant la main ou en impressionnant son intelligence, mais en envoyant sur la plume ce qui paraissait une lueur bleue. La force ainsi dirigée faisait mouvoir la plume suivant la volonté de l'esprit. Pour montrer que la main n'était qu'un simple instrument, la plume en fut retirée et maintenue en position par le rayon lumineux. A la grande surprise de Stainton Mosès, la plume continua à écrire, seule : il ne put s'empêcher de jeter un cri, mais on le prévint de se taire, car il rompait les conditions de réussite.
Une grande partie de cette communication avait donc été écrite sans l'intervention d'une main humaine, et sans l'aide de l'esprit du médium.
Imperator expliqua que les sons étaient produits de la même manière, pouvant se passer d'aide matérielle. On entendit les « fairy bells » et on respirait un parfum subtil qui resta longtemps perceptible aux sens de Stainton Mosès revenu à lui-même.
Il n'a pas observé comment étaient produits les sons, mais a vu près du plafond ce qui lui semblait être une boite à musique autour de laquelle se jouait cette lueur électrique bleuâtre.
Les esprits étaient vêtus de blanc, lumineux par eux-mêmes. L'esprit du médium lui sembla porter la même robe blanche avec une ceinture bleue. Quelques-uns avaient en plus un vêtement pourpre.
Il fut dit au médium qu'il n'était pas facile d'écrire sans l'intervention humaine et que les mots ainsi écrits ne seraient pas correctement orthographiés; ce qui fut trouvé exact.
Comme il s'étonnait mentalement de ce que ces esprits parlaient anglais, plusieurs d'entre eux répondirent à sa pensée en employant différents langages: ceux qui ne lui étaient pas intelligibles furent interprétés par Imperator qui lui expliqua comment les esprits communiquaient entre eux par la transmission de la pensée.
Ensuite on lui commanda de revenir dans son corps, ce qui fut fait inconsciemment, et d'écrire ce qu'il avait vu.
La communication ainsi obtenue contenait cette phrase parmi d'autres.
« La nature spirituelle doit être développée, et pour cela nous devons employer aussi peu d'élément physique que cela est possible. Nous désirons faire comprendre à nos amis qui entrent sous notre influence que le caractère des esprits qui viennent à eux est en rapport avec l'élévation de leurs aspirations. Les influences mentales d'un cercle sont ressenties même dans le monde des esprits, et les influences qu'il en recueille sont en rapport avec cette direction. Dieu ne force pas les esprits à la vérité jusqu'à ce qu'ils soient préparés à la recevoir: ils doivent aller pas à pas, mais ils peuvent toujours s'élever de plus en plus par leurs propres efforts. L'influence du cercle détermine notre pouvoir, et plus les sens internes sont développés spirituellement chez un médium, plus il est difficile d'opérer avec lui, à moins que le cercle soit très petit et parfaitement harmonieux, les esprits des assistants étant ardemment fixés sur le progrès et l'enseignement spirituel, au lieu de l'être sur les choses terrestres. C'est à ce point que nous avons développé ce médium, qui obtiendra plus facilement des manifestations dans l'isolement et la passivité absolue, et quand il sera détaché de la terre mentalement et corporellement: les sens internes de l'esprit seront notre meilleur moyen de communication plutôt que les forces physiques du corps.
Nous cherchons à développer chez nos amis la perception et la soumission de l'esprit envers nous. »

Si cette expérience ne faisait pas partie d'un grand nombre d'autres, qui l'encadrent, pour ainsi dire, on pourrait ne voir dans ce récit que le résultat d'une autosuggestion du révérend          Stainton Mosès;  mais il avait obtenu fréquemment de l'écriture directe en même temps que se produisaient d'autres phénomènes physiques, lumineux et sonores, qui montraient manifestement par leur simultanéité, l'intervention d'intelligences étrangères au groupe des expérimentateurs, indépendantes de leur volonté, et accusant leur personnalité par une écriture identique à celle obtenue ordinairement par la main du médium. Donnons un exemple de ces séances remarquables.

Ecriture directe, semblable à l'écriture obtenue par le médium

Il est tout à fait intéressant pour nous d'établir que, lorsque l'écriture est produite directement, elle ressemble absolument à celle qui est donnée par la main du médium mécanique, car ce fait démontre, l'indépendance de l'intelligence qui se manifeste et prouve que l'automatisme cérébral n'a pas à intervenir;  les expérimentateurs restant à l'état normal, il ne peut y avoir dédoublement, celui-ci nécessitant presque toujours l'état léthargique du sujet.
Dans son étude sur les manuscrits laissés par Stainton Mosès,  M. W. H. Myers, écrit.

« Lorsque « l'écriture directe » était donnée dans ces séances, c’était pour chaque esprit la même que celle employée par chacun d'eux dans les inscriptions automatiques. Leur individualité était ainsi établie d'une manière décisive. »

Citons une de ces séances d'après les mêmes documents .

« 19 septembre. – Le Docteur, Mrs Speer et moi étions assis à la table dans l’obscurité, mais nous avions laissé le gaz brûler grandement dans la pièce à côté. Sur le parquet, sous la table, je mets un morceau de papier roulé et un crayon, en ayant soin de déchirer un coin du papier et de le donner au Docteur Speer pour le reconnaître à l’occasion. Nous entendons différents coups, puis des objets apportés et un bruit comme si on sciait du bois. Lorsqu'on nous apporta des lumières, Mrs Speer ramassa le papier. La surface supérieure était blanche, sur le dos du papier Mrs Speer écrivit: « j'ai pris le papier sous la table, avec l'écriture ci-dessous sur la surface touchant le parquet. » Le Docteur Speer et moi avons ajouté et signé: « Le coin ci-dessus a été déchiré par moi, Stainton Mosès, avant d'éteindre la lumière et je l'ai donné au Docteur Speer, après j'ai remis les deux morceaux ensemble. » Ils vont tout à fait bien et sont collés par deux timbres de cinq centimes sur lesquels nous avons, le Docteur et moi, écrit nos initiales.
L'écriture est exactement tracée sur les lignes du papier, il manque les initiales d'un ami mort.
Le monogramme que l'on voit en bas, à gauche, est celui d'un de mes amis, décédé aussi. J'imagine que le message a dû être écrit à l'envers. La signature est bien celle de son écriture décidée et ferme, ressemblant beaucoup à mon écriture automatique... »

Description de l'esprit qui produit l'écriture directe

Le fils du Dr Speer, qui assistait parfois aux séances, apporte également son témoignage et il est aussi instructif que les autres. Le voici .

« Un soir, nous étions réunis comme d'habitude, et j'avais la main posée sur une feuille de papier, en face de moi, avec un crayon à côté. Tout à coup le médium – M. Stainton Mosès, – qui était juste du côté opposé s'exclama: « il y a une colonne de lumière derrière vous! » Peu après il nous dit que la colonne de lumière s’était formée en un esprit. Sur ma demande s'il connaissait cette figure, il me répondit que non et me donna la description de la tête et des formes. A la fin de la séance et en examinant ma feuille de papier que ma main n'avait jamais quittée, je trouvai une communiation signée. C'était le nom d'un musicien distingué mort au commencement du siècle. Je fis exprès de ne rien lui spécifier, car l'usage des grands noms nous conduisait fréquemment à des résultats différents de ceux que nous attendions. Cependant voilà maintenant le plus extraordinaire de l'affaire: donc, sans montrer le message, je demandai à M. Stainton Moses s'il pourrait reconnaître l'esprit qui se trouvait derrière ma chaise, d'après une photographie. Il répondit qu'il pensait pouvoir le reconnaître. Je lui donnai alors plusieurs albums contenant des portraits d'amis vivants et morts, aussi quelques portraits d'hommes célèbres.
Je me retirai à l'extrémité de la chambre sans le regarder et ne sachant pas même quand il avait le bon album entre les mains. En arrivant à la photographie du compositeur en question, il dit aussitôt sans hésitation: « voici la figure de l'esprit que j'ai vu derrière vous. » Alors et pour la première fois, je lui montrai le message et la signature.
Je considère cet incident comme une très bonne preuve d'identité spirite et je crois que tout le monde trouvera cet exemple intéressant. »

Vision et photographie d'un esprit sous la forme d’enfant

Le Révérend S. Mosès obtint des preuves absolues que ses visions n'étaient pas des hallucinations subjectives, mais représentaient absolument des réalités. Déjà le cas précédent ne permet guère de doutes, celui que nous allons relater n'en laisse aucun non plus .

« Je commence, dit-il, par le cas d'un esprit qui a manifesté pour la première fois sa présence, le 4 septembre 1872, et est demeuré jusqu'ici en communication avec nous. Je signale ce cas parce que nous avons profité de ces relations prolongées pour arriver à nous former une opinion sur la question d'identité, et aussi parce que cet esprit a non seulement donné des preuves non douteuses d'une individualité bien caractérisée, mais s'est manifesté de différentes manières...
L'esprit en question annonça sa présence par des coups et donna un message en français. Il dit qu'il avait été la sœur du Docteur Speer et était décédé à Tours à l'âge de sept mois. On ne m'en avait jamais parlé et son frère avait oublié qu'elle eût existé, car elle était morte avant la naissance du docteur. Les clairvoyants avaient toujours décrit un enfant comme m'accompagnant et j'en avais été fort surpris, car je ne me connaissais aucun parent ou ami de ce genre. Ce fait me fournissait l'explication. Depuis le moment de sa première manifestation, elle resta attachée à la famille, et son clair et joyeux petit coup, d'un caractère si nettement individuel, a toujours été une preuve infaillible de sa présence. Il n'a jamais varié et nous le reconnaissions tous aussi sûrement que nous aurions reconnu la voix d'un ami intime. Elle donna des détails sur son propre compte et rappela sans erreur ses quatre noms. L'un d’eux était nouveau pour son frère et il le vérifia en se renseignant près d'un autre membre de la famille. Les noms, les dates et les faits m'étaient également inconnus. Je n'avais absolument aucune notion de l'existence d'une telle personne.
Cette jeune enfant manifesta deux fois sa présence au moyen de la plaque photographique. L'un de ces cas fut attesté par l'écriture directe et l'on pourra les trouver tous deux, clairement expliqués parmi nos travaux, dans le chapitre sur la photographie spirite publié par Human Nature Vol. VIII, page 395.
Voici le récit de ces deux faits.
La photographie dont il est question fut prise par Hudson, pendant qu'il demeurait à Palmers Terrace, Hollovay. Le petit enfant qui se trouve au centre de la composition est une jeune soeur du docteur Speer, l'assistant assis à gauche, au premier plan; la forme vaporeuse en avant et à droite est la mère de l'enfant. J'ai déjà dit plus haut combien cet esprit d'enfant s'était manifesté avec persistance dans nos réunions, presque dès le premier jour, venant le premier de tous avec un message en français pour démontrer son identité. Il y avait plus de 50 ans qu'elle avait quitté notre sphère d'existence, tandis qu'elle habitait Tours et n'était âgée que de sept mois.
Son joyeux petit message: « je suis heureuse, très heureuse! » fut le premier indice que l'on eût de sa présence, et le petit enfant que les clairvoyants décrivaient si constamment comme se tenant près de moi était ce même esprit qui, par toutes sortes de moyens indirects, s'efforçait de se faire reconnaître par son frère. Depuis lors, elle ne nous a jamais quittés et une séance se passe rarement sans que nous entendions son joyeux frappement. Elle habite la maison aussi assidûment qu'aucun des enfants de la famille et elle est pour moi aussi connue et aussi réelle qu'aucun d’eux. Je l’ai vue et j'ai entendu sa voix par mon sens intérieur; j'ai senti son contact et deux fois j'ai obtenu son portrait sur la plaque photographique.
Ce groupe spécial fut pris dans les plus strictes conditions d'expérimentation. Le Dr Speer et moi n'avons pas un seul instant perdu la plaque de vue et nous n'avons négligé aucune des précautions que j'avais annoncées au préalable. Nous pouvons affirmer sans aucune hésitation qu'aucun élément suspect ne s'est présenté.
Le lendemain du jour où la photographie fut prise était un dimanche et je pris part à un dîner de famille. Au moment où le dîner touchait à sa fin, je tombai graduellement en transe et de grands coups se firent entendre dans la salle à manger. On eut recours à l’alphabet; il fut prescrit au docteur Speer de se rendre dans la pièce où nous tenions ordinairement nos séances et où il trouverait un message qui lui était destiné. Il y alla, mais il ne trouva rien. On  lui conseilla par les mêmes moyens de chercher de nouveau et il découvrit à la fin, sous une étagère et placée de façon que les rayons directs de la lumière ne tombaient pas sur elle, une feuille de papier sur laquelle étaient tracés de curieux signes hiéroglyphiques. Pendant longtemps il nous fut impossible d’en rien tirer, jusqu’à ce que l’idée nous vint de les présenter devant un miroir. On trouva alors que c'était un message écrit de droite à gauche et de bas en haut. La même croix grossière qui terminait alors chaque message et que nous observons encore fréquemment aujourd'hui, se trouvait sur la feuille en question, et dès le premier coup d’œil le message devint intelligible. En le déchiffrant comme je viens de le dire, on peut lire ceci: « je suis l'Esprit d'amour. Je ne puis me communiquer, mais je suis près de vous. La photographie était celle de la petite Pauline. » Pauline était l'un des noms de l'enfant. Son nom complet, que nous ignorions tous, fut correctement épelé sur notre demande: Catherine, Pauline, Stanhope Speer, avec la date de sa naissance et celle de sa mort. Voilà un joli cas de cérébration inconsciente pour le Dr Carpenter.
Cet écrit ainsi obtenu dans une pièce où personne ne se trouvait, dans laquelle personne ne serait allé, et dans des circonstances où il eût été impossible de commettre une fraude (dans le cas où il eût pu venir à l'esprit d'aucun de nous de faire une telle action) nous donna la certitude de l'identité de cet esprit. Je dis que la supercherie était impossible: il n'y avait en effet dans la maison aucune personne capable d’exécuter une écriture hiéroglyphique aussi compliquée; personne n'aurait pu songer à agir ainsi; personne en dehors de nous-mêmes ne connaissait le nom de l'enfant Pauline. Le même agent qui avait donné le portrait s’évertuait ainsi à établir son authenticité.
Il nous suffit d’observer les portraits un seul instant, pour remarquer deux points particuliers. Le petit portrait est si parfait, qu'une puissante loupe révèle avec le plus de netteté le détail des traits et, entre autres, les longs sourcils qui caractérisent toute la famille. Un étranger n’aurait pas saisi de la sorte ce qui frappait tous ceux qui les connaissaient. En outre, l’habitude constante de ceux qui reviennent de l'au-delà est de faire ressortir leur identité par la reproduction de quelque particularité du vêtement ou de la tenue. Dans un autre portrait, c'est un chapeau noir. Ici c'est un large gant, qui se voit sur les mains de la mère, la figure agenouillée qui se tient le plus près de l'enfant. C'était son habitude de parcourir la maison, rangeant et époussetant en bonne ménagère, avec des gants trop larges aux mains. Elle tenait énormément à la blancheur de la peau de ses mains et prenait ces précautions pour la conserver. »

Encore une confirmation de la vision par la photographie

« Avant de terminer ce chapitre, continue le Révérend, je donnerai quelques détails complémentaires sur ce jeune enfant.
« Il y a environ un mois, nous voulûmes essayer de prendre une photographie avec M. Parkes, et elle apparut de nouveau. Je pris place près d'une petite table et tombai aussitôt en transe. Pendant une période de clairvoyance, je vis l'enfant se tenir debout ou flotter près de mon épaule gauche. Elle semblait se tenir près de la table, et je m'efforçais en vain d'appeler sur elle l'attention du Dr Speer. Dès que la pose fut terminée et que je m'éveillai, je déclarai ce que j'avais vu, et lorsque la plaque fut développée, on vit une petite forme paraissant se tenir sur la table. La position était exactement telle que je l'avais vue et sentie. Le portrait, qui portait aussi des caractères communs à toute la famille, fut aussitôt proclamé par le petit esprit comme étant son portrait. Il éclatait de joie devant le succès de l'expérience. Ma vision était si nette, j'étais si certain de ce que l'on allait trouver sur la plaque, que j'aurais parié tout mon bien sur le résultat avant de l'avoir vu. »

Nous avons cru devoir citer ce passage parce qu'il fait corps avec les autres preuves relatives à l'écriture. Avouons que lorsqu'une vision influence la plaque collodionnée, il ne saurait y avoir d'hallucination et lorsque cette forme fluidique écrit, produit des coups frappés et se montre aux yeux clairvoyants du médium, tout cet ensemble constitue un faisceau solide que le scepticisme ne peut entamer.
Les phénomènes spirites, même dans le domaine restreint que nous explorons, présentent une variété extraordinaire. Nous allons voir qu'un incrédule devint non seulement médium écrivain mécanique, mais aussi guérisseur, et que cette faculté s'exerçait au profit de personnes qu'il n'avait jamais connues et dont l'existence lui était révélée pour la première fois par le pouvoir invisible qui dirigeait sa main.

Noms, adresse et guérison d'une personne inconnue du médium

Dans la traduction française du rapport fait par le Comité de la Société Dialectique de Londres, nous lisons le fait suivant .

« Le président donne la parole à M. J. Murray Spear qui s'exprime ainsi.
Lorsque j'entendis parler pour la première fois du moderne spiritualisme, je résolus de ne pas m'en occuper, car j'avais auparavant pris une part active à la constitution des Sociétés de tempérance, de paix, de fraternité, de droit des femmes, et autres entreprises morales, sociales ou religieuses, et cela au grave préjudice de mon temps, de mon argent et même de ma réputation. Je craignais d'avoir le même sort si je m'occupais de spiritualisme. Cependant je me laissai aller à prendre part à une séance et alors le nom de la femme de mon frère, morte depuis peu de temps, fut donné par l'alphabet. Son nom était Francès. Aucun assistant ne l'avait connue et, à plus forte raison, ne savait son nom. J'étais très intrigué de savoir comment ce nom était venu là et je me hasardai à examiner la question d'un peu plus près. En mars 1852, ma main fut poussée à écrire ceci: « nous désirons que vous alliez à Abington, chez David Vining. » J'ignorais qu'une personne de ce nom vécût dans cette ville. Abington était à vingt milles de Boston, mon pays natal, où le message fut écrit. Personne n'était près de moi pendant que je l'écrivais.
J'allai donc à Abington, conformément à l’indication. J'y trouvai une personne portant le nom que j'avais écrit, et qui, en outre, était malade et n'avait pas dormi depuis dix jours et dix nuits. Ma main se porta vers lui, se tendit dans sa direction, mais ne le toucha pas. Aussitôt toute douleur disparut et il tomba dans un profond  sommeil.
Deux points attirèrent alors mon attention:
1° ce pouvoir, quel qu'il pût être, se montrait intelligent, puisqu'il m'avait donné le nom d'une personne que je ne connaissais pas auparavant et m'avait conduit à son domicile;
2° il se montrait bienfaisant, puisqu'il m'avait fait soulager un malade.
Depuis ce moment, je fus envoyé dans beaucoup de localités, chez beaucoup de personnes pour accomplir de semblables oeuvres de bienfaisance. Une dame avait été frappée de la foudre. Je fus l'instrument dont se servit ce pouvoir, pour faire disparaître, en peu de temps, toute trace du mal. Je reçus des preuves aussi nombreuses que variées et je devins un adepte du nouveau spiritualisme... »

Dans ce cas, l'enchaînement des manifestations décèle une idée, un plan, une direction donnés par une intelligence indépendante de l'écrivain, et il nous parait qu'il faut fermer volontairement les yeux pour ne pas être convaincu de la véracité du Spiritisme.
Dans l'exemple suivant, ce sont des coups frappés qui accompagnent l'écriture et qui font comprendre au médium qu'il n'est pas le jouet de son imagination, ce que la signature exactement obtenue démontrait déjà.

Un oncle bruyant

C'est aussi dans le Rapport de la Société Dialectique  que nous trouvons consignée l'observation suivante, due à Mme  Leatitia Lewis. Voici son témoignage.

« Après avoir raconté les phénomènes physiques très variés dont elle a constaté chez elle la réalité et comment elle se réfugia chez une amie où elle finit par retrouver le calme, elle continue en ces termes.
Pendant mon séjour à Paris, en mai dernier, la première lettre que je reçus de ma fille, mariée à Stradey, constatait que les coups avaient commencé à se faire entendre chez elle, de la façon la plus évidente, dans les murs et autres parties de la chambre, souvent pendant le jour, mais plus souvent encore pendant la nuit. Elle était restée près d'une semaine sans dormir et avait eu le courage d'essayer de causer avec cet esprit tapageur en épelant les lettres; mais, quoique les coups fussent frappés en réponse, l'alphabet ne lui avait donné rien de net.
Cela dura au moins quinze jours, les coups devenant de plus en plus violents. Un jour qu'elle commençait à écrire, elle constata, avec une surprise mêlée de crainte, que sa main était obligée de tracer des lettres qu'elle ne pouvait lire. Il y avait bien des mots distincts, mais elle ne pouvait les comprendre. Voici la première phrase qu'elle lut, non sans difficulté: « voulez-vous commencer à croire que je suis présent?  Mon esprit restera troublé jusqu'à ce que j'aie révélé mon secret. » Ma fille demanda: «qui êtes-vous? » Il écrivit: Benj. Way. Comme elle insistait pour avoir le nom tout entier, Benjamin Way fut alors donné. (Benjamin Way est le nom de mon frère aîné, mort depuis plusieurs années, et la signature était exactement celle qu'il avait adoptée de son vivant). Elle demanda: « êtes-vous l'oncle Ben? » Il répondit: « oui, oui, ma chère enfant. »... L'esprit écrivit d'où il venait, mais je ne puis pas le dire, ni certains événements de sa vie passée. Pendant plusieurs jours, ma fille se plaignit et resta sous le coup d'une véritable terreur. Comme elle reprochait à l'esprit de la persécuter par ses coups de plus en plus violents, qui la suivaient partout, elle écrivait de nouveau ceci: « pourquoi vous plaindre ainsi? Vous me faites de la peine, ma chère enfant. Il faut me pardonner. »
J'ai cru devoir reproduire cette communication parce qu'elle est fort étrange et qu'elle donne l'explication du trouble éprouvé par l’esprit. En effet la préoccupation de celui-ci était de faire connaître où se trouvait son testament et de décrire la place qu'il occupait dans une grande caisse en fer blanc. L'esprit vint à moi parce que j'étais sa sœur favorite, mais il cessa de me poursuivre et de m'effrayer. Ma fille, voulant essayer de se débarrasser de cet esprit trop tenace, lui demanda d'assister à une séance que son mari lui avait dit devoir se tenir dans les environs de Manchester. Le médium était madame X femme d'un pasteur de W...
Mon gendre M. M...  qui ne croyait pas aux esprits, désirait assister à quelques manifestations et avait prié un de ses amis de le présenter, car il ne connaissait pas les assistants. Je dois bien avouer que ma fille avait bien prévenu par lettre son mari de ses ennuis, mais sans lui parler des révélations au sujet du testament . Elle lui avait dit seulement qu'au milieu de ses nombreuses manifestations, l'esprit Benj. Way lui avait révélé un secret.
La première séance ne donna que déception. Mme X... personne très délicate, faillit s'évanouir, tant sa main était frappée avec violence contre la table. Il fut impossible d'obtenir d’autres manifestations que des coups frappés et des mouvements de table. Quelques jours plus tard, M. M...  assista à une autre séance. Des questions furent posées par l'intermédiaire de Mme X... encore très fatiguée.
Lorsqu'on lui demanda s'il était bien celui qui avait promis de venir, l'esprit répondit: « oui, je suis ici » et il signa de son nom Benjamin Way, ce qui parut d'autant plus étrange, que ni M. ni Mme V..., n'avaient jamais entendu prononcer ce nom. Comme on lui demandait une preuve, il traça le dessin de la boîte de fer blanc. Ce fût pour ma fille une preuve que l’esprit avait bien tenu la promesse qu'il avait faite d'assister a la séance de W..., car ainsi que je l'ai fait remarquer, ma fille n'avait parlé à son mari ni du testament, ni de la boite en fer blanc. »

Nous sommes donc encore en présence d'un esprit qui se manifeste d'une manière identique dans des villes différentes, à des médiums qui ne se connaissent pas, et qui tient absolument à ce qu'on retrouve son testament. Evidemment il ne saurait s'agir dans les dernières expériences, de transmission involontaire de pensée, puisque le mari ne connaissait pas les détails qui lui avaient été cachés. Les partisans de la subconscience ne peuvent guère, avec leur hypothèse, expliquer non plus ces coups bruyants qui ont pour objet d'attirer l'attention, car il serait trop absurde de supposer que la subconscience de cette jeune dame était la cause de ces manifestations puisqu'elle ne soupçonnait pas leur raison d'être, avant que l'esprit ne l'eût fait connaître.
L'exemple suivant constitue aussi une bonne preuve de la personnalité de l'intelligence invisible qui se manifeste, car son écriture et ses idées s'expriment d'une manière semblable par l'écriture directe et par l'écriture mécanique, malgré le changement de médium. C'est bien un esprit qui saisit toutes les occasions qui lui sont offertes de témoigner de sa survivance.

Le cas de Madame  Mary Burchett

Nous avons encore recours au livre si documenté d'Aksakof  pour cette citation. En fait de communications transmises par l'écriture directe, dit-il, mais en grande quantité de la part d'une seule et même personnalité invisible, le cas de Mme Mary Burchett, raconté par elle dans le « Light » de 1884 (page 471) et 1886 (pages 322 et 425) est tout à fait remarquable. Dans l'espace de deux ans elle reçut une cinquantaine de messages dans l’écriture d'un ami intime, mort en 1883. De son vivant il ne croyait pas du tout « à la possibilité d'une vie après la mort »; et c'est pourquoi il dit dans son deuxième message: « c’est une révélation pour moi aussi bien que pour vous: vous n'ignorez pas combien j'étais réfractaire à toute foi en une existence future. »
Antérieurement à mon voyage à Londres, dit Aksakof, en 1886 j'écrivis à Mme Burchett et lui posai diverses questions, auxquelles elle répondit obligeamment par la lettre suivante, qui contient de nombreux détails inédits.

The Hall, Bushey, Herts (Angleterre) le 20 mai 1886
M. – Je regrette de ne pouvoir faire droit au désir que vous avez exprimé de posséder quelques spécimens de l'écriture posthume et naturelle de mon ami défunt, attendu que les messages qu'il m'a adressés, étant d'un ordre purement personnel, sont sacrés pour moi. Il m'a, en outre, prié à plusieurs reprises de ne les montrer à personne. Quant aux questions que vous me posez, j'y répondrai très volontiers.
1° - Relativement à l’écriture de mon ami: jusqu'à ce jour j'ai reçu de lui trente-quatre lettres, par la médiumnité de M. Eglinton: (écriture directe) les deux premières étaient écrites sur des ardoises, toutes les autres sur du papier. Une de ces lettres est écrite sur une feuille de papier à lettre que j'avais collée par les coins avec un peu de gomme, sur une des ardoises, de manière qu'elle pût être enlevée sans peine (voir « Light » 1884, page 472). En ce qui concerne les quelques premières lettres, bien que l'écriture ressemble beaucoup à celle de mon ami et qu'elles soient conçues dans un style et un langage qui lui étaient propres, je leur ai découvert en même temps une certaine ressemblance avec l'écriture d'Ernest, l’un des esprits-guides du médium, ce qui me déconcerta un peu. Mais cette vague ressemblance ne tarda pas à diminuer graduellement, et finit par disparaître tout à fait; et alors l'écriture des messages devint pareille à celle de mon ami de son vivant en tant qu'une écriture au crayon peut ressembler à celle faite avec une plume. Mon ami était autrichien de naissance, et son écriture, remarquablement jolie et fine, portait le cachet de son origine allemande...
2° - Tous les messages, sauf un, sont écrits en anglais, avec beaucoup de phrases en langue allemande. Durant sa vie, il avait également l'habitude de m'écrire en anglais. A l’approche de Noël, en 1884 je reçus, à mon grand étonnement, une lettre allemande (communication par l'écriture directe), écriture avec des caractères gothiques fort beaux et d'un style impeccable .
Eprouvant quelque difficulté à comprendre l’allemand, car à cette époque je ne connaissais cette langue qu'imparfaitement, j'exprimai mon regret que la lettre fût en allemand, ajoutant que j'aurais beaucoup désiré recevoir quelques lignes dans ma langue maternelle. M. Eglinton proposa obligeamment d’essayer. La feuille n'était écrite que d'un seul côté; il la retourna sur l'ardoise, que nous tenions de la façon habituelle, et peu de temps après j'entendis le bruit du crayon et trouvai quelques mots seulement, en anglais, dans le style habituel.
3° - Ces messages contiennent des allusions si nombreuses à sa vie sur la terre, qu’elles suffiraient pour me convaincre de son identité, sans que j'eusse eu besoin d'autres preuves, qui ne manquaient point cependant. Vous avez peut-être lu dans le livre de J. Farmer « Twixt two worlds » (Entre deux mondes) page 167, le récit d'une matérialisation remarquable, c’est moi qui l'ai communiqué ... Dans une de ses premières lettres, je trouvai une preuve frappante: il nomma, incidemment, un endroit en Allemagne et je me souvins alors qu'il m'avait dit l'avoir visité. C'est un nom assez bizarre, et je ne l'ai jamais entendu citer, ni avant ni après. Un jour que j'étais assise, seule, à une séance d'écriture automatique, – depuis l'automne dernier, j'ai développé en moi cette faculté, à un degré faible encore, – je fis allusion à ce fait et demandai à mon ami s'il voulait écrire par ma main, le nom du pays où cet endroit se trouvait. Je m'évertuai à rendre ma main aussi passive que possible, afin de n'exercer aucune influence sur la réponse; tout de même je m'attendais à lire « Autriche » ou « Hongrie ». A mon grand étonnement, ma main écrivit lentement le nom d'une ville, et alors je me souvins qu'au cours de l'entretien que j'eus avec lui, lorsque je lui fis observer la consonnance bizarre de ce nom, il m'avait dit que cet endroit se trouvait auprès de la ville de D.
J'ai toujours considéré cet incident comme fort curieux, bien que dans l'espèce il ne présente pas beaucoup d'importance.
MARY BURCHETT

Ce dernier fait peut être attribué parfaitement à la mémoire latente, mais le nom de l'endroit signalé dans la première écriture directe obtenue par Eglinton conserve toute sa valeur, augmentée encore par la parfaite ressemblance de l'écriture qui relate des détails circonstanciés de la vie de l'esprit. Quand, à une pareille somme d'évidences, s'ajoutent la vue et le toucher, la conviction devient absolue, à moins de nier purement et simplement la réalité de ces phénomènes. M. Aksakof a voulu contrôler les ressemblances d'écritures, voici ce qu'il dit à ce sujet.

« Il me reste à ajouter que, lors de mon séjour à Londres, en 1886, je saisis l'occasion qui se présentait pour moi de faire la connaissance de Mrs Burchett. Comme bien on pense, elle confirma ce qui précéde et me fit voir des spécimens de l'écriture de son ami, avant et après sa mort; mais il ne me fut pas permis d'en lire le contenu, de sorte que je n'ai pu examiner et comparer les deux écritures aussi soigneusement que je l'aurais voulu; j'ai seulement pu comparer la façon dont était écrit l'article « The », et je la trouvai identique; pour le reste, je constatai une ressemblance dans l'aspect général des deux écritures; mais la ressemblance n'est pas identique, et, de plus, l'écriture au crayon diffère toujours quelque peu de l'écriture à l'encre. »

Malgré ces réserves, le cas reste précieux, car Mme Burchett qui affirme la parfaite identité des deux écritures, semble douée de beaucoup de discernement;  mais c'est surtout à cause du contenu intellectuel des messages et de la matérialisation de l'écrivain pendant la séance avec Eglinton. Bien que des preuves aussi complètes soient très rares, nous pouvons en signaler encore une qui a une inestimable valeur, tant à cause de la durée des manifestations, que de la haute honorabilité du témoin.

Les Messages d'Estelle Livermore

Il ne serait peut-être pas possible de trouver un cas plus concluant, plus parfait comme preuve d'identité d'une forme matérialisée, que celui que nous présente l'apparition d'Estelle à son mari, M. C. Livermore, banquier à New-York. Ce cas réunit, dit M. Aksakof, toutes les conditions pour devenir classique; il répond à toutes les exigences de la critique la plus méticuleuse.
On peut en trouver le récit détaillé dans le « Spiritual Magazine » de 1861, dans les articles de M. B. Coleman, qui en tenait tous les détails directement de M. Livermore (ils ont été ensuite publiés sous forme d'une brochure intitulée: « Spiritualisme in America », par Benjamin Coleman, Londres 1861) et enfin dans l'ouvrage de Dale Owen, « Debatable Land », qui en a emprunté, les détails au manuscrit de M. Livermore. Signalons ici les principaux.
La matérialisation de la même figure s'est continuée pendant cinq ans, de 1861 à 1866, durant lesquels M. Livermore a eu 388 séances avec le médium Kate Fox et dont les détails ont été immédiatement enregistrés par M. Livermore dans un journal. Elles ont eu lieu dans une complète obscurité. M. Livermore était le plus souvent seul avec le médium qu'il tenait tout le temps par les deux mains; le médium était à son état normal et témoin conscient de tout ce qui se passait. La matérialisation visible de la figure d'Estelle fut graduelle ce n'est qu'à 43ème séance que M. Livermore put la reconnaître, au moyen d'un éclairage intense produit par une seconde figure qui accompagnait Estelle et qui se donnait le nom de Franklin.
Depuis lors, l'apparition d'Estelle devint de plus en plus parfaite et put supporter même la lumière d'une lanterne apportée par M. Livermore. Heureusement pour l'appréciation du fait, dit M. Aksakof, la figure ne put parler, sauf quelques mots qu'elle prononça, et tout le côté intellectuel de la manifestation dut revêtir une forme qui laissa des traces à jamais persistantes. Ce sont les communications par écrit que M. Livermore reçut d'Estelle, sur des cartes qu'il apportait lui-même, et qui furent écrites non par la main d'un médium, mais directement par la main d'Estelle, et même quelquefois sous les yeux de M. Livermore à la lumière créée « ad hoc ». L'écriture de ces communications est un parfait « fac similé » de l'écriture d'Estelle de son vivant. Le contenu, le style, les expressions, tout, dans les communications, témoignait de l'identité de la personnalité qui se manifestait; et outre ces preuves intellectuelles, plusieurs de ces communications furent écrites en français, langue qu'Estelle possédait à la perfection et que le médium ignorait complètement.
Il est clair qu'il ne peut y avoir hallucination de M. Livermore, car il conserve les messages qu'il a vu écrire: la supposition que c'est le double du médium qui se transfigure n'est pas plus soutenable, en raison des messages en français, il faut donc se rendre à l'évidence ou imaginer que M. Livermore a menti et joué une comédie indigne, ce que son rang dans la Société et son caractère nous interdisent absolument de supposer.
Voici d'autres détails qui se rapportent plus particulièrement à l'écriture .

« Les communications furent toutes, au nombre d'une centaine, reçues sur des cartes que M. Livermore marquait et apportait lui-même, et furent toutes écrites, non par le médium (dont M. Livermore tenait les mains pendant toute la séance), mais directement par la main d'Estelle et quelquefois même sous les yeux de M. Livermore, à la lumière spiritique créée « ad hoc », lumière qui lui permettait de reconnaître parfaitement la main et même toute la figure qui écrivait. L'écriture de ces communications est une parfaite reproduction de l'écriture de Mme Livermore vivante. Dans une lettre de M. Livermore à M. Benj. Coleman dont il avait fait connaissance en Amérique, nous lisons: « nous venons enfin d'obtenir des lettres datées. La première de ce genre, datée du vendredi 4 mai 1861, était écrite très soigneusement et très correctement, et l'identité de l'écriture de ma femme a pu être établie d'une façon catégorique par des comparaisons minutieuses; le style et l'écriture de « l'esprit » sont pour moi des preuves positives de l'identité de l'auteur, même si on laisse de côté les autres preuves encore plus concluantes, que j'ai obtenues. » Plus tard, dans une autre lettre, M. Livermore ajoute: « son identité a été établie de façon à ne laisser subsister l'ombre d'un doute: d'abord par son apparence, ensuite par son écriture et enfin par son individualité mentale, sans compter les nombreuses autres preuves qui seraient concluantes dans les cas ordinaires, mais dont je n'ai pas tenu compte, sauf comme preuves à l'appui. » M. Livermore, en envoyant quelques-unes des communications originales à M. Coleman, lui avait envoyé aussi des spécimens de l'écriture d'Estelle de son vivant, pour les comparer, et M. Coleman trouve les premières « absolument semblables à l'écriture naturelle. » Deux « fac-similés » de ces communications écrites sont joints à cette brochure  et on les retrouve dans le « Spiritual Magazine » de 1861, où les lettres de M. Coleman parurent tout d'abord. Ceux qui possèdent des lettres de Kate Fox (le médium) peuvent s'assurer que leur écriture n’a rien de commun avec celle des communications de M. Livermore.
Outre cette preuve intellectuelle et matérielle, nous en trouvons encore une autre dans plusieurs communications écrites par Estelle, en français, langue complètement inconnue du médium. Voici à ce sujet le témoignage décisif de M. Livermore: « une carte que j'avais apportée moi-même fut enlevée de ma main et après quelques instants elle me fut visiblement rendue. J'y lus un message admirablement écrit en pur français, dont Mlle Fox ne connaissait pas un mot . »
Et dans une lettre de M. Livermore à M. Coleman, je lis encore: « j’ai aussi reçu, il n'y a pas longtemps, plusieurs autres cartes en français. Ma femme connaissait très bien le français. Elle l'écrivait et le parlait correctement tandis que Mlle Fox n'en avait pas moindre notion. »
Nous trouvons ici une double preuve d'identité: elle est constatée non seulement par l'écriture en tous points semblable à celle de la défunte, mais encore dans une langue inconnue du médium. Le cas est extrêmement important et présente à nos yeux une preuve d'identité absolue.

Résumé

Nous avons vu dans ce chapitre se révéler la cause agissante à laquelle est due l'écriture automatique. Elle s'est présentée à nous de bien des manières différentes. Tantôt c'est un médium voyant qui décrit l'esprit auquel est due la communication; d'autres fois c'est l'écrivain lui-même, dédoublé, qui assiste à l'expérience et note soigneusement la position de son inspirateur. Parfois la vision est si nette pour l'oeil du clairvoyant qu'elle lui permet de retrouver l'image de l'apparition parmi une quantité d'autres portraits; enfin l'esprit lui-même se matérialise et écrit comme de son vivant, devant les yeux charmés de son mari.
Que deviennent dans ces cas spéciaux les ordinaires et banales hypothèses des incrédules? Supercherie? Non, car il y a vraiment trop de témoignages honorables, et leur nombre seul détruit cette possibilité. Hallucination? Pas plus, car nous avons constaté que la photographie a reproduit le portrait de l'être invisible qui assistait le Révérend S. Moses. Télépathie? Elle n'a pas plus que la clairvoyance à intervenir ici. Dédoublement inconscient des médiums? Nous avons vu qu'ils restaient dans la plupart des cas à l'état normal et que les choses révélées étaient inconnues des assistants. Concluons donc, enfin, que c'est bien l'âme humaine qui, après la mort, peut encore communiquer sa pensée à ces êtres délicatement organisés que l'on nomme des médiums, et bénissons cette magnifique découverte qui nous ouvre les portes d'un monde nouveau.

 
CHAPITRE VI

CONCLUSION

Sommaire: L'écriture automatique. – Les recherches en Angleterre. – Cas complexes. – L'écriture intuitive, auditive, et les dessins automatiques. – La certitude de la Médiumnité est absolue.

L'écriture automatique

Bien que nous ayons été obligés, par l'exiguïté de notre cadre, de négliger quelques variétés de phénoménes de l'écriture inconsciente, il n'en reste pas moins acquis que ces curieuses manifestations, si peu connues du grand public, se présentent à nous avec des caractères bien diversifiés au point de vue de leur contenu intellectuel.
Les quelques savants qui ont étudié les faits n'ont pas été au fond de la question. Ils se sont bornés à des analogies superficielles en n'envisageant que le côté psycho-physiologique de l'écriture, et ils ont basé leurs conclusions sur des observations incomplètes, puisqu'elles n'ont porté que sur des sujets hystériques qu'ils suggestionnaient. S'ils s'étaient donné la peine d'examiner les cas spontanés, ceux qui se produisent dans les familles ou dans les réunions où l'on s'occupe de spiritisme, il n'est pas douteux que nous serions aujourd'hui plus avancés dans ces études, qu'ils auraient conduites avec toute la précision que la science contemporaine apporte maintenant dans ses travaux.
Si incomplètes que soient encore les recherches publiées jusqu'à ce jour, elles nous auront du moins permis de comprendre, en partie, comment se produit l'écriture automatique, et les travaux de Charcot, du Dr Ballet, de MM. Einet et P. Janet nous font connaître par quel mécanisme mental l'automatisme peut se produire. Nous savons aujourd'hui que c'est pendant un état analogue au somnambulisme que cette écriture a lieu; nous avons constaté que le sommeil proprement dit n'est pas nécessaire pour amener la modification psychologique que l'on nomme état de charme, de crédulité, d'hemi-somnambulisme, etc. Nous n'ignorons plus que lorsque cet état se présente, il est caractérisé, comme le somnambulisme, par la perte de la mémoire des actes accomplis, pendant cette période. Mais cet oubli ne porte que sur une catégorie de faits, sur ceux qui utilisent le mécanisme psychomoteur de l'écriture. L'écrivain n'est pas scindé en deux personnalités qui coexisteraient pendant le même moment; nous avons discuté cette hypothèse et fait comprendre qu'elle est inutile pour rendre compte de toutes les observations, qui s'expliquent mieux en ne voyant dans les modifications psychologiques observées que des changements allotropiques, pour ainsi dire, de la personnalité. Une hystérique qui, sous l'empire d'une suggestion à réalisation                     post-hypnotique, écrit une communication, ne fait qu'exécuter un ordre reçu; elle n'a aucune spontanéité. Si, plus tard, elle écrit dans l'état second amené accidentellement par la     maladie, c'est une crise sporadique de somnambulisme, mais cela n'a rien commun, en dehors de l'acte mécanique de l'écriture, avec  l'automatisme que l'on observe chez les individus qui se croient médiums.
MM. Binet et P. Janet qui se flattent d'avoir donné l’explication de la médiumnité, sont donc dans l'erreur la plus absolue, s'ils se figurent que leurs contrefaçons ressemblent en quoi que ce soit au véritable phénomène spirite. Les nombreuses recherches faites depuis vingt-cinq ans au moyen de l'hypnotisme ainsi que les travaux de l'école de Nancy, nous ont éclairés  sur l'importance de l'autosuggestion. Nous avons compris alors ce qui paraissait inexplicable, c'est-à-dire la production chez des êtres nerveux, sous l'empire de l'émotion ou de préoccupations mystiques, de cet hémi-somnambulisme pendant lequel l'automatisme graphique peut se développer. C’est justement ce caractère d'inconscience qui a le plus frappé les expérimentateurs spirites et leur a implanté la conviction qu'ils se trouvaient bien sous l'influence d'une volonté et d'une intelligence étrangères, puisqu'ils ignorent absolument ce que leur main traçait sur le papier.
Nous avons signalé cette différence entre les hystériques et les automatistes que les premiers ignorent même qu'ils ont écrit, tandis que les seconds le savent fort bien, tout en ne connaissant pas le contenu des messages.

Les Recherches en Angleterre

La question en était là, lorsque les psychologues anglais l'ont examinée. Moins entichés de matérialisme que les expérimentateurs français, ils étaient disposés à faire la part la plus large au facteur, animique, tout en n'admettant pas encore l'action des esprits. « La Société de Recherches psychiques » était familiarisée déjà avec toute une série de phénomènes que les plus hardis parmi nos hommes de science ne regardent encore qu'avec méfiance.                    F. W. H. Myers, le regretté secrétaire de l'association anglaise, a fait faire un pas en avant à la vérité. Très documenté par les rapports incessants qui lui parvenaient de toutes parts, il a montré l'importance considérable qu'il faut attribuer aux souvenirs qui dorment en chacun de nous, à cette mémoire latente qui se révèle pendant le sommeil ou qui se manifeste par l'automatisme de l'écriture, si bien approprié à la réapparition de ces états subconscients que le somnambulisme ressuscite, et qui sont les bases de la mémoire active, de celle que nous utilisons sans cesse.
Il a fait ressortir également toutes les ressources que la clairvoyance peut offrir pendant le sommeil comme origine de renseignements ignorés que l'écriture révèle, et qui paraissent des preuves qu'une intelligence étrangère s'est manifestée. C'est avec la même sagacité qu'il nous met en garde contre les erreurs qui seraient commises si l'on ne tenait pas compte de la suggestion mentale et de la télépathie. Nous avons essayé de discerner les caractères auxquels chacune de ces causes se reconnaît et, d'une manière générale, si nous n'avons pas trouvé de critérium absolu pour différencier l'action de l'esprit humain de celle des désincarnés, nous avons planté quelques jalons qui permettront peut-être d'aller plus loin.
C'est justement en provoquant expérimentalement des communications entre vivants que nous trouverons les lois qui régissent nos relations avec les morts. Déjà nous avons indiqué les conditions qui favorisent la suggestion mentale; il nous reste maintenant à les préciser davantage. Il est nécessaire que nous sachions mieux quel est l'état physiologique du percipient au moment où il écrit sous l'action de l'influx mental qui lui arrive de l'agent.
Très probablement, toutes ces modifications bizarres de l'écriture en cercle, en zig-zag, en miroir, etc., que nous avons énumérées, tiennent à des dispositions organiques qu'il serait intéressant de pénétrer, car rien n'importe davantage que la connaissance des anomalies. C'est en cherchant à résoudre ces difficultés qu'on avive le plus souvent à des trouvailles imprévues. Si nous pouvions découvrir la nature de cette force qui sert de véhicule à la pensée, nous aurions encore simplifié davantage le problème, puisque nous serions capables de multiplier les expériences en utilisant à volonté cet agent de transmission. Nous arriverions ainsi à travailler méthodiquement et à substituer la science à l'empirisme, qui est jusqu'alors notre seule ressource.
Il semble bien que le moment est venu où l'on va s'occuper sérieusement de ces problèmes, puisque de toutes parts se fondent des Instituts qui ont pris pour objet l'étude des phénomènes psychiques, en comprenant sous cette étiquette, à dessein assez vague, les phénomènes de la médiumnité. Il serait hautement désirable que ceux qui vont collaborer à cette entreprise eussent l'esprit largement ouvert, car s'ils continuent les errements de leurs prédécesseurs, il y a de grandes chances pour qu'ils n'aboutissent à rien.
Sans doute, la science doit exiger toutes les garanties d'un contrôle absolument rigoureux, mais il ne faut pas non plus que par ignorance des conditions requises, ses représentants apportent des entraves insurmontables à la production des phénomènes. Que dirait-on d'un investigateur peu familiarisé avec la photographie qui s'aviserait de faire brusquement la lumière dans la chambre noire, au moment du développement d'une plaque? Le manque de connaissances spéciales peut retarder beaucoup l'obtention de résultats positifs. Il ne suffit pas d'opérer avec des sujets d'hôpitaux pour se faire une opinion, il faut également examiner les sujets sains et tenir compte de toutes les expériences quand elles sont bien faites. Il est certain, par exemple, que si M. Ochorowicz, qui est certainement un esprit avisé, avait suffisamment étudié, il n'aurait pas écrit les lignes suivantes.

« Le médianimisme inférieur n'est qu'une façon particulière de tromper les autres et soi-même. Dans l'écriture automatique, par exemple, c'est indubitablement avec soi-même que l'on se dispute; une couche de notre conscience pose des questions et une autre lui répond; une couche de notre entendement demande un mouvement et une autre l'exécute; l'une est gaie, l'autre mélancolique; l'une croit à tout et l'autre se moque de tout: l'une triche et simule, l'autre, reste sincère.
Ce mélange apparaît même dans les manifestations les plus élevées de l'hypnotisme et du médianismisme mais cela n'empêche pas qu'à côté de la suggestion triennale apparente, il y a la suggestion mentale vraie, et à côté de l'écriture automatique, son plus haut développement, l'écriture directe.  Savoir décomposer les éléments, tel est le problème de l'observateur . »

Oui, sans doute, mais il ne faut pas ignorer ou rejeter les expériences qui ne cadrent plus avec les théories qu'on a adoptées. S'en tenir exclusivement aux couches de la conscience qui se répondent, c'est reprendre l'hypothèse de Taine que les travaux contemporains n'ont pas fortifiée. Qu'il y ait de l'automatisme pur et simple, c'est ce que nous accordons volontiers mais encore ne faut-il pas généraliser, surtout quand on se trouve en présence de faits notoirement en contradiction avec cette théorie, tels que l'annonce par le médium de faits inconnus, parfaitement exacts, que la clairvoyance, la suggestion mentale ou la télépathie ne peuvent expliquer, pas plus que les autographes reproduisant l'écriture et le style d'un disparu que l'écrivain n'a jamais connu, etc. Il semble résulter de la citation précédente que               M. Ochorowicz croit à la réalité de l'écriture directe, mais aussi qu'il l'attribue à l'extériorisation du sujet. Cette manière de voir n'a rien d'illogique et doit parfois se produire, mais, ici encore, « sachons décomposer les éléments » et lorsque nous nous trouverons en présence d'écritures lapidaires grecques ou latines obtenues par une jeune fille, nous sommes bien obligés de conclure que ce n'est pas sa personnalité seconde, sa conscience subliminale, son double, tout ce qu'on voudra imaginer, qui tire de son fonds ce qui ne s'y trouve pas, à savoir: le latin et le grec.
L'automatisme a été la source d'un grand nombre de divagations que beaucoup de spirites ont attribuées aux esprits. Il en est résulté un certain discrédit jeté sur les communications et un trouble parmi les chercheurs sincères qui n'arrivaient pas à s'expliquer ces absurdités . Il a fallu que les preuves positives fussent excessivement nombreuses pour contrebalancer ces résultats fâcheux que l'on attribuait, faute de mieux, aux esprits trompeurs. Il est certain que ce facteur intervient aussi, mais bien moins fréquemment qu'on ne l'a cru. L'automatisme étant produit par une diminution de l'attention résultant de l'hemi-somnambulisme, l'écrivain se trouve dans une position analogue à celle du rêve. N'ayant plus le contrôle et la direction de ses pensées, il s'abandonne à des rêveries qui seront religieuses chez les mystiques, politiques, littéraires ou philosophiques chez ceux dont ces matières forment l'aliment intellectuel prédominant. Parfois, toujours comme dans le rêve, un véritable roman peut se former avec les éléments contenus dans la subconscience de l'écrivain, ainsi que l’a si bien montré          M. Flournoy. Cette genèse n'est pas toujours aussi achevée et elle se traduit alors par des    non-sens, comme ceux de l'évocation de Clélia.   
Il nous paraît que le critérium que nous avons donné: la révélation d'un fait inconnu de l'écrivain et des assistants, est déjà un moyen de prouver que si ce n'est pas un Esprit qui se manifeste, il existe du moins chez l'écrivain une faculté transcendantale de connaissance. Alors on examinera successivement toutes les causes qui peuvent intervenir, et si aucune ne peut rendre compte du fait considéré, il faudra en conclure qu'il est bien dû aux Esprits.
L'étude des manifestations spirites, ainsi comprise, devient assez difficile, car souvent l'automatisme se mélange à médiumnité, même avec les meilleurs sujets; il faut toujours se tenir sur ses gardes, et les travaux de R. Hodgson nous montrent quelle vigilance il faut déployer pour ne pas se tromper ou être trompé. Nous avons fréquemment nous-mêmes observé cette confusion que la lettre suivante, d'un de nos amis, met bien en lumière .

Cas complexes

« Pontivy, le 21 juin 1900
Cher Monsieur Delanne,
Permettez-moi d'ajouter aux nombreux faits de médiumnité, cité dans votre excellent journal, un fait qui nous est personnel, et que nous pouvons attester, mon mari et moi.
En 1868, car nous sommes de vieux spirites, nous habitions l'Algérie, et, à cette époque, j'écrivais quelquefois d'une façon tout à fait mécanique. Un jour, mon mari évoqua l'un de ses amis nommé Teegetmayer, qui s'était noyé douze ans auparavant. L'esprit répondit à son appel et, après une assez longue conversation, donna des nouvelles d'amis communs encore incarnés et perdus de vue depuis huit ou dix ans.
Entre autres choses, il me fit écrire mécaniquement l'adresse de l'un deux, Monsieur B., qui, d'après mon mari, devait alors habiter Berlin.
A son grand étonnement, l'esprit ne donna pas l'adresse à Berlin, mais à « Charlottenbourg, Bismarck strasse n° 16 ». Continuant la conversation, l'esprit parla également d'un autre de leurs amis, M. D., et annonça qu'il était mort, recommanda de l'évoquer et surtout de l'appeler quand on ferait de la musique, car il était fort bon musicien. En effet, à partir de ce jour, chaque fois que mon mari se mettait au piano, il appelait son ami D., et il lui semblait qu'il jouait avec plus de facilité.
Quelques jours après la réception de cette communication, mon mari écrivait à l'adresse indiquée, et à notre grand étonnement, car nous n'étions pas très convaincus, il faut le dire, de l'exactitude de l'adresse donnée par l'esprit, il reçut une longue lettre de son ami B., et la lettre se terminait par cette interrogation: –  « Comment as-tu reçu mon adresse? »
En 1872, mon mari, au cours d'un voyage d'affaires qu'il faisait en Allemagne, alla voir à Charlottenbourg son ami B., et celui-ci lui renouvela la question: « comment as-tu reçu mon adresse? »
M. Krell lui expliqua alors que c'était par l'intermédiaire de l'esprit de Teegetmayer, et il ajouta qu'il avait su également par lui la mort de leur ami D – « Comment D., s'écria M. B., mais il n'est pas mort, il habite Berlin et voici son adresse! » – Mon mari qui croyait avoir éveillé en son ami le désir de connaître le spiritisme, fut tout déconcerté, et cependant il fallait bien convenir que l'adresse donnée à M. B. était exacte. Donc la première partie de la communication était vraie, et la seconde fausse. Pourquoi? ...
Nous cherchâmes longtemps l'explication de cette mystification que rien ne justifiait, et un jour, en séance, on nous dit que l'esprit de Teegetmayer avait bien donné la première partie de la communication, mais que dans la seconde, un autre camarade, mort également, et nommé H., s'était substitué à lui, et avait, par la suite, pris le nom de D., craignant que mon mari, qui avait pour lui, de son vivant, presque de la répulsion, ne le reçut pas très bien. Or, il faut dire que ce M. H. avait au contraire une grande sympathie pour mon mari, et ensuite qu'iI était aussi très bon musicien, violoncelliste, excellent et artiste dans l’âme. Il s'était donc en quelque sorte couvert du nom de D., pour que mon mari le reçut avec affectation et l'appelât souvent près de lui par la pensée.
Ce fait, par lui-même, n'a sans doute aucune importance, mais il prouve néanmoins que la communication fût donnée par des esprits et qu'elle n'est ni de l'auto-suggestion, ni l'extériorisation de la pensée du médium ou de ceux qui étaient présents.
Au moment où nous recevions cette communication, ni mon mari, ni moi surtout qui tenais le crayon, ne pensions à ces Messieurs.
Nous appelions seulement Teegetmayer, lequel, soit dit en passant, dicta mécaniquement son nom, assez bizarre pour moi qui ne connais pas la langue allemande.
Voilà, cher Monsieur Delanne, le petit fait dont mon mari vous a parlé lors de son passage à Paris. Faites de cette lettre l'usage qui vous conviendra pour le bien de notre doctrine, et donnez-lui la publicité de votre journal, si vous le jugez nécessaire.
Veuillez agréer, etc.
                                                  M. KRELL, Pontivy, (Morbihan)

Remarquons que la première adresse n'a pu être attribuée à la clairvoyance du médium, car l'expérience était tentée pour la première fois, ce qui exclut la possibilité d'avoir, par dégagement pendant la nuit, acquis cette connaissance. L'hypothèse de l'intervention du nommé H. est possible, comme aussi celle de la subconscience du médium, bien que cette dernière supposition soit ici la moins vraisemblable.

L'écriture intuitive et les dessins automatiques

Nous n'avons pas abordé dans ce livre l'étude de la médiumnité intuitive parce qu'elle offre des caractères moins nets que l'écriture mécanique; nous possédons cependant des cas où elle a présenté les mêmes preuves d'une intervention étrangère que l'écriture mécanique. En réalité, la pensée de l'Esprit arrive avec moins de netteté par l'intuition, parce que c'est le cerveau du médium qui nous la transmet et qu'elle est exposée à subir des modifications en rapport avec le degré de développement intellectuel du sujet. C'est une sorte de traduction de l'influx fluidique et nous savons combien la difficulté est grande pour faire, même à tête reposée, une reconstitution fidèle d'une conversation que l'on a entendue. Il est presque sûr que les esprits ne nous transmettent que la pensée même, dégagée son vêtement littéraire; celui-ci lui est fourni par le médium et dépend de son instruction, de sa manière de ressentir, de son habileté plus ou moins grande à représenter par des mots ses états d'âme.
C'est en tenant compte de tous ces facteurs que l'on peut comprendre que l'inspiration produise des chefs-d'oeuvre quand elle arrive dans le cerveau d'un poète ou d'un artiste, alors qu'elle reste presque inerte chez ceux qui sont moins bien doués. Toutes proportions gardées, il en est de même dans nos séances spirites et il ne faut pas trop s'étonner si parfois le style ne correspond pas au nom qui est donné. C'est alors qu'il faut soigneusement scruter les idées, peser leur valeur, examiner leur enchaînement, et ne les accepter que si elles dénotent une intelligence vraiment distincte de celle du médium. Entre l'intuition et l'écriture mécanique il existe une infinité de nuances, qui correspondent à la diversité d'organisme des médiums. Les uns devinent les mots qui sont en train de s'écrire, pendant que leur main est entraînée mécaniquement; d'autres les entendent intérieurement; mais le plus souvent l'ignorance de ce qui s'écrit est absolue; de même que l'acte machinal d'écrire va depuis une impulsion irrésistible jusqu'à un simple désir de prendre la plume.
L'automatisme revêt encore une forme bien curieuse, c'est celle du dessin. Il arrive très fréquemment que pendant une séance, une personne qui se livre à des essais d'écriture voit avec surprise sa main faire des traits qui représentent des fleurs, des fruits imaginaires, des plans de maisons ou des paysages qui ne ressemblent en rien à ce que nous avons l'habitude de voir. Victorien Sardou a publié, il y a longtemps, dans la Revue spirite, des spécimens de ces bizarres compositions qu'il obtenait mécaniquement . On peut n'y voir que des fantaisies en ce qui concerne leur définition (maison de Mozart dans Jupiter, etc.) mais ce qui est sûr, c'est que l'inspiration n'en est pas subconsciente, puisqu'une planche sur cuivre a été finement gravée par l'illustre académicien, bien qu'il ne connût pas même les premiers rudiments de cet art. Il obéissait donc certainement à l'influence d'un artiste invisible.
D'autres médiums dessinent automatiquement en se laissant guider par l'imagination subliminale qui a parfois des conceptions fantastiques.
Mais ici encore, à côté de ces jeux de l'automatisme, nous trouvons des manifestations intelligentes qui se révèlent par des portraits fidèles de personnes que l'artiste inconscient n'a jamais connues. M. Hugo d'Alési, le délicieux auteur de ces affiches qui sont la joie de nos rues, et M. Desmoulin l'éminent graveur, en ont obtenu. Les preuves de cet ordre sont si nombreuses que l'on pourrait en composer un volume de la grosseur de celui-ci.
Nous croyons avoir, malgré notre cadre restreint, accumulé assez de récits probants pour faire comprendre au public combien les quelques études que les savants ont consacrées à cet ordre de faits sont insuffisantes. Dans leur parti pris, ils ont passé à côté de la véritable médiumnité sans savoir en discerner les caractères. Aveuglés par quelques ressemblances physiques, ils ont généralisé hâtivement sans tenir compte des observations faites dans le monde entier depuis cinquante ans.
Il nous semble que les documents que l'on trouve dans les archives du Spiritisme sont de la plus haute valeur et qu'il n'est pas permis de les dédaigner, sans s'exposer à faire montre d'une partialité bien éloignée du véritable esprit scientifique.
Le nombre des témoignages est considérable, car il n'est pas d'ouvrage ou de revue consacrés au Spiritisme qui n'en relate un certain nombre; n'oublions pas non plus que la plus grande partie des faits probants demeure inédite, par suite du caractère privé, confidentiel des messages; que ceux qui les reçoivent n'aiment guère à soumettre aux railleries d'une critique parfois peu délicate. Ceux qui sont connus suffisent à montrer la généralité du phénomène, qui se produit indistinctement dans toutes les parties du monde, avec un remarquable caractère de similitude, malgré les différences secondaires qui résultent des facultés médianimiques.
Nous avons constaté que les témoins sont honorables; qu'ils appartiennent généralement aux classes élevées de la population; que des magistrats, des médecins, des avocats, des généraux, etc., se portent garants de l'authenticité des faits qu’ils relatent et nous n'avons aucune raison de suspecter leur témoignage qui serait accepté sans hésitation dans tout autre genre d'enquête. Peut-on accuser tous ces témoins d'un aveuglement général? Nous ne le pensons pas, car enfin il s'agit simplement ici de savoir si les faits révélés par l'écriture sont ou non véridiques. Pour cela, il n'est pas besoin de grandes lumières, il suffit d'être de bonne foi. Mais, même au point de vue de la capacité scientifique, nous avons en notre faveur les récits de William Crookes, d'Alfred Russel Wallace, de F. W. H. Myers, de R. Hodgson, du professeur Hyslop, etc., qui sont des maîtres dans l'art d'observer avec exactitude. Si nous mettons en parallèle les mérites respectifs de ces savants et ceux de beaucoup de nos critiques, nous savons bien de quel côté penchera la balance. Les résultats signalés par nous ont d'autant plus de valeur, que la plupart de ceux qui nous prêtent maintenant l'appui de leur nom étaient, au début, des adversaires du Spiritisme. Ce n’est que contraints par l'évidence qu'ils ont proclamé la réalité des faits, alors qu'ils savaient bien que cette affirmation déhaînerait contre eux les colères des orthodoxies religieuse et scientifique, aussi intolérantes l'une que l'autre. Nous en avons eu un triste exemple en France, dans la persécution subie par le Docteur Gibier pour avoir osé raconter les phénomènes dont il avait été témoin en compagnie du médium Slade. Parlant de tout ce qu'il a vu, Crookes ne craint pas d'écrire: « je ne dis  pas que cela est possible, je dis que cela est. » Wallace, de son côté, écrit d'une manière originale: « lorsque je commençais ces études, il n'y avait pas de place dans ma fabrique de pensées pour une conception spiritualiste, cependant les faits sont des choses opiniâtres et les faits me vainquirent. Nous avons reproduit les affirmations analogues de MM. Hodgson et Hyslop, tous gens de science qui n'ont qu'un seul mobile, un seul guide, un seul intérêt: la découverte de la vérité.
Est-il admissible, croyable, qu'autant d'hommes distingués, physiciens, naturalistes, chimistes, etc., se soient grossièrement laissé duper par des saltimbanques? Qu'ils aient poussé la naïveté jusqu'à prendre des grimaces d'hystériques pour des faits scientifiques, alors qu'il était si simple de démasquer les simulateurs? Cette hypothèse est absurde et cependant c'est celle que l'on trouve le plus communément énoncée par les lumineux critiques du spiritisme. Une telle accusation est d'autant plus ridicule que certains des phénomènes sont inimitables, non seulement dans leur production physique, – exemple la main lumineuse descendant du plafond devant Crookes et écrivant un message, – mais aussi par le contenu qui est parfois l'autographe d'une personne morte, inconnue de tous les assistants, ou des phrases écrites dans des langues qui ne se parlent pas en Europe et qu'il est absolument certain que le médium ne connaissait pas.
Sans prendre même ces cas extrêmes, l'écriture des nourrissons ou celles de personnes illettrées ne suffit-elle pas à asseoir une conviction? Que peut-on objecter lorsqu'un enfant écrit en quelques jours une histoire détaillée de Jeanne d'Arc et de Louis XI ?
Qu'il y ait eu et qu'il existe encore chez les spirites des enthousiastes, des chercheurs qui manquent de sens critique, des gens réfractaires aux méthodes positives et froidement méticuleuses de la science, c'est un fait certain; mais c'est ce qui se rencontre dans toutes les croyances, dans toutes les professions, dans toutes les agglomérations humaines, quel que soit l'objet des recherches entreprises. Est-ce une raison suffisante pour rejeter systématiquement tout témoignage spirite? Parce que quelques médecins tuent leurs clients, il ne s'en suit pas que tous les docteurs soient des ignares et qu'il faille repousser la médecine.
Ces constatations sont presque des truismes, mais elles sont indispensables puisque tant de gens oublient, dans le feu de la polémique, ces vérités élémentaires.
En dépit de toutes les oppositions des retardataires, le fait spirite a une telle évidence, il possède une si grande force de conviction, qu'il marche à la conquête du monde. Vingt fois nos adversaires ont annoncé à grand fracas qu'il était mort et malgré ces enterrements, il poursuit sa marche triomphale, révélant à tous les hommes sincères un monde nouveau. Les hypothèses matérialistes ont fait leur temps. En vain leurs partisans ont voulu faire croire qu'elles étaient le dernier mot de la spéculation scientifique, les découvertes modernes leur donnent un éclatant démenti. L'âme humaine se manifeste avec éclat dans ces phénomènes de clairvoyance, de transmission de pensée et de télépathie qui montrent que l'homme contient une intelligence qui sait se soustraire en partie aux lois de l'espace et du temps qui régissent la matière inerte. La physiologie, la psychologie, la physique sont intéressées par les problèmes que soulèvent les nouvelles facultés de l'être humain et par les communications psychiques entre vivants. Devant cette suggestion mentale à grande distance, il devient nécessaire d'élargir les cadres de nos sciences afin que ces manifestations de l'être humain y trouvent leur place.
Sous l'irrésistible poussée de ces idées nouvelles que la presse spirite sème depuis cinquante ans dans le monde entier, on voit se lézarder le bloc tenace des préjugés et des erreurs; de toutes parts des organisations nouvelles prennent naissance; des esprits évadés de la routine universitaire ou de l'éteignoir théologique se réunissent pour étudier ce monde de l’au-delà, qui nous ouvre des perspectives infinies. Nous saluons avec joie cette aurore, car elle se lève sur une terre presque vierge qui recèle des trésors sans nombre. Déjà trop de hautes intelligences ont communié avec l'invisible pour qu'on puisse maintenant étouffer leur voix et bientôt la certitude de l’mmortalité rayonnera comme un phare grandiose pour éclairer la marche évolutive de l'humanité.


FIN
 
APPENDICE

Correspondances croisées

J'ai signalé les différentes raisons qui nous interdisent d'admettre que la télépathie suffirait pour expliquer toutes les communications médianimiques. Il en est de même pour la clairvoyance baptisée des noms de cryptesthésie ou de métagnomie. On ne doit pas perdre de vue que les médiums sont des êtres passifs et que si l'on peut admettre qu'ils soient particulièrement aptes à recevoir les influences télépathiques, cette disposition même les empêche d'être actifs comme le sont les sujets clairvoyants, et par conséquent de prendre connaissance, par lucidité, des choses qui leur sont inconnues. Il est tout à fait remarquable qu'au fur et à mesure que les incrédules s'efforçaient, en se servant des découvertes que nous avons faites, d'expliquer les phénomènes de médiumnité sans faire intervenir les esprits, ceux-ci se soient ingéniés à imaginer des procédés de communication sans cesse nouveaux pour démontrer l'indiscutable réalité de leur action spirituelle. C'est ainsi que depuis une quinzaine d'années, les correspondances croisées sont venues démontrer l'action des esprits par des phénomènes d'écriture que ni la clairvoyance ni la télepathie ne peuvent expliquer.
Dans son livre « La Survivance humaine », Sir Oliver Lodge décrit sommairement ce phénomène si intéressant. Nous allons lui faire quelques emprunts qui montreront nettement qu'aucune des explications précédemment données ne peut s'appliquer à ces cas remarquables .

« Le caractère principal de la correspondance croisée, dit-il, consiste en ceci: nous avons à étudier non pas les phénomènes produits par un seul médium animé par plusieurs contrôles apparents, comme nous l'avons fait jusqu'ici, mais inversement, les manifestations d'un seul contrôle apparent transmises par plusieurs médiums différents; ceux-ci écrivent automatiquement d'une manière indépendante, ils sont fort éloignés les uns des autres, quelquefois ils ne se connaissent pas; au début même, ils ne savaient pas quelle était la nature de la correspondance qui se poursuivait... »
« La caractéristique des cas étudiés par la Société anglaise de Recherches Psychiques est qu'on n'obtient pas, dans l'écriture d'un automatiste, la reproduction littérale et comme mécanique des phrases, contenues dans le texte d'un autre, on n'obtient pas même la reproduction de la même idée en des termes différents comme cela pourrait résulter d'une télépathie directe entre eux. Ce qu'on obtient est un fragment de message dans un texte qui semble n’avoir aucun intérêt ni aucun sens, et dans un autre texte un autre message fragmentaire, également sans signification apparente; mais quand nous réunissons ces deux textes, nous voyons qu'ils se complètent l'un par l'autre et qu'ils sont inspirés en apparence par une seule idée cohérente exprimée partiellement dans chacun d'eux. »

Malgré leur réserve bien connue, les savants de la S. P. R sont arrivés à cette conclusion que l'initiative d'une démonstration irréfutable de l'intervention des défunts a été obtenue. Voici en effet ce que déclare Melle Johnson .

« En attendant la possibilité de communiquer avec les morts, on peut supposer que, dans ces dernières années, un certain nombre de personnes ont essayé de communiquer avec nous; elles sont assez instruites pour connaître les objections faites aux preuves antérieures par de raisonnables sceptiques, et elles sont assez intelligentes pour bien comprendre la  force de ces objections. On peut supposer que ces personnes ont inventé un moyen – celui des correspondances croisées – pour répondre à ces objections. Il est certain que les correspondances croisées sont un élément caractéristique de l'écriture automatique recueillie par nous dans ces dernières années, notamment les textes de Mme Verrall, de Mme Forbes, de Mme Holland, et, plus récemment encore, de Mme Piper...»

C'est bien l'esprit de Myers qui, après sa mort, a imaginé ce procédé pour démontrer d'une manière irréfutable, lui qui connaissait toutes les objections faites par les sceptiques, qu'un Esprit de l'espace peut indiscutablement prouver la réalité de son intervention parmi nous. Melle Johnson en convient implicitement dans les lignes suivantes.

« Nous avons des raisons pour croire, comme je l'ai montré plus haut, que l'idée de donner, dans un écrit, le complément d'une communication donnée dans un autre ne s'est pas présentée à l'esprit de M. Myers de son vivant. Je n'en ai trouvé aucune indication dans ses publications. Ceux qui ont fait des recherches sur l'écriture automatique depuis sa mort n'ont pas imaginé davantage cette méthode, si réellement il y en a une. Ce ne sont pas les automatistes eux-mêmes qui l’ont découverte, mais quelqu'un qui étudiait leurs écrits; ce fait a toutes les apparences d'un fait importé du dehors; il suggère l'idée d'une invention indépendante, d'une intelligence active constamment au travail dans le présent, et qui n'est pas simplement l'écho ou le reste d'individualités passées. »

Ce dernier genre de phénomène confirme d'une manière absolue les conclusions auxquelles nous étions arrivés précédemment. Il est pour nous absolument certain que si les documents relatifs aux correspondances croisées étaient connus en France par une bonne traduction, l'évidence de l'intervention spirituelle post mortem, de Myers et de Hodgson éclaterait à tous les yeux. Espérons que ce travail sera fait un jour et qu'il contribuera à la démonstration de l'Immortalité et des rapports que nous pouvons entretenir avec les habitants du monde invisible.

Book-Tests

Une autre série de faits vient confirmer, à sa manière, l'indépendance des inspirateurs invisibles. Ce sont les phénomènes que l'on a appelés les « book-tests ». Voici en deux mots en quoi ils consistent: un médium reçoit, au cours d'une communication une citation qui n'a aucun rapport avec ce qui est écrit précédemment. L'intelligence agissante informe que cette phrase est prise dans un ouvrage inconnu du médium et des assistants. L'esprit indique la bibliothèque, jusqu'alors inconnue du médium et des assistants, dans laquelle se trouve l'ouvrage. Ici aucune possibilité de clairvoyance ne peut être invoquée et toute collusion est rendue impossible par le nombre des expériences car, fréquemment, ce sont des livres très rares et presque introuvables desquels le passage a été extrait.
Quelque chose de plus convainquant encore ce sont les « newspaper-tests » L'idée consiste en ceci.

« Rattacher les souvenirs anciens ou les connaissances présentes du communicant à des détails qui n'ont pas encore été rendus publics et qu'on trouvera dans une publication non parue mais sur le point de paraître. Jusqu'à ce qu'il ait vérifié le test par l'examen de la feuille désignée, d'ordinaire le consultant n'a aucune idée de la forme que cette vérification prendra. Deux courants de connaissances s'unissent dans une expérience de manière à exclure toute suggestion d'action télépathique entre des esprits humains. »

Dans la conclusion de son rapport, le Rev. Charles Drayton Thomas  après avoir démontré l'impossibilité d'expliquer les faits par l'erreur, la supercherie ou une action télépathique quelconque, déclare que, suivant lui, c'est l'esprit de son père qui est  l’auteur des phénomènes.

« Celui-ci se présente comme un expérimentateur apprenant par la pratique à exécuter un programme tracé par un groupe d'esprits plus vieux et plus avancés au profit de ceux qui sont encore sur terre et qui font de sérieux efforts pour comprendre. Ce groupe se rendant compte combien est déconcertante notre incertitude sur les limites possibles de la télépathie dans l'explication des phénomènes médiumniques, a imaginé plusieurs méthodes pour nous aider à éliminer cet élément. Les « book-tests » sont beaucoup plus difficiles à expliquer par n'importe quelle extension imaginable de la télépathie que ne l'avaient été quelques-uns des phénomènes qui les avaient précédés. Et maintenant les « newspaper tests » ont pour but de faire faire un pas de plus à ce processus d'élimination. »

On le voit, les preuves de la communication spirite dans chaque ordre de phénomène sont aussi nombreuses que variées; il n'est pas douteux que l'avenir nous en apportera encore de nouvelles et que devant le nombre et l'écrasante évidence de ces manifestations, le Spiritisme apparaîtra ce qu'il est réellement, c'est-à-dire la démonstration scientifique de l'Immortalité.

G. D.
 
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